AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Tayeb Salih (42)


- Si le père de cette femme et ses frères sont d'accord, il n'y a rien à redire.
- Pourtant, dis-je, si elle ne veut pas se marier ?
Mahjoub me coupa la parole :
- Tu sais comment les choses se passent ici. La femme est à l'homme, et l'homme reste homme, quand même il deviendrait vieillard décrépit.
- Pourtant, insinuai-je, le monde a évolué. De telles coutumes ne conviennent pas à notre époque.
- Le monde n'a pas changé à ce point. Seulement certaines choses ont changé. Des pompes à la place des norias. Des charrues en acier à la place des araires en bois. Nous envoyons nos filles à l'école. Il y a la radio, les automobiles. Nous avons appris à boire le whisky et la bière au lieu de l'arak et de la marissa. Mais tout le reste demeure tel qu'il fut.
Commenter  J’apprécie          390
Je pensais qu'à mourir maintenant je serais mort comme j'étais né, sans que je l'eusse voulu. Tout le long de ma vie, je n'avais jamais choisi, ni décidé. Mais je décide désormais de choisir la vie. Je vivrai car il y a de rares personnes avec qui je voudrais rester le plus longtemps possible. J'ai aussi des devoirs que je dois accomplir. Il ne m'intéresse pas de savoir si la vie a un sens ou pas.
Commenter  J’apprécie          340
Tayeb Salih
" Il n'y a dans ce monde ni justice ni droiture. Quant à moi, je suis dans l'amertume et la haine. "

SAISON DE LA MIGRATION VERS LE NORD.
Commenter  J’apprécie          331
Tayeb Salih
La raison de l'homme ne peut être conservée dans un réfrigérateur.

SAISON DE LA MIGRATION VERS LE NORD.
Commenter  J’apprécie          321
Au petit matin, ma voiture longea pendant deux heures le Nil, en Est, puis, bifurquant à angle droit, se dirigea vers le Sud en plein désert. Point d'abri face au soleil, s'élevant à pas lents, lançant ses rayons de feu sur terre, comme pour accomplir une ancienne vindicte. Point d'abri sinon la torride cabine, ombre qui ne protège pas. Éreintante route qui montait, descendait : et rien qui séduise l'œil. Arbustes éparpillés dans le désert, tout épines, sans feuilles, végétation misérable, ni vivante, ni morte. On pouvait rouler durant des heures sans rencontrer âme qui vive. Puis un troupeau de chameaux maigres, efflanqués, se profilait avant de disparaître. Pas un nuage, promesse d'ombre, dans ce ciel de feu, couvercle de l'enfer. Le jour ne compte pas ici : c'est une torture que subit l'être vivant, dans l'attente de la nuit salvatrice. [...]
Rien. Le soleil. Le désert. Les arbustes desséchés. Les bêtes faméliques. La voiture vibra dans une descente. Nous dépassâmes les ossements d'un chameau ayant subi le salaire de la soif dans cette terre désolée. [...] La route n'en finissait pas. Le soleil ne désarmait point. [...]
Un bédouin apparut derrière la colline, courut vers nous et se mit en travers de la route. Nous stoppâmes. Son corps et ses vêtements étaient couleur de terre. Le chauffeur lui demanda ce qu'il voulait. " Donnez-moi du tabac ou une cigarette pour l'amour du ciel ; voilà deux jours que je n'ai pas fumé. " N'ayant pas de tabac, je lui donnai une cigarette. [...] Assis sur ses talons, le Bédouin fumait avec une avidité et une concentration indescriptibles. [...] Il fit un sort à une seconde cigarette puis gesticula et roula comme un épileptique, ensuite il s'étendit de tout son long, face contre terre, la tête dans les mains, et fit le mort. Il resta ainsi le temps de la halte, une vingtaine de minutes. Quand le moteur de la voiture se remit en marche, il se redressa brusquement, comme ressuscité, et se mit à crier ma louange et à me souhaiter longue vie. Je lui lançai mon paquet de cigarettes. Nous le quittâmes, soulevant un nuage de poussière et je le vis courir vers de misérables tentes près de maigres buissons, en direction du sud. Quelques brebis chétives paissaient auprès d'enfants nus. Où donc était l'ombre, ô mon Dieu ! Une pareille terre ne produit que des prophètes ! À telle sécheresse, à telle disette, point de remède sinon révélé par le ciel. Et cette route interminable, et ce soleil impitoyable...
La voiture gémissait sur ses essieux, la route était un tapis de cailloux. [...] Le soleil, voilà l'ennemi. Il était maintenant au zénith, battant au cœur du ciel, comme disent les Arabes. Un cœur incandescent. Qui semblerait immobile durant des heures jusqu'à entendre les pierres gémir, les arbres pleurer, le fer implorer. [...]
La victoire fut enfin l'issue soudaine de la bataille. Le crépuscule vint non pas sang répandu mais couleur de henné aux pieds d'une femme. La brise nilotique se leva, d'un parfum qui restera inaltérable dans ma mémoire. Comme la caravane qui dépose ses charges, nous nous arrêtâmes. [...] La voiture eut sa part d'huile, d'essence et d'eau, contente comme une pouliche à son heure d'exubérance.
Commenter  J’apprécie          320
Je pensai à part moi : " À quoi bon discuter ? Cet Anglais, Richard, est aussi fanatique et sectaire. Chacun l'est à sa façon. Et si nous, nous croyons aux mythes qu'il vient de citer, il a foi, lui, dans une légende neuve, moderne, celle qui porte un culte aux chiffres. Croyance pour croyance, autant croire en un Dieu omnipotent, omniscient. "
Commenter  J’apprécie          250
— J'admirais longuement ses deux cuisses blanches écartées que je caressais des yeux avant de glisser le regard vers la surface douce et lisse pour enfin contempler le dépôt des secrets, là où naissent le bien et le mal. [...] Je mis la pointe de la lame entre ses seins, et de ses jambes elle m'entoura le dos. Lentement, je pressai le poignard. Lentement. Elle ouvrit les yeux, extatiques. Elle me parut plus belle que tous les êtres. Elle dit, endolorie : « Mon cher, je pensais que jamais tu n'oserais. J'ai faillis désespérer de toi. » Je pressai le poignard avec ma propre poitrine jusqu'à ce qu'il disparaisse entier entre ses seins. Et je sentis son sang chaud exploser hors de son torse. Je me mis à frotter ma poitrine contre la sienne tandis qu'elle hurlait suppliante : « Viens avec moi, viens, ne me laisse pas partir seule... »
Et elle me dit : « Je t'aime. » Et je la crus. Et je lui dis : « Je t'aime. » — et j'étais sincère. Nous étions torche enflammée, les bords du lit s'embrasèrent dans le feu infernal, et mon nez reconnut l'odeur de la fumée pendant qu'elle disait : « Je t'aime, ô mon amant », et que je répondais : « Je t'aime, ô mon aimée. » Et l'univers et les catégories du temps, passé, présent, futur, se concentrèrent en un point unique qui n'avait pas d'avant, ni d'après.
Commenter  J’apprécie          240
- Wad Rayyes aime les femmes non excisées, dit mon grand-père.
- Je le jure Hadj Ahmed ! Tu jetterais ton chapelet de suite et négligerais la prière si tu connaissais les femmes d'Abyssinie et du Nigeria. Il y a entre leurs cuisses comme un disque intact, bellement ouvragé, se suffisant à lui-même, avec ses qualités et ses défauts. Mais, chez nous, on le mutile et on le délaisse comme une terre dévastée.
- L'excision, dit Bakri, est une loi de l'Islam.
- De quel Islam s'agit-il ! Ton Islam et celui de Hadj Ahmed, qui ne savez distinguer entre ce qui vous fait tort et ce qui vous couvre de bienfaits. Les Nigérians, les Égyptiens, les Syriens ne sont-ils pas musulmans ! Mais voilà gens qui savent les fondements de la Loi, laissant leurs femmes telles que Dieu les a créées. Tandis que nous les châtrons comme des bêtes.
Commenter  J’apprécie          232
Il s'enquit de mon nom, je le lui dis. Il s'informa de mon âge, je répondis que je n'en savais rien. Il me dit enfin :
- Aimerais-tu aller à l'école ?
Je répondis :
- Qu'est-ce que c'est l'école ?
Il répliqua :
- Une belle maison de pierre au milieu d'un grand jardin au bord du Nil. La cloche sonne : tu entres en classe avec les élèves, tu apprends à lire, écrire et compter.
- Est-ce que je mettrai un turban comme celui-là ?
Je montrai du doigt ce qui surmontait sa tête comme dôme. L'homme se mit à rire.
- Ce n'est pas un turban, c'est un chapeau.
Puis il descendit de cheval et, se découvrant, me mit son chapeau sur la tête. Mon visage disparut à l'intérieur.
- Quand tu seras grand, si tu réussis à l'école, tu seras fonctionnaire du gouvernement et tu porteras un chapeau.
- J'irai à l'école, déclarai-je.
Commenter  J’apprécie          230
- Alors Hadj Ahmed, je pris la fille sur l'âne, en train de frétiller et de se débattre, et en route la forçai à se déshabiller de sorte que bientôt elle fut complètement nue. C'était une jeune esclave originaire de l'aval du fleuve, déjà nubile. Des seins, Hadj Ahmed, comme des pistolets et des hanches larges à ne pouvoir les entourer des deux bras. Elle était pommadée et sa peau frottée d'onguents luisait sous la lune. Son parfum t'aurait fait perdre la tête. [...]
- Et depuis tu n'as pas cessé de baiser comme un âne infatigable !
Wad Rayyes répliqua :
- Qui mieux que toi connaît l'agrément de la chose, Bint Mhjoub ? Tu as enterré huit maris et même maintenant, vieille comme un genou, tu ne refuserais pas un neuvième s'il s'en présentait.
Commenter  J’apprécie          220
Je m'assis dans le compartiment, en face d'un homme vêtu d'habits ecclésiastiques, portant une grande croix dorée sur la poitrine. Il me sourit et m'adressa la parole en anglais. Je répondis. Il écarquilla les yeux et, me dévisageant attentivement, me demanda :
- Quel âge as-tu ?
Je répondis : " Quinze ans ", mais en réalité je n'en avais que douze. J'avais craint que, le sachant, il ne fasse peu de cas de moi. Il demanda encore : " Où vas-tu ? ", je répondis : " Dans une école secondaire au Caire. " " Seul ? ", " Oui. "
- J'aime voyager seul. [...]
Sur le chemin du retour, des années plus tard, je me souvins des paroles proférées par le prêtre, dans le train Khartoum-Le Caire : " Mon enfant, en fin de compte, nous voyageons tous seuls. "
Commenter  J’apprécie          211
Je fus fasciné par les poils de son bras droit, près du poignet, plus épais que d'ordinaire chez les femmes, et, de là, me portais en esprit vers d'autres poils, plus secrets, doux et touffus comme la flore des ruisseaux.
Commenter  J’apprécie          210
Le séjour des Anglais ici ne fut pas une tragédie, comme nous le pensons, il ne fut pas non plus un bienfait, comme ils l'affirment. C'était un grand drame qui deviendra, avec le temps, légende. Puis, j'entendis Mansour dire à Richard : " Vous nous avez inoculé la maladie de votre économie capitaliste ; elle a sucé notre sang, créé des sociétés d'exploiteurs et poursuit son œuvre. " Et Richard qui répliquait : " Cela prouve que vous ne pouvez vous passer de notre présence. Jadis, vous mettiez en doute les bienfaits du colonialisme. Et quand nous sommes partis, vous avez inventé la légende d'un pernicieux néocolonialisme. Il semble que notre présence, manifeste ou cachée, est aussi nécessaire à votre vie que l'air et l'eau. " Et ni l'un ni l'autre n'étaient fâchés : ils échangeaient de tels propos et riaient, à un jet de pierre de l'équateur mais séparés par un infranchissable abysse historique.
Commenter  J’apprécie          190
Le même extrémisme idéologique est partagé à droite comme à gauche. Si Moustafa Saïd s'était consacré exclusivement à la science, il aurait gagné des amis véritables dans toutes les races, et vous auriez entendu parler de lui. Il aurait pu rendre service à son pays encore dominé par les superstitions. Et voilà que vous faites crédit à d'autres superstitions : l'industrialisation, les nationalisations, l'unité arabe, l'unité africaine. Vous êtes comme des enfants croyant découvrir par miracle un trésor en creusant la terre. Vous pensez ainsi résoudre vos problèmes et instaurer le paradis. Chimères et rêves éveillés !
Commenter  J’apprécie          190
Je la pris comme elle criait faiblement : " Non, non... " Madame, cela ne vous servira à rien, c'est au premier pas qu'il fallait dire non, il n'y a plus rien à faire maintenant sinon suivre le cours des événements. Vous n'y pouvez rien. Bien des choses auraient changé si les hommes savaient dire non dès le premier pas.
Commenter  J’apprécie          190
Les autres me posèrent des questions, je faisais de même. Ils m'interrogèrent sur l'Europe. [...] Cela fit beaucoup de questions aux quelles je répondais de mon mieux. Ils furent stupéfaits de savoir que les Européens, avec quelques différences, étaient nos semblables, se mariant, élevant leurs enfants conformément à une tradition, qu'ils avaient des mœurs honnêtes et dans l'ensemble étaient de bonnes gens. [...]
Je préférai taire la suite telle qu'elle me vint à l'esprit : " ... Exactement comme nous. Ils naissent, meurent et, durant ce périple qui joint le berceau à l'éternité, font des rêves dont certains se réalisent. "
Commenter  J’apprécie          190
Halima la marchande de lait s’adressa à Amna qui était venue, comme d’habitude, avant le lever du soleil. Tout en lui versant la valeur d’une piastre, elle lui demanda :
– As-tu entendu la nouvelle ? Zeyn va se marier.
Le pot faillit tomber des mains d’Amna, ce qui permit à Halima de tricher un peu sur la quantité de lait qu’elle lui donnait.
Commenter  J’apprécie          170
Soudain, le soleil couchant perdit son sang en ouest, on aurait dit le flot de victimes innombrables dans une guerre sans merci entre le ciel et la terre. Puis, ce fut le spectacle de la défaite : les ténèbres au complet occupèrent le monde en ses quatre points cardinaux.
Commenter  J’apprécie          170
Au cours des années, la rive effritée par le courant avait, grâce aux alluvions, redessiné son cours. Ces gains et pertes de terrain se compensaient et, me dis-je, sont un miroir à la vie volant d'une main ce qu'elle octroie de l'autre. mais je n'ai dû comprendre cette vérité que plus tard.
Commenter  J’apprécie          150
Wad Rayyes se mit en devoir de repointer ses moustaches vers le haut pendant qu'il caressait, d'une tempe à l'autre, sa belle barbe blanche qui contrastait si fortement avec sa peau tannée d'un brun foncé. Telle barbe semblait presque postiche. Mais elle s'accordait parfaitement avec son turban blanc. Et elle encadrait si fortement le visage qu'elle mettait en valeur ses traits. Il avait de beaux yeux malicieux, un nez fin et se maquillait de khôl sous prétexte d'obéir à la coutume. Dans l'ensemble, il avait un beau visage, surtout comparé au visage plus commun de [...] Bakri, pareil à un melon ridé.
Commenter  J’apprécie          130



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Tayeb Salih (189)Voir plus

Quiz Voir plus

Chiffres romains (1) ...

MMXIX

666
2019
4799
1968
4800
1980
1789
151
333
999

10 questions
69 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , réflexions , chiffres , nombres , romainCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..