[ compagne d'un condamné à mort ]
- Je reçois, depuis peu, énormément de coups de fils anonymes. […] Les gens m'appellent pour me dire qu'ils vont éteindre la lumière, la semaine prochaine, afin qu'il y ait assez de courant pour la chaise électrique. Ils ne se rendent pas compte qu'il va…
- Avoir droit à la piqûre [létale].
- Oui.
Les calmants et autres antidépresseurs ne font plus effet, elle en est à une dizaine de comprimés par jour. Comme elle n'arrive plus à gérer ses émotions, elle est obligée de les anesthésier.
Mon père n'a jamais été un voleur bien dans sa peau. C'était un monte-en-l'air efficace, mais il n'a jamais pu plumer quelqu'un en le regardant droit dans les yeux. Ça lui déplaisait de traiter avec les fourgues et les gangs qui nous ont toujours servi d'interlocuteurs. Il ne volait que pour ramener du liquide à la maison, et pour autant que je sache, il ne dépensait quasiment jamais rien pour lui. Il ne vivait pas sur un grand pied et ne frimait pas, préférant rester l'homme humble et discret qu'il était par nature.
(p. 30-31)
[ mère d'un assassin condamné à mort ]
- Il y a des moments où je n'éprouve pour lui que de l'aversion. Je repense à ce qu'il a fait, à ce qui est arrivé, et j'aimerais… j'aimerais qu'on règle ça en vitesse. Ensuite, je me culpabilise d'avoir des idées pareilles, je me rappelle que c'est mon fils, que je l'aime et voudrais le sortir de là et l'avoir de nouveau à la maison, avec vous tous, et je me dis, je me dis…
(p. 42)
[ bar 'à hôtesses' ]
- Flo aimerait que vous lui offriez un dirty martini.
Inutile de demander de qui il s'agit.
- Et pour quelle raison accéderais-je à sa requête ?
La serveuse hausse les épaules.
- Elle se montrerait ensuite très gentille avec vous.
- Je connais déjà une foule de gens sympas.
" Je viens encore de fabriquer un fantôme. J'en suis d'ailleurs peut-être un moi même, à me projeter dans une vie antérieure qui m'est désormais étrangère."
[ Alzheimer ]
Mon père et ma mère sont à l'intérieur, en train de regarder la télé avec papy. Pas trace de ma sœur ni de mes oncles. J'entends papa parler à son père, comme s'il y avait une chance que celui-ci lui réponde de façon cohérente. Ma mère fait de même. A première vue, ils discutent avec entrain, pourtant je les sens tendus.
Ce n'est pas uniquement pour papy qu'ils agissent ainsi, dans l'espoir de sauvegarder le plus longtemps possible ce qui lui reste de personnalité, mais aussi pour eux-mêmes, puisque c'est uniquement à cette condition qu'ils peuvent se résoudre à s'occuper de lui, ce qui n'est pas une mince affaire.
(p. 111-112)
Elle lorgnait un diamant d'un demi-carat flanqué de deux saphirs identiques. Le prix n'en était pas excessif, même si je n'avais jamais rien acheté valant cette somme. Ça me démangeait de le piquer.
- Je peux l'avoir à moins cher, lui dis-je.
- Tu ne vas quand même pas voler une bague de fiançailles !
- Pourquoi pas ?
- Tu te rends compte de ce que tu me dis ?
- Non.
« Se rencontrer soi même, c’est rencontrer un inconnu. L’homme qu’on devient n’a pas grand-chose à voir avec l’homme qu’on a été.»
La prison lui réussit, comme à la plupart des fauves qui se retrouvent derrière les barreaux. Il est en bien meilleure forme qu’il ne l’a jamais été dehors, son bide énorme n’est plus qu’un souvenir et ses gros bras musclés sont striés de veines noires. J’ai cependant du mal à interpréter la lueur qui brille dans son regard, c’est là quelque chose de nouveau.
Les bagarres d’ivrognes lui ont laissé des cicatrices qui, en plus de celles récoltées en taule, posent le personnage. Comme moi, il s’est mis à grisonner avant l’âge.