Nous sommes arrivés à Auschwitz un jour après la libération du camp, le 28 janvier 1945. La première chose que nous avons vue, ce sont des tas de cadavres. Avant le retrait, les hitlériens avaient rassemblé tous les prisonniers dans la cour et les avaient fusillés. Nous avons filmé tout ce que nous avons pu voir, des tas de montures de lunettes, avec et sans verres, un monceau de pots de chambre et de chaussures. Tout cela a été filmé, pour faire du film un document accusant le fascisme. Soudain, nous avons vu des enfants en vie (après, nous avons su qu'ils étaient quarante-huit). [...] J'ai filmé ces petits, leur ayant demandé de mettre en avant leur bras sur lequel était tatoué leur numéro de prisonnier.
Kenan Kutub – Zade, opérateur russe
Je me suis rendu à Auschwitz le lendemain de sa libération. Il est impossible de restituer le sentiment de détresse et de colère qui s'est emparé de nous à la vue de ces visages exsangues, de ces yeux de martyrs. Nombre d'entre eux n'avaient même pas la force de se réjouir. Dans un plan du film, on voit une petite vieille aux cheveux blancs et au sourire édenté: elle avait tout juste 20 ans. Mon collègue et ami Nikolaï Bykov n'a pas pu filmer et n'est pas resté. En effet, Auschwitz ébranlait nos sentiments et notre volonté. 35 jours durant, nous avons filmé le camp de la mort tel que les fascistes l'avaient abandonné.
Kenan Kutub – Zade, opérateur russe