Un essai philosophique vivant et accessible sur la notion de trahison, écrit à partir d'une expérience de télé-réalité à laquelle l'auteur a participé.
Pour en savoir plus :
Vincent Cespedes s'est fait connaître du grand public avec son premier livre contre la télé-réalité naissante, I Loft You (Mille et Une Nuits, 2001). Plus de vingt ans après, une grande chaîne de télévision l'a invité à passer de l'autre côté du miroir et à participer à un jeu diabolique : Les Traîtres, qui sera diffusée en septembre 2023. Cette émission de grande audience devient une expérience humaine d'une richesse inouïe pour le philosophe-candidat et lui offre l'occasion d'une méditation in vivo sur la loyauté, la confiance et la trahison.
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Gardons à l'esprit que la force d'une société réside dans son passé (civilisation), dans son présent (puissance économique) mais aussi dans son futur : sa jeunesse
L'argent a été inventé pour que l'homme puisse se dire généreux. Mais généreux de son portefeuille n'est pas généreux de sa personne. Or, sans don de nous-mêmes, il n'y a ni amour ni sexualité possibles. Mais que signifie "nous donner nous-mêmes"?
Il ne s'agit pas d'une métaphore : il est véritablement question ici de donner une partie de nous à l'autre. Donner de l'attention, c'est offrir la lumière de nos yeux, la patience de notre coeur, l'intelligence de notre concentration. Donner de la tendresse, c'est diffuser le charme de nos sourires, la caresse de nos mains, la soie de nos mots, la chaleur de notre affection. Donner du plaisir, c'est répandre notre sueur, notre frénésie créative, notre empathie.
Il y a ainsi, dans le don de soi, une absence de calcul ("donner sans compter") et un oubli de soi-même ("s'abandonner") qui ont partie liée à la spontanéité et à une sorte de surabondance de soi... (...)
(...), la puissance rend tranquille et serein, tandis que le pouvoir clinquant (et la quête de pouvoir, car on n'en a jamais assez) rend frénétique et arrogant. Aux yeux du puissant, le pouvoir et la fuite en avant permanente qu'il implique n'ont aucun intérêt.
La sphère de la politique fournit de beaux spécimens en la matière : des hommes compensant leur(s) impuissance(s) - sexuelles, physique, relationnelle, familiale - en s'engageant hystériquement ("testériquement", devrait-on dire) dans des luttes de pouvoir et d'ego.
Il y a jouissance dès que deux puissances se mélangent. - Le promeneur avec la nature, le surfeur avec la vague, le spectateur avec le comédien, le lecteur avec l'auteur, la femme avec son amant.
En amour, ce sont toujours les silences et les soupirs qui en disent le plus long.
La galanterie est le repos de l'amazone, et elle lui offre l'occasion d'exercer sa puissance. D'être belle, d'être sans stress, de se sentir prise en compte, de resplendir. Dans une langue palpitante, le philosophe Jean-Marie Guyau écrit : "La femme n'a pas seulement le pouvoir de nous compléter nous-mêmes, de former par le mélange de son existence avec la nôtre un être plus entier, plus total, pouvant offrir un raccourci achevé de toute vie; elle est capable aussi, par sa simple présence, par un sourire, de doubler nos forces individuelles, de les porter au plus haut point qu'elles puissent atteindre : toute notre virilité est appuyée sur sa grâce."
Les machos et les goujats feraient bien d'accrocher cette dernière phrase à leur caleçon. En l'absence de galanterie, pas de grâce féminine, donc pas de virilité. Notre pouvoir brutal écrase alors la puissance des femmes, mais aussi notre propre puissance. Marcher devant une femme dans la rue, lui réserver partout la moins bonne place, la traiter avec indifférence, suffisance ou mépris, c'est inhiber la féminité d'où qu'elle puisse provenir et, du coup, nous priver de virilité féconde.
(...), si l'image de l'Homme Viril s'avère inatteignable pour le commun des mortels, la virilité serait alors effectivement cause de mal-être et de violence dans la mesure où nous ne serions jamais assez virils, jamais à la hauteur de notre propre essence. Quand ce n'est pas notre stature qui fait défaut, c'est notre corpulence ou notre tempérament, nos revenus ou notre statut social, la taille de notre pénis ou la fermeté de nos abdos...
Serions-nous donc tous atteints par un complexe de Napoléon élargi? La virilité doit-elle être prise comme une énième chimère de la phallocratie, et dépassée? Est-elle l'enjeu d'efforts sans fin - parce que toujours précaire et fuyante -, ou bien notre matière première, ce à partir de quoi nous nous déployons?
(Et) les rares d'entre nous qui séduisent, séduisent justement parce qu'ils ne savent pas séduire, c'est-à-dire à leur insu, par leur insu, par élégance. Autrement dit, sans être entreprenants.
(...), le propre des encouplés est leur hantise d'être cocufiés. Plus on attend de l'autre qu'il soit fidèle, plus on s'imagine ses infidélités et l'on se représente le moindre ami un peu proche comme un cocufieur potentiel. L'insistance sur le devoir de fidélité se situe en réalité à l'opposé de la saine confiance, et le plaisir de posséder l'autre par encouplement provient de l'orgueil de posséder un bien que les autres n'ont pas.
Une écoute, finalement, quand la plupart des entendants se contentent d'entendre les échos d'un monde saturé de rumeurs, de larsens, de vacarmes, de réclames, de fausses alertes et de vrais sanglots.
J'aime cette vérité du poète Serge Pey :
"Les sourds entendent les sous entendus"
Grâce à ma surdité précoce j'ai développé un don pour appréhender l'inaudible, le souffle des émotions, les silences qui en disent long, la psychologie des bouches qui se tordent-, et les entendants passent à côté de ce trésor, à refuser de faire leur petit bout de chemin vers moi, qui permettrait enfin que nous communiquions.