Payot - Marque Page - Pajtim Statovci - Bolla
Je peux choisir ce que je suis, je peux choisir mon genre, je peux choisir ma nationalité, mon nom et ma ville natale en ouvrant tout simplement la bouche. Nul n'est obligé d'être la personne qu'il est par naissance, chacun peut se construire comme un puzzle.
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[... ] je voulais penser malgré tout que, s'il existait une grande part de chagrin et de souffrance sur laquelle il était impossible d'agir, il y avait d'autres choses sur lesquelles cela était possible. J'essayais de le lui faire comprendre, qu'il fallait se concentrer sur ce qu'on peut changer plutôt que de se désoler sur quoi on n'a aucune prise, que ça ne valait pas la peine de se dire que tout finirait par se détruire un jour.
p 203
Quelqu’un glisse dans ma boîte une lettre anonyme qui me dit de rentrer d’où je viens, et quand les vendeurs me suivent dans les magasins comme si j’avais l’intention de voler ça me donne tout de suite envie de le faire.
Ici les gens ont le temps d'entretenir leurs blessures, songé-je, de rester traumatisés pendant des lustres pour un motif dénué de la moindre importance, ils ont le temps de réfléchir au sens de la vie et ce, d'un jour, d'un mois, d'une année sur l'autre, à ce qu'ils veulent faire, au métier auquel ils vont se former, pendant que, dans mon pays d'origine des nouveau-nés meurent de fièvre et de sous-alimentation, des hommes tombent sous des balles destinées à venger l'honneur tandis que des femmes en fuite tombent sous les munitions que les hommes de leur propre famille ont confiées à celle de leur mari lors de leurs noces...
La première fois que j'ai rencontré ce chat, ce fut si déconcertant, comme de voir le corps de cent hommes parfaits en même temps, que je l'ai peint sur une feuille de papier épais, puis, l'aquarelle achevée et enfin sèche, je l'ai emportée partout avec moi, et nul n'a depuis croisé mon chemin sans répondre à ma question : "Votre altesse distinguée, puis-je me permettre de vous présenter mon chat ?"
Je ne me souviens plus avec crainte de ces légendes mais comme d'expressions de bonheur: un jour dans l'année cela peut fuser libre et sans souci, un jour....cela peut voler sans chaînes au-dessus des eaux et des bois,émettre en paix sa mélodie fière ,étirer son corps le long des vastes champs ,des collines et flancs de montagnes,se cacher au - dessus des nuages ou dispenser de ses ailes de grands pans d'obscurité pareils aux nuits sans étoiles ,tremper la brillance aveuglante de son cuir dans les lacs et rivières, s'endormir sur les pierres et les rocs chauffés par le soleil ,dans la chaleur brûlante s'enrouler aux troncs des arbres et sous le harnais feuillu des vieux chênes ,à l'abri de la pluie ; et,la nuit venue,se faufiler dans sa caverne où cela va se coucher après son harassante journée--un jour heureux ,ça lui suffit ;
Car la terre où cela fait alors sa demeure ,vois-tu ,c'est la terre des rois.(Page 246/247).
Pristina ,Kosovo,1995
La première fois ,je le vois traverser la rue.Ce qui me frappe en premier,c'est sa tête baissée qui se tourne à peine alors qu'il traverse un carrefour encombré, puis ce corps mince comme un fil que de longues jambes telles deux cordelettes traînent à leur suite .Ses cheveux sont divisés par une raie au milieu comme deux ailes de corbeau ,et il serre un tas de livres contre sa poitrine; il oubliecl'autre bras tantôt en arrière ,tantôt sur le côté, Puis enfonce la main dans sa poche pour remonter son Jean légèrement moulant en velours rouge foncé .( Page 17).
Je suis un homme qui ne peut être une femme mais qui, s'il le désire, peut avoir l'air d'une femme ; c'est ce que j'ai de meilleur, un jeu de masques que je peux initier et stopper à ma guise...
Je peux choisir ce que je suis, je peux choisir mon genre, je peux choisir ma nationalité, mon nom et ma ville natale en ouvrant tout simplement la bouche. Nul n'est obligé d'être la personne qu'il est par naissance, chacun peut se construire, comme un puzzle.
les mois où nous nous sommes connus c'étaient les meilleurs de ma vie, inaltérables, parce que nous n'avions pas besoin de nous expliquer quoi que ce soit, nous flottions dans l'espace, nous nous baignions dans les matins éternels, deux cadrans solaires.
2003,
Je suis entendu à plusieurs reprises.Les autorités me reposent les mêmes questions ,auxquelles je réponds de mon mieux toujours de la même façon. Oui,j'ai échangé des messages avec le garçon sur Internet et ensuite nous avons décidé de nous rencontrer,nous sommes d'abord allés manger dans un restaurant de hamburgers et apres nous avons quitte l'autoroute etcil m'a fait une fellation dans la voiture ,oui,je reconnais que cela s'est passé ainsibmais je ne l'ai forcé à rien,il ne peut s'agir d'un crime s'il l'a lui-même voulu,c'est lui-même qui me l'a proposé quand j'etais en train de le reconduire à la station -service où se trouvait sa bicyclette.( Page 129).