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3.85/5 (sur 68 notes)

Nationalité : Algérie
Né(e) à : Oulkhou Commune d'Aït-Chafaâ , le 11 Janvier 1954
Mort(e) à : Alger , le 02 Juin 1993
Biographie :

Tahar Djaout est un écrivain, poète, romancier et journaliste algérien d'expression française.
Après des études qui le conduisent des mathématiques aux sciences de l'information, il devient journaliste en 1976.
Ses premières publications avaient été des plaquettes de poèmes. Sans renoncer à la poésie, Il publiera plusieurs romans comme L'Exproprié (publié à Alger en 1981), Les Chercheurs d'os (1984), L'Invention du désert (Paris, 1987) ou encore Les Vigiles (1991) et Le Dernier été de la raison (publié en 1999 à titre posthume) qui lui vaudront une certaine reconnaissance dans le milieu littéraire.

Le regard critique que Tahar Djaout portait sur la société algérienne d'après l'indépendance excluait l'intransigeance, le parti pris, les facilités verbales. Il préférait le sourire de l'étonnement, l'inquiétude du doute, l'esprit de liberté.
Le 26 mai 1993, il est victime d’un attentat terroriste à Alger. Il décède quelques jours plus tard des suites de ses blessures.

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Tahar Djaout
Comme il va être dur de devoir désormais parler de toi au passé! Quelques heures après ta mort, que ta famille et tes amis ignoraient encore, un universitaire qui venait d’assister à ce colloque d’Oujda d’où tu revenais toi aussi m’entretenait de toi. Il me disait, entre autres, que tu avais passé sept heures à la frontière; trois heures et demie du coté algérien et autant du coté marocain.

En dépit de ce que tu as donné à la culture maghrébine, tu demeurais un citoyen comme les autres, un homme qui n’a jamais demandé de privilèges qui a, au contraire, refusé tous ceux qui lui ont été proposés.

Depuis le prix littéraire qui a couronné ton premier roman et que tu as refusé d’aller recevoir, tu t’es méfié de toutes les récompenses parce que tu savais qu’elles demandaient des contreparties. Tu n’étais pas de ces écrivains qui voyagent dans les délégations officielles, dans les bagages des ministres ou des présidents, et qui poussent parfois le cynisme jusqu’a écrire, une fois rentrés, des articles contre les intellectuels aux ordres des pouvoirs !

Tes rapports avec le pouvoir (tous les pouvoirs) ont été très clairs; une distance souveraine. Tu étais, au lendemain de l’indépendance, président de la première Union d’écrivains algériens. Mais le jour où l’on était venu t’informer que l’Union allait passer sous l’autorité du Parti, tu avais remis le tablier avec cette courtoisie seigneuriale qui t’est coutumière. Tu n’acceptais aucune contrainte, aucun boulet à ton pied, aucune laisse a ton cou. Tu étais par excellence, UN HOMME LIBRE. Et c’est ce que AMAZIGH veut dire. Cette liberté t’a coûté cher.

De toutes façons, tu en savais le prix et tu l’as toujours accepté. Tu as été peut-être le plus persécuté des intellectuels algériens, toi l’un des fils les plus valeureux que cette nation ait jamais engendré. Le soir où la télévision avait annoncé laconiquement et brutalement ta mort, je ne pus m’empêcher, en dépit de l’indicible émotion, de remarquer que c’était la deuxième fois qu’elle parlait de toi; la première fois pour t’insulter lorsque, en 1980, une campagne honteusement diffamatoire a été déclenchée contre toi et la deuxième fois, neuf ans plus tard, pour nous annoncer ta disparition.

La télévision de ton pays n’avait aucun document à nous montrer sur toi. Elle ne t’avait jamais filmé, elle ne t’avait jamais donné la parole, elle qui a pérennisé en des kilomètres de pellicule tant d’intellectuels approximatifs, tant de manieurs de plume aux ordres du pouvoir. Mais je vais clore là le chapitre navrant et long des brimades. Ce serait faire affront à ta générosité et à ta noblesse d’âme que de m’attarder à l’énumération des injustices, des diffamations qui glissaient sur toi comme de simples égratignures, qui te faisaient peut-être mal à l’intérieur mais ne transparaissaient pas.

Tes préoccupations étaient ailleurs, tu avais autre chose à faire. Et puis, tu respectais trop les autres, même lorsqu’ils te faisaient du mal. Sans avoir jamais prétendu donner de leçon, ta vie, ton comportement, ton courage et ton intégrité constituaient en eux-mêmes un exemple et une leçon. C’est pourquoi, toi l’homme modeste et brillant qui ne se montre gêné et pris de court que lorsqu’il s’agit de lui-même, tu as toujours été au cœur de ce qui fait ce pays.

Et les 200 000 personnes venues de toute l’Algérie escalader ces “chemins qui montent” pour t’accompagner à ton ultime demeure au cœur du Djurdjura témoignent en quelque sorte de cela. Toi l’homme pacifique et courtois, toi qui ne claques les portes que lorsqu’un pouvoir ou une chapelle quelconque tente de t’embrigader, tu as aidé, non par des déclarations fracassantes, mais par ta lucidité, par ton travail intellectuel minutieux et soutenu, au lent cheminement de la tolérance et de la liberté.

Qui peut oublier les débuts de l’année 80 ? Des hommes qui nient une partie de la culture de ce peuple (tout le monde heureusement a oublié leurs noms, car ce ne sont pas des noms que l’histoire retient) t’interdisent de prononcer une conférence sur la poésie kabyle. De partout, de Bejaia, de Bouira, de Tizi-Ouzou, la Kabylie se lève pour défendre ses poètes. Et c’est toute l’Algérie qui, peu a peu, année après année, rejettera les baillons, les exclusions, les intolérances, la médiocrité et qui un jour d’octobre descendra dans la rue pour l’affirmer en versant une fois encore son sang. Toi, l’humaniste sceptique et indépendant qui n’a jamais assené de vérité, qui n’a jamais jugé personne, tu étais, presque malgré toi, en amont d’une prise de conscience.

Et voici que nous devons désormais nous passer de ta présence chaleureuse et brillante, de ta superbe intelligence, de ta bonne humeur à toute épreuve, de ton endurance physique (on peut difficilement t’imaginer malade, par exemple) qui te faisait faire des centaines de kilomètres par jour pour aller donner bénévolement une conférence et remonter tout de suite après dans ta voiture. Tu es mort au volant de ta 205 (une voiture de jeune) comme le jeune homme fougueux que tu as toujours été. Sois rassuré, Da Lmulud, la dernière image que je garderai de toi ce n’est pas celle, émouvante, du mort accidenté que j’ai vu mais celle de ce jeudi 16 février ou nous nous étions retrouvés avec d’autres amis a Ighil-Bwamas pour discuter du tournage d’un film. Tu étais élégant et alerte comme toujours, en tennis. Tu étais le premier au rendez-vous. Tu nous plaisantais sur notre retard, disant que tu croyais te tromper de jour. Tu étais aussi le premier à repartir, toujours disponible et toujours pressé.

Tu avais beaucoup de choses à faire, à donner à cette culture que tu as servie généreusement, sans rien demander en retour, supportant au contraire avec dignité les brimades que ton travail t’attirait. Tu étais impatient en ce jeudi 16 février comme si tu savais déjà que le temps pressait. Je te vois monter dans ta 205 et démarrer bruyamment sur la route difficile tandis que nous étions encore à bavarder.

C’était la dernière fois que je devais te voir vivant. La jeunesse assoiffée de culture et de liberté t’a toujours reconnu comme l’une de ses figures symboliques, quelques intellectuels et artistes t’ont toujours témoigné amitié, respect ou admiration dans les moments les plus difficiles.

Mais ces derniers mois, c’est tout le monde intellectuel et médiatique algérien qui a commencé à comprendre ton importance et qui a recherché ton point de vue. C’est vrai que certains médias, qui avaient peur de “se compromettre”, te sont demeurés fermés jusqu’à ta mort. Mais que de projets auxquels des gens voulaient t’associer ! que de journaux t’ont interviewé ! Et toi, porté et comme enivré par cette brise de liberté, tu te démenais, tu prenais ta voiture, sillonnais les routes et te rendais partout ou l’on te sollicitait.

Oran, Ain-El-Hammam (où tu devais rendre hommage a Si Mohand ou Mhand et où l’on t’avait offert un burnous), Bejaia. Et enfin Oujda. Au mois de janvier, à Bejaia, ta conférence sur la culture berbère a drainé tellement de monde qu’aucun édifice ne pouvait le contenir. Et c’est dans le stade de la ville que des milliers de gens t’ont écouté et ont discuté de leur culture. Quelle belle revanche sur l’interdiction de ta conférence en 1980 ! Quel trajet parcouru depuis cette date sur le chemin de l’expression libre !

Je te revois à cette époque ou nous préparions l’entretien qui allait paraître aux éditions Laphomic. Je me rappelle la vivacité de ton intelligence, ton sens de la répartie, ta pudeur et ta gêne lorsque nous sortions du domaine de l’esthétique ou des idées et que je te demandais de parler de toi-même (ton combat nationaliste, par exemple, ton militantisme au MTLD, ce que tu as souffert durant la guerre, tu ne les évoquais jamais même lorsqu’on te contestait ton passé ou qu’on t’en fabriquait un autre). Je me rappelle surtout ta jeunesse indéfectible. Je nous revois prenant des glaces dans l’un de ces innombrables salons de thé qui encombrent la rue Ben Mhidi ou dans le café “Le Véronèse” a Paris.

Tu seras toujours près de nous, éternel jeune homme des Ath Yenni et d’Algérie….

Qim di lehna

Cette lettre a été écrite par Tahar Djaout après la mort (le 25 février 1989) de Mouloud Mammeri, et publiée dans le journal Algérie Actualités.
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Tahar Djaout
Soleil Bafoué

J'invoque encore la débâcle des Aurores
J'invoque encore à la dérive des dernières Iles-refuges
J'invoque à l'orée de toutes les plaies
le soleil bafoué
déchiqueté dans une odeur de vague
Et accroché aux derniers sanglots
des cithares qui se sont tues
J'invoque pour me désabuser
Oh quel cauchemar
J'ai rêvé que Sénac est mort
tous les chants caniculaire
annonciateurs d'un Feu possible
Faut-il avec nos dernières larmes bues
oublier toutes les terres de soleil
ou personne n'aurait honte de nommer sa mère
et de chanter sa foi profonde
oublier oh oublier
oublier jusqu'au sourire abyssal de Sénac
Ici gît le Corpoème
foudroyé dans sa marche
vers la vague purificatrice
fermente l'invincible semence
des appels à l'Aurore grandit dans sa démesure
Sénac tonsure anachronique de prêtre solaire le temple
édifié dans sa commune passion du poète du paria
et de l'homme anuité réclamant un soleil
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Tahar Djaout
Je sais l'oiseau, rire embusqué
Au coeur de chaque saule qui tremble.

Je sais l'oiseau sur l'olivier
Et la bigarrure de sa queue.

Je sais l'oiseau-ma main s'y brûle -
Fléché comme une flamme dans l'azur.

Je sais l'oiseau au coeur qui bat,
L'oiseau posé comme une plainte
Sur l'arbre assailli de chasseurs.
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Ce qui est effrayant chez cette nouvelle génération de dévots zélés, c'est sa négation même de toute joie, son refus de toute opinion différente, son rêve de soumettre le monde aux rigueurs d'un dogme inflexible.
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Il s'était même demandé un jour, par simple désir d'argumenter, pourquoi les femmes, elles, ne quittaient pas les hommes stériles. Sans doute parce que,
avait-il conclu, les enfants n'étaient jamais perçus comme une descendance de femme, mais seulement comme une descendance d'homme. La femme n'a pas de postérité.
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L'indépendance recouvrée du pays ainsi que son statut de combattant libérateur, qui lui ont permis de s'installer aux abords de la capitale
convoitée, l'ont du même coup arraché à ses pacages et aux odeurs champêtres de son enfance. Une fois dissipés la fierté d'habiter à proximité du pouvoir, l'émerveillement devant le carrelage, l'électricité et l'eau courante, il se sentit comme un fauve en cage, comme une plante coincée dans le béton. Il se mit à éprouver un besoin douloureux de buissons, la nostalgie de voir grandir les poussins et les agneaux, de humer les odeurs fortes de l'étable, des brebis qui ont mis bas, des boucs au poil mouillé et fumant. Il rêvait aussi d'un feu de bois, de la terre profonde et moite où macéraient les feuilles mortes. Il parlait beaucoup de la campagne, il y allait même parfois. Mais les visites ne lui suffisaient pas, il aurait aimé y reprendre racine, s'y enfoncer jusqu'à la taille, sentir monter en lui la rumeur des insectes et des germinations, les frémissements des bêtes tapies qui attendent de bondir
sur la proie ou de détaler devant le prédateur.
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Notre religion récuse les créateurs pour leur ambition et leur manque
d'humilité; oui , elle les récuse par souci de préserver la société des tourments qu'apporte l'innovation. Vous savez en outre, comme moi , que nous constituons aujourd'hui un peuple de consommateurs effrénés et de farceurs à la petite semaine. Des combinards, oui, il en existe, des bricoleurs aussi qui font dans le trompe-l'œil et immédiatement utilitaire. Mais l'inventeur - auquel se rattachent des notions aussi dépaysantes que l'effort, la patience, le génie, le désintéressement - relève d'une race encore inconnue chez nous.
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Ils ont compris le danger des mots, de tous les mots qu'ils n'arrivent pas à domestiquer et à anesthésier. Car les mots, mis bout à bout, portent le doute, le changement. Il ne faut surtout pas que les mots entretiennent l'utopie d'une autre forme de vérité, de chemins insoupçonnés, d'un autre lieu de la pensée. On ne se défait pas facilement de l'utopie: c'est un acide qui creuse, dans l'opacité du dogme, des trous où se loge la controverse, où prolifèrent les questions. Ceux qui, défiant l'injonction, s'agrippent aux mots incontrôlés, doivent être mis hors d'état de nuire. Par le baillonnement, la liquidation si nécessaire. Car le monde appartient désormais aux thérapeutes de l'esprit, la ville retentit de leurs oraisons et de leurs pas cadencé.
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Une personne qui reste ainsi debout une demi-heure ou trois quarts d'heure aura tout le temps de touiller sa mauvaise conscience pour faire lever et déborder le pus ; elle aura le temps de fouiller dans le dépotoir de son passé afin d'exhumer les vilenies dont l'autorité toute-puissante qui siège devant lui a besoin pour prononcer son verdict. Une personne qui reste ainsi debout est déjà perdue, se dit-il ; tout ce qu'on lui demande, c'est d'établi r elle-même, en furetant dans sa misérable vie, les preuves de sa culpabilité.
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Dans le citronnier rabougri de la cour, Boualem Yekker entend roucouler des pigeons ramiers. Heureux volatiles ! On ne les a pas encore contraints à changer de mœurs et de chants, à moduler des airs qui contre diraient les pulsations de leur coeur. Les oiseaux sont la personnification même de la liberté. Dès qu'un ciel cesse d'être à l'image de leurs désirs, ils se rassemblent, se concertent puis prennent leur vol en une très lointaine migration où certains laissent leur vie. C'est le prix à payer pour vivre à l'unisson de ses désirs, dans les paysages et les horizons qui réconcilient avec soi-même. L'oiseau ne courbe pas l'échine et ne grelotte pas, pitoyable, sous un climat qui l'accable ; il préfère prendre son essor et fracturer les horizons.

p.113
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