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Critiques de Wilhelm Reich (21)
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La Psychologie de masse du fascisme

L'homme en souffrance, qui n'a pas pris conscience des causes de sa souffrance, continue sa chute en s'abandonnant à n'importe quel mythe, n'importe quelle autorité. A grande échelle cela peut donner naissance à un état totalitaire. C'est un phénomène millénaire.

"La psychologie de masse du fascisme" est donc une plongée à la racine de la souffrance avec un développement très important sur le refoulement sexuel et ses conséquences inconscientes. L'auteur se place dans la suite des découvertes de Freud, et en tant que médecin, il parviendra, sous l'Allemagne nazi, à mettre sa théorie de "l'économie sexuelle" en pratique par des expériences de rééducation sexuelle de la jeunesse ou de thérapie sexuelle auprès des femmes notamment.

Notons que son livre écrit à l'aube de la dictature nationale-socialiste sera interdit en Allemagne. Notons également que le livre sera réédité en 1942 à l'aube de la dictature du capitalisme d'état en Union soviétique. Après s'être opposé à Hitler qu'il qualifie de "grand psychopathe", il s'oppose donc à Staline. La vie de Wilhelm Reich est décidément sous haute tension.

Il est d'abord affligé par l'impuissance du mouvement révolutionnaire communiste face à la montée du nazisme. Il reproche aux communistes allemands de ne pas approfondir le facteur subjectif de l'histoire et plus généralement de ne pas faire vivre la pensée socialiste scientifique initiée par Marx et Engels. En Union soviétique, l'installation de la bureaucratie stalinienne marque la fin du rêve de la "démocratie sociale" de Lénine et d'une partie du monde suspendue au développement de la révolution russe.

Wilhelm Reich retient malgré tout l'idée que les individus doivent trouver en eux la capacité d'auto-gérer le travail qui est strictement utile à la société et surtout de cesser de déléguer cette responsabilité à l'état.

Ce livre est donc aujourd'hui un appel à la responsabilité des individus face aux différentes formes de fascisme, pour comprendre les causes de leurs souffrances qui viennent altérer leur raisonnement, dans le but de dévoiler très rapidement les mythes nationalistes, religieux ou autres, et de prendre part pleinement à la vie sociale.
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Ecoute, petit homme !

Préface de l'édition originale

"Ecoute, petit homme ! n'est pas un document scientifique mais un document humain. Il a été rédigé en été 1945 pour les archives de l'Orgone Institute et n'était pas destiné à être publié. Il est l'aboutissement de tempêtes et luttes intérieures d'un homme de science et d'un médecin qui a observé pendant des décennies, d'abord en spectateur naïf, puis avec étonnement et enfin avec

horreur, ce que l'homme de la rue s'inflige à lui-même, comment il souffre et se révolte, comment il admire ses ennemis et assassine ses amis ; comment - au moment même où il accède au pouvoir en assumant la fonction de représentant du peuple - il abuse de sa puissance et la rend pire que celle dont auparavant il avait à souffrir de la part de certains sadiques des classes supérieures.

Ces propos adressés au "petit homme" sont la réplique silencieuse au commérage et à la calomnie.

Au moment où cette réplique fut rédigée, personne n'avait l'idée que des autorités gouvernementales qui devaient protéger la santé en collaboration avec les politiciens et les psychanalystes, allaient attaquer la recherche de "l'orgone" (je dis bien qu'elle a essayé de l'étouffer par la calomnie et non de prouver qu'elle était déraisonnable). Or, c'est de la recherche sur l'orgone que dépendent pour une large part la vie et la santé de l'homme. Voilà qui justifie la publication de ces "propos", à titre de document historique. Il a semblé nécessaire que l'homme de la rue apprenne ce qui se passe dans un laboratoire de recherche, qu'il sache ce qu'il représente aux yeux d'un psychiatre expérimenté.

L'homme de la rue doit prendre contact avec la réalité qui est seule capable de contrecarrer sa nostalgie pernicieuse de l'autorité. Il faut lui faire savoir quelle responsabilité il assume, qu'il travaille, qu'il aime, qu'il haïsse ou qu'il se livre aux commérages. Il doit savoir comment il peut

devenir un fasciste rouge ou noir. Quiconque lutte pour la sauvegarde de la vie et la protection de nos enfants doit être un adversaire du fascisme rouge et noir. Non pas parce que le fascisme rouge est aujourd'hui une idéologie assassine, comme l'était naguère le fascisme noir, mais parce qu'il fait d'enfants pleins de vie et bien portants des infirmes, des robots, des idiots moraux ; parce que pour

lui l'état passe avant le droit, le mensonge avant la vérité, la guerre avant la vie ; parce que l'enfant, la sauvegarde de l'être naissant sont le seul espoir ! Il n'existe qu'une seule instance envers laquelle l'éducateur et le médecin se doivent d'être loyaux, c'est la vie dans l'enfant et dans le malade ! Si l'on s'en tient strictement à cette loyauté, les grands problèmes de "politique étrangère" trouveront facilement une solution. Ces "propos" n'ont pas la prétention de servir de schéma d'existence à qui que ce soit. Ils relatent des tempêtes dans la vie émotionnelle d'un individu productif et heureux. Ils ne se proposent pas de

convaincre ou de convertir. Ils décrivent une expérience comme le peintre décrit un orage. Le lecteur n'est pas obligé d'y adhérer, ou de montrer son enthousiasme. Il peut les lire ou y renoncer. Ils ne contiennent ni profession d'intentions ni programmes. Ils réclament simplement pour le chercheur et le penseur le droit d'avoir des réactions personnelles, ce droit qu'on ne refuse ni au

poète ni au philosophe. Ils s'insurgent contre la prétention cachée et méconnue de la peste émotionnelle de décocher, à partir d'une embuscade bien protégée, des flèches empoisonnées au chercheur penché sur son travail. Ils dévoilent la nature de la peste émotionnelle, ses manières d'agir et de retarder tout progrès. Ils proclament la confiance dans les immenses trésors inexploités qui se

cachent au fond de la "nature humaine" et qui ne demandent qu'à combler les espoirs des hommes.

Dans ses relations sociales et humaines, la vie est ingénue et aimable, et par là même menacée dans les conditions actuelles. Elle part de l'idée que le compagnon observe les lois de la vie, qu'il est aussi aimable, serviable et généreux. Tant que sévira la peste émotionnelle, l'attitude fondamentalement naturelle, que ce soit celle de l'enfant bien portant ou celle de l'homme primitif,

se révèle comme la plus grande menace dans la lutte pour un ordre de vie rationnel. Car l'individu pestiféré attribue à ses semblables également les traits de sa propre manière de penser et d'agir.

L'individu aimable s'imagine que tout le monde est aimable et agit en conséquence. Le pestiféré croit que tous les hommes mentent, trompent, trahissent et convoitent le pouvoir. Il va sans dire que, dans ces conditions, la vie est désavantagée et menacée. Quand elle se montre généreuse pour

le pestiféré, elle est vidée de tout son sang, puis tournée en dérision ou trahie ; quand elle fait confiance, elle est dupée.

Il en a toujours été ainsi. Il est grand temps que la vie se durcisse là où la dureté est indispensable à la lutte pour sa sauvegarde et son développement ; en agissant ainsi, elle ne perdra pas sa bonté, à condition de s'en tenir courageusement à la vérité. Ce qui nourrit notre espoir c'est le fait qu'on

trouve, parmi des millions d'individus actifs et honnêtes, seulement une poignée de pestiférés qui provoquent des malheurs sans nom en faisant appel aux impulsions ténébreuses et dangereuses de l'individu cuirassé, nivelé dans la masse, et en le poussant à l'assassinat politique organisé. Il n'y a qu'un seul remède contre les germes de la peste émotionnelle dans l'individu nivelé dans la masse : sa propre perception de la vie agissante. La vie ne réclame pas le pouvoir, mais le droit de remplir la tâche qui lui est dévolue dans l'existence humaine. Elle se fonde sur trois piliers qui ont pour nom amour, travail, connaissance.

Quiconque se propose de protéger la vie contre les atteintes de la peste émotionnelle doit apprendre à se servir, pour le bien, de la liberté de parole dont nous jouissons aux états-Unis et dont la peste émotionnelle abuse pour le mal. Quand la liberté d'expression est assurée à tous, l'ordre rationnel finit par l'emporter. Et cet espoir n'est pas négligeable !"

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Que tu adhères à la théorie de l'orgone ou que tu la pourfende... écoute petit homme.
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Ecoute, petit homme !

Disposez-vous d’une quantité d’énergie d’orgone suffisante pour permettre à vos corps et esprit de s’épanouir selon tout leur potentiel ? S’il est difficile de répondre à cette question, la raison en est que la théorie de l’orgone de Wilhelm Reich a eu beaucoup de mal à s’imposer dès les années 30. Décrédibilisée de part et d’autre, tournée au ridicule par ceux qui ne voyaient là qu’une manière aisée mais grotesque de rassembler des paumés crédules sous l’égide de médecins-gourous, la théorie de l’orgone s’est perdue au fil des décennies, réapparaissant parfois, par hasard, par le biais –par exemple- d’un livre au titre intrigant : Ecoute, petit homme !



Dans ce livre, Wilhelm Reich considère comme acquises les bases de la théorie de l’orgone. Il ne l’évoquera qu’une fois dans les premières pages, mais on sent que sa connaissance est nécessaire à la compréhension de tout le reste du texte. Sans se renseigner particulièrement, on pourra comprendre, à travers les propos du psychiatre-psychanalyste, que cette orgone est une énergie qui émane du corps et dont l’intensité est partie liée avec les émotions de l’individu. Elle se régule en fonction de son comportement, et peut aussi bien être libératrice que restrictive. Reich accuse sa mauvaise gestion d’être notamment à l’origine de l’émergence des totalitarismes du 20e siècle –Hitler en tête- et du développement massif des cancers dans les populations modernes. D’une manière plus générale, elle serait la cause de toutes les mesquineries qui régissent habituellement la vie du peuple –mensonges, adultères, humiliations, égoïsme, alcoolisme…



Comme s’il était bien au-dessus de tout ça, Reich interpelle le « petit homme » pour lui faire prendre conscience de l’insanité de son comportement. Il n’y va pas de main morte et s’il s’exprime en psychiatre et psychanalyste aguerri, on ne peut pas dire qu’il modère ses propos en psychologue consciencieux. Bien qu’il commence prudemment en faisant passer le petit homme pour une victime des autres petits hommes devenus puissants à cause de lui (les dictateurs du 20e siècle fournissent un bon exemple de cette dernière catégorie), son ton se fait de plus en plus tranchant au fil des pages et vire presque à l’insulte gratuite, posée sur des préjugés qui ne relèvent que d’une certaine appréciation :



« Tu aimes citer le « Faust » de Goethe, mais tu n’y comprends pas plus qu’un chat aux math’ élém’. Tu es stupide et vaniteux, ignorant et simiesque, petit homme ! »



Alors, le petit homme devrait retourner à l’école ? Sauter d’un pont et débarrasser le plancher pour laisser aux « grands hommes » la possibilité de créer un monde enfin digne ? Ou se plier aux recommandations de Reich et reconnaître enfin la valeur de sa théorie de l’orgone ? Dans de nombreux passages, on sent que la déception de ce dernier est grande devant le fait que sa théorie n’ait pas eu le succès qu’il espérait. Mais Reich n’en démord pas : il a raison contre tous.



« J’ai fondé une science nouvelle qui a abouti à la compréhension de la vie. Tu y recourras dans dix, cent ou mille ans, quand –après avoir gobé toutes sortes de doctrines- tu seras au bout de ton rouleau. »



Dommage qu’il s’acharne avec autant de fureur à tenter de prouver la supériorité de sa pensée sur celle des autres. La théorie de l’orgone propose des réflexions intéressantes : si les hommes se causent tant de mal, c’est en raison d’une libido frustrée qui les a conduits à créer des relations malsaines et à se comporter d’une manière individualiste et opportuniste. En niant cette facette pourtant essentielle de la sexualité –Reich n’y voit là que de la pudeur-, ils écartent en même temps les moyens de lutter à bras le corps contre le problème. On comprend alors que la lutte de Reich est aussi une lutte contre l’hypocrisie, et je reconnais beaucoup de justesse au fond de sa pensée. Mais quant à sa forme… Est-ce en dénigrant le petit homme qu’on lui permettra de devenir grand ? Est-ce en simplifiant la description du monde –d’un côté les petits hommes, d’un côté les « savants » et « intellectuels » dont Reich fait bien sûr partie- qu’on lui permettra de développer une vision plus lucide ? Et surtout, pourquoi Reich n’arrête-t-il pas de faire son propre éloge ? Tient-il vraiment à aider le « petit homme » ? A moins qu’il ne préfère tout simplement redorer son blason un peu détérioré par les controverses qu’a suscitée sa théorie de l’orgone…



Les dessins qui ponctuent le livre illustrent de manière simplifiée les grandes lignes du propos de Reich : « Tu n’es qu’un petit homme ! », « Tu es ton propre persécuteur », « Esclave de n’importe qui », « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité »… Ils permettent de rendre le propos accessible même aux illettrés, et reposent les neurones entre la lecture de deux paragraphes qui auraient pu causer une migraine au petit homme que la lecture n’enchante pas.



Dommage que Reich, par sa prétention et son mépris affiché, fasse perdre à son propos toute sa valeur. Outre cette proposition originale de la cause du malheur des hommes, une autre des grandes innovations apportées par ce livre me semble être la reconnaissance de la responsabilité de chacun en ce qui concerne sa sphère individuelle mais aussi en ce qui concerne la politique ou les relations sociales.



En ordonnant au petit homme de se libérer de toute influence extérieure, Wilhelm Reich adopte une position paradoxale. D’accord pour écouter ce qu’il a à nous dire, à condition d’en oublier la moitié une fois le pamphlet refermé…
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La Psychologie de masse du fascisme

Rédigé entre 1930 et 1933, juste avant la prise de pouvoir des nazis, cet ouvrage de référence a naturellement pris quelques rides du fait des modifications notables que la domination a apporté à son mode de fonctionnement et tout particulièrement dans le contrôle de ce que l’on appelle l’opinion. Ce que Goebbels, ministre de la propagande du régime nazi rêvait, la société spectaculaire-marchande l’a réalisé beaucoup plus efficacement.

Il faut donc se rappeler que Wilhelm Reich, en tant que penseur critique de cette époque particulièrement troublée, fut parmi les premiers à tenter de faire usage des découvertes de la psychanalyse freudienne conjointement à la pensée émancipatrice de Marx. Ce qui le désigna automatiquement comme cible privilégiée de toutes les tendances totalitaires et réactionnaires de son temps. Tendances qui, hier comme aujourd'hui, ne veulent pas admettre cette synthèse, profondément novatrice, orientant les recherches « sur la manière dont l'homme d'une certaine époque est, pense, agit en fonction de sa structure caractérielle, sur la manière dont les contradictions de son existence se répercutent en lui, sur la manière dont il tente de maîtriser sa vie. »

Contestant des approches purement psychologisantes ou purement économiques, Reich tente une approche globale d’un phénomène complexe qui reste toujours aussi angoissant en notre époque : pourquoi les « masses » font-elles ainsi le choix du pire ? « La question n'a pas été posée de savoir comment des masses paupérisées ont pu passer au nationalisme. Des mots comme "chauvinisme" "psychose", "conséquences du traité de Versailles" n'expliquent pas la tendance du petit bourgeois ruiné à épouser le radicalisme de droite, puisqu'ils ne cernent pas réellement le processus en question. »

« La critique n'a de sens et de portée pratique que si elle peut montrer à quel point précis on est passé à coté des contradictions de la réalité sociale. »

Reich dénonce également le verbiage issu de l’héritage marxiste dévoyé : « Des méthodes vivantes se sont figés en formules, des recherches scientifiques en schémas creux. »

Pour cela, il cherche à revenir aux fondamentaux d’une pensée qui se veut réellement dialectique, démontrant que les contradictions d’une époque, ses mensonges et dissimulations diverses, ont une relation directe avec la formation de la psyché des individus qui la composent et donc avec leur aliénation : « S'il est vrai qu'une "idéologie agit en retour sur le processus économique", elle a dû se transformer auparavant en une puissance matérielle.

(...) Comme les hommes faisant partie des différentes couches ne sont pas seulement les objets de ces influences mais les reproduisent aussi comme individus actifs, leur pensée et leur action doivent être aussi contradictoires que la société d'où elles émanent. Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s'est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais -- ce qui est plus important -- elle a pris dans la forme de l'homme concrètement modifié et agissant d'une manière modifiée et contradictoire le caractère d'une force active, d'une puissance matérielle. C'est ainsi et seulement ainsi que s'explique l'effet en retour de l'idéologie d'une société sur la base économique dont elle est issue. »

Pour bien saisir la portée des analyses de Reich, on les replacera donc dans leur contexte, à savoir les aboutissements de la République de Weimar, régime issu des conséquences en Allemagne de la guerre 14-18 et massacreur de la tentative révolutionnaire de 1918 en ce pays. Mais aussi l’échec de la Révolution russe avec la prise de pouvoir des bolchéviks et la mise en place d’un régime totalitaire, d’un capitalisme d’État, fort éloigné des aspirations historiques de Marx. Et la mainmise de ce régime, dans les années 20, sur tous les partis dits-communistes européens dont les directions furent transformées en simple relai du régime stalinien. On comprendra mieux alors toute la portée des « contradictions » dont parle Reich.

L'on dispose bien alors d'une clé de compréhension de ce qui, pour beaucoup, reste un phénomène historique incompréhensible. Analyse qui a le grand mérite d'être applicable aussi bien pour le nazisme que pour son pendant stalinien. Le plus grand reproche que l'on puisse formuler à l'encontre de la pensée de Reich, c'est qu'elle ait trouvé si peu de continuateurs conséquents. Et que, de ce fait, la relation entre l'inconscient humain et le champ politico-social reste tristement inexploré.

Sauf à un niveau primaire (pour la propagande et la publicité) par ceux qui sont les représentants de la domination et qui n'ont donc aucun intérêt à l'émancipation du genre humain.
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La révolution sexuelle

La question que se pose le bouquin est la suivante : « Comment éliminer l’anxiété de plaisir orgastique des individus à l’échelle collective ? »





Reich considère que l’homme instinctuel est bon. Rien à foutre de la théorie de la culture de Freud, comme quoi il aurait fallu mettre de côté l’envie de tuer, de violer, et le reste. Reich relève au contraire une contradiction majeure dans la théorie de Freud : «: d’un côté, l’enfant doit refouler ses pulsions pour devenir capable d’adaptation culturelle ; d’un autre côté, il acquiert, par ce processus même, une névrose qui le rend derechef incapable de développement culturel et d’adaptation, et finalement antisocial. »





Selon Reich, la vie serait très simple si on n’empêchait pas la vitalité naturelle de chacun de se déployer. Mais pourquoi cela ne se passe-t-il jamais ainsi ? pourquoi qu’on jette le bébé (la vitalité) avec l’eau du bain (ses débordements) ? Parce que la morale se transmet de génération en génération : elle brime les nouveaux venus, les maintient dans la peur, dans la rigidité fonctionnelle et dans l’insatisfaction, et cette structure, intégrée dans le plus jeune âge et rendue inconsciente, se reproduit sans cesse, parce que les frustrés ne s’autorisent plus que ce seul plaisir de la morale. Des sadiques quoi. Ouais, Pour Wilhelm, ce serait très simple si on laissait les instincts naturels s’exprimer sans jugement :





« L’individu sain n’a pratiquement plus de moralité en lui, car il n’a pas de pulsions qui appellent l’inhibition morale. […] Le rapport avec une prostituée devient impossible ; les fantaisies sadiques disparaissent, attendre l’amour comme un droit ou même violer le partenaire devient inconcevable, ainsi que l’idée de séduire des enfants ; les perversions anales, exhibitionnistes ou autres disparaissent, et avec elles l’anxiété sociale et les sentiments de culpabilité qui les accompagnent ; la fixation incestueuse aux parents, frères et sœurs perd son intérêt, ce qui libère l’énergie liée dans ces fixations ».





On retrouve l’idée nietzschéenne de vertu positive, à distinguer de la vertu négative qui découle quant à elle d’une ignorance non-surmontée de l’ombre : « Et il en est d’autres qui appellent vertu la paresse de leur vice ». Mais que deviendront-ils ceux-là, si leur vice se réveille un jour parce que les digues qu’ils se sont construites ne les retiennent plus ? Pour Reich, cela se produit de toute façon. Cela s’appelle : adhésion à une idéologie autoritaire ou à un dogme religieux.





C’est pour cela qu’aucune véritable révolution ne pourra avoir lieu tant que la constitution même de l’individu n’aura pas été restructurée. A ce point de la théorie de Reich, il n’y a que deux alternatives possibles : être d’accord avec lui, ou ne pas l’être, car c’est un acte de foi de croire qu’une restructuration de la psyché pour l’exercice d’une sexualité saine permettra à chacun de devenir capable de vie sociale et de travail sans autorité et pression morale, parce qu’une réelle indépendance et une discipline volontaire auront été acquises de l’intérieur. « Une liberté extérieure n’est pas encore le bonheur sexuel. Ce dernier présuppose, avant tout, la capacité psychologique de de le créer et de l’éprouver ».





Dans ce but, Wilhelm nous dit qu’il faut détruire la famille. Ah, ah, faut pas flipper : « Ce livre ne discute pas des relations familiales naturelles, mais critique les formes coercitives de la famille autoritaire, qui sont maintenues par une législation stricte, par la structure caractérielle réactionnaire de l’homme et par une opinion publique irrationnelle ». A la limite, Wilhelm s’en fout des formes de réunion naturelles. Mais la famille patriarcale serait en revanche le lieu de la reproduction structurale et idéologique de tout ordre social construit sur des principes autoritaires. En outre, elle est fondée sur l’institution du mariage qui, dans les années 1930 plus qu’aujourd’hui, était considérée par Reich comme une aberration servant surtout au maintien de l’ordre social et de la structure sociétale, mais diffusant la misère sexuelle en aval (méconnaissance sexuelle du partenaire avant l’engagement) et en amont (insatisfaction due à l’ancrage des fixations infantiles et des schèmes culpabilisants, ce qui entraînerait un phénomène accru d’adultère et le recours à la prostitution dans un état mental négatif). « Plus les individus sont continents avant le mariage, plus ils sont fidèles dans le mariage. Mais cette sorte de fidélité n’est due qu’à l’atrophie de la sexualité par la continence pré-conjugale ». La famille patriarcale briserait l’élan spontané de l’impulsion sexuelle infantile qui s’exprime dans un témoignage d’amour sensuel comportant « infiniment plus de moralité, de naturel, de force et de joie de vivre que dans des milliers de thèses et d’analyses ennuyeuses ». On retrouve ici une idée de Sandor Ferenczi selon qui chaque enfant subit un traumatisme précoce résultant du langage de passion des adultes face aux demandes de tendresse et de vérité des enfants. Incapables de reconnaître ce fait, les adultes réagiraient en disqualifiant l’affect de l’enfant, entraînant une entrave dans son autonomie de penser et une introjection du sentiment inconscient de culpabilité de l’adulte. On rejoint ainsi le besoin de souscrire à une idéologie et l’incapacité d’éprouver des sentiments d’amour purs.





Les dérives consécutives à l’application pratique des idées de Wilhelm Reich ont fait beaucoup causer. Je n’ai pas creusé le sujet et je n’en parlerai pas ici. Je constate simplement que ses idées sont bonnes et que si elles étaient vraies et reconnues comme telles à l’égard de la majorité, ça pourrait pas être pire que maintenant. Y a juste un truc qui n’a pas trop été abordé c’est ce préjugé de Reich selon lequel tout le monde serait équivalent face à cette fameuse « vitalité naturelle » qu’il pose comme principe de l’homme non contraint par la société : et si ce n’était qu’un fantasme ? Alors, que ferait-on de ceux qui ont vraiment trop de vitalité, et de ceux qui n’en ont jamais assez ? On sait pas trop. Tant pis.



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Ecoute, petit homme !

Je donne cinq étoiles. Pourquoi ? Littérairement, pas d'intérêt. Alors c'est... pour le fond, le fond, le fond. Certes, le ton est délibérément énervé, pamphlétaire, exagéré. Certes, Reich a quand même un léger problème avec son génie et sa "découverte" (l'orgone) (qui n'est jamais rien de plus qu'une dérive ou une dérivée d'une énergie cosmologique ou totale déjà imaginée par d'autres). Mais son point de vue sur le corps et l'esprit (là aussi il n'invente rien), sur le fait qu'on néglige tant le premier, et qu'on le sépare bêtement du second est fondamental. De même l'ensemble de ses propos sur la société et la "culture" est rempli de sagesse (malgré sa "folie"). En tant que thérapeute, un peu blasé, un peu dépité, j'ai eu un plaisir non feint à lire tout cela. Je m'y retrouve beaucoup. J'ai envie, moi, aussi, d'être un grand homme.

Le ton est donc pamphlétaire et surtout implacable contre sa cible : la petitesse de l'homme. La petitesse dans l'homme, dans tout homme. Mais l'homme heureusement ne se réduit pas à elle. Si il ose et fait l'expérience de la hauteur, sa hauteur et la profondeur, sa profondeur... sans peur !

Le ton dur est tout à fait nécessaire pour capter l'attention du lecteur. D'emblée j'ai accroché et je suis souriant en le refermant.

On a besoin de folie ou de vérité, et au fond, elles sont soeurs.
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L'irruption de la morale sexuelle

La morale sexuelle, parfois ça repose, mais là n’est pas le problème. Le problème, nous dirait Reich, est POLITIQUE. Il faut dire qu’il a publié ce bouquin en Allemagne en 1931. La politique n’a cessé d’exister réellement qu’à partir des années 80.





Reich base toute son interprétation sur la lecture d’un bouquin de Malinowski, Sex in savage society. Malinowski s’est livré à une étude de la société primitive des Trobiandais. Il a eu du bol : il est arrivé pile au moment, dit-il, de la transition de la société d’un fondement matriarcal à un fondement patriarcal. Quelle veine. Il observa concomitamment le passage d’une morale prosexuelle à une morale sexuelle rigide (c’est le cas de le dire) et inhibitrice par l’instauration d’une dot lors du mariage. Ce menu présent que les familles offraient pour se débarrasser de leur fille aurait conduit à la suprématie de quelques grosses familles dominées par une figure paternelle avide de conserver ses privilèges et interdisant la reproduction de tous avec n’importe qui et n’importe quoi.





« Les intérêts des individus [des sociétés primitives] se signalaient par leur orientation essentiellement génitale et la satisfaction des besoins ; les besoins matériels étaient peu nombreux. Or, l’intérêt de la possession et la cupidité augmentèrent à mesure que furent réprimés les intérêts génitaux. Dans une phase déterminée de l’histoire de l’homme, certaines conditions de vie (d’abord la réunion des hordes primitives, puis la pression excessive des contributions dotales) déclenchèrent le mécanisme de la frustration et du refoulement sexuels, réveillant ainsi l’intérêt psychologique pour un certain genre d’évolution économique, à savoir l’économie privée. »





A mesure que la société se consacrait au culte du flouze, elle en oubliait la partouze. A notre niveau (dans les sociétés moins primitives voulait-on sans doute dire), ce processus se déploie « depuis la démocratie du travail jusqu’à l’état capitaliste en suivant la ligne de développement des moyens de production, de l’expansion et de l’accroissement de la production et des besoins humains, pour aboutir, en fin de compte, à la production entre les mains d’une couche sociale privilégiée ». Pas bien le patriarcat, bouh. Bien mieux le matriarcat qui permet la satisfaction génitale par tous les trous.





Reich, craignant de passer pour ce qu’il est (un obsédé sexuel banal), dévoue son discours à pourfendre le système politique et économique dit patriarcal, ceci afin de le détester encore plus. Ce qui ne semble pas analysé dans son discours c’est le fantasme qu’il amarre à la notion toute idéale de matriarcat. Imagine-t-il une société pleine de femmes à poil prêtes à se faire baiser par n’importe qui ? Imposant de se faire baiser nuit et jour pour assouvir leur supposé insatiable désir sexuel ?





Reich passe de la case psychanalyste à la case gourou en imposant à l’imaginaire la distinction entre ce qui serait de l’ordre d’un désir féminin et d’un désir masculin. IL N’Y A QU’UN DESIR. Arrêtons l’entubage.





Je regrette l’intentionnalité politique de ce livre qui n’avait rien à voir avec le sujet et qui introduit la dimension de la débandade alors même qu’on croyait enfin l’heure de la rigolade survenue. J’ai connu des heures où Reich était plus marrant.

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La Psychologie de masse du fascisme

Rédigé entre 1930 et 1933, juste avant la prise de pouvoir des nazis, cet ouvrage de référence a naturellement pris quelques rides du fait des modifications notables que la domination a apporté à son mode de fonctionnement et tout particulièrement dans le contrôle de ce que l’on appelle l’opinion. Ce que Goebbels, ministre de la propagande du régime nazi rêvait, la société spectaculaire-marchande l’a réalisé beaucoup plus efficacement.

Il faut donc se rappeler que Wilhelm Reich, en tant que penseur critique de cette époque particulièrement troublée, fut parmi les premiers à tenter de faire usage des découvertes de la psychanalyse freudienne conjointement à la pensée émancipatrice de Marx. Ce qui le désigna automatiquement comme cible privilégiée de toutes les tendances totalitaires et réactionnaires de son temps. Tendances qui, hier comme aujourd'hui, ne veulent pas admettre cette synthèse, profondément novatrice, orientant les recherches « sur la manière dont l'homme d'une certaine époque est, pense, agit en fonction de sa structure caractérielle, sur la manière dont les contradictions de son existence se répercutent en lui, sur la manière dont il tente de maîtriser sa vie. »

Contestant des approches purement psychologisantes ou purement économiques, Reich tente une approche globale d’un phénomène complexe qui reste toujours aussi angoissant en notre époque : pourquoi les « masses » font-elles ainsi le choix du pire ? « La question n'a pas été posée de savoir comment des masses paupérisées ont pu passer au nationalisme. Des mots comme "chauvinisme" "psychose", "conséquences du traité de Versailles" n'expliquent pas la tendance du petit bourgeois ruiné à épouser le radicalisme de droite, puisqu'ils ne cernent pas réellement le processus en question. »

« La critique n'a de sens et de portée pratique que si elle peut montrer à quel point précis on est passé à coté des contradictions de la réalité sociale. »

Reich dénonce également le verbiage issu de l’héritage marxiste dévoyé : « Des méthodes vivantes se sont figées en formules, des recherches scientifiques en schémas creux. »

Pour cela, il cherche à revenir aux fondamentaux d’une pensée qui se veut réellement dialectique, démontrant que les contradictions d’une époque, ses mensonges et dissimulations diverses, ont une relation directe avec la formation de la psyché des individus qui la composent et donc avec leur aliénation : « S'il est vrai qu'une "idéologie agit en retour sur le processus économique", elle a dû se transformer auparavant en une puissance matérielle.

(...) Comme les hommes faisant partie des différentes couches ne sont pas seulement les objets de ces influences mais les reproduisent aussi comme individus actifs, leur pensée et leur action doivent être aussi contradictoires que la société d'où elles émanent. Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s'est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais -- ce qui est plus important -- elle a pris dans la forme de l'homme concrètement modifié et agissant d'une manière modifiée et contradictoire le caractère d'une force active, d'une puissance matérielle. C'est ainsi et seulement ainsi que s'explique l'effet en retour de l'idéologie d'une société sur la base économique dont elle est issue. »

Pour bien saisir la portée des analyses de Reich, on les replacera donc dans leur contexte, à savoir les aboutissements de la République de Weimar, régime issu des conséquences en Allemagne de la guerre 14-18 et massacreur de la tentative révolutionnaire de 1918 en ce pays. Mais aussi l’échec de la Révolution russe avec la prise de pouvoir des bolchéviks et la mise en place d’un régime totalitaire, d’un capitalisme d’État, fort éloigné des aspirations historiques de Marx. Et la mainmise de ce régime, dans les années 20, sur tous les partis dits-communistes européens dont les directions furent transformées en simples relais du régime stalinien. On comprendra mieux alors toute la portée des « contradictions » dont parle Reich.

L'on dispose bien alors d'une clé de compréhension de ce qui, pour beaucoup, reste un phénomène historique incompréhensible. Analyse qui a le grand mérite d'être applicable aussi bien pour le nazisme que pour son pendant stalinien. Le plus grand reproche que l'on puisse formuler à l'encontre de la pensée de Reich, c'est qu'elle ait trouvé si peu de continuateurs conséquents. Et que, de ce fait, la relation entre l'inconscient humain et le champ politico-social reste tristement inexplorée.

Sauf à un niveau primaire (pour la propagande et la publicité) par ceux qui sont les représentants de la domination et qui n'ont donc aucun intérêt à l'émancipation du genre humain.
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Ecoute, petit homme !

Défoulement misanthrope contre la médiocrité et le culte du petit chef, mais sans la relative malveillance de Céline. C'est étonnant d'actualité...!

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La fonction de l'orgasme

Peut-être n'en a-t-on jamais fini, aujourd'hui encore avec les polémiques entre neurosciences et psychanalyse, de chercher de nouvelles formes de la dialectique entre soma et psyché, entre physiologie et psychologie. Cet ouvrage de 1942 résume, sous le titre sulfureux de La Fonction de l'orgasme, les découvertes de cette nouvelle science que Wilhelm Reich avait appelée l'Économie sexuelle et il devait constituer le premier tome d'un diptyque auquel suivrait une étude sur l'Orgone, l'énergie cosmique biologiquement active, caractérisant l'ensemble du vivant et matière d'une nouvelle bio-physique.

Dans son envergure déjà remarquable (399 p.), il présente la fusion interdisciplinaire entre les théories sociologiques, psychanalytiques et biologiques (physiologiques, bio-électriques) sur les maladies psycho-somatiques (ou somato-psychiques) et les traitements relatifs conçus et expérimentés par le praticien au cours d'une période d'environ quinze ans. Il s'agissant d'une discipline étonnamment mal reçue à l'époque, qui conduisit son auteur à deux excommunications (du Komintern, de l'Association Psychanalytique Internationale), à plusieurs exils (suite au nazisme), bientôt à l'autodafé et à la prison dans l'Amérique du maccarthysme, et à la persistance posthume de la croyance que son auteur fût devenu schizophrène. Par conséquent, Reich n'en fait pas un traité systématique d'Économie sexuelle, qui eût été sans doute beaucoup plus aisé à lire, mais structure son texte autour de la chronologie de ses découvertes, et en particulier de son éloignement progressif de ce qui était en train de se consolider comme le corpus de la psychanalyse, alors qu'il reste fidèle à la radicalité des premières intuitions et formulations de Freud.

Une compréhension globale de ses différentes théories – de l'orgasme, de l'armure caractérielle, de la détermination sociologique et historique des répressions sexuelles causes des névroses en relation avec le patriarcat, de l'identité entre raidissements caractériels et musculaires causes de très nombreuses maladies, du parallèle fonctionnel entre mouvements bio-énergétiques de dilatation-contraction des organismes vivants d'une part, et dilatation-contraction de la pulsion sexuelle vs. de l'angoisse d'autre part – ne peut donc s'opérer jusqu'à la dernière page du livre. Cette compréhension pose ensuite les problèmes relatifs à l'actualité d'une pensée qui, environ un siècle après sa première élaboration, a peut-être perdu de son potentiel si transgressif, si disruptif, tout en demeurant révolutionnaire au point de rester, me semble-t-il, assez confidentielle et très insuffisamment citée.

Peut-être convient-il justement de partir de la fin, des découvertes biologiques et physiologiques. Je ne suis pas médecin, j'ignore tout de la postérité de la théorie bio-électrique de Reich. Mais les neuro-physiologistes semblent s'intéresser à la transmission électrique autant que chimique des signaux et Michel Jouvet a peut-être fait un petit clin d’œil à Reich dans son roman historique Le Château des songes, en faisant mesurer l'électricité du coït à son héros du XVIIIe siècle... Les recherches récentes sur les liens entre cellules intestinales et cérébrales semblent aussi aller dans le sens d'une nouvelle complexification de la notion du psycho-somatique.

Les névroses de masse, depuis les nombreuses analyses des historiens des fascismes dont Reich a été un pionnier, sont désormais un acquis. Les critiques du patriarcat comme cause du refoulement sexuel sont tout à fait contemporaines, et éventuellement ce qui est remis en cause par la paléoanthropologie, c'est l'hypothèse d'Engels sur le matriarcat de l'époque préhistorique et pré-agricole.

Du point de vue psychanalytique, il est notaire que certaines objections de Reich contre Freud concernant son abandon de l'observation clinique au profit d'une hypothétique méta-psychanalyse (théorie de la pulsion de mort, de la naissance de la civilisation), celles se rapportant à son conservatisme politique et enfin celles relatives à sa méthode thérapeutique (trop longue, trop élitiste, aux résultats trop incertains par manque d'une prise en compte systématique des résistances) sont désormais généralement admises.

Deux problèmes très importants me semblent par contre se poser aujourd'hui du point de vue sociologique : s'il est évident que les structures sociales et productives répressives se basent sur la répression sexuelle et que celle-ci provoque les névroses de masse, peut-on penser qu'une structure sociale et productive, telle le néolibéralisme contemporain, qui serait au moins en partie anti-répressive, voire même ouvertement pulsionnelle, provoque d'autres psychopathologies sexuelles de masse, à savoir les perversions ?

Deuxième problème qui m'a été inspiré par un cas de guérison (p. 188 et sq.), c-à-d. de déblocage de la charge énergétique à travers une vie amoureuse naturelle par le « principe d'autorégulation du champ psychique » : L'acceptation d'une organisation politique peu ou pas démocratique (avec ou sans autoritarisme), et/ou du travail aliéné requiert-elle l'engorgement de l'énergie sexuelle ? Est-elle aussi le résultat d'une éducation répressive ? Et si oui, quelle forme de répression peut-il exister qui ne soit pas directement un refoulement sexuel tel que Reich pouvait l'observer ?





[J'ai lu cet ouvrage dans une édition italienne de 1984, venant de la bibliothèque paternelle, qui est beaucoup plus accessible que la dernière (?) édition française de 1997 ; les cit. ci-dessous ont été traduites assez hâtivement par moi et les numéros de page s'y réfèrent.]





1. « La structure caractérielle de l'homme d'aujourd'hui, qui reproduit une culture patriarcale autoritaire vieille de six mille ans, est caractérisée par une armure caractérielle qui agit contre la nature qu'il porte en soi et contre la misère sociale qui existe en-dehors de soi. Elle constitue le fondement de la solitude, du besoin absolu d'aide, du désir morbide d'autorité, de la crainte des responsabilités, des tendances mystiques, de la misère sexuelle, de la rébellion névrotico-impuissante ainsi que d'une capacité d'endurance antinaturelle. Les êtres humains ont pris une attitude hostile envers ce qui est vivant en eux en s'en détournant. Ce détournement n'a pas une origine biologique mais socio-économique. On ne le retrouve pas dans les stades de l'histoire de l'humanité qui ont précédé le développement du patriarcat. » (p. 22)



2. « On disait à présent [après l'introduction par Freud de la "pulsion de mort"] que la névrose était un conflit entre le besoin sexuel et le besoin de punition, c'est-à-dire exactement le contraire de la peur de la punition pour ses propres actes sexuels. […] Cela contredisait toutes les observations cliniques, dont il apparaissait sans aucun doute que les premières formulations de Freud étaient exactes. Les malades étaient naufragés par la peur de la punition pour leurs actes sexuels, et non par le désir d'être punis pour leur comportement sexuel. Toutefois, certains patients développaient ultérieurement […] l'attitude masochiste de vouloir être punis, de s'auto-léser ou de conserver leur maladie. » (p. 141)



3. « Le but de l'agressivité est toujours de rendre possible la satisfaction d'un besoin vital. L'agressivité n'est donc pas une pulsion à proprement parler, mais le moyen indispensable d'accéder à tout mouvement pulsionnel. […] Il existe donc une agressivité de type destructeur, de type sadique, de type locomoteur et de type sexuel. […] Ainsi naît le sadisme : par la perte du véritable but amoureux, la haine se développe. Elle devient très violente si la possibilité d'aimer ou d'être aimé est niée. De telle manière, l'intention destructrice ayant des buts sexuels s'ajoute à l'action agressive, par ex. dans le cas de l'homicide avec viol. Sa prémisse est le blocage de la capacité d'éprouver le plaisir génital de façon naturelle. » (p. 169)



4. « Suite à ces considérations, je parvins au concept de l'unité de la structure sociale et de la structure caractérielle. La société forme les caractères humains. Ceux-ci reproduisent l'idéologie sociale en masse. De telle manière, ils reproduisent leur propre répression, dans la négation de la vie. Voilà le mécanisme de base de la dénommée tradition. Je n'avais la moindre idée du sens que tout cela aurait acquis, cinq ans plus tard, dans la compréhension de l'idéologie fasciste. » (p. 199)



5. [Objections formulées à Freud suite à son essai : Le Malaise dans la civilisation (1930)] :

« 1. Où arrive-t-on en conduisant jusqu'au bout le théorie de la thérapie psychanalytique ? [… c-à-d.] si l'on continue à soutenir l'importance fondamentale des causes sexuelles des névroses.

2. Est-il possible de continuer à s'occuper des névroses des individus singuliers […] puisque la maladie psychique est une endémie dont l'humanité entière est affectée ?

3. Quelle place le mouvement psychanalytique doit-il occuper dans l'engrenage social […] ce qui est en jeu étant le grand problème de l'économie psychique, qui est identique à l'économie sexuelle […] ?

4. Pourquoi la société produit-elle des névrosés en masse ? » (pp. 205-206)



6. [Une alternative à la tripartition freudienne : « ça » - « moi » - « sur-moi »]

« L'ère patriarcale autoritaire de l'histoire de l'humanité a tenté de maintenir intactes les pulsions asociales secondaires comme des interdits moraux coercitifs. De telle manière, le soi-disant homme civilisé se retrouve à posséder une structure constituée par trois strates. En surface, il porte le masque artificiel de l'autocontrôle, de la courtoisie fausse et forcée et de la sociabilité hypocrite. En-dessous se cache la deuxième strate, "l'inconscient" de Freud, dans laquelle le sadisme, l'avidité, la lubricité, la jalousie et des perversions en tout genre sont tenus en échec sans qu'ils perdent de leur force. Cette deuxième strate est le produit artificiel de la civilisation sexe-négative, et dans la plupart des cas elle est perçue par la conscience seulement comme vide intérieur et ennui. Au-dessous, en profondeur, vivent et opèrent la sociabilité et la sexualité naturelles, la joie spontanée de travailler et la capacité d'aimer. Cette troisième et dernière strate, qui représente le noyau biologique de la structure humaine, est inconscient et craint. Il contredit entièrement l'éducation et la domination autoritaires. Elle est aussi l'unique espoir réel pour l'homme de se libérer un jour de la misère sociale. » (p. 242)



7. [L'armure caractérielle est une armure musculaire]

« […] Chaque raidissement musculaire contient l'histoire et la signification de son surgissement. Il n'est donc pas nécessaire de déduire des rêves ou des associations la manière dont l'armure musculaire s'est formée ; il s'agit plutôt de la forme dans laquelle l'expérience infantile continue d'exister comme élément nocif. La névrose n'est pas seulement l'expression du dérangement d'un équilibre psychique mais, dans un sens beaucoup plus profond et justifié, elle est l'expression du dérèglement chronique de l'équilibre végétatif et de la mobilité naturelle. » (p. 308)



8. « L'excitation sexuelle est donc fonctionnellement identique à la charge bio-électrique de la périphérie de l'organisme. Le concept freudien de la libido comme mesure de l'énergie psychique n'est plus une pure et simple image. Il concerne des processus bio-électriques réels. Seule l'excitation sexuelle représente la fonction bio-électrique en direction de la périphérie. Le plaisir et l'angoisse sont les excitations ou les affects originaires de la matière vivante. […]

L'intensité de la sensation du plaisir correspond à la quantité de la charge bio-électrique de la surface, et vice versa. La sensation "d'être froid", "d'être mort", du "manque de contact" des malades psychiques est l'expression d'une carence de la charge bio-électrique périphérique. […]

Le processus biologique de l'expansion […] est la manifestation extérieure d'un mouvement d'énergie bio-électrique du centre vers la périphérie de l'organisme. […] L'excitation du plaisir doit être considérée comme le processus productif spécifique du système biologique. Tous les autres affects, comme le déplaisir, la colère, l'angoisse, la pression sont antithétiques et représentent des fonctions négatrices de la vie. Le processus du plaisir sexuel est donc simplement le processus vital. Cela n'est pas une façon de parler, mais un fait expérimentalement avéré.

L'angoisse, en tant que direction [de la charge bio-électrique] fondamentalement opposée à celle de la sexualité, coïncide avec celle de la mort [c-à-d. rétrécissement de la périphérie vers le centre]. L'angoisse n'est pas identique à la mort, car dans cette dernière la source centrale d'énergie, l'activité de la charge s'éteint, tandis que dans l'angoisse la source d'énergie est simplement accumulée vers le centre à travers le retrait de l'excitation de la périphérie, générant ainsi la sensation subjective de l'oppression (angustiae) ». (pp. 378-380)
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La Psychologie de masse du fascisme

Un ouvrage de référence écrit lors de la prise de pouvoir d'Hitler en Allemagne.Wilhelm Reich pose la question fondamentale et dramatique à l'époque : comment les Allemands et notamment sa classe ouvrière réputée avoir atteint un haut niveau de maturité politique, ont pu se laisser abuser par l'idéologie nazie? Pourquoi les fondamentaux du marxisme qui postulent, notamment que le développement du mode de production capitaliste, comme tous ceux qui l'ont précédés, doit intensifier la lutte des classes, ne se sont pas traduits par un rejet des nazis?

Le diagnostic de Reich est que l'individu est asservi par une autorité patriarcale qui l'enferme dans une frustration sexuelle et dans la peur.

Le tour de force d'Hitler est d'avoir su, avec ses talents d'orateur et l'orchestration des grands rassemblements, capter cette frustration individuelle dans une sublimation collective. Cette sublimation a eu pour corollaire une régression de l'individu, en particulier d'un point de vue social et éthique. Une sorte de vases communicants a été mis en place entre l'appauvrissement de la psychologie individuelle rétrécie à un niveau primaire et un transfert en compensation dans une transcendance collective irrationnelle et en définitive suicidaire.

Le fascisme n'a pas créé cet asservissement individuel mais l'a aggravé et l'a porté à une sorte de paroxysme tout particulièrement dans le cas du nazisme.

Même s'il existe d'autres facteurs expliquant le succès de Hitler, à commencer par la capitulation voire une certaine bienveillance par crainte du communisme des gouvernements français et anglais l'analyse de Reich apparait pertinente surtout posée juste au moment de la prise du pouvoir sans avoir le confort du recul historique. Cette analyse rejoint sous un angle différent celle portée par Hannah Arendt dans son ouvrage de référence "les origines du totalitarisme"
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Ecoute, petit homme !

Wilhelm Reich (1897-1957) fut l'un des plus jeunes disciples de S. Freud avant de contester certains concepts du père de la psychanalyse et d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale. Par ailleurs, il dut s'exiler pendant la guerre car il était juif et communiste. Il trouva un refuge aux Etats-Unis, où il développa une activité très atypique, en travaillant sur des "accumulateurs d'orgone". L'orgone serait l'énergie de la vie (et du désir sexuel), une énergie physique, réelle, comme celle de l'électricité. Sa théorie, non étayée sur le plan scientifique, a été rejetée. Poursuivi pour escroquerie, il fut arrêté en 1956 et mourut en prison. Certains pensent qu'en fin de vie il présentait une pathologie psychiatrique.

Quand j'étais jeune, j'avais vu un film provocateur intitulé "W. R. ou les mystères de l'organisme", qui évoquait les théories et les activités de Wilhelm Reich. Il m'avait frappé, tout en me laissant perplexe.

"Ecoute, petit homme" publié en 1948 est son écrit le plus connu, car il s'adresse au grand public. L'auteur veut convaincre l'homme moyen (« le petit homme ») qu'il se soumet sottement à des « grands hommes » et à leurs séides qui prétendent le libérer, au nom du fascisme ou au nom du communisme, par exemple; en réalité ils causent les plus grands malheurs de l'humanité. Ce livre est un appel véhément à la responsabilité de chacun, pour que tous deviennent libres de s'épanouir - libres de jouir, en particulier (pour lui, c'était le but principal).

J'ai parfois eu du mal à le suivre dans son raisonnement. Certes, j'approuve sa critique à l'encontre les instigateurs du totalitarisme. Mais je ne vois pas bien par quel moyen l'humanité pourrait sortir du bourbier où elle se vautre: la maîtrise de "l'orgone", le serpent de mer de W. Reich ??? Derrière le titre (bien choisi), il n'y a rien de réaliste, à mon avis. J'ajoute que, dans ce livre, W. Reich fait son autopromotion et cela m'a un peu agacé.

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La Psychologie de masse du fascisme

Rédigé entre 1930 et 1933, juste avant la prise de pouvoir des nazis, cet ouvrage de référence a naturellement pris quelques rides du fait des modifications notables que la domination a apporté à son mode de fonctionnement et tout particulièrement dans le contrôle de ce que l’on appelle l’opinion. Ce que Goebbels, ministre de la propagande du régime nazi rêvait, la société spectaculaire-marchande l’a réalisé beaucoup plus efficacement.

Il faut donc se rappeler que Wilhelm Reich, en tant que penseur critique de cette époque particulièrement troublée, fut parmi les premiers à tenter de faire usage des découvertes de la psychanalyse freudienne conjointement à la pensée émancipatrice de Marx. Ce qui le désigna automatiquement comme cible privilégiée de toutes les tendances totalitaires et réactionnaires de son temps. Tendances qui, hier comme aujourd'hui, ne veulent pas admettre cette synthèse, profondément novatrice, orientant les recherches « sur la manière dont l'homme d'une certaine époque est, pense, agit en fonction de sa structure caractérielle, sur la manière dont les contradictions de son existence se répercutent en lui, sur la manière dont il tente de maîtriser sa vie. »

Contestant des approches purement psychologisantes ou purement économiques, Reich tente une approche globale d’un phénomène complexe qui reste toujours aussi angoissant en notre époque : pourquoi les « masses » font-elles ainsi le choix du pire ? « La question n'a pas été posée de savoir comment des masses paupérisées ont pu passer au nationalisme. Des mots comme "chauvinisme" "psychose", "conséquences du traité de Versailles" n'expliquent pas la tendance du petit bourgeois ruiné à épouser le radicalisme de droite, puisqu'ils ne cernent pas réellement le processus en question. »

« La critique n'a de sens et de portée pratique que si elle peut montrer à quel point précis on est passé à coté des contradictions de la réalité sociale. »

Reich dénonce également le verbiage issu de l’héritage marxiste dévoyé : « Des méthodes vivantes se sont figés en formules, des recherches scientifiques en schémas creux. »

Pour cela, il cherche à revenir aux fondamentaux d’une pensée qui se veut réellement dialectique, démontrant que les contradictions d’une époque, ses mensonges et dissimulations diverses, ont une relation directe avec la formation de la psyché des individus qui la composent et donc avec leur aliénation : « S'il est vrai qu'une "idéologie agit en retour sur le processus économique", elle a dû se transformer auparavant en une puissance matérielle.

(...) Comme les hommes faisant partie des différentes couches ne sont pas seulement les objets de ces influences mais les reproduisent aussi comme individus actifs, leur pensée et leur action doivent être aussi contradictoires que la société d'où elles émanent. Comme une idéologie sociale modifie la structure psychique des hommes, elle ne s'est pas seulement reproduite dans ces hommes, mais -- ce qui est plus important -- elle a pris dans la forme de l'homme concrètement modifié et agissant d'une manière modifiée et contradictoire le caractère d'une force active, d'une puissance matérielle. C'est ainsi et seulement ainsi que s'explique l'effet en retour de l'idéologie d'une société sur la base économique dont elle est issue. »

Pour bien saisir la portée des analyses de Reich, on les replacera donc dans leur contexte, à savoir les aboutissements de la République de Weimar, régime issu des conséquences en Allemagne de la guerre 14-18 et massacreur de la tentative révolutionnaire de 1918 en ce pays. Mais aussi l’échec de la Révolution russe avec la prise de pouvoir des bolchéviks et la mise en place d’un régime totalitaire, d’un capitalisme d’État, fort éloigné des aspirations historiques de Marx. Et la mainmise de ce régime, dans les années 20, sur tous les partis dits-communistes européens dont les directions furent transformées en simple relai du régime stalinien. On comprendra mieux alors toute la portée des « contradictions » dont parle Reich.

L'on dispose bien alors d'une clé de compréhension de ce qui, pour beaucoup, reste un phénomène historique incompréhensible. Analyse qui a le grand mérite d'être applicable aussi bien pour le nazisme que pour son pendant stalinien. Le plus grand reproche que l'on puisse formuler à l'encontre de la pensée de Reich, c'est qu'elle ait trouvé si peu de continuateurs conséquents. Et que, de ce fait, la relation entre l'inconscient humain et le champ politico-social reste tristement inexploré.

Sauf à un niveau primaire (pour la propagande et la publicité) par ceux qui sont les représentants de la domination et qui n'ont donc aucun intérêt à l'émancipation du genre humain.
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Les Hommes dans l'État...

La biographie de Wilhelm Reich peut sans doute se lire comme l'histoire de l'ostracisme (et des excommunications multiples) auquel conduisit une tentative audacieuse d'interdisciplinarité entre la sociologie marxiste, la « psychologie des profondeurs » et enfin la biologie. Reich était dans l'ordre : médecin, psychanalyste et l'un des disciples les plus éminents de Freud, militant communiste jusqu'à l'accession au pouvoir d'Hitler, puis uniquement biologiste. Persuadé que les névroses sont fondamentalement d'origine sexuelle (plus tard il généralisera cette découverte au cancer et à certaines maladies cardio-vasculaires) et que celle-ci à son tour possède des bases sociales dues à la répression, son activité se tourne sur la clinique psychanalytique et sur la prophylaxie par l'instauration de centres de « Sexpol », d'éducation sexuelle et contrôle des naissances dans les quartiers populaires de Vienne et de Berlin.

Cet ouvrage publié pour la première fois en 1953, rassemblant des écrits autobiographiques précédents, relate le cheminement intellectuel de Reich dans les années 1927-1940, caractérisé par ses excommunications du Parti communiste allemand en 1933, de l'Association internationale de Psychanalyse en 1934, ainsi que par ses exils de Vienne à Berlin, puis à Copenhague, puis en Suède, puis en Norvège.

Au cours de cette période, nous assistons à la fois à la chute de la gauche en Autriche et en Allemagne en parallèle avec l'ascension du nazisme, d'une part, et à l'évolution de la pensée sociologique et clinique de l'auteur d'autre part : en particulier à son hostilité à la fois au politique comme horizon d'espoir de liberté et au communisme qu'il appelle « fascisme rouge » dont il perçoit le tournant réactionnaire dès 1934 ; à l'émergence progressive de ses nouvelles théories psychologiques non sans relation avec la douloureuse actualité politique qu'il subit aussi de plein fouet ; enfin à son expulsion de l'Association psychanalytique après une prise de distance par rapport à Freud qui datait déjà depuis que ce dernier avait « dévié » de sa théorie originaire par l'introduction de la « pulsion de mort » ; son évolution se termine par le tournant décidément médical-microbiologique de ses recherches. Il est curieux que, pour commenter certaines des métamorphoses de sa pensée et de son activité, Reich ajoute des commentaires à ses notes prises sans doute sur le vif en se signant « OS » soit « l'Observateur Silencieux », qui a pris ses distances de « WR »...

Les neuf chapitres qui divisent cet ouvrage sont dictés principalement par des événements marquants, parmi lesquels la faillite des mouvements de gauche suite à une manifestation avortée, en Autriche, les 15 et 16 juillet 1927, jusqu'à son expulsion du congrès de psychanalyse de Lucerne en août 1934 et à ses recherches sur la « biogenèse » en Norvège su prolongeant jusqu'à la moitié des années 1940.

Néanmoins la forme de cet ouvrage, à mon grand regret, n'est pas celle d'un journal de recherches. Ainsi, si le surgissement des idées est énoncé dans le cadre des péripéties tourmentées de l'auteur, ces idées occupent une place moindre, elles sont à peine citées par un renvoi au titre de l'étude relative ; lorsque le cadre historique est inspirant, les anecdotes privées, les activités accomplies dans le quotidien, les attaques personnelles subies et surtout les tentatives de se sortir de situations objectivement critiques prévalent sur l'analyse de la situation et du contexte historique et intellectuel. Mon impression est souvent que, par une sorte de revanche inconsciente contre les injustices subies, l'auteur s'empresse surtout de renier ex post son militantisme marxiste et son adhésion à la plupart des théories psychanalytiques, tout particulièrement à la primauté de la sexualité. Si par moments, avec beaucoup de lucidité, il comprend que ce qui restera des tracas endurés, ce ne sont pas les dénigrements de ses détracteurs mais bien ses propres avancés, il peine à réaliser que celles-ci consistent non pas en la sortie de ses deux paradigmes fondateurs (en excluant sans doute les « bions » avec lesquels il semble s'être enlisé tout comme Franz Mesmer jadis dans sa recherche du « fluide magnétique animal »...) mais précisément dans sa tentative d'en opérer la synthèse.
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A la recherche de mon père

Comment se construire et comment être quelqu'un quand on est le fils de.

Voici une variante de la question avec le fils de Wilhelm Reich. Un père qui n'a cessé de fasciner, de faire peur, de bousculer. Un père qui a été jusqu'au bout. Jusqu'à en mourir, se faire tuer, en tout cas se faire enfermer d'endroits d'où on ne s'échappe plus. Reich un génie et/ou un fou.

On y parle de l'Orgone, la fameuse énergie universelle... Orgonon, le lieu où Wilhelm a basé ses recherches, construit des "inventions" extraordinaires, et où Peter et sa fratrie ont vécu... dans les idées du Père.

Des idées touchant à la déité, au rêve permanent, à la science-fiction, science ou fiction. Comme le pense Peter, tout du long, l'histoire donnera ou pas raison.

Cet enfant rêve aussi, vit dans un rêve, parle du présent, des représentations qu'on a pu faire de sa vie intimement intriquée avec celle de son père...

Il n'y a strictement que du brut dans ce livre, pas de solutions, une confrontation à un vécu trouble, lumineux parfois, original tout le temps.

Je ne pense pas que ce livre soit un indispensable, cela dit. Sauf pour les amoureux ou passionnés ou intrigués fortement par Wilhelm Reich. Hélas, Peter reste le personnage secondaire. Et ce livre n'est encore que pour et à la "gloire" et l'adresse de Wilhelm.
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L'Analyse caractérielle

"L'analyse caractérielle" est la principale contribution de Wilhelm Reich dans le domaine de la psychanalyse et il faut bien constater que nous avons affaire ici à une œuvre majeure. L'apport principal de Reich, c'est que contrairement à Freud et à la plupart de ses élèves et disciples, il ne se détourne pas de l'extraordinaire potentiel subversif que révèle l'exploration de la psyché humaine.

Il ne se détourne ni n'esquive la remise en cause globale de la structure sociale dans sa forme organisationnelle et politique qu'implique la révolution psychanalytique. La démonstration est implacable et dévoile la relation directe entre la plupart des névroses et les idéologies qui ont jusqu'à ce jour présidé aux formes sociales toujours présentes et dont nous continuons à subir, plus que jamais, les effets profondément perverses. Beaucoup préféreront s'illusionner et reléguer Wilhlem Reich dans une époque révolue, invoquant les pseudo-libertés dont ils croient disposer en notre temps "libéral et démocratique". D'autres plus lucides, ne peuvent que constater quotidiennement la courbe inflationniste des maladies "mentales" que produit massivement la domination marchande mondialisée. Ceux-là trouveront dans la lecture de ce livre de nombreux éclaircissements.
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A la recherche de mon père

Lu la version comprenant la préface de 2017, où Peter Reich revient de manière critique sur le contexte des années '50 américains, qui fait de son père une cible très facile pour l'administration Eisenhower. Pour les fans de Wilhelm Reich, c'est une lecture très très touchante. Les autres ne vont peut-être pas tout comprendre. Je n'arrive pas à mettre moins de 5 étoiles, vu que Wilhelm Reich les méritent pleinement.
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La Psychologie de masse du fascisme

L'examen de l’efficacité psychologique d'Hitler sur les masses devait partir de l'idée qu'un "führer" ou représentant d'une idée ne pouvait avoir de succès (succès non pas historique mais essentiellement passager) que si ses concepts personnels, son idéologie ou son programme étaient en harmonie avec la structure moyenne d'une large couche d'individus nivelés par la masse.
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La Psychologie de masse du fascisme

excellent
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Ecoute, petit homme !

hhhhhh
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Créon et Jocaste
Créon et Eurydice
Hélène et Ménélas

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