La Constitution américaine et la législation de certains États autorisent la possession d'armes, et dans l'esprit de beaucoup d'Américains, un bon citoyen se doit d'en avoir une chez lui. Pourtant, quand ce sont des citoyens noirs qui s'en procurent, on ne peut s'empêcher, dans la communauté blanche, d'y voir le début de l'insurrection noire.
Les autorités américaines ont usé de tous les moyens en leur possession pour éliminer le Black Panther Party. Moyens légaux ou non. Directement ou non, elles sont même allées jusqu'à l'élimination physique de certains dirigeants du Parti. C'est le cas de "Bunchy" Carter, de John Huggins à Los Angeles, et surtout de Fred Hampton à Chicago.
Les anciens Panthères noires sont aujourd'hui touchés par le fait que la colère qui les habitait dans leur jeunesse est invisible chez beaucoup d'Afro-Américains. "Quand Amadou Diallo a été abattu [de quarante et une balles] par la police, en 1999, je pensais que les gens allaient se lever, en colère, et que cela ferait changer certaines choses, mais cela n'a pas été le cas. Si la police continue à tuer les Noirs, c'est parce que personne ne dit rien. Plus personne n'est en colère", tel est le sentiment de certains.
Julia Wright, fille de l'écrivain afro-américain Richard Wright, auteur du célèbre Black Boy et sympathisant communiste, explique que son père, à la fin de sa vie, "pensait voir des policiers sous son lit", tant la pression exercée par la police et la paranoïa avaient été destructrices.
Pour que se forge un sentiment anticommuniste – destiné en particulier à maintenir en place l'économie de guerre qui avait su arracher le pays à la crise – les autorités se doivent de réduire l'influence de cette gauche américaine, et même de l'éliminer, quitte à devoir criminaliser des activités culturelles ou syndicales. Le complot communiste international et son infiltration dans la société devient le cauchemar des autorités. Pendant près de quarante ans, tous les problèmes que vont rencontrer les États-Unis seront mis sur le compte de cette infiltration communiste.
Le Black Panther Party fait de la politique, puisqu'il se donne la mission de changer la vie de la Cité, de la communauté. Le danger qu'il représente pour l'État se trouve finalement là : les Panthères noires, tout comme la "Nouvelle Gauche" blanche ou les hippies, proposent une autre façon de faire de la politique, une alternative socialiste et participative. Alternative malheureusement incompatible avec la démocratie représentative américaine, et sans doute avec toute démocratie contemporaine.
Pour beaucoup de jeunes Afro-Américains de la fin des années soixante, le Parti des panthères noires représente le "réveil" de l'homme noir face à la violence dont il est victime. Huey P. Newton et Bobby Seale, les deux fondateurs du Parti, incarnent ce refus de l'homme noir américain de voir son peuple et sa communauté humiliés, violentés, aliénés et assassinés.
Le BPP* est aujourd'hui, aux États-Unis comme en France, toujours mal connu, voire méconnu. Lorsqu'on évoque les Panthères noires, les réactions sont souvent les mêmes : "Ah oui, ces Noirs racistes...", preuve que la désinformation et la propagande ont bien fait leur travail.
*Black Panther Party
Wesley Swearingen est alors agent spécial pour le FBI, où il est rentré en 1951. Il racontera, plus de vingt ans plus tard : "Je ne savais pas [en rentrant au FBI], que j'y apprendrais l'art du cambriolage, que le directeur, John E. Hoover, enseignerait aux agents comment violer la loi. Je ne savais pas que des agents de Bureau comploteraient en vue d'assassiner des citoyens américains et jetteraient des individus en prison juste parce qu'ils sont noirs ou amérindiens".
Qui étaient les Panthères noires : de jeunes Noirs révoltés, racistes, plus ou moins délinquants ? Ou une organisation politique luttant, à travers la mise en place d'un modèle socialiste, contre la pauvreté et l'aliénation des populations noires des ghettos ? Le parti avait-il une aura suffisante pour devenir un guide politique, donner la marche à suivre aux Noirs et à la jeunesse rebelle américaine ? Représentaient-ils vraiment un danger ? Ce qui est sûr, c'est que le FBI aura exploité toutes les failles, erreurs, conflits entre les organisations noires et au sein même du Black Panther Party. Un acharnement aux divers visages : harcèlement continue des Panthères, procès intentés et souvent montés de toutes pièces, assassinats de certains de ses dirigeants. Les Panthères noires semblent avoir été pris au piège de leur projet révolutionnaire et de l'image qu'ils renvoyaient à l'Amérique blanche.