AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Sylvie Germain (760)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Magnus

Mais comment ai-je pu laisser un tel livre prendre la poussière sur mes étagères pendant tant de temps ? Quelle puissance dans les mots ! Quelle poésie dans le style. Si vous aimez Philippe Claudel, vous aimerez Sylvie Germain.



Le sujet est délicat. Un petit garçon allemand, Franz-Georg, doit changer un beau jour d'identité sans comprendre pourquoi. Il est bien trop jeune pour deviner que son père fait partie des médecins nazis œuvrant dans les camps de la mort ! De plus, non content de perdre sa véritable identité, il doit partir en Angleterre avec son oncle. Son père s'est exilé au Mexique, quant à sa mère... Bref, c'est sous son nouveau nom, Adam, qu'il va tenter de se construire. Mais avec une telle histoire, le peut-on vraiment ? Heureusement, il a son ours, Magnus, qui va prendre une place importante, suffisamment d'ailleurs pour qu'il fasse le titre du roman... Mais je n'en dis pas plus



L'écriture est fine et, si j'osais (mais vous savez que j'ose !), je dirais que Sylvie Germain a une plume de fer dans un style de velours.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          11312
Petites scènes capitales

Je termine cette année 2015 sur une franche déception. J'avais entendu parler en bien de Sylvie Germain et moi qui ne m'aventure quasiment jamais sur les pentes glissantes de la littérature actuelle, je crois désormais savoir pourquoi. Voilà qui ne m'encouragera pas à renouveler l'expérience.



La quatrième de couverture d'Albin Michel est pourtant fort engageante : « Tout en évocations lumineuses, habité par la grâce et la magie d'une écriture à la musicalité parfaite. » Il n'y a pas à dire, ils n'y vont pas de main morte chez Albin Michel. Mais moi qui ai l'habitude de lire quelques classiques, qui ai lu en doublette ce livre-ci avec un de John Steinbeck, et malgré l'outrage de la traduction, force m'est de constater qu'à l'aune de ma propre sensibilité, les évocations lumineuses sont plus à chercher chez Steinbeck que chez la brave Sylvie Germain.



Quant à la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite ", excusez-moi encore Mesdames et Messieurs de chez Albin Michel, mais il m'a semblé lire récemment un roman de Flaubert qui en impose légèrement plus dans ce registre. Mais vous n'êtes absolument pas obligés de me croire sur parole alors j'ouvre le livre, par exemple à l'amorce du chapitre 17, je cite :



« Georges-Édouard Falaize, le père des jumelles. Un jour, il est là. Là, chez eux, à table. Il n'a pas revu ses filles depuis des lustres.

Un homme de haute taille, comme Gabriel, un peu plus jeune que lui mais le front déjà dégarni, alors que le père de Lili garde intacte sa chevelure roux cuivré, légèrement ondulée. »



Okay, alors c'est donc ça la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite ", bon, j'avais cru que c'était autre chose. Mais peut-être, me direz-vous, ai-je choisi à dessein un extrait particulièrement creux et plat. Soit, prenons l'amorce du chapitre suivant, le 18, l'un des plus importants pour le déroulé de l'histoire :



« Il fait trop beau ce dimanche-là pour rester à la maison. Un jour de printemps précoce, frais et ensoleillé. Le père propose d'aller pique-niquer. Viviane emporte son appareil photo. La photographie est depuis quelque temps sa nouvelle marotte. " Faites-vous belles ! " a-t-elle dit aux quatre filles en prévision des prises qu'elle compte faire. Et elles jouent le jeu, même Chantal que son amourette rend maussade dès qu'elle n'est pas en compagnie de Gilbert. Elles s'habillent avec soin, choisissent leurs robes préférées, des foulards assortis. »



Ouh là ! effectivement ça dépote ! Mais bon excusez-moi de ne pas m'extasier devant une telle prose aux reliefs aussi prononcés que la Zélande, la Hollande et la Frise réunies. Et ce n'est pas l'emploi par moment surabondant et imbuvable d'un lexique ronflant qui fera de cette platitude un style au sens noble du terme. Une ponctuation sans âme vient couronner le tout.



Excusez-moi une dernière fois, Mesdames et Messieurs de chez Albin Michel mais pour la " magie d'une écriture à la musicalité parfaite " vous repasserez. Vendre des livres, c'est une chose, mentir sur la marchandise, c'est autre chose. Pourtant, je ne pense pas être insensible à la musique des mots ; quand je lis du Verlaine, par exemple, il m'arrive souvent de me faire la réflexion que sa langue a une musicalité parfaite, Corneille aussi. Curieusement, Sylvie Germain, au moins dans ce livre, n'a jamais suscité en moi de tels ébahissements. Alors sûrement que cela vient de moi, n'en doutons pas et n'en parlons plus.



Après la forme, le fond. Là, à cet endroit précis, une vraie critique vous sortirait une phrase bien sentie, un petit truc percutant qui vous ferait saisir en un mot les qualités de l'œuvre. En ce qui me concerne, le premier et le seul mot qui me vient à l'esprit c'est : PFFFF !



Qu'est-ce que j'ai trouvé ce livre pénible, mal construit, grosses ficelles, fourre-tout et sans intérêt ! Toutes proportions gardées, j'avais l'impression que l'auteur faisait avec son héroïne comme Stephen King dans Shining quand il rajoute louche sur louche pour bien nous spécifier que c'est de l'horreur qu'il s'agit. Avec Sylvie Germain, on fait dans le misérabilisme à deux balles.



La mère morte, bling ! la grand-mère qui calanche sous ses yeux, bling ! l'exhibitionniste, bling ! la famille recomposée avec les méchantes jumelles qui prennent toute la place (façon Cendrillon), bling ! le décès de la sœur, bling ! le frangin qui veut rentrer dans les ordres, bling ! (elle a failli nous faire le coup de l'homo, elle y a pensé très fort et s'est retenu au dernier moment) le père qui couche avec la sœur, bling ! la sœur qui accouche d'un bébé " phoque ", bling ! l'amour pendant mai 68 et la vie en communauté, bling ! (on a échappé au Larzac mais c'était pas loin), l'ancien amour devenu malfaiteur (un peu à la façon d'Action Directe), bling ! le frangin qui en fait est un Juif et que sa mère a juste eu le temps de refiler avant de se faire assassiner sous les yeux de la belle-mère, bling ! le cancer, bling ! le village englouti avec tous les souvenirs à cause de la construction d'un barrage, bling ! etc., etc., etc.



N'en jetez plus Sylvie Germain, la cour est pleine ! Non, franchement, un peu de sérieux, c'est quoi cette surenchère de mauvais goût ?! C'est Forrest Gump à la sauce franchouillarde qui vit tous les événements de la seconde moitié du XXème siècle en y prenant une part active ou en y vivant quelque chose de fort et de significatif.



Sans oublier, bien sûr de combiner des origines très diverses, la grand-mère espagnole, la belle-mère roumaine, le père en Nouvelle-Zélande au milieu des Maoris, le frère juif devenu catho, la sœur en Allemagne, l'autre en Suisse. C'est vrai que vous n'avez pas eu peur, ma chère Sylvie, on se croirait revenu aux plus belles heures de la publicité façon Oliviero Toscani et du slogan " United Colors of Benetton ".



Que vais-je retenir d'un tel salmigondis ? Un grand moment d'ennui et une nouvelle désillusion générée par la littérature française actuelle, cruellement en quête d'auteurs dignes de ce nom, d'auteurs dont on parlera encore dans cinquante ou cent ans. En somme, en ce qui me concerne à propos d'une éventuelle réconciliation avec la littérature actuelle, comme dit le perroquet de L'Oreille Cassée : « Caramba ! Encore raté ! »



Mais tout ceci n'est bien évidemment que l'expression de mon avis, n'ayant rien de capital, autant dire qu'il ne représente pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          10120
Brèves de solitude

Sylvie Germain a bien observé dans son dernier livre tous ces gens comme vous et moi, calfeutrés ou prisonniers dans leur bulle en attendant, comme nous le faisons tous actuellement, des jours meilleurs. De nos bulles naît alors ces brèves de solitude.



Il y a beaucoup de personnages dans ce roman, au point que j’ai eu l’impression de lire une nouvelle différente a chaque chapitre. Mais c’est plus subtil. Ces personnages tournent, se détournent et semblent surtout tous prisonniers de leur être tout entier. Sylvie Germain dans sa bulle a posé son regard et son temps à 1M50 des autres pour les voir accueillir cette solitude ou la haïr.



Une mère seule dans un hôme qui s’éteint faute au confinement, faute de ne plus voir son fils. Une jeune femme qui se questionne sur l’amour et le désamour quand le silence recouvre les balises sanitaires.

Tant et plus. Tous comme nous.

Certains s’éveillent, d’autres se meurent.



Une réalité difficile que nous vivons tous mais qui ne se veut pas lourde dans Brèves de solitude. L’écriture est fraîche, pleine, à demi mot, à la fois philosophique, surprenante.



Personne n’en veut plus de cette crise sanitaire. Mais il faut bien que quelque chose de bien surgisse de ces trop longs mois sombres. Brèves de solitude en est l’exemple.
Commenter  J’apprécie          793
À la table des hommes

« A la table des hommes » est un conte intemporel qui nous hisse au-delà de la haine tout en nous ancrant dans notre temps bouleversé par une violence dont nous avions cru être protégé, la guerre, le goût de la destruction et le mépris de la vie. Mais ces périodes de chaos n’ont-elles pas exister tout au long de l’histoire de l’humanité ? ne peuvent-elles pas générer une renaissance, être l’occasion de grandir ?



Ce conte revisite la Genèse à partir de la naissance obscure d’un être qui sort par étapes successives de sa condition animale pour atteindre progressivement à la connaissance de lui-même et des autres.

Ses débuts dans l’existence sont douloureux et confus. Il perd suite à un déluge de feu et de destruction deux mères la première animale, une truie et la seconde humaine qui le nourrit de son lait peu de temps victime, elle-aussi des suites de cette catastrophe peut-être atomique.

Une daine l’adoptera, le guidera jusqu’à ce que les hommes, dont il va apprendre alors à se méfier, la tue.

Il vit dans l’instant tous ses sens en alerte et gardera cette capacité à s’extraire du temps.

« Tout ce qui n’advient pas dans l’immédiat, ou presque, est pour lui un jamais. Il vit dans la plénitude du présent au sein d’une rondeur temporelle chaque jour renouvelée, non dans l’étendue indéfinie du temps. »



Il est prénommé Babel, à cause de la confusion de son esprit, par des femmes qui l’accueillent dans un village dont les hommes ont disparu.

A partir de ce moment, différent des autres, lui qui n’est « ni beau, ni laid (mais) particulier, et émouvant avec son regard d’innocent en alarme » va attirer sur lui au fil de ses rencontres compassion, désir de protection mais aussi la haine que peut faire naître son innocence, le désir de le faire souffrir.



Il va franchir, en fuyant pour survivre à la folie meurtrière des hommes, des frontières géographiques mais aussi faire tomber des frontières intérieures qui le maintiennent dans l’obscurité dont il va s’extraire en apprenant à lire et découvrant le pourvoir et la magie des mots. Il deviendra alors Abel : de la confusion qui l’habitait quand lui manquaient les mots, il va parvenir à un souffle, un souffle de vie fragile, beau, précieux dans sa fragilité même, qui lui permettra de se sentir relié aux autres et à l’Autre mais toujours « une mémoire obscure couve en lui qui se réveille au moment propice et lui inspire ce qu’il doit faire... »



Sylvie Germain nous tend par l'intermédiaire de ce livre un fil d’ariane qui peut sembler ténu. En le tirant elle ne nous offre pas de solutions, elle nous dit que la consolation peut venir de la conscience de la beauté fragile et fugace des choses et des êtres qui nous entourent, voués à disparaître. Beauté qu’il faut effleurer, contempler, protéger sans la figer sous peine de la détruire.



Elle nous dit que Babel devenu Abel « n’est plus avide de découvrir davantage le langage des hommes, il lui suffit de faire bon usage des mots qu’il a appris, de préserver autour de chacun d’eux un espace de silence où les faire résonner. Il n’est plus désireux de plaire à ses semblables, d’être accepté par eux, il lui suffit d’avoir été aimé par quelques-uns et d’avoir aimé ceux-là. Il a reçu sa part de fraternité, des destructeurs la lui ont arrachée, mais sous la douleur de ce rapt, il conserve la joie d’avoir un jour reçu cette part d’amour et d’amitié, et cette joie, personne ne pourra la lui retirer. »

Commenter  J’apprécie          740
Magnus

C’est l’histoire d’un enfant âgé de cinq ans quand on fait sa connaissance. Il a été très malade, a failli mourir du typhus, dont il a gardé comme séquelle une amnésie complète de tout ce qui s’est passé avant. Sa mère Théa Dunkeltal l’a ramené à la vie et lui a appris avec patience toute l’histoire de son illustre famille et lui a réappris l’allemand.

Le mari de Théa est un adorateur d’Hitler, directeur d’hôpital et ses deux frères Franz et Georg sont morts à la guerre de manière illustre, c’est pourquoi elle a donné à l’enfant le prénom de Franz-Georg.

L’autre personnage important du roman est Magnus, un ours marron clair dont l’une des deux oreilles en cuir porte une trace de brûlure et sent toujours le roussi. Cet ours appartient à l’enfant qui ne veut pas s’en séparer alors que Théa ne semble pas l’aimer.

Il tient beaucoup à ses parents et son père Clemens, le fascine : il est médecin dans un hôpital et les patients viennent de loin pour le consulter, donc il doit être quelqu’un d’important. Et le soir parfois il chante des airs de Bach ou Schubert de sa belle voix de Baryton basse tandis que Théa l’accompagne au piano. C’est un moment heureux car le reste de temps, ce père souvent absent se désintéresse de l’enfant trop rêveur donc pour lui, paresseux.

Peu à peu, l’atmosphère devient lourde à la maison, et ses parents changent plusieurs fois de nom et le père finit par fuir au Mexique. On comprend alors, que le brillant médecin est en fait le directeur d’un camp de concentration, pas uniquement en admiration pour le régime Nazi, il en a été en fait une personnalité importante et il sera jugé pour crime de guerre (alors qu’il a fui au Mexique).

L’enfant entend avec horreur tout ce qui se dit sur son père et sur ceux qui étaient leurs amis avant alors que sa mère reste obstinément dans le déni. Ce sont des mensonges, les photos sont truquées. Elle s’accroche a ses chimères quand elle apprend que Clemens est mort. Dés cet instant plus rien ne l’intéresse et elle confie l’enfant à son frère Lothar, pasteur qui a fui en Angleterre pour échapper aux persécutions Nazies et dont la femme Hannelore est juive.

Une nouvelle vie va commencer pour lui, avec un changement de nom : il prend le nom de famille de son oncle et devient Adam Schmalker. Grâce à Lothar il apprend qui était réellement Clemens Dunkeltal et sa famille. Est-ce que le changement de nom suffit pour avoir une nouvelle vie ?









Ce que j’en pense :



C’est le premier roman de Sylvie Germain que je lis. Cela fait des mois que j’attends que son livre « petites scènes capitales » soit disponible à la médiathèque et pour patienter j’ai choisi de lire « Magnus ».

L’auteure nous raconte toute l’histoire d’Adam, cette enfance bizarre sous le règne du mensonge, sa deuxième vie chez Lothar où il apprend l’anglais et encore plus rapidement l’Espagnol qu’il adore, et poursuit ses études, avec ses premiers émois d’adolescent, son premier baiser avec Peggy Bell. Il ne se sent quand même pas le fils de la maison. Il a honte de ses parents à qui il ressemble si peu physiquement

L’auteure nous présente l’histoire d’Adam de façon très originale ; elle alterne les « fragments » de sa vie avec des renseignements historiques, ou légendaires qu’elle appelle « notule », des extraits de poèmes appelée « séquences » et enfin les « résonnances », échos des réflexions du fragment précédent. Cela rend le livre plus léger et elle commence par le fragment 2, pour nous présenter le Fragment 1 quand on est prêt à entendre le début de la vie d’Adam, au bout de presque cent pages.

L’ours Magnus tient une place importante. On ne sait pas qui s’appelle Magnus, lui ou l’enfant, car les lettres sont brodées sur un foulard noué autour du cou de l’ours. Il est le lien avec sa vraie mère et détient peut-être la clé de son identité.

Il y a un hommage rendu aux Lettres dans le roman : c’est après avoir lu un livre écrit en espagnol, que May lui a prêté, qu’il se perd dans le désert Mexicain et frôle la mort : expérience initiatique ; mais aussi l’auteure cite, dans ses « séquences », des poèmes de Supervielle ou Thomas Hardy pour ne citer qu’eux.

La musique tient aussi une place importante : la vraie musique avec le moment de communion entre Adam et Clemens quand il chantait Bach ou Schubert. Mais est-ce seulement pour ce moment magique que Sylvie Germain insiste autant ? Et le musique des mots qu’elle emploie.

Elle réussit à introduire un article qu’Hannah Arendt lors du procès d’Eichmann et son idée de « la banalité du mal » pour expliquer au passage que ces Nazis étaient férus de musique, de poésie, de peinture tout en étant inconscients d’avoir fait quelque chose de mal et se disaient « non coupable » en le croyant vraiment. Donc, une réflexion sur le bien et le mal et la limite ténue entre les deux qui peut être si facilement franchie si l’on n’y prend pas garde.

Un beau roman, bien construit, bien écrit qui nous réserve des surprises jusqu’à la fin. Un bémol quand même : c’est justement la fin qui n’en est pas une et me laisse perplexe. Sinon, il fait monter plein d’émotions car, on les voit, ces personnages, tant ils sont authentiques et paraissent crédibles avec leurs forces et leurs faiblesses.



Note : 8/10


Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
Commenter  J’apprécie          702
Jours de colère

Au hameau du Leu-Aux-chênes l'univers est indiscutablement boisé, la forêt du Morvan qui entoure les humains les plonge dans des activités essentiellement liées à l'acheminement des bûches par le cours d'eau local. Mais si le lieu est défini le temps semble incertain, le titre se réfère à la liturgie médiévale « Dies irae », et l'ambiance du récit contribue à le situer dans ces zones d'un passé incertain propice aux fables cruelles et autres contes mystiques.

Le roman s'ouvre sur deux folies. La première est douce, celle d'Edmée Verselay illuminée à jamais par la Madone, quand la seconde est furieuse, celle d'Ambroise Mauperthuis tombé en adoration posthume devant le corps assassiné de Catherine Corvol. Elles se confronteront en sourdine ou en parallèle via leurs descendances aux démêlés voisins, sur le tempo liturgique de jours de colère ou de jalousie, parfois aussi de chorale mystique.

Les personnages y sont singuliers, leur patronyme suffit souvent à nous le rappeler : de Huguet Cordebugle à Reinette-la-Grasse en passant par Ephraim Mauperthuis ils ne sont pas anodins c'est certain, mais les évènements non plus ne le sont pas dans ce hameau replié sur lui-même, avec ses cinq fermes à peine pour la vie communale. Il ne faut pas s'y étonner d'une fratrie de neuf mâles éclos au rythme métronomique d'un par an, toujours un 15 Août - Assomption oblige, à des horaires croissants comme leur nombre, tous baptisés d'un nom composé avec Marie. Il ne faut pas s'étonner non plus d'un des frères, Simon-Marie né à Midi au milieu des actifs du matin ou des rêveurs de l'après-midi, qui ira s'en chevaucher un boeuf pour échapper à son malheur. Il ne faut pas s'étonner non plus d'y croiser des anges. Il faut juste se laisser porter. Mais l'écriture fine et taillée méthodiquement dans une matière comme crayeuse, à la fois précieuse et rugueuse, y aide bien malgré son exigence.

Un très bon roman de 1989 bien singulier qui m'a captivé et intrigué, même si j'ai du mal à cerner les interprétations possibles. Mais qui m'incite à continuer avec cette auteure que je découvre.



« Dans son esprit et dans son coeur les morts n'en finissaient pas de saisir les vivants, la beauté n'en finissait pas d'avoir le goût de la colère, et le désir de se nommer vengeance et guerre.»
Commenter  J’apprécie          692
Jours de colère

Forêts magiques, forêts maléfiques. Forêts hallucinées où vit tout un peuple de bûcherons, galvachers et bouviers. Personnages aux tempéraments forts, tourmentés, obsédés par leurs lubies et vivant complètement et jusqu’au bout leurs passions.

Des personnages soigneusement dépeints par Sylvie Germain comme l’exubérante Reine, matrone imposante à l’insatiable appétit et au coeur d’or, qui accoucha chaque 15 août d’un garçon, pendant neuf ans. Comme le patriarche Ambroise Mauperthuis bouffi de colère et de passion pour une femme morte et dont l’immense richesse reste le fruit d’un secret bien enfoui au fond de sa mémoire malade. Ou encore comme Camille et Simon, amoureux fous et semblant le miroir l’un de l’autre. Mais aussi cet ambigu voisin qu’est Cordebugle, taiseux et taciturne, toujours vissé derrière sa fenêtre à observer les autres, son coq irascible posé sur les genoux...



Une histoire puissante et violente, inventive et tumultueuse, racontée avec talent par Sylvie Germain qui excelle dans la description des bois et forêts environnants, mais surtout dans la psyché des personnages où chacun d’entre eux est à lui seul un roman. Une histoire truffée de références bibliques qui créent une atmosphère presque irréelle et qui projettent des images à la fois poétiques et tragiques. Une histoire qui ne nous lâche pas !



« Dans les forêts du Morvan, loin du monde, vivent bûcherons, flotteurs de bois, bouviers, des hommes que les forêts ont faits à leur image, à leur puissance, à leur solitude, à leur dureté. Même l'amour, en eux, prend des accents de colère... »
Commenter  J’apprécie          650
La pleurante des rues de Prague

Ce livre est un kaddish.

Pas le kaddish que recitent les hommes juifs endeuilles.

Ce kaddish est declame par une femme, non juive, une “gentil".

Pas le kaddish traditionnel sanctifiant le nom de Dieu: “Magnifie et sanctifie soit le Grand Nom dans le monde qu'il a cree selon sa volonte etc.”

Pas son pendant chretien: “Notre pere qui es aux cieux que ton nom soit sanctifie etc.”.

Un kaddish laic qui s'en prend aux cieux aveugles aux souffrances des hommes, aux cieux sourds a leurs cris.

Pas un kaddish particulier dit pour un pere ou une mere disparus.

Un kaddish elargi aux disparus d'ici et d'ailleurs, d'hier d'aujourd'hui et de demain. Les miens et les tiens. Les notres.

Un kaddish elargi aux souffrants et aux souffrantes, pendant leurs vies et apres leurs morts.

Un kaddish elargi aux pensees des souffrants.

Un kaddish elargi aux textes des souffrants.

Un kaddish pour l'ecrivain Bruno Schulz tue d'une balle dans le dos au ghetto de Drohovycz; pour Franta Bass, un gosse qui ecrivait de petits poemes a Terezin, le ghetto-modele de triste memoire; pour le pere de l'autrice, mort a Paris dans le quartier d'Auteuil; pour Sarah, la fillette hebetee par la faim et la misere, que photographia en Galicie Roman Vischniak; pour Saint Jean Nepomucene, torture et noye pour s'etre oppose a un empereur; pour le heros de la nouvelle de Kafka: “A cheval sur le seau a charbon”, qui vole sur son seau vide: “derriere moi le poele impitoyable, devant moi le ciel qui ne l'est pas moins”; pour les amants abandonnes, pour les amantes desertees; pour les maisons delabrees, les quartiers degrades et les gens qui y habitent; pour tous les hommes, “jusqu'a l'homme denomme et dechu pour avoir trop bafoue, trahi, meurtri ceux de sa race, race unique a travers toute la terre”.



Un kaddish recite a Prague. Chante en deambulant a travers ses quartiers. Un kaddish-poeme. Qui sied a Prague, ville-poeme.



J'ai lu ce texte poetique, ce poeme-kaddish, incite par Lectuur. Je la remercie.

Je l'ai lu assis, chez moi, a la lumiere d'une lampe. J'aimerais pouvoir le relire debout, a Prague, devant l'Altneuschule, la synagogue Vieille-Nouvelle. Une synagogue aujourd'hui a demi enfoncee par rapport a la chaussee. La synagogue qu'evoquait Jiri Weil, sans la nommer, dans Vivre avec une etoile, quand, pour une fois reuni avec les restants de sa communaute, il murmurait: “Des profondeurs je t'invoque, O Eternel!”

Commenter  J’apprécie          6310
Chanson des mal-aimants

La narratrice nous raconte son histoire à la première personne.

Abandonnée sur le bitume dans un cageot de framboises, elle est recueillie dans un couvent de soeurs moniales.

Elle nous avoue vite sa particularité : elle est blanche, tellement blanche qu'elle en est albinos.

Ce petit enfant reçoit un patronyme donné par les bonnes soeurs : Laudes-Marie Neigedaoût.

Elle est envoyée dans les Pyrénées chez Léontine qui m'a fait penser à Madame Rosa dans "La vie devant soi" de Romain Gary. Cette période se passe pendant la seconde guerre mondiale et en 1945, certains enfants juifs retrouvent leurs parents et leurs prénoms réels.

Tout comme la noyade d'Antonin avec ses poches remplies de cailloux m'a fait inévitablement penser au suicide de Virginia Woolf.

Après la mort de Léontine, Laudes-Marie aboutira chez un couple d'aubergistes dont le mari voue un culte barbare à l'ours. Cela ne lui portera pas chance.

De fil en aiguille, Laudes-Marie arrivera dans un manoir assez bizarre , puis dans un bordel champêtre comme bonne et dans un bistrot de gare.

Voici pour le côté des faits mais le plus étonnant chez Sylvie Germain, c'est son imagination, son style d'écriture et ses scènes crues et originales.

On peut dire que j'ai découvert une auteure pas commune du tout et certainement pas ennuyeuse à lire.

De plus, Sylvie Germain ne manque pas d'humour et de distance dans des scènes qui pourraient sembler dramatiques. Cela ajoute une petite touche d'humour noir que j'ai apprécié.



Challenge plumes féminines 2019
Commenter  J’apprécie          632
Le vent reprend ses tours

Nathan, 45 ans s'abrite sous un abribus par temps de pluie. Il y découvre des photos de personnes disparues et reconnaît parmi celles-ci Gavril Krantz, un personnage qui avait beaucoup compté pour lui dans son enfance.

Nathan a connu Gavril en 1980. Il était enfant à Paris, souvent livré à lui-même car il vivait seul avec sa mère qui devait travailler.

C'est dans ces moments de solitude qu'il a connu Gavril, un comédien de rue avec une personnalité très riche.

Ce sont pour moi, les plus beaux moments du livre : ceux où Gavril fait découvrir les giboulées de mots, les palindromes au petit garçon Nathan. Ensemble, ils parcourent les rues et s'arrêtent devant les plaques commémoratives. C'est ainsi que Nathan apprend une partie de l'histoire de France.

Cela me faisait penser aux multiples promenades de Patrick Modiano dans les rues de Paris mais dans un tout autre genre.

Gavril est un personnage plein de vie, comédien de rue mais aussi amené à faire de petits boulots. Il est plein de vie, débrouillard. Il sera vraiment un personnage fondateur dans la vie de Nathan.La vie les a séparés à l'adolescence. Sylvie Germain fait parler Gavril avec un langage poétique, fantaisiste, très beau à lire et à relire même pour de nombreux passages.

Après l'apparition de la photo de l'abribus, Nathan part à la recherche de Gavril, de sa vie passée en Roumanie.

J'ai pour ma part préféré la première partie pleine de vie même si je comprends la recherche que fait Nathan devenu un homme solitaire. Il semble aller à la recherche de ses racines.



Challenge plumes féminines

Commenter  J’apprécie          624
Magnus

Franz-Georg, petit garçon, né avant la guerre de 1940-1945 se raccrochera toute sa vie à Magnus, nounours, seul lien avec le passé oublié de son enfance. Il n’a aucun souvenir avant ses cinq ans ! Sylvie Germain raconte de façon magistrale, la quête d’identité de Franz-Georg qui se fera appeler Magnus.

L’écriture de Sylvie Germain est très belle, une auteure que je découvre, une auteure dont je lirai d’autres romans.

Magnus de Sylvie Germain à lire sans modération !
Commenter  J’apprécie          620
Jours de colère

En lisant ce roman on pourrait mettre en fond de musique le Requiem Dies Irae de Verdi.

Mais finalement le silence convient mieux tant chaque phrase contient d'images, la musique se fait toute seule, dans la tête.



Est-ce une fable mystique, est-ce un conte noir où les hommes s'emmêlent dans leur folie, leurs excès ? Le lieu s'y prête en tout cas. Sombre village perdu dans la forêt du Morvan où les habitants vivent du travail du bois. Envoutés par la nature, on les croirait d'écorce, enracinés à leur hameau de pierre et de planches, ils se marient entre eux, s'enlisent dans leur folie.

Est-ce le regard vert de forêt, celui de la vouivre qui leur a jeté un mauvais sort ou bien le crime de l'homme qui assomme l'amour de colère, poignarde la beauté de son délire ?



La belle Catherine égorgée au bord de l'eau se confond avec le troupeau de troncs morts qui roule dans la rivière dans un chant de funérailles, ou encore avec les sanglots du piano de sa fille Claude.



Ce meurtre accompli dans le silence fera craquer une brindille lorsque la belle se couchera dans l'herbe pour l'éternité, mais le destin taciturne et insatiable, en fera un craquement tel un arbre centenaire que l'on abat, un craquement qui rend sourd la raison des vivants.



Parfois la forêt laisse entrevoir une clairière à travers les fils si nombreux de Reinette-la-Grasse. Ils portent en eux une brutalité lumineuse, une sauvagerie poétique, une musique qu'ils empruntent au vent, aux oiseaux, à l'orage, à la rivière. Ils sont dans l'excès de sève et de branches, ils ont à l'âme la couleur de la nature indomptable.



Un conte biblique, un envoûtement diabolique, ou tout simplement la folie des hommes enfermés de solitude, de croyances ténébreuses, aveuglantes, étranglés de pauvreté, éteints par leur labeur de bêtes. Des hommes rugueux, rustiques, sculpteurs d'anges ou de démons, profondément ancrés à leur terroir comme les arbres qui leur font ciel.



J'ai découvert une écriture sombrement poétique, ciselée, écorcée. Un roman riche, chaque personnage est un sentier de ronces, d'orties, de saxifrage jaune ou de magnolia en fleurs. On y entend l'orage de ciel ou d'homme, le bruit des sabots, le claquement des draps dans le vent, les éclats de rire des anges à la couleur des abeilles, le grondement des bûches sur les galets de la rivière, le beuglement des bêtes et les râles des hommes, les sanglots du piano, le bilboquet d'un enfant vieux, le frottement des grains d'un chapelet, le craquement du feu vers la voûte céleste, le raclement des chariots promenant les morts avec les vivants. On y entend le grelot du rire de Reinette-la-Grasse broyé par le rire d'enfer du bûcheron Mauperthuis.



Un roman somptueux.

Commenter  J’apprécie          618
Chanson des mal-aimants

Un petit bébé est abandonné dans un cageot de framboises, au pied d'un réverbère. Heureusement, un homme l'entend pleurer et l'emporte au petit trot jusqu'au portail d'une communauté religieuse. Ces religieuses me nomment Laudes-Marie et m'élèvent jusqu'au jour où j'ai volé et caché le petit Jésus de la crèche pour ne pas qu'il soit tué car j'avais entendu dans les Saintes Écritures que tous les bébés juifs avaient été massacrés. La guerre est finie, celle de 1940-1945, une sœur m'emmène dans un petit village des Pyrénées où elle me confie à Léontine qui héberge déjà des enfants que les parents lui ont confiés au début de la guerre. Comme ils attendent que leurs parents viennent les rechercher, je rêve que les miens aussi viendront un jour, un rêve qui jamais ne se réalisera. Ce village ne sera que le point de départ d'une vie d'errance. Je travaillerai dans une auberge, quelques années, les meilleures, auprès d'une châtelaine, ensuite dans divers hôtels, une brasserie de gare, chez une vieille femme ; dans les rues de Paris, je jouerai de l'orgue de Barbarie. Ma vie fut bien remplie et, après une agression et l'âge venant, je suis retournée dans un petit village où j'avais vécu quelques bonheurs.

Sylvie Germain décrit admirablement la personnalité de Laudes, la narratrice, les silences et la solitude qu'elle apprécie tant qu'elle les choisira pour compagnes de fin de vie.



Challenge Atout prix 2017 – Grand Prix Thyde Monnier 2002 – Prix des Auditeurs de la RTBF 2003
Commenter  J’apprécie          590
L'inaperçu

" Parti se rejoindre pour mieux se dessaisir de lui-même, à moins que ce ne soit l'inverse, qu'il se soit abandonné pour parvenir enfin à une haute confrontation avec soi"

Cet extrait de :L'inaperçu de Sylvie Germain peut paraître un peu énigmatique, pourtant il résume bien l'essence du livre.

Sylvie Germain, nous entraîne à travers deux histoires familiales douloureuses et sensibles dans le cheminement qui conduit l'homme de sa petite enfance à sa vie d'homme.

Cette vie qu'on ne choisit que partiellement car l'héritage de notre lignée est parfois très difficile à assumer, voire, il nous dicte notre future vie.

Sabine et Pierre font partie de ceux-là, escamotant leur jeunesse et leur passé pour vivre leur vie d'adulte.

Sylvie Germain détient un style d'écriture à miroirs, les facettes du miroir se renvoient l'une à l'autre.

Et, c'est ainsi que cette écriture mystérieuse nous aggripe et ne nous lâche plus.

J'avais lu, il y a des années : Le livre des nuits et Jours de colère qui restent dans ma mémoire et dont je recommande la lecture.
Commenter  J’apprécie          574
Jours de colère

Je remercie la colère des prétendants au BAC 2022 d'avoir, sans le vouloir bien sûr, attiré mon attention sur ce livre de Sylvie Germain, quasi oublié. La bibliothécaire a été obligée d'aller le chercher dans la réserve, dernière étape avant la mise en vente qui a lieu une fois par an pour libérer de l'espace.

Je trouve que la quatrième de couverture dévoile bien trop de choses qu'il vaut mieux découvrir soi-même. Mais qu'importe. J'ai pris un plaisir immense à cette lecture pleine d'histoires, il faut bien le dire, "tragiques".

C'est une écriture qui se déguste. Il faut prendre son temps pour apprécier toute la profondeur du roman.

Magnifique.
Commenter  J’apprécie          536
À la table des hommes

Alors qu'une bombe éclate au-dessus d'un village, seul un porcelet et une femme font partie des rescapés. Commence alors une errance parmi les bois, rythmée par la recherche de nourriture mais aussi de chaleur et d'une présence amicale. L'histoire devient conte lorsque cet animal devient un jeune homme innocent...

De Sylvie Germain je ne connaissais qu'un recueil de nouvelles. L'écriture est toujours aussi plaisante mais j'avoue que l'histoire est déroutante. Dénonçant la haine et la violence des hommes, ce jeune homme nous touche lorsqu'il découvre les mots et leur pouvoir. Autour d'hommes et de femmes qui le prennent sous leurs ailes, cet être dépourvu de colère et de méchanceté semble bien mal armé pour notre monde...
Commenter  J’apprécie          532
La pleurante des rues de Prague

La Pleurante des rues de Prague, c’est une silhouette claudicante qui apparait furtivement au hasard d’une rue, le long d’une usine désaffectée ou derrière un réverbère mais jamais là où on pourrait l’attendre. D’elle, on ne sait rien. Juste une grande femme à l’allure étrange et imposante, à l’apparence indéterminée, revêtue de loques immondes, de hardes informes comme pour mieux se dissimuler aux regards environnants.



« Car ce n’était pas elle, non, pas elle seule qui geignait et pleurait de la sorte. C’était la ville entière, la ville et ses faubourgs, et au-delà encore. C’était la terre, des vivants et des morts. »



La Pleurante des rues de Prague, elle apparait subrepticement comme une brise, comme un souffle, comme un râle. Elle transporte avec elle la douleur, la peur, les cris, la souffrance de ces femmes et de ses hommes, de toutes ces petites gens qui ont souffert sur l’autel de l’Histoire. Elle est la somme de toutes les peurs, la somme de toutes les douleurs, de toutes ces terreurs inexprimées.



« Les amants délaissés rasaient les murs, le front baissé, les lèvres closes, bleuies de froid. Nul ne les remarquait, - on est si fade quand on chute au profond du malheur qu’on en devient insignifiant. »



La Pleurante des rues de Prague, ce sont douze apparitions, douze évocations fantomatiques, comme douze heures qui défilent sur le cadran d’une vielle horloge, comme douze mois qui s’égrènent sur un vieil almanach.



La Pleurante des rues de Prague, elle surgit de l’encre de la plume de l’auteur, se faufile en les mots, se glisse entre les pages, s’insinue en vous, elle vous hante.



« C’est du livre, qu’elle est sortie, tout simplement. Ni de la ville ni du visible, mais du livre. Elle y est pourtant si peu entrée dans le livre, elle y a si peu séjourné. Quelques visites, quelques images. Visites brèves, images inachevées. »



La Pleurante des rues de Prague, c’est du lyrisme et de la poésie au service d’une lecture envoutante, une expérience de lecture unique, un voyage, un songe au cœur du vieux Prague, « Praha »…



Il faut lire Sylvie Germain.


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
Commenter  J’apprécie          537
La pleurante des rues de Prague

Une grande créature quasi surnaturelle déambule,mais pas de façon permanente dans les rues de Prague. Elle est géante, à cause de l'ombre qu'elle projette ? géante, en rapport avec les monts des géants qui entourent la ville ?

Elle est aussi surnommée la pleurante mais ce n'est pas elle qui pleure, c'est la ville qui a connu tant de malheurs.

Un des passages, les plus marquants est la description en plusieurs parties de l'accoutrement de la dame : ses vêtements de pauvresse, son boitillement assez prononcé, sa marche glissante, l'absence de couleurs.

Elle n'est à aucun moment effrayante mais répand une atmosphère envoûtante.

Elle apparaît à douze reprises dans des lieux tous différents.

L'écriture est présentée sous forme de prose mais tellement poétique et onirique.

De nombreux lecteurs ont affirmé qu'il fallait connaître la ville pour apprécier le livre. Sans doute. Je ne connais pas Prague mais bien son Histoire, surtout au moment du bloc de l'est et du printemps de Prague.

Le mot " encre" revient tellement qu'on finit par comprendre que le personnage est sorti du livre.

Quand je l'ai lu pour la première fois, allez savoir ce qui m'est passé en tête, j'ai eu l'impression que j'étais dans les rues avec "Le bon gros géant" de Roald Dahl mais rien que le début car les livres ont pris chacun leur chemin.

Sylvie Germain a écrit le livre en 1992.

Je le garde avec "La chanson des mal aimants"

Un passage sera lu lors de la finale de lecture à voix haute de la grande librairie le 17 juin. Je le garde bien en vue pour ce jour-là.
Commenter  J’apprécie          523
Les personnages

"Etre seule avec le livre non encore écrit, c'est être encore dans le premier sommeil de l'humanité. C'est ça.

C'est aussi être seule avec l'écriture encore en friche. C'est essayer de ne pas en mourir. C'est être seule dans un abri pendant la guerre. Mais sans prière, sans Dieu, sans pensée aucune. - Marguerite Duras "(p.89)



Je poursuis mes promenades buissonnières à travers cette très captivante collection , "L'Un et l'Autre"... dont ce texte très percutant de Sylvie germain sur la création littéraire. Cet ensemble de réflexions, d'interrogations, de ressentis personnels à cette romancière, sur la construction d'une fiction, l'élaboration de tel ou tel personnage...La Lecture, l'Ecriture et ses mystères... Un ouvrage très dense, construit en brefs chapitres et in-fine, d'une courte nouvelle mettant en scène un écrivain en lutte avec la naissance et l'apparition de tel ou tel personnage, lui apportant tourments ou plénitude..!!



"Car tout lecteur qui remarque un personnage, trouvant en lui matière à émotions, à rêverie ou à réflexions, lui refait don d'un peu de vie, si infime soit ce peu. Les personnages n'habitent qu'n apparence dans les

livres qui les ont délivrés de leurs limbes, ils n'aspirent qu'à s'en aller déambuler en tous sens, à transhumer d'un imaginaire à un autre, à visiter beaucoup de pays mentaux. Ils n'appartiennent pas à leur seul auteur,

mais à une communauté.



Ils n'appartiennent à personne. Ils attendent juste la chance d'être lus, pour exister davantage, et toujours autrement. "(p. 31)



Sylvie Germain nous parle de la création littéraire, de poésie, de la complexité de la Fiction, de l'imaginaire, richesses irrationnelles indomptables. Je n'ai pas lu chronologiquement ce livre mais en piochant

selon l'humeur, tel ou tel chapitre...en prenant le temps de savourer, d'assimiler les interrogations d'une romancière, décortiquant son univers et son travail d'"Ecrivant "; En alternant avec d'autres lectures. Elle nous parle aussi des auteurs qui l'interpellent et la touchent, dont Simone Weil, avec "La Pesanteur et la grâce", entre autres !



Cette fois, il me faut rapporter ce livre à la médiathèque , le rendre aux autres lecteurs !!...



"Le romancier, lorsqu'il écrit sous la pression intérieure d'un personnage lui réclamant sa part de mots, sa part de vie, s'aventure à fond dans ce double mouvement d'écriture/lecture aussi opposé que complémentaire, et qui le rend aussi passif qu'inventif. C'est pourquoi il ne peut "bien" lire

(entendre, comprendre, interpréter) ce que semble vouloir dire le personnage qui le taraude qu'en écrivant : c'est le geste d'écrire, fût-ce à tâtons sur une feuille d'une blancheur à première vue stérile,

décourageante, voir écoeurante, qui dispense progressivement au romancier (mais à un rythme souvent discontinu) un peu de clarté, des brins de sens, lui ouvre des pistes. Le geste d'écrire est toujours geste

de délivrance." (p. 37)



Une vraie pépite à lire, et relire... nous éclairant très finement sur le travail si subtil et difficile à cerner du "Romancier"... tout en ajoutant des analyses sur la Lecture, sur la participation active et agissante de tout lecteur , qui a aussi sa part de 'transformation" du texte!
Commenter  J’apprécie          510
À la table des hommes

Un pays sort de la guerre, une guerre fratricide, peut-être celle des Balkans, elle n’est pas nommée. Un enfant sauvage, presqu’un homme, sort des bois. Il est accueilli avec méfiance par les hommes du village. Il ne sait rien. Il ne parle et ne comprend aucune langue. Une corneille pour seule amie, c’est un garçon apeuré qui s’invite à la table des hommes. Il doit tout apprendre d’eux.



Difficile de parler de ce beau roman sans trop dévoiler l’argument, il faut y rentrer comme on rentre en poésie, avec curiosité et sensibilité. L’écriture de Sylvie Germain très charnelle et organique devient visuelle.



Les bois, l’eau, le froid, les animaux de la forêt, le village supplicié, tout est décrit avec une langue forte et belle. Si ce roman était un tableau ce serait : « Chasseurs dans la neige » ou « Jeux d’enfants » de Breughel l’ancien.



Œuvre singulière, fable philosophique et poétique sur la construction d’un être humain et la reconstruction d’une société humaine après l’effroyable chaos d’une guerre. « A la table des hommes » nous emporte très loin en littérature pour peu que l’on accepte le voyage.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          510




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Sylvie Germain Voir plus

Quiz Voir plus

Sylvie Germain

Née à Châteauroux en ?

1934
1944
1954
1964

10 questions
28 lecteurs ont répondu
Thème : Sylvie GermainCréer un quiz sur cet auteur

{* *}