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3.65/5 (sur 23 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Sylvie Durastanti est traductrice.

Elle est l'auteure d'une thèse intitulée "Mise en voix et mise en forme dans Naked Lunch de William S. Burroughs" soutenue en 1997 à Paris 7.

Traductrice de William Burroughs, Virginia Woolf, Clarice Lispector, elle est attachée au Théâtre du Châtelet en tant que traductrice des opéras du répertoire et responsable du surtitrage.

Ancienne étudiante du séminaire de sémiologie de Julia Kristeva, elle à traduit de livrets des opéras, qu'ils soient en anglais, en allemand, en italien ou en hongrois.

Elle est aussi auteure d'un essai, "Éloge de la trahison, notes du traducteur" (Le Passage, 2002).

Elle dirige la collection essais aux éditions Le Passage.

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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
Comment te dire, Eumos ? Nous vivons entre deux temps. Le temps de la maison, qui a toujours été rythmé par l’alternance des saisons et des travaux, et régi par la maîtresse. Et le temps des intrus qui sont venus tout bouleverser. Leur temps n’est qu’agitation, impatience, bruits et cris. Et le sien n’est que silence, retenue et patience. Pour l’instant, ces deux temps se chevauchent. Mais ils sont incompatibles.
Leur temps, est-ce le temps à venir ? Si oui, je prie pour qu’il n’advienne pas, et que revienne vite celui qui le fera avorter.
Le sien, c’est celui que nous avons toujours connu, celui que nous aimons, aussi évident que la succession du jour et de la nuit, du soleil et de la pluie, des saisons familières.
Mais depuis l’arrivée de cette génération égarée, sans pères, nous sommes entrés dans une saison inconnue : saison absurde, où rien n’est produit, amené à maturité et engrangé. Tout y est dévoré et consumé sans égard au besoin, dans un désir vorace, sans frein ni mesure.
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Hélas, si chaque jour s'ouvrait avec l'ampleur d'une promesse, chaque soir se refermait sur une déception. Et les heures ensoleillées qui me ramenaient vers la nuit étaient exactement à la mesure d'un enfant : ce temps dérobé à la souffrance était un présent vivant, mais un présent minuscule.
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Face à l’absence, chacun d’entre nous vit ou survit tant bien que mal. Depuis qu’il est seul, mon beau-père reste à la campagne, près du village sur l’autre versant de la colline. Il s’est replié sur lui-même, à ceci près que lui-même semble absent. Quand il passe le voir, son petit-fils le trouve presque en loques, comme un mendiant. Tant qu’il faisait froid, il paraît qu’il restait au coin du feu, tirant des cendres des châtaignes rôties, qu’il grignotait avec un peu de vin de ses vignes, avant de s’endormir sur place. Ces temps-ci, jouissant de la tiédeur des derniers beaux jours, il dort à la belle étoile, à même la terre, sur un lit de feuilles sèches, tombées des vignes. Le jour, il veille sur ses figuiers, ses poiriers, ses pommiers, ses oliviers et son potager. Sans doute soigne-t-il tout ce qu’il a planté pour son fils.
Cet homme qui avait tout, tant de prestance, de terres, de gens attachés à lui, s’en est délesté, comme si cela lui pesait. Il semble presque détaché de tout, mais je n’en crois rien. Il a simplement sacrifié ce qui le liait aux hommes, dans un espoir insensé : conjurer les puissances ou les forces qui nous entourent de lui rendre son fils. Sa femme, elle, a senti ses forces s’épuiser peu à peu dans le chagrin. Lui, il n’est pas défait, il s’est simplement défait de tout, réduit à l’essentiel. Jamais il ne va à la mer. Quand il s’allonge sur sa couche de feuilles, entre ses plants de vigne, sous les grappes lourdes, il sent la chaleur sèche de la terre monter et l’envelopper. Mais l’automne n’a qu’un temps. Voilà pourquoi j’ai entrepris de lui tisser un drap fin et solide, quand j’ai vu arriver les jours où je devrais laisser mon fils s’éloigner de moi pour aller parmi les hommes. Après tout, j’avais consacré tant de temps à élever cet enfant que la maisonnée semblait tourner toute seule. En fait, il n’en était rien : peu à peu, Éri s’était chargée de veiller à tout, et je m’étais effacée. Aux yeux de tous, je reste la maîtresse, j’ai la clef du cellier. Mais quand je me mets au métier à tisser, notre monde continue de tourner. Même s’il tourne autour d’un centre vide. Oui, ton absence contagieuse vide le monde de sa lumière, et nous nous retrouvons absents de nous-mêmes. Ta mère s’est laissée couler à pic dans le chagrin. Ton père s’est laissé sombrer dans le dénuement absolu. Et moi, ai-je fait mieux jusqu’à présent ?
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À l’autre bout de la pinède, je m’arrête pour reprendre mon souffle, me ressaisir, et ne rien laisser paraître de ma peur, au cas où un autre des intrus serait déjà débout, dans ma propre maison. Surtout, que personne ne me voie y entrer comme une voleuse. Pour l’instant, cette maison est encore la mienne. Entre ses murs, je me sens forte. Et je peux me retrancher dans le quartier des femmes, où aucun des intrus n’a encore osé se risquer. De l’ouverture secrète à l’étage, je ne vois pas tout, mais j’entends presque tout. Si besoin était, ce qui vient de se passer me le prouve une fois encore : la force que me prêtent ceux qui m’entourent est feinte, pour une large part. Tout à l’heure, sur mon propre domaine, je n’étais plus maîtresse. Là-dessus, je ne me leurre pas. Jusqu’à présent, j’ai réussi à garder les intrus à distance, et, en somme, à les illusionner. Cependant, moi, je vois la vérité en face. Et si je ne suis plus maîtresse, que suis-je ? Une femme comme les autres. Une proie plus exposée que d’autres.
En passant le seuil, je vois Éri. Sans peser, son regard passe sur le voile si fin qu’il colle à ma peau moite, et une ombre d’inquiétude obscurcit ses yeux. Mais je lui souris calmement, et elle me sourit, comme si elle comprenait. Oui, quelque chose a failli se passer, mais rien ne m’est arrivé.
Le matin, Éri se lève très tôt. Comme moi, elle ne supporte pas de découvrir la grande salle en désordre. Quand je quitte la chambre du maître, où je dors toujours, elle a déjà tout rangé. Elle a ramassé les reliefs du dernier repas pour les jeter aux chiens, dehors ; elle a lavé les tables à l’éponge ; elle a répandu des cendres de myrte et de laurier sur les dalles tachées de graisse ; elle les a balayées ; puis, en plongeant la main dans la bassine posée sur sa hanche et pleine d’eau puisée la veille au soir, elle les a aspergées, toujours du même geste ample, avant de les balayer à nouveau. Enfin, elle a fait brûler dans une cassolette du romarin, elle a aéré la salle, puis elle a écrasé au pilon des fleurs d’immortelle pour parfumer l’air et elle a de nouveau rafraîchi les dalles de l’entrée. Grâce à son travail, l’odeur des viandes grillées ne flotte plus dans la salle, et la maison ressemble à ce qu’elle était jadis, à ce qu’elle doit être.
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Le temps est ce qu'on en fait. Peu de gens le comprennent : quand il est tard, il est rarement trop tard.
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[Télémaque s'est embarqué sur un navire, parti à la recherche de son père Ulysse, qui n'a pas pas donné signe devie depuis plus de 15 ans]

Quand j'avais dit à Eri qu'il allait vers son passé, en partant à la recherche de son père, je le pensais.Aujourd'hui, je pense différemment ? Serait-il parti vers lui-même ? [...]
Mais de mon côté, après avoir si fermement tenu et maintenu, il est bien dur de laisser aller. Serait-ce un tel arrachement s'il n'y avait rien à craindre ? Sans doute, d'autant qu'il y a toujours à craindre. (p.154)
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Je suis inquiète, je te l’avoue, Eumos. Cependant, je garde espoir. Quand je vois d’un côté une meute stupide et avide, et de l’autre une femme capable d’une telle ruse, je pense que l’avenir réserve peut-être des surprises aux tenants de la violence.
Lorsque j’ai dit à la maîtresse que chez nous, dresser le métier interdit aux hommes d’approcher et de rechercher une femme, elle m’a comprise, j’en suis certaine. Sinon, elle n’aurait pas agi dès le lendemain.
Elle a lancé à la cantonade qu’on ne pouvait laisser tant de fil se perdre, et elle m’a fait dresser le métier dans la salle des femmes. Nous verrons bien ce qu’il en adviendra.
À présent, je rentre, Eumos. Porte-toi bien, mon ami.
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Mais vois-tu, Eumos, elle, elle n'est pas le maître. Le maître n'est pas là. Et en l'absence du maître, elle n'est que la maîtresse. Entends-moi bien, Eumos. Elle n'est pas le maître. Toi, tu ferais autrement, si tu étais le maître, je n'en doute pas. Mais que ferais-tu, Eumos, si tu étais la maîtresse ? [...]
Comprends bien cela, Eumos : tu n'es pas le maître, mais tu es un homme. Elle n'est pas le maître, et elle est une femme. Ou s'il faut te le dire autrement : elle n'est pas le maître, car elle est une femme.
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Voilà l'île que j'essaie de défendre, à ma façon. Pas celle du domaine qui est le tien, avec ses terres, ses gens, ses bêtes et sa vaste maison. Car étant femme, je ne les possède pas. Et même s'ils t'ont été légués, je doute que tu les possèdes. Tu ne possèdes pas plus ta terre que je ne la possède. Mais elle te possède, et elle me possède. A travers ce qu'elle a de plus impalpable, de plus singulier: sa lumière, ses senteurs, sa poussière, son vent, son silence.
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