Valerie Rusu

L’oiseau

Quand il est revenu
Vers ses petits avec de la nourriture,
Il a trouvé le nid vide
Et muet.
Il s'est mis à les chercher
Jusqu'à ce que son plumage devienne blanc,
Jusqu'au moment où dans son bec
La semence ait germé.

(Grigore Vieru, traduit par Stéphanie Clech, p. 225)

On a surnommé Panait Istrati « le vagabond génial » – ainsi il demeurera inscrit dans les siècles, car son esprit ignorant les lettres de cachets, était courageux, révolté, semant tel le vent au printemps à Brăila, de la poussière verte de l’Orient, de la poussière noire des Balkans.
[...]
Je crois, car mon cœur parle, que le nomade a forgé l'écrivain Panait Istrati.

(Fănuș Neagu, traduit par Olivier Cronert, p. 250–251)

L’image de maman

Légère, douce maman, légère,
Tu pouvais marcher
Sur les semences qui voltigent
Entre les cieux et la terre !

Dans tes regards une sorte d'inquiétude
Or tu es pourtant heureuse –
L'herbe sait comment tu t'appelles,
L'étoile sait ce que tu penses.

(Grigore Vieru, traduit par Stéphanie Clech, p. 224)

Ioan Alexandru

Les serfs

Les paysans ont l’odeur des papillons et de la terre
Les paysans ont l’odeur des brebis et de la neige
Les paysans ont l’odeur des larmes et des lumières
Les paysans ont l’odeur de la potence

Les paysans ont l’odeur de la justice, ils ont
L’odeur de l’amour et de la fragilité
La Transylvanie pauvre a l’odeur des paysans
Et les paysans ont l’odeur de la résurrection

Leur maison a l’odeur des douze enfants
Alignés sur l’âtre
Vêtus de casquettes et de gros manteaux de laine
Lourds comme des croix de pierre

Les paysans ont l’odeur des flûtes et des pluies
La colline a l’odeur lourde de la virginité
Quand la terre pend sous le ciel
Comme une goutte de rosée à la couleur du sang

Les paysans ont l’odeur de la pitié qui s’est amassée
Au fil des ans pour se figer comme un silex dans le pays
Et de sa chair a surgi
Cette semence millénaire

Les paysans ont l’odeur de basilic et de lys
Des vêtements sacrés et des noces
Leur tête a l’odeur arrachée du paradis
Leurs pieds ont l’odeur d’une folie sainte.

(traduit par Catherine Bugel)

Enfin, c’est uniquement le destin, semble-t-il profondément accroché à la terre dans l’histoire roumaine, qui peut expliquer le faite que le premier document écrit en roumain qui soit conservé, Scrisoarea lui Neacşu din Cîmpulung, 1521, s’abreuve aux sources historiques du peuple roumain dans l’ambiance tragique danubienne : le boyard Neacşu de Cîmpulung, ville située sur le versant sud des Carpates, avertit le Maire Hans Benkner de Braşov, ville située de l’autre côté des Carpates, que les Turcs se préparent aux bords du Danube pour attaquer les pays roumains, donc qu’il faut se préparer pour se défendre !