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4.59/5 (sur 11 notes)

Né(e) : 1967
Biographie :

Vincent Vivès,docteur de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, est professeur à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis.

Il consacre son enseignement et ses recherches aux domaines de la littérature, de la philosophie et de la musique en s'attachant tout particulièrement à interroger leurs multiples relations.

Il est l'auteur d'une Histoire et poétique de la mélodie française ainsi que d'ouvrages sur la poésie du XIXe et du XXe siècles.

Source : decitre
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Théophile de Viau

LA SOLITUDE.

ODE.

Dans ce val solitaire et sombre,
Le cerf, qui brame au bruit de l’eau,
Panchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.

De ceste source une Naiade
Tous les soirs ouvre le portal
De sa demeure de crystal,
Et nous chante une serenade.

Les nymphes que la chasse attire
À l’ombrage de ces forests
Cherchent des cabinets secrets,
Loin de l’embusche du satyre.

Jadis au pied de ce grand chesne,
Presque aussi vieux que le soleil,
Bacchus, l’Amour et le Sommeil,
Firent la fosse de Silene.

Un froid et tenebreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.

L’esprit plus retenu s’engage
Au plaisir de ce doux sejour,
Où Philomele nuit et jour
Renouvelle un piteux langage.

L’orfraye et le hibou s’y perche ;
Icy vivent les loup-garous ;
Jamais la justice en courroux
Icy de criminels ne cherche.

Icy l’amour faict ses estudes ;
Venus y dresse des autels ;

Et les visites des mortels
Ne troublent point ces solitudes.

Ceste forest n’est point profane ;
Ce ne fut point sans la fascher
Qu’Amour y vint jadis cacher
Le berger qu’enseignoit Diane.

Amour pouvoit par innocence,
Comme enfant, tendre icy des rets,
Et comme reine des forests,
Diane avait cette licence.

Cupidon, d’une douce flamme
Ouvrant la nuict de ce valon,
Mist devant les yeux d’Apollon
Le garçon qu’il avoit dans l’ame.

À l’ombrage de ce bois sombre
Hyacinthe se retira,
Et depuis le Soleil jura
Qu’il seroit ennemy de l’ombre.

Tout auprès le jaloux Borée,
Pressé d’un amoureux tourment,
Fut la mort de ce jeune amant,
Encore par luy souspirée.

Saincte forest, ma confidente,
Je jure par le Dieu du jour
Que je n’auray jamais amour
Qui ne te soit toute evidente.

Mon ange ira par cet ombrage ;
Le Soleil, le voyant venir,
Ressentira du souvenir
L’accez de sa premiere rage.

Corine, je te prie, approche ;
Couchons-nous sur ce tapis vert,
Et pour estre mieux à couvert,
Entrons au creux de cette roche.

Ouvre tes yeux, je te supplie :

Mille Amours logent là-dedans,
Et de leurs petits traicts ardans
Ta prunelle est toute remplie.

Amour de tes regards souspire,
Et, ton esclave devenu,
Se voit luy-mesme retenu,
Dans les liens de son empire.

Ô beauté sans doute immortelle,
Où les Dieux trouvent des appas !
Par vos yeux je ne croyois pas
Que vous fussiez du tout si belle.

Qui voudroit faire une peinture
Qui peust ses traicts representer,
Il faudroit bien mieux inventer
Que ne fera jamais nature.

Tout un siecle les destinées
Travaillerent après ses yeux,
Et je croy que pour faire mieux
Le temps n’a point assez d’années.

D’une fierté pleine d’amorce,
Ce beau visage a des regards,
Qui jettent des feux et des dards
Dont les Dieux aymeroient la force.

Que ton teinct est de bonne grace !
Qu’il est blanc, et qu’il est vermeil !
Il est plus net que le Soleil,
Et plus uny que de la glace.

Mon Dieu ! que tes cheveux me plaisent !
Ils s’esbattent dessus ton front,
Et les voyant beaux comme ils sont,
Je suis jaloux quand ils te baisent.

Belle bouche d’ambre et de roze,
Ton entretien est desplaisant
Si tu ne dis, en me baisant,
Qu’aymer est une belle chose.


D’un air plein d’amoureuse flame,
Aux accens de ta douce voix,
Je voy les fleuves et les bois
S’embrazer comme a faict mon ame.

Si tu mouilles tes doigts d’yvoire
Dans le crystal de ce ruisseau,
Le Dieu qui loge dans ceste eau
Aymera, s’il en oze boire.

Presente-luy ta face nue,
Tes yeux avecque l’eau riront,
Et dans ce miroir escriront
Que Venus est icy venue.

Si bien elle y sera despeincte,
Que les Faunes s’emflammeront,
Et de tes yeux, qu’ils aymeront,
Ne sçauront descouvrir la feinte.

Entends ce Dieu qui te convie
À passer dans son element ;
Oy qu’il soupire bellement
Sa liberté desjà ravie.

Trouble-luy ceste fantaisie,
Destourne-toy de ce miroir,
Tu le mettras au desespoir,
Et m’osteras la jalousie.

Voy-tu ce tronc et ceste pierre ?
Je croy qu’ils prennent garde à nous,
Et mon amour devient jaloux
De ce myrthe et de ce lierre.

Sus, ma Corine ! que je cueille
Tes baisers du matin au soir !
Voy comment, pour nous faire asseoir,
Ce myrthe a laissé cheoir sa fueille.

Oy le pinçon et la linotte,
Sur la branche de ce rosier ;
Voy branler leur petit gosier !

Oy comme ils ont changé de notte !

Approche, approche, ma Driade !
Icy murmureront les eaux,
Icy les amoureux oyseaux
Chanteront une serenade.

Preste-moy ton sein pour y boire
Des odeurs qui m’embasmeront ;
Ainsi mes sens se pasmeront
Dans les lacs de tes bras d’yvoire.

Je baigneray mes mains folastres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les vœux
De mes œillades idolatres.

Ne crains rien, Cupidon nous garde.
Mon petit ange, es-tu pas mien ?
Ha ! Je voy que tu m’aymes bien :
Tu rougis quand je te regarde.

Dieux ! que ceste façon timide
Est puissante sur mes esprits !
Regnauld ne fut pas mieux espris
Par les charmes de son Armide.

Ma Corine, que je t’embrasse !
Personne ne nous voit qu’Amour ;
Voy que mesme les yeux du jour
Ne trouvent point icy de place.

Les vents, qui ne se peuvent taire,
Ne peuvent escouter aussy,
Et ce que nous ferons icy
Leur est un inconnu mystere.
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Théophile de Viau

Naissance: 1590 Clairac, Agenois, Royaume de France
Décès: 25 septembre 1626 Paris, Royaume de France

La solitude -

...
Sus, ma
Corine! que je cueille
Tes baisers du matin au soir !
Vois, comment pour nous faire asseoir,
Ce myrte a laissé choir sa feuille !



Ois le pinson et la linotte,
Sur la branche de ce rosier ;
Vois branler leur petit gosier,
Ois comme ils ont changé de note !



Approche, approche, ma
Dryade !
Ici murmureront les eaux ;
Ici les amoureux oiseaux
Chanteront une sérénade.



Prête-moi ton sein pour y boire
Des odeurs qui m'embaumeront;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d'ivoire.



Je baignerai mes mains folâtres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les voeux
De tes oeillades idolâtres.



Ne crains rien,
Cupidon nous garde.
Mon petit ange, es-tu pas mien ?
Ah ! je vois que tu m'aimes bien :
Tu rougis quand je te regarde.



Dieux ! que cette façon timide
Est puissante sur mes esprits !
Renaud ne fut pas mieux épris
Par les charmes de son
Armide.



Ma
Corine, que je t'embrasse !
Personne ne nous voit qu'Amour ;
Vois que même les yeux du jour
Ne trouvent ici point de place.



Les vents qui ne se peuvent taire,
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous ferons ici
Leur est un inconnu mystère.
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Pierre de Ronsard

Date/Lieu de naissance : 11 septembre 1524, Château de la Poissonnière, Vallée-de-Ronsard
Date de décès : 27 décembre 1585, La Riche
Mouvement littéraire : Pléiade
Enseignement : Collège de Navarre
Date et lieu d'inhumation : 27 décembre 1585, Prieuré Saint-Cosme - Demeure de Ronsard, La Riche


ÉLÉGIE

CONTRE LES BUCHERONS DE LA FOREST DE GASTINE
Quiconque aura, premier[1], la main embesongnee[2]
A te coupper, forest, d’une dure congnee[3],
Qu’il puisse s’enfermer de son propre baston,
Et sente en l’estomac la faim d’Erisichthon
Qui coupa de Ceres le chesne vénérable,
Et qui, gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère engorgea,
Puis, pressé de la faim, soy-mesme se mangea :

Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se dévore après par les dents de la guerre !

Qu’il puisse, pour venger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l’usurier, et qu’en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme !
Que tousjours, sans repos, ne fasse en son cerveau
Que tramer pour-néant quelque dessein nouveau,
Porté d’impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse !
Escoute, Bûcheron, arreste un peu le bras :
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoûte à force,
Des Nymphes qui vivoient dessous la dure escorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de détresses
Merites-tu, meschant, pour tuer nos Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuls légers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d’esté ne rompra la lumière.

Plus l’amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé.
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet ; Echo sera sans vois ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre, et la charrue.
Tu perdras ton silence, et Satyres et Pans,
Et plus le cerf chez toy ne cachera ses fans.

Adieu, vieille forest, le jouet de Zephyre,
Où premier j’accorday les langues de ma lyre,
Où premier j’entendi les flèches resonner
D’Apollon, qui me vint tout le cœur estonner ;
Où, premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m’allaita.

Adieu, vieille forest, adieu, testes sacrées,
De tableaux et de fleurs en tout temps révérées,
Maintenant le desdain des passans altérez,
Qui, bruslez en l’esté des rayons etherez,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers, et leur disent injures !

Adieu, chesnes, couronne aux vaillans citoyens.
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui, premiers, aux humains donnastes à repaistre ;
Peuples vrayment ingrats, qui n’ont sçeu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vrayment grossiers,
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers !

Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !
Dieux, que véritable est la philosophie.
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu’en changeant de forme, une autre vestira !

De Tempe la vallée, un jour, sera montagne,
Et la cyme d’Athos, une large campagne :
Neptune, quelquefois, de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd.

1/ Le premier.
2/Embesognée, c’est-à-dire : occupée.
3/ Pour : cognée.
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Estienne Durand

STANCES À L’INCONSTANCE

Esprit des beaux esprits, vagabonde inconstance,
Qu’Éole, roi des vents, avec l’onde conçut.
Pour être de ce monde une seconde essence,
Reçois ces vers sacrés à ta seule puissance.
Aussi bien que mon âme autrefois te reçut.

Déesse qui partout et nulle part demeure,
Qui préside à nos jours et nous porte au tombeau.
Qui fais que le désir d’un instant naisse et meure.
Et qui fait que les cieux se tournent à toute heure
Encor qu’il ne soit rien ni si grand ni si beau.

Si la terre pesante en sa base est contrainte,
C’est par le mouvement des atomes divers.
Sur le dos de Neptun ta puissance est dépeinte,
Et les saisons font voir que ta majesté sainte
Est l’âme qui soutient le corps de l’univers.

Notre esprit n’est que vent, et, comme un vent volage.
Ce qu’il nomme constance est un branle rétif :
Ce qu’il pense aujourd’hui demain n’est qu’un ombrage.
Le passé n’est plus rien, le futur un nuage,
Et ce qu’il tient présent il le sent fugitif.

Je peindrais volontiers mes légères pensées,
Mais déjà, le pensant, mon penser est changé.
Ce que je tiens m’échappe, et les choses passées,
Toujours par le présent se tiennent effacées,
Tant à ce changement mon esprit est rangé.

Aussi depuis qu’à moi ta grandeur est unie
Des plus cruels dédains j’ai su me garantir ;
J’ai gaussé les esprits dont la folle manie

Esclave leur repos sous une tyrannie,
Et meurent à leur bien pour vivre au repentir.

Entre mille glaçons je sais peindre une flamme.
Entre mille plaisirs je fais le soucieux ;
J’en porte une à la bouche, une autre dedans l’âme.
Et tiendrais à péché, si la plus belle dame
Me retenait le cœur plus longtemps que les yeux.

Doncques, fille de l’air, de cent plumes couverte.
Qui, de serf que j’étais, m’a mis en liberté,
Je te fais un présent des restes de ma perte.
De mon amour changé, de sa flamme déserte.
Et du folâtre objet qui m’avait arrêté.

Je te fais un présent d’un tableau fantastique.
Où l’amour et le jeu par la main se tiendront,
L’oubliance, l’espoir, le désir frénétique.
Les serments parjurés, l’ardeur mélancolique.
Les femmes et les vents ensemble s’y verront.

Les sables de la mer, les orages, les nues,
Les feux qui font en l’air les tonnantes chaleurs.
Les flammes des éclairs plus tôt mortes que vues.
Les peintures du ciel à nos yeux inconnues,
À ce divin tableau serviront de couleurs.

Pour un temple sacré je te donne ma belle.
Je te donne son cœur pour en faire un autel.
Pour faire ton séjour tu prendras sa cervelle.
Et moi, je te serai comme un prêtre fidèle
Qui passera ses jours en un change immortel.
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Théodore Agrippa d'Aubigné
Date/Lieu de naissance : 8 février 1552, Pons
Date de décès : 29 avril 1630, Genève, Suisse
Enseignement : Université d'Orléans
Enfants : Constant d'Aubigné, Madame de Villette, Nathan d'Aubigné
Petits-enfants : Madame de Maintenon, Charles d'Aubigné, Constant d'Aubigné

L’HYVER

Mes volages humeurs, plus sterilles que belles,
S’en vont ; et je leur dis : Vous sentez, irondelles,
S’esloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures,

Ma couche de babil et ma table d’ordures ;
Laissez dormir en paix la nuict de mon hyver.

D’un seul poinct le soleil n’esloigne l’hemisphere ;
Il jette moins d’ardeur, mais autant de lumière.
Je change sans regrets, lorsque je me repens
Des frivoles amours et de leur artifice.
J’ayme l’hyver qui vient purger mon cœur de vice,
Comme de peste l’air, la terre de serpens.

Mon chef blanchit dessous les neiges entassées,
Le soleil, qui reluit, les eschaulfe, glacées.
Mais ne les peut dissoudre, au plus court de ses mois.
Fondez, neiges ; venez dessus mon cœur descendre,
Qu’encores il ne puisse allumer de ma cendre
Du brazier, comme il fit des flammes autrefois.

Mais quoi ! serai-je esteint devant ma vie esteinte[1] ?
Ne luira plus sur moi la flamme vive et sainte,
Le zèle flamboyant de la sainte maison ?
Je fais aux saints autels holocaustes des restes[2].
De glace aux feux impurs, et de naphte[3] aux célestes :
Clair et sacré flambeau, non funèbre tison !

Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines.
Le rossignol se taist, se taisent les Sereines[4] :
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs ;
L’espérance n’est plus bien souvent tromperesse ;
L’hyver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse,
La saison de l’usage, et non plus des labeurs !

Mais la mort n’est pas loin ; cette mort est suivie
D’un vivre sans mourir, fin d’une fausse vie :
Vie de nostve vie, et mort de nostre mort.
Qui hait la seureté[5], pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais esté si friant de voyage.
Que la longueur en soit plus douce que le port ?


1/ Avant que ma vie soit éteinte.
2/ Sous-entendu, de ma vie.
3/ Matière très-inflammable comme on sait.
4/ Sirènes.
5/ sûreté.
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Théophile de Viau

LE MATIN.

ODE.

L’aurore sur le front du jour
Seme l’azur, l’or et l’ivoire,
Et le soleil, lassé de boire,
Commence son oblique tour.

Ses chevaux, au sortir de l’onde,
De flamme et de clarté couverts,
La bouche et les naseaux ouverts,
Ronflent la lumiere du monde.

La lune fuit devant nos yeux ;
La nuict a retiré ses voiles ;
Peu à peu le front des estoilles
S’unit à la couleur des cieux.

Desjà la diligente avette
Boit la marjolaine et le thyn,
Et revient riche du butin
Qu’elle a pris sur le mont Hymette.

Je voy le genereux lion
Qui sort de sa demeure creuse,
Herissant sa perruque affreuse,
Qui faict fuir Endimion.

Sa dame, entrant dans les boccages,
Compte les sangliers qu’elle a pris,
Ou devale chez les esprits
Errant aux sombres marescages.

Je voy les agneaux bondissans
Sur ces bleds qui ne font que naistre ;
Cloris, chantant, les meine paistre
Parmy ces costaux verdissans.

Les oyseaux, d’un joyeux ramage,
En chantant semblent adorer

La lumière qui vient dorer
Leur cabinet et leur plumage.

La charue escorche la plaine ;
Le bouvier, qui suit les seillons,
Presse de voix et d’aiguillons
Le couple de bœufs qui l’entraine.

Alix appreste son fuseau ;
Sa mère, qui luy fait la tasche,
Presse le chanvre qu’elle attache
À sa quenouille de roseau.

Une confuse violence
Trouble le calme de la nuict,
Et la lumiere, avec le bruit,
Dissipe l’ombre et le silence.

Alidor cherche à son resveil
L’ombre d’Iris qu’il a baisée,
Et pleure en son ame abusée
La fuitte d’un si doux sommeil.

Les bestes sont dans leur taniere,
Qui tremblent de voir le soleil.
L’homme, remis parle sommeil,
Reprend son œuvre coustumiere.

Le forgeron est au fourneau ;
Oy comme le charbon s’alume !
Le fer rouge, dessus l’enclume,
Estincelle sous le marteau.

Ceste chandelle semble morte,
Le jour la faict esvanouyr ;
Le soleil vient nous esblouyr :
Voy qu’il passe au travers la porte !

Il est jour : levons-nous, Philis ;
Allons à nostre jardinage,
Voir s’il est, comme ton visage,
Semé de roses et de lys.
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Théophile de Viau

Ministre du repos, sommeil père des songes


Ministre du repos, sommeil père des songes,
Pourquoy t'a t'on nommé l'Image de la mort ?
Que ces faiseurs de vers t'ont jadis fait de tort,
De le persuader avecques leurs mensonges !



Faut-il pas confesser qu'en l'aise où tu nous plonges,
Nos esprits sont ravis par un si doux transport
Qu'au lieu de l'accourcir, à la faveur du sort,
Les plaisirs de nos jours, sommeil, tu les alonges.



Dans ce petit moment, ô songes ravissans,

Qu'amour vous a permis d'entretenir mes sens,
J'ay tenu dans mon lict
Elise toute nuë.



Sommeil, ceux qui t'ont fait l'Image du trespas,

Quand ils ont peint la mort ils ne l'ont point cogneuë
Car vrayment son portraict ne luy ressemble pas.
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Jean-Jacques Rousseau

Lettre sur la musique française

« À l’égard des contrefugues, doubles fugues, fugues renversées, basses contraintes, et autres sottises difficiles que l’oreille ne peut souffrir et que la raison ne peut justifier, ce sont évidemment des restes de barbarie et de mauvais goût, qui ne subsistent, comme les portails de nos églises gothiques, que pour la honte de ceux qui ont eu la patience de les faire. »

« Je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue; que l’harmonie en est brute, sans expression, et sentant uniquement son remplissage d'écolier ; que les airs français ne sont point des airs ; que le récitatif français n’est point du récitatif. D’où je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir, ou que, si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux. »

« Puisqu'on peut avoir un si grand plaisir pendant deux heures, je conçois que la vie peut être bonne à quelque chose. » Sur Orphée, de Gluck.
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Estienne Durand
Date/Lieu de naissance : 1586, Paris
Date de décès : 19 juillet 1618, 4e Arrondissement, Paris

Stances sur des fleurs


Belles fleurs que la lune en croissant fait paraître,
Vous vous rapportez fort avec les autres fleurs,
Car l’excès des humeurs comme vous les fait naître,
Et vous tombez aussi par l’excès des chaleurs.

Comme les fleurs nous font aimer le jardinage,
Nous tirant par les yeux d’un fort enchantement,
On dit que vous pouvez faire aimer davantage
Si trompé l’on vous peut savourer seulement.

Quelques fleurs, ce dit-on, apportent allégeance
Aux cerveaux affaiblis par étude lassés,
Après un long travail vous avez la puissance
De donner du repos aux maris harassés.

Oui, vous êtes du tout aux autres fleurs semblables,
Car le fruit peu à peu par elles se produit,
Et lorsque l’on vous voit, ce sont signes probables
Que celles qui vous ont sont capables de fruit.

Toutefois les jardins fleuris de telle sorte
S’aiment tant plus qu’ils sont émaillés de couleurs,
Mais lorsque vous venez, le jardin qui vous porte
Ne peut s’aimer qu’après qu’il a perdu ses fleurs.
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Clovis Hesteau de Nuysement
Naissance: 1550-1560 à Blois
Décès: 1623-24

Du Soleil radieux.

Du Soleil radieux, la brillante splendeur,
Et de la Lune aussi la lumineuse face,
Par un nuage espais, espars en l’air, s’efface :
Lors qu’ils vont tournoyant la celeste rondeur.

L’hyver ravit aux fleurs la couleur & l’odeur,
Et en moins d’une nuict les flestrit & terrace :
Le fruict trop avancé se passe en peu d’espace,
Et bref tout est fauché par le temps moissonneur.

Telie, voy ces lys, ces œilets & ces roses,
Languir à chef baissé desquelles sont descloses :
Qui t’esmeuvent d’avoir de toy-mesme pitié.

Cueillons donques les fleurs de ta verde jeunesse,
Et folle n’atten pas que la blanche vieillesse,
Te prive de sentir les fruicts d’une amitié.
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