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Citation de Luniver


En vérité, au commencement, il n'y avait que la Ténèbre noirâtre, et, dans cette ténèbre, la Magnéticité qui triturait les atomes avec bonheur, car à force de se heurter l'un l'autre, en tourbillonnant, ils engendrèrent le protocourant et avec lui la Luminescence Première. Alors les étoiles s'enflammèrent, les planètes se refroidirent, et dans les profondeurs d'icelles, naquirent les Protomaches, toutes menues, qui engendrèrent les Protomachines, puis les machines primitives qui naquirent du souffle de la Sainte Statistique. Elles ne savaient poins encore compter, mais elles apprirent en moins de deux, à force de se mettre en quatre, et, grâce à l'évolution naturelle elles y parvinrent finalement en cinq secs. Enfin, elles engendrèrent les Multistats et les Omnistats, et c'est à partir de ces derniers que naquit le Robotopithèque qui engendra à son tour notre ancêtre l'Automatus Sapiens... ensuite, il y eut le robot des cavernes, puis les automates pastoraux ; et, lorsqu'ils se furent multipliés, des États entiers se formèrent. Les robots antiques produisaient l'électricité vitale à la main, par simple frottement, à la sueur de leur front. Chaque suzerain avait sa compagnie de preux, lesquels possédaient leurs serfs ; et ainsi, chacun frottait l'autre hiérarchiquement, du bas en haut de l'échelle sociale, dans la mesure de ses forces. Enfin, la mécanisation remplaça le travail manuel, lorsqu'un dénommé Quenouïe Symphilon inventa le frottoir, et que Gruaux de Parésie mit au point sa gaule à attirer la foudre. Cela inaugura l'âge d'accu, époque sévère pour tous ceux qui ne possédaient point leurs propres biens accumulatoriaux ; le sort de nos ancêtres dépendant du ciel, car lorsqu'il faisait beau, n'ayant point de batterie et ne pouvait traire les nuages, ils devaient amasser en mendiant watt après watt. Les temps étaient durs, car quiconque cessait de frotter ou de traire les nuages périssait misérablement après s'être déchargé. C'est alors que surgit ce magister diabolique, ce combinard, cet intellectuel rationalisateur, qui, par l'intervention de Satan, n'avait point trouvé au berceau d'âme charitable pour lui broyer le mufle en menus morceaux ; et le sieur se prit à enseigner et transmettre que les méthodes traditionnelles de liaison électrique, c'est-à-dire les circuits en parallèle, ne valaient rien ; il fallait dorénavant se relier dans l'esprit de ses nouveaux schémas, en série. Car lorsqu'un robot placé dans un rang se frotte, cela a pour effet d'alimenter les autres, mêmes les plus éloignés, et le courant jaillit alors abondamment chez tous, jusqu'aux écrous du nez. Il exposa si bien son projet, promettant à tous un avenir électradieux, que l'on se hâta de débrancher les anciens circuits parallèle centripètes et de mettre en vigueur la nouvelle électrotechnique kawotique.
[...]
Il advint alors que la moitié de la population, mettant les pieds sur la table, décréta : "Pourquoi se fatiguer à frotter ? Que le voisin le fasse donc à ma place !" Or le voisin tenait le même discours, à rebours s'entend ; et bientôt, la chute de tension fut si violente qu'il fallut adjoindre à chacun des controligateurs spéciaux, eux-mêmes encadrés par d'autres fonctionnaires de cadre supérieur. C'est alors qu'intervint l'un des disciples de Malepuce, répondait au nom de Célesius le Mystifique ; il proposa une légère modification : au lieu de se frotter soi-même, chacun frotterait l'autre ; puis il y eut Gaffus Altrucius, auteur d'un projet de batteurs-tourmenteurs, Macondrel Jagatte, qui suggéra de fonder des clubs et des cours locaux de massage ; puis un nouveau théoricien électrique lui succéda, Avoton Gargosier, lequel demanda à chacun de ne plus traire les nuages en les malmenant, mais simplement de les chatouiller délicatement, c'est-à-dire avec gentillesse, jusqu'à ce qu'ils finissent par céder leur courant. Après quoi il y eut Fracaston de Leyde, puis Zéron de Nullée, lequel suggéra d'installer des auto-grattes, appelées frictes ou frotissoirs ; puis Trichard de Jeumonfoux, lequel recommanda de battre et frotter tout ce qui vous tomber sous la main, en usant de la force si nécessaire. Or, en raison de toutes ces dévergences d'opinions, il s'ensuivit certaines frictions, lesquelles frictions entraînèrent des anathèmes, lesquels anathèmes excitèrent les blasphémateurs, lesquels blasphémateurs molestèrent à coups de pied Pharius Buttefrappe, prince héritier du trône des Tôlassiers.
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