Citations de Stewart O`Nan (116)
Un animal de compagnie était, par définition, affectueux et malpropre, comme Rufus, mais surtout un être à aimer et qui vous aimait en dépit de vos défauts.
(Rufus est un chien)
Elle eut une vision d'eux prisonniers d'un frêle esquif au milieu des eaux. Ce serait une sorte d'épreuve, comme la survie sur une île déserte – mais c'était ça, le mariage, non ? Ils devraient s'entraider ou mourir.
Depuis les profondeurs de la nuit, comme un fantôme qui appelle à l'aide, Stahr * le réveilla. Il enfila son peignoir, tailla ses crayons et mit une bouilloire à chauffer. Il ouvrit son cahier et nota : «Stahr sait qu'il va mourir. La tragédie, ce n'est pas ça ; c'est Hollywood.»
[* Stahr est le personnage principal de l'ultime roman, posthume et inachevé, de Francis Scott Fitzgerald "Le dernier Nabab". Il est inspiré du producteur Irving Thalberg que l'auteur avait personnellement connu. Il meurt d'une pneumonie à l'âge de 37 ans.]
L'idée c'est de me faire passer pour plus étrange que je suis et du coup les gens peuvent se dire qu'ils sont normaux.
Depuis leur rencontre [NB : F-S Fitzgerald + Ernest Hemingway], il avait toujours servi de conscience politique, sinon artistique, à Scott. Qu'il fût déçu, compatissant, ou les deux, son opinion comptait beaucoup pour lui.Chaque jour, durant plusieurs semaines, il s'attendait à recevoir une lettre, un coup de téléphone ou un télégramme, prêt, comme un pauvre pécheur, à accepter son verdict, mais Hemingway ne se manifesta jamais.
Il n'ya pas de deuxième acte dans les vies américaines (F.S. Fitzgerald - Epigraphe du livre)
Le danger des vacances, songea-t-elle, était d'avoir trop de temps pour réfléchir.
Elle envisagea de prendre une autre tasse de café mais elle savait que cela la précipiterait dans un tourbillon, la briserait en fragments, ses pensées filant en tous sens, la plupart périlleuses.
Il avait du mal à se fixer longtemps sur une même pensée, alors pour occuper son esprit il se calait devant la télé. L'ennui, c'était que la moindre scène de film un peu poignante l'émouvait aux larmes. Un soir, il regardait Les Évadés, un de ses films préférés. Quand Morgan Freeman dit : « L'espoir est une bonne chose », il dut se détourner et inspirer profondément, plissant les yeux, craignant que quelqu'un le voie.
Quand elle sortit de la voiture, le vent s'empara des cheveux de la fille et en recouvrit son visage, si bien que sa première vision des McPheron fut obscurcie par ses propres cheveux noirs et épais. Les deux vieux s'étaient habillés pour l'occasion. Ils portaient des chemises neuves avec des boutons-pressions en nacre et des pantalons du dimanche tout propres. Leurs visages rouges étaient rasés de près et leurs cheveux gris fer étaient coiffés bien à plat sur leurs crânes avec un excès considérable de gomina qui les laissait si épais et si raides que même les bourrasques ne parvenaient pas à les faire bouger.
Avant même que l'avion ait amorcé sa descente, je me surprends à redouter les questions que mon enfance a laissées sans réponse. Annie. Mes parents. Mon propre temps perdu. Dès l'atterrissage, je sais que je ne serai plus capable de réfléchir clairement, que chaque Pizza Hut et chaque garage dont j'ai le souvenir, chaque portion de route que je connais par cœur me laissera abasourdi, comme l'amour.
"Tu es prêt ?" a-t-il demandé, et j'ai compris que, durant quelque temps, je n'échapperais pas à la petite fille ni à la gentillesse dont les autres croyaient que j'avais besoin. C'était normal, ai-je pensé. Même si, d'une certaine manière, leur sympathie était aussi embrouillée que mon chagrin et ne pourrait jamais s'y superposer, rien de tout cela n'était mensonger. J'essaierais de ne pas mettre ce cadeau en question.
Au volant de la voiture de son père, Glenn se récapitule le déjeuner - l'arrivée d'Annie en colère, le milk-shake à la vanille, la manière dont elle a dit oui pendant qu'il tenait le plateau -, d'une bretelle d'autoroute à l'autre, il revit ce moment de bout en bout jusqu'à ce qu'il lui devienne aussi familier qu'une chanson favorite.
Je suis sûr que tu sais désormais que la vie ne nous offre qu'un nombre restreint de chances, et on regrette amèrement celles qu'on a laissé passer, que ce soit par paresse, par faiblesse ou par orgueil. Tout ce que je te demande, c'est de t'accrocher, quelles que soient les difficultés, pour que, quant tu auras mon âge, tu puisses regarder en arrière et te dire que tu as fait tout ce que tu pouvais. Ainsi se termine le leçon.
Contre toute attente, il faisait partie de cette horde de déracinés, condamnés à errer au long des boulevards, et une fois de plus il s'étonna d'être tombé si bas et de sa capacité à mesurer sa propre chute.
De la bouche de chaleur, dans le coin provenait le son de la télé, dans la chambre de Margaret. Au lit, elle entendait encore faiblement l'écho d'une conversation tonitruante qu'elle couvrit du son de sa propre radio. La journée n'avait pas-elle donc pas été assez longue? Mais c'était sa faute, pensa-t-elle, elle était trop habituée à vivre seule. Elle les aimait tous tendrement bien sûr, mais elle avait oublié combien il était épuisant d'être entourée d'autres gens.
Si tout cela t'a appris une chose, c'est qu'il est plus facile de se débarrasser de l'espoir que du chagrin.
Allongée avec l’heure mensongère luisant au-dessus de son épaule, elle réfléchit à la nature du temps, arbitraire et changeante, et à la façon dont, à son âge, elle en était presque libérée. L’idée lui plut, elle avait l’impression d’avoir découvert quelque chose de fondamental. Faire faire un bond au temps revenait à admettre officiellement qu’aucune pendule ne pourrait jamais mesurer la rotation de la Terre sur elle-même, ni autour du soleil, ni la naissance, ni la mort, ni l’alternance des saisons, ni le jaillissement des jeunes pousses. Sans savoir pourquoi, elle trouvait réconfortant de flotter dans un état indéterminé, nébuleux, elle aimait se dire que le temps était imaginaire et malléable, comme si connaître son secret pouvait desserrer son étreinte sur elle.
Los Angeles n'avait jamais été sa ville, et tandis que les cafés encore ouverts et les drive-in défilaient de part et d'autre, il se dit qu'il comprenait pourquoi. Malgré toute la beauté tropicale de cette ville, elle avait quelque chose de dur, elle manquait de charme, elle était d'une vulgarité aussi typiquement américaine que l'industrie cinématographique [...]. C'était une ville d'étrangers, mais au contraire de New York, le rêve que vendait L.A., comme tout lieu mythique, n'était pas un rêve de dépassement de soi mais de prospérité infinie, que seuls pouvaient atteindre les très riches et les morts.
Je ne t'ai pas dit ? Si on te rend visite, si cette nuit se répète à l'infini, cauchemar niché dans le rêve, c'est qu'il y a une raison. Tu penses que c'est de la torture, mais tu sais que ce n'est que justice. Tu sais très bien pourquoi. Tu es le chanceux de l'histoire, tu t'en souviens ? Tu es vivant.
Les enfants ne sont pas cruels, ils sont curieux. Tels des savants, ils veulent voir comment les choses marchent, ce qui peut se passer.