Découvrez le nouveau roman de Viviane Campomar
"En lui, quelque chose de l'Algérie", en écoutant deux extraits lus par le talentueux Serge Cazenave-Sarkis.
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Trente ans. Trente ans que de sa fenêtre elle attend les étoiles de Tchernobyl. Par temps clair les étoiles sont un miracle chaque nuit. Une agonie qu’un peintre dessine, malice encore vivante de papillons minuscules aux couleurs déclinées du blanc. De toutes nuances chagrines de ce qu’on appelle blanc. Jamais pourtant comme cette nuit-là, cette nuit-là où les scintillements pleuraient, retombant dans une mémoire de feu d’artifice. Imprimant leurs larmes de gel partout dans le ciel. Magnifique pluie de théâtre, pluie des comptines de son enfance. Les berceuses pulvérisées dans ce prodige dansant au ciel.
Mitia et elle, épaule contre épaule, fascinés dans le grésillement chaloupant de toute part. Mitia avait entendu l’explosion d’une météorite. Suivie immédiatement d’une autre. Tremblant, il avait guetté peut-être une heure sous les couvertures les signes de la fin du monde, pourtant rien de tel ne s’était produit.
Dacha, Fiodor et Vera sont des mutants, des curiosités à ne manquer pour rien au monde. De véritables starojily qui ont bravé l’État pour vivre coûte que coûte en dépit des radiations. Une bonne poignée d’entre eux également répartis dans d’anciens villages démolis, ensevelis. Les vivants aiment leur parler. Les interroger. Écouter surtout le refrain des premiers jours. Alors ils s’exécutent, ronronnent l’antienne tant de fois rabâchée, la musique des premiers jours en quelque sorte, la métamorphose du ciel et le rien qu’ils ont constaté eux-mêmes malgré les accusations menées contre leur zone.
D'où viennent toutes ces maladies autour de lui que Piotr accueille avec fatalisme, de la Centrale, de cette chose qu'on désigne parfois sous l'appellation de radiation, qui n'a ni goût ni odeur ni couleur, qu'on n'entend ni ne touche, et qui par conséquent n'existe sans doute que sous forme d'une idée abstraite, une idée que les gens instruits peuvent peut-être comprendre mais, elle, Dacha, cela la dépasse.
Quand nous demandions aux enfants, avec une gaieté forcée, ce qu'ils désiraient le plus pour Noël, ils répondaient lugubres : vivre encore.
J'en avais assez d'être "cette pauvre enfant qui souffre de la mort de sa sœur" : je voulais juste être moi-même.
Ne plus revenir, ne plus jamais revenir, n'était-ce pas une mort plus affreuse ?
J'étais orpheline de vivants-morts que j'avais abandonnés.
On a certainement l'impression d'être invulnérable quand on "mythonne", comme si inventer des drames pour protège de la vie réelle.
Ce serait stupide que des générations continuent à se détester pour une ancienne tragédie...
L'amour fraternel n'est pas un devoir, mais il facilite tout de même les relations.