AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de William S. Burroughs (155)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le festin nu

Relecture.

William S. Burroughs écrit « le festin nu » entre 1954 et 1957 alors qu’il séjourne à Tanger. Il a fui les Etats-Unis où il a accidentellement tué son épouse, Joan Vollmer, lors du jeu de Guillaume Tell auquel ils se sont livrés, ivres-morts. Désespéré, l’auteur de « Junky » sombre dans la drogue sous toutes ses formes. Ses études de médecine en Autriche l’ont forcément aidé dans sa consommation et ses connaissances d’hallucinogènes, opiacés, cocaïne ou héroïne. C’est sous l’emprise de ces drogues qu’il décrit les situations entre réalité et fiction que vivent ses personnages imaginaires. Ce monde inventé, où les lois de la physique n’ont aucune influence, est l’alternative, échappatoire à son drame personnel, qui devient son quotidien, se mettant en scène lui-même par l’entremise de ses chimériques héros.

Il s’affranchit de toute cohérence, s’autorise toutes les libertés de langage et de construction. « Le festin nu » est une expérience stylistique nouvelle, celle du « cut-up » qu’il met au point avec son ami Bryon Gysin. Sous les encouragements de Kerouac et de Ginsberg, il reprend ses notes et les réassemble dans ce qui constituera le manuscrit qu’il titrera « Interzone » dans un premier temps, mais dont Kerouac suggèrera le titre définitif « le festin nu ».

« Interzone » est pour Burroughs le pays fantastique où évolue son monde interlope, c’est son Atlantide, c’est le Tanger des années 50. C’est aussi le territoire de toute les expériences chimico-médicamenteuses, de tous les fantasmes, de toutes les extrémités sexuelles, des performances démentielles, le terrain de jeu où son homosexualité toxique se répand et où sa démence maitrisée invente un courant littéraire à l’origine de ce qui sera la beat génération.

Il est presque impossible de classer l’œuvre de Burroughs dans une catégorie. L’intemporalité du « festin nu », le caractère expérimental de la démarche pourrait placer le manuscrit entre roman de science-fiction, d’anticipation et fantastique.

Ainsi qu’il l’écrit : « Le festin nu est un bleu, un Manuel de Bricolage… Rut noir d’insecte découvrant le paysage infini d’autres planètes… concepts abstraits, aussi nus qu’une formule algébrique, qui se réduisent à un étron noirci, à une paire de cojones vieillissantes… livre de recettes, traité du savoir-faire qui étend l’expérience à d’autres niveaux, à d’autres plans, portes ouvertes au fond d’un couloir immense… des portes qui n’ouvrent que sur le silence… Le festin nu exige du lecteur un Silence absolu sans quoi il n’entendra que son propre pouls…»

L’absence d’histoire, les verbigérations de l’auteur, énurésie verbale, sont particulièrement déstabilisantes si l’on ne tient pas compte de la genèse de l’ouvrage, de la vie de l’auteur et de sa démarche. Résumer les écrits de Burroughs aux simples délires d’un drogué sous emprise serait bien trop réducteur et immature. Burroughs est un poète maudit. Même si la provocation est son arme maitresse pour pourfendre la bienpensance, la qualité immense de son écriture fait du « festin nu » un monument de la littérature contemporaine et une référence dans l’invention d’un style. Le lecteur ne peut qu’être ensorcelé par cet univers glauque. La vision de l’auteur ne s’égare jamais à faire l’apologie de la drogue, bien au contraire, elle ouvre la voie sur une autre compréhension de l’environnement, la photographie aux rayon X des caractères déviants et enfouis d’individus banals, leurs interactions rêvées, fantasmées. William S. Burroughs écorche, trépane ses personnages et observe les mécanismes psychologiques qui les animent.

Sous sa plume, le Verbe est magnifié, aucun espace pour le moindre ersatz de vulgarité (ou presque), la douce mélodie de la petite horreur quotidienne du camé transporte le lecteur au pays des mille et une extases surréalistes.

Traduction d’Éric Kahane.

Editions Gallimard, Folio, 335 pages.

Commenter  J’apprécie          754
Et les hippopotames ont bouilli vifs dans l..

« Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines »…Sous ce drôle de titre à rallonge, se cache un texte écrit à quatre mains par deux des plus célèbres auteurs américains du XXème siècle, précurseurs du mouvement culturel Beat, Jack Kerouac et Williams S. Burroughs.



A l’époque de son écriture en 1945, nos deux comparses n’étaient pas encore connus, encore moins reconnus. Il faudra encore attendre près d’une décennie avant que Jack Kerouac ne défraie la chronique avec son « Sur la route » et que Williams S. Burroughs ne choque les âmes puritaines avec « Le festin nu ».

Pour autant, on peut déjà déceler dans ce petit ouvrage, les thèmes et les inspirations qui alimenteront l’univers littéraire des auteurs : cette façon d’échafauder leurs écrits sur la base de leur propre existence et de leurs expériences personnelles, cette volonté de décrire la jeunesse marginale de leur temps, la stimulation de leurs pouvoirs créatifs par la narration de choses parfaitement avérées et vécues…

Autant de faits, d’initiatives littéraires qui les conduiront, dans les années 1950, à devenir les « fondateurs » de la Beat Génération au côté d’Allen Ginsberg ou Neal Cassady, se donnant pour mission de rechercher dans l’écriture l’essence même de la vie et de puiser dans les expériences existentielles la matière première à toute création.



Ainsi donc « Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines », bien que se déroulant dans les années 1940, avant même le phénomène Beat, est finalement bien représentatif et certainement annonciateur de ce courant artistique, comportemental et générationnel qui offrit à Kerouac et Burroughs un billet pour la postérité.

Ici, la matière première servant à l’élaboration de cette histoire autobiographique, s’avère être le meurtre d’un de leurs camarades par un autre de leurs amis intimes au sein d’une petite bande de jeunes marginaux new-yorkais vivant d’expédients au rythme des beuveries journalières, des discussions, des délires et des folies.

A l’époque, en Août 1944, l’affaire Lucien Carr / Dave Kammerer fait grand bruit ; Kerouac et Burroughs sont même un temps inquiétés par la police et entendus comme témoin. Une histoire qui affecte suffisamment les deux écrivains pour que ceux-ci décident d’en composer un manuscrit, écrit tour à tour, et relatant les évènements qui se sont déroulés une semaine avant l’acte fatal de leur ami Lucien sur la personne de Dave Kammerer.



Bien sûr, pour préserver l’intimité de chacun et notamment celle du jeune criminel, devenu par la suite un grand ténor de la presse américaine, les noms des personnages qui viennent traîner dans « Les hippopotames… » ont été changés, Lucien devenant le jeune turc Philip Tourian, Dave Kammerer - qui ne cessait de le poursuivre de ses assiduités - s’incarnant sous les traits du quarantenaire Ramsay Allen, tandis que nos deux écrivains se matérialisent respectivement sous le jeune matelot Mike Ryko pour Kerouac, et le barman / détective Will Dennyson pour Burroughs.



Fort de ces informations sur la trame véridique de l’ouvrage, l’on déambule sympathiquement avec ces jeunes paumés dans les rues de New-York, de bar en bar, de cinémas en restaurants, au gré de cuites mémorables et de divagations, de blagues de potaches et de soirées amicales chez les uns ou les autres.

De cette petite bande de jeunes soulards, émerge la figure, pas toujours très sympathique, de Philip Tourian, jeune turc beau comme un adonis, poursuivi par l’amour gauche, débordant et étouffant de l’homosexuel Ramsay Allen, à la fois esclave et mentor du jeune homme. Celui-ci, pour fuir cette passion que lui voue Allen, décide de devenir matelot comme Mike Ryko. Les deux garçons en quête d’aventures, vont donc essayer d’embarquer sur un navire en partance pour Paris bien que leurs gueules de bois régulières les contraignent bien plus souvent à rester à quai….



Il aura fallu près de 70 ans et la mort des différents protagonistes, aisément indentifiables, avant que l’ouvrage ne quitte « les lames du parquet » où il s’empoussiérait et ne soit enfin édité.

Œuvre de jeunesse, « Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines » comporte les défauts de ses qualités : bien qu’encore un peu maladroite à certains égards, elle est empreinte de l’énergie vitale et la fraîcheur de la jeunesse, et fait montre d’une belle honnêteté dans sa volonté de brosser le portrait de la « frange paumée » d’une génération.

La lecture prend réellement de l’envergure et de l’intérêt si le lecteur ne perd pas de vue les dessous véridiques de l’histoire. Lu sans les informations préalables, le texte bien qu’agréable, drôle et relevé, n’est pas d’une indéniable portée littéraire. Il le devient néanmoins quand on arrive à le replacer dans son contexte social et historique. A ce titre, la très enrichissante postface de James Grauerholz nous offre un éclairage absolument primordial sur l’ambiance de l’époque d’après-guerre, sur l’environnement des deux auteurs et sur les histoires personnelles de cette joyeuse bande d’allumés que l’excès d’alcool va mener à un acte inconsidéré, aussi stupide que funeste.

Commenter  J’apprécie          514
Le festin nu

Le festin nu est assurément atypique. Écrit sous influence de la drogue, ce livre rassemble des morceaux de récits inachevés, mêlant débauche homosexuelle, délires psychédéliques, critiques politiques et craintes paranoïaques.



Difficile de prétendre comprendre quoi que ce soit. On a affaire à de l'écriture automatique, et l'auteur lui-même avoue ne pas se souvenir d'avoir pu écrire tout ça. Malgré tout, ces textes font forte impression : on s'amuse, on est pris de vertige, on plonge dans l'enfer que vivent les dépendants.



Lire le festin nu est une expérience étrange, à tenter pour les curieux. Prenez une bonne respiration, plongez-y et laissez-vous porter où l'auteur le souhaite sans vous poser de questions.
Commenter  J’apprécie          460
Le festin nu

Comme le dit un lecteur babeliote, ce ne sont pas les divagations et les délires d'un drogué. C'est beaucoup plus que cela. Le Festin nu est un monde à lui tout seul. C'est l'émanation d'un esprit hors norme. Tout y passe. Il serait vain de vouloir expliquer et énumérer tout ce qui se passe dans ce livre. Dans la droite ligne de ses amis Ginsberg et Kerouac, grâce à qui ce livre a pu être publié, ces écrivains de la contre-culture américaine, dont Burroughs a d'ailleurs toujours voulu se démarquer. Il reniait ses amis de la Beat Generation. Pourtant, le lien est indéniable. Il s'agit de bousculer les valeurs conformistes bourgeoises, dont il était lui-même issu. Cependant, ce n'est vraiment pas facile à suivre. Parfois, on ne sait même pas ce qu'on lit. Pas beaucoup de liens entre les chapitres, style décousu. C'est macabre à souhait. Complètement déroutant. J'ai tenu jusqu'aux deux tiers du livre, le reste en diagonale puis arrêt. Je me suis senti complètement perdu. Dans un ailleurs qui ne me correspond pas. Mais il faut vraiment tenter de lire ce livre, au moins pour savoir qu'une telle écriture existe !
Commenter  J’apprécie          410
Junky

Voici un témoignage de très grande valeur puisque William Burroughs nous fait le récit de sa propre expérience de la drogue. À travers ce témoignage tout à fait honnête, il relate comment il a « appris l’équation de la came. La came n’est pas, comme l’alcool ou l’herbe, un moyen de jouir davantage de la vie. La came n’est pas un plaisir. C’est un mode de vie. ». La drogue prend assez vite une place immense dans sa vie et il en devient complétement obnubilé, jusqu’à considérer que « c’est un fantôme diurne dans une rue encombrée ». Après un énième sevrage et une énième rechute, il écrit d’ailleurs « j’étais donc repris par la came » et non « j’ai donc repris de la came », révélant ainsi l’emprise totale de la drogue sur sa vie et sur son libre-arbitre.



La parution de ce livre était un véritable exploit dans la société américaine puritaine et bien-pensante d’après-guerre en plein crise d’identité et au bord de la dépression nerveuse. C’est Allen Ginsberg, chef de file de la Beat Generation, qui cherchera un éditeur pour le manuscrit et c’est Carl Solomon qui, dans un moment de bravoure, le publiera … A l’époque, le simple fait de parler d’herbe dans l’autobus ou dans le métro était passible d’arrestation ! L’Amérique est alors dans un délire complétement schizophrène et ira jusqu’à engager des drogués dans la police pour pénétrer le milieu et arrêter ainsi les consommateurs et les petits dealers. On nage en pleine délire.



Burroughs décrit son désœuvrement et sa lente déchéance physique et psychologique. Au passage, il évoque de façon métaphorique l’accident mortel de sa femme. Tous les milieux socio-professionnels sont touchés aux Etats-Unis, cela va des chômeurs paumés et des artistes jusqu’aux matelots, aux barmen, aux livreurs, aux croupiers et aux petits salariés. Les uns sont pauvres et dans la dèche, les autres sont nantis et proviennent de bonne famille, comme l’auteur.



Pas question ici de délire halluciné et déjanté mais plutôt de la petite vie banale et minable des drogués, ce qui fait de ce livre un excellent antidote contre la drogue, je pense. D’ailleurs, quand je m’en suis emparée je me suis demandée si c’était une bonne idée de le laisser trainer (oui je laisse trainer mes livres un peu partout, puisque je lis un peu partout…) dans une maison où vivent trois ados en quête d’identité et peut-être aussi de sensations fortes. Eh bien très vite j’ai pensé que si l’un de mes fils tombait dessus et en commençait la lecture cela ne pourrait lui faire de mal, en fait. Au contraire d’autres livres comme « l’herbe du diable et la petite fumée» de Castaneda qui présente les psychotropes sous un aspect beaucoup plus séduisant.



Alors bien sûr je reste avec cette question : pourquoi ce type, Burroughs, qui a « tout pour être heureux », intelligence, richesse, culture, se met-il à se droguer ? Pourquoi cette sensation de vide que rien ne peut combler ? Comment l’écriture et l’art ne suffisent-ils pas à lui donner un sens à sa vie, à l’épanouir, à le rendre heureux (moi je croyais naïvement qu’un écrivain publié ne pouvait être qu’un homme heureux) ?



Une piste de réponse se trouve peut-être dans cette déclaration de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. » Malheur que certains oublieront dans la dope, dans l’alcool, dans un excès de travail ou de sexe. Ou dans une orgie de lecture !



Commenter  J’apprécie          339
Les garçons sauvages

J'aurai tenu jusqu'à la moitié (en voulant arrêter dès le quart !), En me demandant comment ai-je pu être si patient : je n'aime pas abandonné une lecture, mais là... trop c'est trop. Je le savais, cet auteur on l'aime ou pas. Bon bah j'aime pas ! D'abord une réaction colérique presque. Dans la saleté et le porno, c'est réussi. Quant à la cohérence ? L'expression "du grand n'importe quoi" peut être un bon résumé. J'ai tenté ! Je dois manquer d'imagination ou être pour le coup trop cartésien. Il paraît que c'est une histoire (dystopie) de jeunes qui veulent se rebeller contre l'establishment ! Pour se rebeller, faudrait qu'ils arrêtent de baiser. Tout du long, j'ai eu l'impression que l'auteur cherchait son sujet - comme un montage de film - en même temps que de nous énerver avec tous ces mots juxtaposés, sans même un début d'accroche logique, pour voir si ça fait joli. Et ben non, c'est moche. C'est pas grace à moi que cet auteur serait devenu un grand auteur américain ! Tant mieux pour lui. Et puis, après réflexion, peut-être suis-je tombé sur un livre-expérience ?! J'en tenterai un autre, pour voir, pour être sûr. C'est dommage j'aimais bien le titre ; et pour cette réédition, la couverture aussi.
Commenter  J’apprécie          320
Le porte-lame

Une nouvelle dystopique tout à fait conforme à ce que l’on peut attendre de Burroughs, mettant en scène un jeune porte-lame après l’interdiction de la médecine dans ce monde apocalyptique !



Je ne vais pas m’étendre dans mes explications et juste dire pourquoi ma note est si mauvaise. Ce ne sont pas ses délires qui m’ont débarquée de la lecture mais les temporalités non exprimées ! J’ai eu l’impression que l’on changeait d’époque mais sans savoir si c’était réellement le cas et comme ses idées sautent du coq à l’âne, je n’ai pas pris beaucoup de plaisir à cette lecture.



Je m’imaginais un peu plus de structure dans la narration. Je ne pense pas m’en souvenir longtemps.



Challenge 50 Objets 2022/2023

Challenge Riquiqui 2022
Commenter  J’apprécie          300
Le festin nu

Au début, j’ai rien compris à l’histoire. A la fin non plus d’ailleurs. Mais je me suis laissée porter quand même sans chercher à m’accrocher au fil des personnages. Si je ne suis pas physionomiste, c’est sans doute pour une bonne raison.





C’est un livre destiné à narrer la vie des camés, commencé d’écrire le jour où William Burroughs s’estima guéri de ses addictions. Il dit ça sans doute pour rigoler parce que comme il décrit ce monde, on voit bien qu’il lui tient à cœur, on voit bien qu’il l’aime encore, qu’il le regrette. On ne décrirait pas le monde des camés d’une manière aussi attachante et exaltée si on ne l’aimait pas.





Le Festin nu, avant d’être un livre pour moi, c’était un film de David Cronenberg dans sa période dégueulasse. J’aimais bien cette période, avant qu’il se mette à faire des films comme « History of violence », « A dangerous method » ou « Cosmopolis » (qui sont bien quand même mais ça ressemble davantage à du n’importe quoi d’autre). Comme pour le livre, je n’avais rien compris au film mais j’aimais les passages de cul bizarres et dérangeants bien plus excitants que dans les films pornographiques où on sait toujours ce qui va se passer puisqu’en général, c’est déjà indiqué dans le titre, les passages de monstruosité organique, d’inconfort physique, de miracles coïtaux, tout ça construisant un monde de sensations hurlantes.





« Les changements physiques furent lents au début, puis tout se précipita, explosa en détritus noirâtres qui coulaient au fond de sa chair amollie, effaçant toute forme humaine… Dans la nuit absolue de la réclusion, la bouche et les yeux ne font plus qu’un organe qui déchiquette l’air de ses dents transparentes… mais les organes perdent toute constance, qu’il s’agisse de leur emplacement ou de leur fonction… des organes sexuels apparaissent un peu partout… des anus jaillissent, s’ouvrent pour déféquer puis se referment… l’organisme tout entier change de texture et de couleur, variations allotropiques réglées au dixième de seconde. »





S’il n’y a rien à comprendre à ce livre alors j’ai tout compris. Ne retenez pas l’essentiel, vous feriez fausse route.
Commenter  J’apprécie          300
Le festin nu

Je savais tout à fait à quoi m’attendre en pénétrant dans l’Interzone de Burroughs, c’est dire si je n’ai pas été déçue. D’ailleurs, qu’est-ce que l’Interzone ? Bien difficile à décrire que cet univers dans lequel tout peut se produire, en un maelstrom hallucinatoire et orgiaque de drogues, de sexe, de violences, dans lequel il est bien difficile de trouver une cohérence, même si, finalement, un fil narratif, bien que ténu, se dessine bien au fil des pages rendues encore plus extravagantes par la technique du cut-up, qui tourne ici à plein régime.



Ce fil narratif, c’est William Lee, alter ego littéraire de l’auteur, pris dans un délire paranoïaque, qui rendra compte de ce qu’est l’Interzone, en même temps qu’il permettra de mettre en scène toutes les expérimentations, littéraires comme personnelles, de Burroughs lui-même, dans ce monde complètement dingue.



Une lecture en apnée, que je n’oublierai pas de sitôt.

Commenter  J’apprécie          240
Junky

Nous nous retrouvons sur le site Babelio entre consommateurs de produits culturels imprimés, des livres, et le secteur économique que nous

faisons vivre est chaque jour matraqué par une inlassable propagande. Selon les termes de cette propagande, on n'écrit de livres que pour promouvoir ceci (une abstraction molle, en général) ou dénoncer cela (une autre abstraction molle, comme "la haine") : les figures du publicitaire et du militant se confondent pour nous avec celle de l'artiste. Aussi n'est-il pas étonnant que nous cherchions dans le livre de William S. Burroughs ou une apologie de la drogue, ou une dénonciation de la drogue, puisque l'univers où nous vivons retentit d'apologies et de dénonciations : notre univers est juridique, peuplé de mouchards, de policiers (on écrit même des romans sur eux), d'avocats et de procureurs. Parallèlement, le monde de "Junky" est aussi plein de flics, justement, d'avocats et de médecins inquisiteurs, parmi lesquels évoluent les drogués. Se demander s'ils sont bons ou méchants, c'est faire preuve de sottise, de soumission intellectuelle aux bateleurs du moment : chez Burroughs personne n'est bon ni méchant, car l'univers du livre est construit comme le nôtre sur des lois impersonnelles, pénales ou physiologiques (le manque, le sevrage, la satisfaction). Devant cet univers romanesque où la morale n'a aucune place, le lecteur, s'il veut vraiment lire le livre, doit suspendre son jugement moral. Il ne doit même pas essayer de justifier les drogués au nom du plaisir qu'ils prennent à leur drogue : Burroughs rejette catégoriquement cette excuse hédoniste soixante-huitarde, comme toutes les autres. "Le plaisir qu'on tire de la came est de vivre sous sa loi", écrit-il. N'opposons pas puérilement les méchants policiers aux gentils hors-la-loi qui se révoltent en se droguant contre un ordre social injuste et puritain, nous dit Burroughs : chacun vit sous sa loi propre et tire son bonheur de lui obéir. C'est tout.
Commenter  J’apprécie          224
Junky

C'est... en fait on ne peut réellement qualifier ce texte. Il ne fait pas l'apologie de la came et de la défonce, non. Mais on y sent une fascination pour elles. C'est extrêmement lucide ; Burroughs y a beaucoup réfléchi et pris de la distance, pour nous parler de son expérience. De ses expériences : came, sevrages, abus d'alcool, substances douteuses... Il n'est pas tendre, ni avec lui ni avec les autres camés. Il est également à la dérive, comme devaient l'être beaucoup de jeunes gens lors de cette période troublée : la guerre, l'intolérance juridique à tout ce qui sort d'un certain cadre. Qu'il soit devenu un des étendards de la révolte et de la contestation des années 1960-70 n'est pas une surprise. Il ne vit, et ne veut pas vivre, dans un cadre normé ; la drogue est presque un hasard, mais qui deviendra un hasard destructeur.

Je ne peux pas dire que c'est un beau texte. Mais que c'est un texte que j'ai aimé, pour ses images, pour son ironie parfois et pour son honnêteté. C'est un texte cru, qui n'épargne pas son lecteur ; et c'est bien pour ça qu'il est devenu culte.
Commenter  J’apprécie          220
Le festin nu

Alors... Par où commencer. Par un article paru dans le magazine littéraire cette année qui mettant en avant les écrivains qui faisaient usage de procédés illicites pour leur création avec en tête de gondole Burroughs.



Comme à chaque fois, achat pulsionnel et hop j'ai acheté le festin nu.



C'est hard, tres hard. Pas pour le style mais par les propos. C'est aussi génial que cru. On comprend qu'il est plus simple d'atteindre le degré zéro de la condition humaine, sa base, dans un état de demence, ou de drogué.



En effet, anniler la conscience pour redonner l'état originel de l'homme, sa pureté, sa vraie valeur.
Commenter  J’apprécie          216
Les garçons sauvages

Les garçons sauvages, écrit par William Burroughs en 1971, est un livre aussi étrange que son auteur. L'inventeur du "cut-up" - technique d'écriture inventée par Burroughs, consistant à prendre des écrits déjà existants, à en choisir des phrases, des morceaux, des paragraphes, ou des mots, et à les reconstruire, dans un ensemble plus ou moins cohérent - ne se soucie guère de la cohérence immédiate. Il cherche à exprimer un ressentit, à faire ressentir cela, ou autre chose, au lecteur, qui doit, de fait, réinterpréter à sa guise, avec son vécu, son imaginaire, le livre proposé par Burroughs.

On peut aussi, si on le souhaite, relire Burroughs à la façon d'un cut-up perso...

D'où l'incompréhension, chez la plupart des gens qui lisent du Burroughs autre que Le festin nu, le plus "cohérent" de tous ses romans, car il faut abandonner toute logique quand on veut espérer toucher du doigt la pensée chaotique du grand Bill.

Il vivait dans un monde parallèle, une interzone connue de lui seul, de quelques initiés... et des cafards !
Commenter  J’apprécie          202
Le festin nu

Un livre bouleversant, révulsant, et troublant, qui m'ait mise terriblement mal à l'aise. Le genre de lecture qui soulève en moi un ressenti equivoquement étrange où la joie et les petits plaisirs me paraissent répugnants et la mélancolie devienne mon favorable état d'âme.

Il y a eu des passages où, il m'a fallu relire pour comprendre.

Je l'ai lu deux fois: à la première lecture, je n'ai absolument rien pu retenir, je l'ai tout de suite relu et la deuxième lecture m'a presque rendu malade.

On est renvoyés à une violence, et à une absurdité quasi totale, comme propulsés dans une odyssée à travers les rouages et les abysses de l'esprit humain, un voyage qui ne manquerait pas de ne plonger dans les recoins les plus reculés et les plus sombres de l'âme humaine.

Ce livre démontre à quel point on peut mal vivre, quand on ne donne pas sens à sa vie, on assiste à une mise en évidence d'un savoir-vivre qui ne serait en rien supérieur à celui d'un rat d'égout.

Une lecture qui nous décolle de nous-même, qui nous offre une vue, tout en nous disant que rien n'était comme nous le pensions.

Pour conclure je dirait qu'il y aurait toujours toutes sortes de choses qu'à moins de les avoir soi-même vécu, il nous serait impossible de percevoir dans le réel tant qu'elles ne nous ont pas été montrées par un grand écrivain. C'est là peut être que réside la force des livres qui n'ont aucune thèse, en ce sentiment d'intimité qui se crée et ne fait que s'accroître au fil des pages.
Commenter  J’apprécie          170
Le festin nu

Burroughs (William S.) : Petit fils de William Seward Burroughs I, l’inventeur de la machine à écrire, William S. Burroughs est, avec Allen Ginsberg et Jack Kerouac, l’un des membres fondateurs de la Beat Génération, avec Jack Kerouac et Allen Ginsberg, amateur d’armes en tous genres (blanches, contendantes mais surtout les armes à feu), William Burroughs, également connu sous le nom Bill Lee, son avatar littéraire, c’est un auteur américain connu pour sa créativité originale et subversive, principalement dans domaine de la, littérature et des arts divers comme le cinéma, la musique et les enregistrements sonore.

Voir : Beat Generation et Cut up et Shotgun Art

Sa vie a été chaotique, un peu comme une succession de vacillements et de trébuchements gracieux. Parmi les événements tragiques, il tue accidentellement sa femme d’une balle dans la tête, en 1951, en voulant exercer un exercice d’adresse, en état d’ivresse avancée, en tirant sur un verre posé sur sa tête. Il a séjourné au Maghreb, à Tanger, à Paris (un hôtel miteux rue Gît-le-Cœur, surnommé le Beat-Hotel), au Mexique, à New York, à Londres et un peu partout où sa vie le conduisait.

Voir : Beat Hotel

Il a tantôt été détective, en relation avec la pègre new-yorkaise, exterminateur de nuisibles, avant d’attaquer franchement sa carrière artistique d’écrivain, principalement, mais aussi dans de nombreux domaines. Il est à noter que sa collaboration avec Brion Gysing

Cet auteur provocateur en est venu à la conclusion, rendue publique par un essai, que c’est les opiacés qui l’ont rendus plus résistant et lui ont permis de vivre mieux. Il prétendait que les modifications internes de son organismes générés par les prises de substances et les états de manque l’ont renforcé et lui ont permis une vie longue et en relativement bonne santé, même à son plus vieil âge.

Voir : Opium, Pavot, Héroïne

Sa bibliographie est trop énorme et bourrée de collaborations pour tout détailler. Nnous noterons ici les plus importants de ses ouvrages



– Junky – Les lettres du Yage

– Le Métro Blanc – La Machine folle

– Le Festin nu – Le ticket qui explosa

– Dead Finger Ker – Œuvres croisées

– La Cité de la Nuit Ecarlate – Interzone

– L’Ombre d’une Chance – Mon Education

– Queer – Terres Occidentales

– Exterminateur – Le Porte-lame



NOTE : Son premier ouvrage, "Junky", devrait être lu par le personnel soignant de tous les services hospitaliers spécialisés en addictologie : c’est une véritable bible en matière de consommation, de vente et de transport des substances illicites, principalement l’héroïne est certains opiacés. Y sont décrites les magouilles, moyens de planquer, de passer de la came depuis l’extérieur dans un milieu fermé. Mais aussi les signaux corporels typiques de la prise de produits et/ou de l’état de manque et d’overdose sous toutes leurs formes.



Dans le domaine de la musique, ce personnage mythique a collaboré avec certains musiciens, engendrant des projets magnifiques dans lesquels la voix de Burroughs, à la signature unique, est mise avant. Voici une liste des principales collaborations mais également de certains enregistrements vocaux sans musique, dont certains dans des labels légendaires comme Shandar, Fresh Sound, Ronald Feldmann Fine Arts, Sub Rosa.



William BURROUGHS "Dead City Radio" *

Kurt COBAIN & W. BURROUGHS "The Priest they call him"

MINISTRY & W. BURROUGHS "Just one Fix"

MINISTRY & W. BURROUGHS "Quick Fix”

Tom WAIT & W. BURROUGHS "T’Aint no Sick"

Iggy POP & W. BURROUGHS "The Western Lands"

John GIORNO & W. BURROUGS "Giorno Poetry Systems" **

John GIORNO & W. BURROUGS "The best of Burroughs” **

R.E.M. & W. BURROUGHS "Star me Kitten"

MATERIAL & W. BURROUGHS "Words of Advice"

MATERIAL & W. BURROUGHS "Seven Souls"

Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Home of the Brave"

Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Sharkey’s Night"

Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Big Science"

Gus VAN SANT & W. BURROUGHS "The Elvis of Letters"

T.O & William BURROUGS "Berlin/Cut-up" (2014 – Post Mortem)

William BURROUGHS "Call me Burroughs"

William BURROUGHS "Break Through In Grey Room"

William BURROUGHS "Revolutions per Minute"

William BURROUGHS "Old Lady Sloan”



Ghislain GILBERTI

"Dictionnaire de l'Académie Nada"
Commenter  J’apprécie          172
Et les hippopotames ont bouilli vifs dans l..

Will Dennison, Mike Ryko, Phillip Tourian, Ramsey Allen et un nombre incertain de femmes forment un groupe noctambule, alcoolisé et assez libre. Allant sans cesse chez les uns et les autres, toujours à l’affût de quelques dollars à gagner ou à grappiller, ils mènent une vie débridée dans le New York de 1944. Allen n’a d’yeux que pour le beau Phillip et le poursuit de ses assiduités, à tel point que le jeune homme forme le projet d’embarquer sur un bateau de la marine marchande avec Mike. « Cette fixette sur Phillip, c’est comme le paradis des chrétiens, une illusion née du besoin, qui flotte dans un nulle part nébuleux platonique, c’est comme la prospérité, toujours pour demain, jamais ici et maintenant. Tu as peur de partir avec lui, tu as peur de prendre le risque, parce que tu sais que ça marchera pas. » (p. 29) Hélas, le départ des deux amis est toujours différé et Allen ne veut pas voir partir Phillip. Tout cela explose un soir quand le jeune homme tue son admirateur. Will et Mike doivent alors décider s’ils veulent ou non protéger leur ami.



Inspiré de faits réels qui ont marqué leur jeunesse, Burroughs et Kerouac écrivent à deux voix, en chapitres alternés racontés respectivement par Dennison et Ryko. Cette double écriture est tout simplement étourdissante. À plusieurs reprises, je me suis perdue dans le récit, ne sachant plus qui était aux commandes. Mais finalement, le narrateur n’a pas vraiment d’importance, il suffit de suivre l’histoire, entre deux verres de whisky et un repas chaud providentiel. Je n’ai pas retrouvé le style de Kerouac qui m’avait tant plu dans Sur la route, mais cette histoire d’hippopotames est un texte de jeunesse, encore plein d’imperfections et d’hésitations. J’ai de tout de même aimé cette histoire et j’ai hâte de voir le film qui en a été tiré.

Commenter  J’apprécie          171
Le festin nu

Horriblement drôle ; presque illisible, la plupart du temps... mais certains délires nous révèlent de façon troublante la monstrueuse réalité du monde, le "singe" que l'on porte tous sur le dos, camés ou non



Quelles que soient les réserves (nécessaires !) du lecteur, le texte est furieusement et indéniablement poétique
Commenter  J’apprécie          140
Junky

Parfait pour lire à la plage! Beaucoup d'humour dans ces pages où l'auteur, loin du misérabilisme auquel le sujet pourrait prétendre nous amuse avec les histoires de dealers, de grossistes, de camés et de policiers. Sans doute est-ce complétement daté, mais cela fait partie du charme du récit.

Commenter  J’apprécie          120
Les cités de la nuit écarlate

Si l'on compare "Les cités de la nuit écarlate" aux romans de la trilogie précédente ("La machine molle", "Le ticket qui explosa", "Nova Express"), on verra que le confort du lecteur y est plus grand. Il y a de larges pans de récit linéaire classique, alors que dans les précédents romans, la technique du brouillage et du "cut-up" rendait la lecture parfois difficile. D'autre part, l'intention idéologique est plus visible ici : les récits mythiques ou réalistes que les personnages traversent sont porteurs d'une utopie libertaire pour les uns, d'un discours légendaire et de SF sur l'origine de la race blanche (un virus faisant muter et dégénérer les noirs) pour les autres. Cependant ce roman est, entre autres, de la bonne science-fiction : il ne prêche pas à la manière française, mais entremêle ces thèmes à d'autres dans un ensemble esthétique réussi où l'ironie ne manque pas (qu'on le compare à un Bordage, par exemple). Ce qui est le plus fascinant dans ce roman d'aventures, mêlant pirates, agents secrets, voyageurs temporels, touristes, etc, c'est l'instabilité des temps et des identités : non seulement les mêmes personnages se retrouvent dans des époques différentes, mais ces personnages voyagent d'une identité à l'autre, d'un corps à l'autre. Nulle difficulté de lecture, je le répète : un glissement fascinant de récit en récit, de héros en héros, un véritable voyage et un très beau poème romanesque. Enfin, une vraie réflexion et un vrai travail sur le roman en tant que forme, alors que les auteurs idéologues adoptent passivement la forme pour la mettre au service de leur propagande. A lire.
Commenter  J’apprécie          120
Le festin nu

Attirée par la banderole "culte" de cette édition d'un classique de la littérature américaine longtemps censuré, je me suis plongée, croyais-je avec délice, dans ce "festin" élaboré par un gastronome de la Beat-Generation, le très souvent - cité William Burroughs... Hé bien autant vous dire que je suis restée sur ma faim... Pourtant, j'ai lu mon Jack Kerouac, et même mon Charles Bukowski, donc autant vous dire que l'errance alcoolo-droguo - underground, je connais.

Mais là, que dire? La narration, à force de cut-up, se morcèle de façon trop aléatoire, et de "cave" en "schizos", les protagonistes se perdent un peu, beaucoup.

Pas d'histoire, pas de cohérence réelle sur laquelle s'appuyer pour un semblant d'intrigue. Le lecteur doit se contenter d'un fil philosophique de bord de trottoir sur lequel se frottent junkies, pédérastes et flics incapables.

Le seul point positif, pour moi, est cette connaissance scientifique du corps humain et de son métabolisme. Ces passages, notamment ceux traitant de la schizophrénie, semblent rédigés par un spécialiste en médecine.

Dommage que le côté junkie soit ici le plus fort...
Commenter  J’apprécie          102




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de William S. Burroughs Voir plus

Quiz Voir plus

Le quatrième mur

Quel rôle joue Imane dans Antigone ?

La nourrice
Elle ne joue pas
Le choeur
Antigone

11 questions
417 lecteurs ont répondu
Thème : Le Quatrième Mur de Sorj ChalandonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}