L’opale intérieure
Je suis venu ici retrouver l’arôme piquant de toutes les fleurs et de toutes les saveurs, et le croassements des corbeaux de l’antique Goa, le fantôme des églises reconstruites, et les processions zébrées de vert et d’or, la respiration des puits qui attire la mort, les buffles somnambules qui avancent lentement dans les rizières d’un de ces demi-dieux guerriers des sagas du Sud de l’Inde. Dans l’éclair bleu de cette fin d’étape, éblouissant écran, je trouve tes lèvres de corail et d’éternel sourire, toujours si fraîches. J’y puise à longs traits émus la gloire de la vie, blotti dans cette chaleur qui enveloppe la terre et dit adieu dans un murmure.
La pauvreté est loin du musée, dans les bataillons de la vieille ville, même si elle vient parfois gratter humblement aux portes de l’opulence.
Et ce manant, voyez-vous ça, qui ne voulait plus d’Irisalva, qui la troquait pour une rustaude quelconque, du genre hommasse… Encore une prédestinée, celle-là ! Les types comme ça ne venaient au monde que pour le mal, pour démolir. Ils vous démolissaient une femme comme les enfants vicieux qui démolissent tous leurs jouets.
Ceux qui nous dirigent, à force de prononcer avec emphase des phrases qui n'ont pas de sens, finissent par se les répéter à eux-mêmes, tous seuls; ils ne savent plus penser ni parler d'une autre façon, deviennent les prêtres du lieu commun, les robots du discours grandiloquent et inutile, de la morale vide.
Soudain, j'ai eu envie de pleurer. Mais les larmes sont une manière trop commode d'apaiser notre conscience, grâce à elles on se sent meilleur qu'on ne l'est... Si je devais consoler quelqu'un, ce ne serait pas moi. Je suis parti, les yeux secs, les lèvres serrées
Quelle apothéose grotesque: la tuberculose, maladie archaïque et qui néanmoins tue; ces pauvres vieux noms, sonores et «respectables», qui se vendent au poids... Tout cela est-il possible, n'est-ce pas un roman? Non, ce n'est pas un roman: c'est notre vie quotidienne - chemise en soie qui cache la saleté sous les aisselles -, ma vie rampante, enjolivée demain par une voiture neuve, ma vie telle que je la veux, ma vie heureuse, la superbe existence que je mérite, moi, queue basse et regard fourbe, à plat ventre devant l'étranger - qui nous baise, se moque de nous et, par-dessus le marché, nous inflige encore des leçons de morale. Nous seuls pourrions nous sauver - et décidément nous ne le voulons pas
Partout Eros commande la vie, même dans les quartiers de la misère et de l’échec, ou du business avide qui foisonne par ici.
N'y a-t-il que les idées qui comptent pour ces femmes?... Oublient-elles pas que les hommes, de chair et d'os, comme celui-là, sont la matière vivante, sanglante de l'histoire, laquelle n'est pas qu'un jeu d'interprétations, de déchiffrages, de prévisions?
Mais les idées dérangeantes ne s'en vont pas comme ça, simplement parce que nous nous essuyons au soleil et que nous tentons d'oublier, couchés sur la plage, que nous avons une conscience à la maison...