Charles Level au Petit Conservatoire
MIREILLE aide Charles LEVEL à installer sa guitare tout en plaisantant et en prodiguant ses conseils. Sur une
musique écrite par lui, il chante un
poème de
Vitezslav Nezval.
“non ce n’est pas la fin de l’âge des guerres
tant qu’un seul homme encore a faim
tant que les armées vous racolent
un obus éclate une veuve de plus”
Epicerie
Va au cellier
Chercher du lait ou cueillir des fraises
Tu rencontreras une sorcière
Elle te dira bonjour
Dans cette forêt
Où un chat suspect
Garde un trésor
C'est une miche de pain
Ou un piège à souris
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Hokynářství
Jdi do sklepa
Pro mléko nebo na jahody
Potkáš čarodějnici
Řekne ti dobrý den
V tom lese
Kde podezřelá kočka
Hlídá poklad
Je to pecen chleba
Nebo past na myši
Quand
(à Jaroslav Ježek)
Quand le pont Charles sera couvert d'herbe
Viens, ma chère, chasser les oies à coup de baguette
Quand Prague sera dans les bois
je tomberai amoureux d'une roussalka
Quand le rossignol chantera dans le temple de Týn
Viens l'écouter et laisse tes excuses à la maison
Quand les rois mages sortiront tout droit de prison
Toutes les cloches sonneront comme elles le font aujourd'hui
Quand les arbres brodés pousseront sur les balcons
Le berger y claironnera sa chanson
Quand tu décoreras ton chapeau d'une tempête ou au moins d'un éclair
Ce sera la fin du monde ou que le début
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Až
Až bude Karlův most zarostlý trávou
Přijď má milá zahnat prutem husy
Až bude Praha v lesích
Zamiluji se do rusalky
Až bude v Týnském chrámu zpívat slavíček
Pojď si ho poslechnout a nech doma výmluvy
Až vyjdou tři králové přímo z vězení
Všecky zvony budou zvonit tak jako dnes
Až budou růst na balkónech vyšívané stromy
Bude tam vytrubovat pastýř svou písničku
Až si dáš za klobouk bouři nebo alespoň blesk
Bude konec světa nebo teprv začátek
“Je veux réveiller la conscience de ceux qui n’ont pas réfléchi”
PLACE DE LA VIEILLE VILLE
Il ne manque que le plafond
Et ce serait un théâtre
Avec une vue panoptique sur les exécutions
Un théâtre de corporations
Où les maîtres-chanteurs
Sous balcons et tonnelles
Célèbrent la Vénus de Nuremberg
Je la vois
Quand dans l'autobus viennent de monter les derniers spectateurs du Théâtre des États
Elle est derrière la vitrine d'un bouquiniste
Penchée sur un très ancien livre
Écrit en souabe
C'est la dernière femme
Elle titube un peu
Son parapluie se referme
Sa coiffure tombe
Et sa bague
Trois fois elle s'incline vers le nord vers l'ouest et vers le sud
Et elle s'en va du côté de l'est
Sa traîne noire frôle l'ombre de la mairie de la Vieille Ville
Où l'horloge sonne
Minuit
C'est une ouvreuse
Ou la mort
André Breton nous proposa d’aller dîner ensemble dans un petit restaurant, rue « Gît-le-Cœur ».
Je n’avais jamais été auparavant dans cette rue au nom enchanteur. Je me demande aujourd’hui comment son nom avait pu disparaître de ma mémoire, alors qu’André Breton, dans « Les Vases communicants », dit qu’elle est pour lui « la petite artère noire, comme sectionnée », ce qui ne pouvait me laisser indifférent. Cette image de Breton, à elle seule, a dû sans aucun doute frapper tellement mon imagination que je ne voyais que l’artère sectionnée, sans m’arrêter à l’image du cœur qu’elle traversait…
Je suis parfois triste à Prague où les noms des rues manquent de cette poésie magique que soufflent à nos oreilles les petites plaques en tôle bleue au coin des rues et ruelles de Paris. Mais je sais quelle rue de Prague porterait pour moi le nom « Ci-gît-le-cœur ».
Le bistrot où nous entrâmes rappelait, avec sa calandre à repasser, plus une épicerie qu’un restaurant. Nous prîmes place dans une salle pouvant contenir à peine huit personnes. C’est ici que Breton rencontrait Guillaume Apollinaire. J’ai vu, à son expression, tout l’amour qu’il portait à la rue Gît-le-Cœur. Il l’avait fait entrer en poésie.
J'aime les arcades de Prague
A trois ou quatre heures du matin
Quand elles guettent comme un piège l'écho des pas
Il y a quelque part tout près un monde singulier où l'on joue des sonatines
Je rêve de cryptes
Où s'est égaré un groupe d'écoliers en excursion
Où l'on est plus à l'aise qu'au soleil pour lire un roman
policier
Je marche le long de ces lavabos noirs et blancs
Au-dessus desquels monte la brume
Comme si quelqu'un disait bonne nuit
Comme si quelqu'un laissait échapper un soupir
Comme si quelqu'un m'appelait en silence
Ô balcons
Tandis que sur le boulevard le temps prend ses jambes à son cou
Comme le coureur cycliste qui s'imagine dépasser le véhicule de la mort
Tu ressembles à l'horloge du ghetto dont les aiguilles tournent à l'envers
Si je suis surpris par la mort je mourrais comme un gamin de six ans
Au congrès, je me suis tenu à coté de Breton. La parole était à André Gide. Breton l'appela en souriant "le vieux comédien", ce qui le décrivait à merveille. Il parlait lentement, avec ampleur, en graduant le ton, faisant des poses pour les applaudissements.
Quand il déclara que toute littérature de qualité avait été jusqu'à ce jour une littérature d'opposition, André Breton, tout seul, se mit à applaudir avec un tel enthousiasme que de nombreuses personnes prirent cela pour une provocation.