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Citation de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
Au point de vue chrétien (et en dépit de toute esthétique), toute existence de poète est péché, le péché de se livrer à des fictions au lieu d’être, de se rapporter au bien et au vrai par l’imagination au lieu d’être ces choses, c’est-à-dire au lieu de s’efforcer sur le plan existentielle de les vivre de façon existentielle. L’existence de poète dont nous parlons ici diffère du désespoir en ce qu’elle a l’idée de Dieu et se passe devant Dieu, mais elle est dialectique dans une immense mesure et constitue une espèce d’impénétrable imbroglio dialectique empêchant de voir dans quelle mesure elle a l’obscure conscience d’être péché. Un semblable poète peut avoir un besoin religieux très profond et son désespoir comporte l’idée de Dieu. Avant tout, il aime Dieu, son unique consolation dans son tourment secret que pourtant il aime aussi et refuse d’abandonner. Il est tout disposé à être lui-même devant Dieu, sauf au point précis où son moi pâtit ; là, dans le désespoir, il ne veut pas être lui-même ; il espère que l’éternité fera disparaitre cette infortune, mais ici-bas, malgré toute la souffrance qu’il endure à ce sujet, il ne peut se résoudre à s’en charger, à s’en humilier en croyant. Il n’en continue pas moins de se rapporter à Dieu et cette piété fait toute sa joie profonde ; pour lui, la pire épouvante serait d’avoir à se passer de Dieu, « ce serait à désespérer » ; et en fait pourtant, il se permet, peut-être à son insu, de se représenter Dieu un peu autrement qu’Il n’est, un peu à la façon d’un tendre père qui se plie aisément à l’unique désir de son enfant. Comme l’amant qu’une passion malheureuse a rendu poète trouve sa félicité à chanter le bonheur de l’amour, il devient aussi le poète de la religiosité. Dans ce domaine, il est devenu malheureux ; il comprend vaguement qu’il est exigé de lui qu’il s’affranchisse de ce tourment, c’est-à-dire qu’il s’en humilie en croyant et s’en charge comme d’un élément de son moi ; car il veut le tenir en-dehors de lui, mais de la sorte justement, il le garde fixé en lui, bien qu’à vrai dire cette conduite signifie à ses yeux qu’il s’en sépare autant que possible et s’en délivre autant qu’un homme en est capable (et il faut l’entendre à rebours, toute parole d’un désespéré étant exacte à condition d’en renverser le sens). Mais il ne peut s’en charger en croyant, c’est-à-dire qu’en dernière analyse il ne le veut pas, ou encore, qu’ici son moi plonge dans l’obscurité.
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