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Critiques de Witold Gombrowicz (149)
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La Pornographie

N’y aurait-il pas des relents de “Chaud-derrière” de Laclos dans ce très étrange roman, au parfum de scandale, de Witold Gombrowicz ?



En effet, l’écrivain polonais semble nous pondre au milieu du XXème siècle un récit libertin façon XVIIIe siècle : le quatuor, avec les deux ingénus, et les deux personnages plus âgés qui se jouent de leur jeunesse et de leur inexpérience et les utilisent avec un certain sadisme (le terme arrive à brûle pour point) comme moyen pour assouvir leurs fins érotiques, perverses presque pasoliniennes. Libre-arbitre pour les maîtres et déterminisme implacable pour les objets de leurs fantasmes.

Néanmoins, de façon très subtile certes, les deux jeunes gens ne font pas le même effet au narrateur et son complice, le jeune homme est plus fascinant pour nos deux compères tordus, sans doute cet attrait est la trace littéraire (et volontaire) de l’homosexualité de Gombrowicz lui-même.



Du reste, cette objectivation des êtres, cette jouissance par procuration et dans la manipulation, ce plaisir dans la dégradation, la destruction des liens amoureux sont inhérents à ce courant libertino-littéraire, c’est toujours la défaite d’Eros sur Thanatos, loin d’une sensualité solaire, égale, heureuse et franche.



Toutefois, comme son nom ne l’indique pas, il n’est absolument pas question d’obscénité dans le roman, rien de plus que que l’émoi causé par la nuque du jeune homme dans les premières pages.



Gombrowicz aime à se mettre en scène comme personnage et narrateur de sa propre histoire, loin pourtant du courant de l’auto-fiction, son désir de “tester” son roman en le vivant de l’intérieur, comme un personnage sera aussi la cause d’un accueil mitigé en Pologne. En effet, les passages relatifs à la Résistance passent mal pour les polonais qui savent que Gombrowicz, le vrai, vivait en ce temps-là en Argentine, bien loin des calamités qui s’abattaient sur ses concitoyens, notion - la citoyenneté - au demeurant très secondaire, voire reniée par l’auteur.



Qu’est ce donc que ce singulier roman, une métaphore du sort de la Pologne, jouet entre les mains des dictateurs russe et des allemand de l’époque ? Ou bien est-ce le roman d’une vieillesse qui se déteste et qui cherche à exister, à fusionner dans la jeunesse, comme deux aimants qui s’attirent (du moins le suppose t-il…) et s’opposent à la fois ?



Toujours est-il que le style de Gombrowicz y est pour beaucoup dans le plaisir de la lecture. L’auteur souhaitait rendre accessible son oeuvre, comme dans un “roman de province”, l’intrigue glisse sans anicroches ni platitude, juste ce qu’il faut d’exigence dans le style pour nous permettre d’appréhender les thèmes très alambiqués du livre.



Gombrowicz s’interroge d’ailleurs sur ses partis pris stylistiques : “ai-je raison de penser que plus la littérature est téméraire et d'un accès difficile, plus elle devrait retourner vers des formes anciennes, faciles, auxquelles les lecteurs se sont habitués ?”



Mille fois oui Witold ! Et vous, qu’en pensez-vous ?
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Ferdydurke

"Le sublime et le ridicule sont si proches qu'on ne saurait les séparer."

(T. Payne, "L'âge de raison")



Un beau jour de l'année 1937, l'Absurdité est sortie se promener, et en chemin elle a rencontré Witold Gombrowicz. Ces deux-là s'entendaient à merveille. Ils ont fait un bout de chemin ensemble, et ils ont conçu "Ferdydurke", un livre qui donnerait à Platon des convulsions de volupté dans sa tombe.

Ah, cet unique, inclassable et déconcertant Gombrowicz ! Son "Ferdydurke" est un dialogue (souvent même une violente bagarre) entre la maturité et l'immaturité, le sérieux et le ridicule, le moderne et le ringard, le fond et la forme... et il est difficile d'y choisir son camp avec certitude.



Pourtant, avec ma copine HordeduContrevent on s'est épistolairement surpassé afin de trouver un semblant de sens à l'absurdité de cette histoire. Mais même en dialoguant avec entrain, en analysant, synthétisant, déduisant, et en tombant d'accord sur tous les points, l'impression finale était que la seule chose dont on peut être absolument sûr, c'est qu'on n'est sûr de rien. Sauf, peut-être, que malgré son pessimisme, le livre de Gombrowicz reste terriblement drôle (sachant encore une fois que n'importe qui peut me contredire). Et que quoi qu'on fasse, le monde sera à jamais dominé par le gigantesque et monstrueux "cucul", suspendu comme l'épée de Damoclès au-dessus de nos pauvres têtes et risquant de tomber n'importe quand sur n'importe qui, malgré toutes les "gueules" sérieuses que l'on peut se composer en tant que bouclier contre le ridicule.



"Au milieu du chemin de ma vie, je me trouvais dans une forêt sombre. Cette forêt, qui pis est, était verte !"



Le cauchemar de Joseph, un trentenaire immature, devient réalité : il se fait rabaisser et infantiliser par le professeur Pimko, un pédant suprême, et celui-ci, comme par enchantement, le fera revenir au lycée, au milieu d'autres adolescents. L'âge incertain où on essaie de jouer aux adultes, souvent en nous composant une improbable "gueule", une forme qui dénature le fond, ce qui est démontré à merveille dans le mémorable passage sur le concours de grimaces.

Mais à quoi ressemble donc la "gueule" de l'authentique maturité ? Est-ce l'innocence représentée ici par un simple "valet de ferme", la "modernité" de la famille Lejeune, ou un idéal impossible à atteindre, une sorte de "non-gueule" ? Tous les personnages du roman, peu importe leur âge et leur position, changent de "gueule" au besoin et se font "cuculiser" à leur tour par les autres.

Joseph (désormais Jojo), succombe aux charmes d'une "lycéenne moderne", à son apathie moderne et à ses mollets modernes, et même sa propre contre-magie - mouche morte, mendiant avec une branche verte dans la bouche et fausses lettres d'amour - ne peuvent rien y faire. Il s'échappe vers l'innocente pureté de la campagne, avec le même résultat. Le "cucul" que lui a collé Pimko le suit partout, jusqu'au férocement pathétique ultime paragraphe.

Il est impossible de ne pas apprécier le héros principal : son slalom entre les clichés de l'immaturité est vraiment déprimant, mais ses réflexions et ses incertitudes vous malmènent le diaphragme. Les livres drôles se font aussi rares que le précieux safran, et Gombrowicz ne lésine pas sur la quantité ni la qualité de ses épices.

En prime, il nous met au plein milieu du roman deux préfaces et deux autres histoires sans aucun rapport évident avec le récit principal, et ça ne le gêne même pas. Le lecteur non plus, d'ailleurs, car ces ajouts sont excellents. Dans la foulée, il lui pardonne aussi le titre qui ne veut absolument rien dire.



Quoi qu'il en soit, cette lecture en duo nous a permis de discuter sur le "message" du roman, que Chrystèle vous dévoile en détail dans sa critique. Je dirais aussi que comme d'habitude, Gombrowicz met toute morale en boule quelque part au fond de son tiroir à chaussettes. Il n'y a que la petite dédicace ironique, enfantine et formidablement "immature" adressée à la fin comme un pied-de-nez au lecteur (dans la version originale le traitant carrément de "nigaud") qui m'a fait changer d'avis. Avec son "Zut à celui qui le lira", Gombrowicz se moque en même temps du lecteur et de ses critiques qui lui ont autrefois reproché le manque de maturité, et il revendique l'immaturité assumée comme l'arme ultime contre l'omniprésent "cucul".

La morale de son roman serait donc qu'on devrait peut-être arrêter de tout prendre au sérieux, ce roman y compris. Gombrowicz se compose la "gueule" d'un grand écrivain, nous sert une histoire absurde au titre improbable, et les nigauds que nous sommes vont lui coller en souriant presque 5 étoiles ! C'est drôle. C'est triste... Au final, j'en sais toujours rien, mais j'ai quand-même envie d'applaudir.



Car quel voyage, mes amis ! Professeur Pimko, Mientus, Kopyrda, la lycéenne moderne, la famille Lejeune, tantine, bonbons, tonton, mollets, mollets, mollets, oreilles, gueules, chiens, valets... La tête et le cucul m'en tournent encore !

Grand merci à Chrystèle pour monter avec moi dans cette voiture polonaise : l'auteur conduit vite mais bien, alors on n'avait même pas besoin de sortir nos sachets en papier... que ce serait ridicule ! Tout juste bon pour les enfants...



"Koniec i bomba, a kto czytał ten trąba!"
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Le festin chez la comtesse Fritouille et au..

"Ce potage aurait été assez bon

Si le cuisinier n'était pas un..."

(p. 70)



Ah, trêve de métaphores culinaires ! Je ne fais pas, bien sûr, allusion à Witold Gombrowicz, mais à Philippe, cuisinier de la comtesse Fritouille, celui-même qui prépare un excellent chou-fleur lors de dîners mondains philosophico-lyrico-végétariens organisés une fois par mois chez ladite comtesse. C'est un grand honneur d'y être convié, mais si le sang bleu ne coule pas dans vos veines, toute la finesse de vos manières ne vous servira à rien, au contraire... Vous allez même remarquer deux, trois choses étranges, comme si tout ce petit monde décadent vêtu de dentelles jaunies avait des secrets bien à lui.

Ceci dit, Gombrowicz a aussi ses secrets, et j'ai presque l'impression que ses livres sont accompagnés d'une mystérieuse malédiction, que ce soient "Les Envoûtés" ou ce recueil de trois nouvelles : je m'en délecte vraiment pendant la lecture, mais une fois l'ouvrage refermé, je n'ai pas la moindre idée ce que je pourrais en dire.



Dans "L'art du roman", Milan Kundera parle de cet auteur polonais avec beaucoup d'estime : Gombrowizc fait partie d'une poignée d'auteurs qui ont su perpétuer l'héritage du roman européen, tout en lui apportant la modernité et l'originalité nécessaires pour les faire sortir du lot. Je vois aussi en quoi il peut être considéré comme un précurseur du drame absurde. Mais seuls "Les Envoûtés" ne sont sans doute pas suffisants pour se faire une image juste de Gombrowicz-auteur. Lui-même concède avoir écrit ce roman uniquement pour de l'argent, et pour prouver que même un écrivain "sérieux" de sa trempe peut écrire un livre qui enchantera "les petites bonnes et les chauffeurs de taxis". "Les Envoûtés" sont donc un jeu littéraire d'un "mauvais goût" délibéré, qui rend hommage aux romans gothiques du 19ème tout en les parodiant ; quelque chose que le Tchèque Josef Váchal a réussi à mener au paroxysme dans son "Roman Sanglant". Et "Le festin chez la comtesse Fritouille" m'a fait pratiquement le même effet, car on y trouve encore une fois ce mélange hardi d'absurde, de grotesque, d'épouvantable et de psychologique.



Au premier regard, tout ceci ne semble pas voler bien haut et à vrai dire, on comprend à peine ce qui se passe vraiment. Mais Witold est un rusé renard, et il nous a en réalité concocté trois petites merveilles dont la force consiste dans une gradation progressive et très machiavélique. Ce qui commence comme une histoire réaliste et ordinaire va se mettre à rouler comme une boule de neige qui va ramasser au passage toutes sortes de saletés et de bizarreries, et à la fin elle va éclater en libérant dans l'air pur une indéfinissable odeur d'oeuf pourri. Odeur un peu théâtrale, certes, mais pour mes goûts littéraires de "petite bonne" c'est tout à fait réjouissant.



Qu'avons nous donc dans ce petit Folio à 2 euros ?

"Meurtre avec préméditation" a un léger sous-ton kafkaïen, sauf que ce n'est pas une histoire de K. mais de H., un juge d'instruction invité chez un riche client pour régler une affaire d'héritage. Malheureusement, celui-ci vient juste de décéder - d'une mort on ne peut plus naturelle - et H. est accueilli par une famille en deuil. Cette mort et ce deuil ont un côté tellement banal que cela semble suspect au juge : il doit s'agir d'un meurtre... il ne reste plus qu'à démasquer, coûte que coûte, le meurtrier !

"Le festin chez la comtesse Fritouille" flotte quelque part entre une satire sur l'ancienne noblesse polonaise, un récit totalement burlesque et une histoire de cannibalisme, à vous de voir.

Et dans "Virginité", vous allez enfin apprendre pourquoi les jeunes vierges se sentent obligées de sourire même quand on leur jette des pierres, tout en fantasmant sur des choses qui n'ont rien à voir avec l'image qu'on se fait d'elles.

Un peu comme chez Kafka (même si la parenté entre les deux est assez lointaine) on peut interpréter ces histoires comme bon nous semble, au premier degré ou comme métaphores psychanalysables, ce qui les rend d'autant plus intrigantes. Mais il serait probablement inutile d'y chercher une quelconque morale.



Comment noter cet invraisemblable festin polonais ? En quelque sorte, ce menu livret a changé ma vie, car je ne verrai plus jamais le chou-fleur ni les vierges du même oeil, ce qui mérite d'être pris en considération. Donc 4/5, ou, pour ceux qui préfèrent tout compliquer comme maître Gombrowicz, 266,64/333,3.
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Ferdydurke

Contrairement à Suz (@Bobby_The_Rasta_Lama), je découvrais Witold Gombrowicz, lorsque nous avons décidé de faire cette lecture en duo. Elle savait plus ou moins ce qui l’attendait, moi pas du tout…j’ai ouvert ce livre, très curieuse de découvrir un grand auteur de la littérature polonaise dont j’avais entendu parler (qui aurait même influencé Milan Kundera parait-il) et là…



…Et là je fus tourneboulée, secouée, par ce grand n’importe, cette dinguerie. Je l’avoue, je me suis demandée, au tout début du livre, dans quoi je m’étais embarquée…il m’a fallu quelques pages pour entrer dedans, pour ne pas rester bouche bée mi imbécile, mi dubitative, pour accepter de me laisser guider sans résistance, pour apprécier, sourire, voire rire. Un peu de temps pour enfin être toute excitée rien qu’à l’idée de l’ouvrir…ce livre et sa gueule. Car oui c’est une gueule qui nous parle à travers ce livre, qui meugle, une voix à nulle autre pareille, déjantée, divagante sans aucune prise sur le réel et l’ordre établi, l’ordre étant une autre forme de désordre, une voix qui nous raconte de façon insolite « une philosophie présentée ici sous la forme pétillante d’un feuilleton sans gravité ». Une gueule qui l’ouvre grand pour nous faire la gueule. Une gueule qui clame son mal-être et son pessimisme avec humour et cynisme. Je rejoins totalement Suz lorsqu’elle m’écrit que « Il n'est pas impossible que les plus grands pessimistes ont le plus grand don pour faire rire, quand ils se lancent dans l'absurde ! ».



Puis je me suis demandée : est-ce un rêve qui nous est offert? Est-ce la folie, son processus et son enfermement, qui nous est expliquée, du point de vue du fou ? Est-ce une fable qui nous est racontée ? Dur de savoir vu que ce livre ne ressemble à rien de ce que j’ai déjà lu, (mais vraiment à rien), et vu sa complexité, j’opte cependant pour la fable, une fable cynique, pleine d’humour, de méchanceté, d’inventivité, à double lecture selon moi, où l’auteur met à l’honneur un combat opposant la maturité et l’immaturité, la modernité contre la ringardise d’une part, le pouvoir de la société pour infantiliser (nous « cuculiser » comme le répète à l’envi l’auteur).



Joseph (Jojo) se réveille un matin et ressent un grand malaise : il ressent un profond décalage entre l’âge qu’il a (autour de trente ans) et comment il doit donc être dans la société, celle-ci nous imposant d’avoir les comportements correspondant à notre âge, et l’enfant qu’il se sent encore être à l’intérieur de soi. La maturité imposée à cet âge et l’immaturité intérieure ressentie, ce qui cherche en lui à atteindre l’état d’adulte et ce qui refuse cet état, se livrent un combat violent très imagée, métamorphosant même l’image de Joseph qu’a de lui-même : « Ses défauts et ses tâches ressortaient à la lumière du jour tandis qu’il restait recroquevillé, semblable aux créatures nocturnes traquées par le jour. Il était comme un rat attrapé au milieu de la pièce. Et ses détails se dévoilaient, toujours plus nets, toujours plus affreux, de partout se montraient ses parties du corps, l’une après l’autre, chacune bien définie, bien concrète…jusqu’à la limite de la décence…jusqu’à l’indécence ».



Joseph, infantilisé, va être conduit par un certain M.Pimpko, professeur ô combien mature et pédant, dans une école, pour essayer de résoudre ces dilemmes. Il va trouver dans le lycée les mêmes conflits portés cette fois à leur paroxysme, avec d’un côté l’insolence des « gaillards » et de l’autre la défense des idéaux adultes des « adolescents ». Des bagarres éclatent jusqu’au duel qui prend un tour surprenant (scène superbe que ce duel) : un concours de grimaces, d’un côté les grimaces les plus vilaines, de l’autres les plus belles et pures. Ensuite, amoureux d’une lycéenne « moderne », alors qu’il est vu comme un ringard, jojo comprendra qu'il a atteint l'infantilisation ultime : l'enfermement dans le sentiment amoureux. Les scènes au sein de la famille de cette fameuse lycéenne, les Lejeune (le comble cette famille représentant la modernité) sont excellentes. L’opposition qui se joue alors est en effet entre les modernes et les anciens. C’est truculent, cassant, drôle et cynique. Au fur et à mesure de ma lecture, je prenais vraiment un plaisir de lecture croissant.



Voilà pour le premier niveau de lecture. Le second niveau de lecture que j’y vois est celui de la volonté du pouvoir (représenté par M.Pimpko) d’endormir, d’asservir, d’infantiliser le peuple (l’auteur emploie le terme de « cuculiser » à maintes reprises, répétition voulue pour élever sa préoccupation au rang de mythe et pour souligner le côté cynique et ridicule de cet état de fait). En échangeant avec Suz à ce sujet, elle soulignait que finalement, au-delà du pouvoir, ce sont aussi toutes sortes de choses, comme par exemple les petites vidéos « marrantes » de chat, les séries télés, je rajouterai les médias, bref la société dans son ensemble, qui tendent à nous asservir et à nous rapetisser. A nous infantiliser.



Notons que dans certains chapitres Witold Grombrowicz parle directement au lecteur, de façon intime et touchante, donne son point de vue, sur sa façon de lui faire passer son message, et sur la façon dont le lecteur va comprendre ce message, en se moquant ou en exprimant un certain malaise : « Ce qui a été enfanté dans une totale douleur est accueilli de la façon la plus partielle, entre un coup de téléphone et une côtelette. D’un côté l’écrivain donne son âme, son cœur, son art, sa peine, sa souffrance, mais de l’autre le lecteur n’en veut pas, ou s’il le veut bien, ce sera machinalement, en passant, jusqu’au prochain coup de téléphone. Les petites réalités de la vie nous détruisent. Vous êtes dans la situation d’un homme qui a provoqué un dragon mais qui tremble devant un petit chien d’appartement ». L’auteur d’ailleurs laisse ses lecteurs libres de le suivre ou pas, comme l’évoque la toute fin du livre, sous forme de pied de nez ou de langue tirée : « contre le cucul, il n’y a pas de refuge. Courez après moi si vous voulez. Je m’enfuis la gueule entre les mains. Et voilà, tralala. Zut à celui qui le lira ! ».



En traitant une dualité classique, celle des « pour » et des « contre », dualité manichéenne, qui se traduit ici avec ce combat de la maturité contre l’immaturité, celui de la modernité contre la ringardise, ce livre souligne l’absence de vainqueur : tous les protagonistes se « cuculisent », tous s’infantilisent quel que soit le côté duquel on se place.

Au final Ferdydurke nous livre un message fort, du moins quelques clés auxquelles tenter se raccrocher, certes pessimiste et teintées de mal-être (tous les personnages ont du mal à trouver leur place dans la société) mais aussi de liberté : l’homme n’agit pas, mais est agi, l’homme ne pense pas mais est pensé, il ne parle pas, mais est parlé : « au lieu de meugler : Voilà ce que je crois, voilà ce que je sens, voilà ce que je suis, voilà ce que je soutiens, nous dirons avec humilité : quelque chose en moi a parlé, agi, pensé… ». Nous sommes agis, pensés, parlés par l’enfant qui est en nous et qu’il nous faut accepter au lieu de vouloir le nier et par la société dans laquelle nous sommes baignés. Nous sommes « cousus d’enfant », d’où nos contradictions que l’on retrouve dans certains personnages ou scènes du livre : l’humanité, malgré ses grands airs, ne cesse de se battre, les maitres d’école sont terrifiés par l’inspecteur, la mère de la lycéenne est pathétique lorsqu’elle essaie de convaincre sa fille d’avoir un enfant naturel…Savoir cela nous rend-il plus libre ? La société ne nous condamne-t-elle pas en nous imposant raisonnablement d’être adulte tout en faisant tout pour nous infantiliser ? Ces contradictions ne conduisent-elles pas précisément au non-sens, à l’absurde, forme qu’a choisie l’auteur pour nous parler de ça ?



Je ne sais si ce sont ces questions que Witold Gombrowicz a voulu faire émerger, ce sont elles en tout cas que je ressens après ma lecture. Je sens confusément qu’il me manque quelques clés de lecture, d’où mon 4 étoiles, ce fut une lecture pour moi assez complexe. Découvrant cet auteur, peut-être, sans doute, suis-je passée à côté d’un sens plus profond. Lire d’autres livres de lui m’apparait important pour mieux cerner son univers.



Apparemment Ferydurke (titre qui ne veut rien dire du tout, cerise sur le gâteau de l’absurde) se place dans la même veine que les livres écrits à sa suite (Trans-Atlantique, Pornographie et Cosmos – pour ce dernier, voir la dernière critique de Croquignol, croquignolesque à souhait comme il se doit -), avec notamment ce même goût du burlesque, de l’absurde, de la dérision. Un style direct, sans volonté de plaire. Un auteur, enfant terrible des lettres polonaises, qui se moque de nous, qui se rit de lui-même, qui n‘en fait qu’à sa tête en posant ses vérités, en étant complètement à contrecourant, une gueule, loin d’être cucul, à l’haleine âcre beckettienne teintée d’un rude bouquet d’âme slave…



Un grand merci à Suz pour cette lecture en duo qui m’a permis d’éclairer ma lanterne durant cette étonnante lecture où, parfois, j’avais l’impression d’être dans un brouillard épais. Elle a su me guider et me faire grandement apprécier cette œuvre ! Ce fut une véritable expérience de lecture !

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Ferdydurke

Voilà bien une œuvre unique, un livre déroutant et inclassable, considéré par certains comme un chef-d’œuvre de la littérature du 20ème siècle.

Jojo Kowalski, le narrateur, a trente ans mais se voit reprocher par son entourage son immaturité. Et ce n’est pas le livre qu’il a écrit sur le sujet qui l’a fait admettre dans le monde des adultes, bien au contraire. Alors qu’il ressasse ses réflexions débarque Pimko, professeur cultivé et pédant, qui le traite en enfant et l’enjoint de le suivre à l’école. Incapable de s’opposer, Jojo se retrouve au milieu d’écoliers dont aucun ne semble remarquer son âge véritable.

Commence alors pour lui une expérience absurde pour un homme de trente ans, celle de l’infantilisation, que Gombrowicz appelle également « rapetissement », ou « rétrécissement ». L’adulte, c’est l’être qui a un contour social et psychologique net, qui possède une forme précise. Or Jojo, qui reconnaît son immaturité et l’accepte, refuse de se laisser imposer de l’extérieur une forme quelconque. Alors que les adultes n’ont de cesse de le renvoyer à sa jeunesse et de chercher à lui imprimer leur style, lui lutte constamment pour se défaire de leur emprise. Se dessine d’ailleurs au passage une critique acerbe de l’enseignement, de la culture, des mœurs et des rapports sociaux, tous moyens par lesquels les adultes conforment la jeunesse.

Le corps tient une grande place dans « Ferdydurke ». En témoignent ces deux concepts inventés par Gombrowicz, et répétés tout au long du récit : la « gueule » (« faire une gueule » à quelqu’un, c’est l’influencer, lui imposer sa forme), et le « cucul » (notre côté puéril). Ainsi que le concours de grimaces des écoliers, ou les mollets de la jeune Zuta (signes de sa modernité). Le corps est à la fois cette matière malléable par laquelle se manifeste notre intellect, et le moyen par lequel se forme notre intellect.

Avec « Ferdydurke », Gombrowicz a voulu rompre avec la forme traditionnelle du roman : pas de progression logique, juste trois épisodes entrecoupés de deux digressions n’ayant apparemment pas de lien avec le reste, mais qui permettent d’éclairer son propos. Autre signe de cette rupture : le titre, qui ne renvoie à rien dans le texte et ne signifie rien. Je vois dans cette construction le signe de l’immaturité revendiquée de Gombrowicz.

Il m’a fallu du temps pour rentrer dans ce livre, tant il bouleverse les codes. Mais l’humour omniprésent, le grotesque des situations et la réflexion sous-jacente ont fini par m’accrocher. Je ne peux m’empêcher de le rapprocher, sans trop me l’expliquer, de « Voyage au bout de la nuit » ou de « Don Quichotte ».

Avec cet anti-« roman d’initiation », Gombrowicz cherche à nous montrer que les hommes ne sont en fait que de grands enfants, et que la maturité n’est qu’une posture, donc une imposture. Les adultes eux-mêmes, dans « Ferdydurke », ne finissent-ils pas par tomber le masque (lors de ces bouffonnes scènes de bagarre qui ponctuent chaque épisode)? Finalement, peut-être la vraie maturité consisterait-elle à admettre la part d’immaturité qui existe en chacun de nous : « Il faudra de grandes inventions, des coups puissants assénés sur la cuirasse de la Forme par des mains nues, il faudra une ruse inouïe et une réelle honnêteté de pensée, et un extrême affinement de l’intelligence, pour que l’homme, débarrassé de sa raideur, puisse concilier en lui la forme et l’absence de forme, la loi et l’anarchie, la maturité et la sainte immaturité ». Un grand livre.


Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Cosmos

Je trouve, tout le monde ne partagera sans doute pas mon avis, que les auteurs de la « Mittel Europa » sont un monde à part, ont « quelque chose que les autres n’ont pas », pour paraphraser les regrettés France Gall et Michel Berger.

Je pense bien sûr à Kafka, Musil, Broch, Zweig, plus près de nous Kundera, Jelinek, Tokarczuk.

Et aussi, à l’extraordinaire Witold Gombrowicz, dont j’avais déjà apprécié la satire caustique et déjantée de l’immaturité des humains dans Ferdyduke.



Ce sont des autrices et auteurs qui ont en commun, je trouve, cette caractéristique de vous entraîner dans un abîme d’ambiguïté, de perplexité, de questionnements et de réflexions dont on se demande si elles sont philosophiques, ou se moquent de la philosophie.



Cosmos, c’est un texte difficile mais absolument époustouflant.

Cosmos c’est la folie angoissée du questionnement comme la mise en évidence de l’inanité de ce questionnement. C’est l’absurde, mais sans la réponse camusienne de l’acceptation de l’absurdité de la vie comme moteur de l’action et de la solidarité entre les hommes comme sens de la vie.



Difficile d’en faire une analyse, car l’auteur semble nous dire qu’il n’y a rien à comprendre à Cosmos et bien qu’il ait aussi écrit qu’il fallait le prendre comme un roman policier.



Dans cette histoire dont je ne donnerai pas le détail, le narrateur va essayer de comprendre des signes et de les relier alors que rien ne semble les lier.

Le point de départ est la découverte, lors de son arrivée dans une pension de famille avec son camarade Fuchs, d’une part d’un moineau mort et pendu à un fil, et d’autre part des bouches de deux femmes, l’une de Catherette déformée suite à un accident, l’autre de Léna parfaite et sensuelle.

A partir de là s’engage une « enquête » obsessionnelle, morbide et absurde de signes: bout de bois pendu à un fil, fissure du plafond ressemblant à une flèche dont est recherché ce qu’elle désigne , etc…; jusqu’à ce que le narrateur accomplisse lui-même, sans émotion, un acte cruel qui lui fait créer un « signe » le reliant aux autres signes,

Et à la fin, un autre événement tragique, je n’en dis pas plus, n’entraînera chez lui aucune tristesse ni compassion, mais l’amènera à une jubilation sans retenue, car, en y ajoutant lui-même un geste morbide, tout « prendra sens ».



C’est grinçant, perturbant, glaçant.



J’en tente une explication, dont peut-être l’auteur se moquerait.

C’est, pour moi, sur le mode de la farce délirante, ou du récit à la limite de la folie, une critique de la folie immature des humains à trouver un sens à la vie soit par le raisonnement abstrait de la philosophie, soit par la religion (curieusement un prêtre apparaît à la fin du récit). Et cette quête absurde du sens rend inhumain.



Un roman pas banal, difficile, sûrement pas « feel good », mais de ceux qui, à une altitude stratosphérique, ne se livrent pas d’un coup, et vous entraînent dans une foule de questions.

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Souvenirs de Pologne

Quand je pense à la littérature polonaise, le nom de Witold Gombrowicz est le premier qui me vient en tête. Je n’ai lu que quelques romans et recueils de nouvelles de cet auteur mais ce fut assez pour apprécier son style et reconnaître son importance, tant au niveau littéraire qu’en général. Ainsi, ses Souvenirs de Pologne revêtent un intérêt certain. À quoi pouvait ressembler la Pologne du début du siècle dernier ? Quel regard nostalgique un grand auteur porte-t-il sur une époque révolue, sur un monde disparu ?



Bon, quelqu’un qui souhaite essentiellement un aperçu de la société de la Mitteleuropa sera peut-être un peu déçu. Je lui suggère plutôt Le monde d’hier, de Stefan Zweig. Mais, pour les curieux en tous genres, Souvenirs de Pologne est davantage centré sur la vie privée Gombrowicz ou bien sur ses interactions avec la colonie artistique de Varsovie. En effet, l’auteur commence avec l’histoire de sa famille (origines lituaniennes, entre autres) et son enfance. Ses parents, ses frères, la vie de bourgeois au début du XXe siècle. Puis viennent les études et le séjour quasi-obligé dans la capitale française. Tout ça, c’était bref. Peut-être trop ? Du moins, c’est l’opinion que j’en avais retiré pendant ma lecture mais, après coup, je me dis que c’était suffisant pour comprendre le caractère de l’auteur.



La partie la plus importante de ces souvenirs est consitutée essentiellement de l’Entre-deux-guerre à Varsovie. J’ai bien aimé remarquer les changements presque imperceptibles dans la société polonaise. « Ces vingt années, de 1919 à 1939, représentèrent tout de même un énorme saut en avant – je le vois aujourd’hui avec le recul. Peut-être surtout dans les mœurs. » (p. 285) Les valeurs changent (exil l’honneur et les duels, les castes et les charges héréditaires), les mode aussi. Quand le père s’est rasé la barbe, cela provoqua presque un drame familial ! Il y a bien quelques commentaires ci et là sur la montée du fascisme, tant en Italie qu’en Allemagne, et les bolcheviks ne sont jamais bien loin non plus. Toutefois, la politique polonaise est peu mentionnée (à part de rares mentions sur le maréchal à la tête du pays). C’était bien trop peu à mon goût. Je suis sorti de la lecture du roman sans vraiment comprendre de quel type de gouvernement il s’agissait. Ceci dit, ce n’était sans doute pas important, d’autant que la jeunesse me semblait plutôt apolitique. De plus, l’auteur ne savait pas qu’il avait à répondre à mes besoins. ;)



En contrepartie, là où Gombrowicz se montrait généreux, c’était sur son entrée dans le monde littéraire, ses premières œuvres (ou, plutôt, embryons d’œuvres) et les amitiés qu’il noua. Et il en noua beaucoup ! Il mentionne tant, tant de novellistes, de romanciers, de poètes, de critiques littéraires, d’artistes en tous genres, qu’il devient difficile de suivre le fil. D’autant plus que la majorité d’entre eux semblent avoir mal vieilli parce qu’on n’en parle plus, du moins pas dans le monde francophone. L’édition compte de nombreuses notes de bas de page, donnant quelques précisions sur cette galerie impressionantes de personnages. Quelques noms me semblaient familiers, comme Bruno Schulz, mais la plupart m’étaient inconnus. J’avais l’impression de patauger dans l’ignorance. Je suppose qu’un amateur de littérature polonaise, qui connaît plusieurs des écrivains mentionnés, saura apprécier davantage tous les anecdotes racontés.



À cette époque, Gombrowicz avait vingt-cinq, trente ans. C’est un moment pendant lequel tout jeune homme doute beaucoup, même de lui-même (en fait, surtout de lui-même) mais pendant lequel il croit capable de tout, même des rêves les plus fous. Un moment aussi pendant lequel son caractère se forge, où il juge, distingue de manière très aigüe ce qu’il aime, ce qu’il déteste. Et l’auteur aime et déteste beaucoup de choses. Un peu trop à mon goût. J’avais supposé qu’un artiste et un intellectuel comme lui aurait eu une opinion plus nuancée sur un tas de sujets. Mais non. S’il vouait une admiration sans borne à quelques unes de ces personnes, il en détestait beaucoup d’autres. Certains, il les aimait et les haïssait en même temps ou successivement. C’était parfois difficile à suivre.



Certains diront qu’il ne se prenait pas tant au sérieux. D’ailleurs, Gombrowicz l’écrit lui-même à plusieurs reprises. « Et le pire, c’était moi-même : le comble de l’affectation, de la prétention – chacune de mes paroles tournait autrement que je n’aurais voulu, tous mes gestes étaient corrompus. » (p. 46) Au début, je le croyais. Toutefois, plus l’auteur insistait sur ses mauvais sentiments, plus j’en doutais. Et si ce n’était que pour mieux dénigrer l’autre ? Dans le genre, « untel est bête mais vous n’êtes pas obligé de me croire ; en fait, ne vous fiez pas à mon avis puisqu’il ne vaut rien. » Alors, puisqu’il démontre tant d’honnêteté, on ne peut que le croire, même quand il juge sévèrement. De plus, j’ai connu tant d’artiste qui simulaient l’autodénigrement, en poseurs, comme s’ils retiraient une satisfaction quelconque à se couvrir de boue, que je trouve difficile croire de tels propos.



Dans tous les cas, Souvenirs de Pologne aide à mieux comprendre Witold Gombrowicz et, ainsi, jeter un regard différent ou plus affiné sur son œuvre. Toutefois, je suppose que son Journal (paru en plusieurs tomes, que je n’ai pas lus encore) sera plus éclairant. En attendant, j’ai noté les noms de plusieurs écrvains polonais du siècle dernier, sans doute irais-je emprunté quelques unes de leurs œuvres prochainement…
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Le festin chez la comtesse Fritouille et au..

Bienvenue en Absurdie!!!



Gombrowicz est un des auteurs dont fait l’éloge Kundera dans l’Art du roman, comme un des auteurs de l’Europe dite centrale ( à côté de Musil, Broch,..) qui ont retrouvé la liberté de ton qui était celle de Cervantes, ou Sterne, ou Diderot.



De lui, je n’ai lu, il y a quelques années, que l’extraordinaire Ferdyduke, ce roman absolument déjanté, qui m’a laissé un souvenir mémorable sur la dérision salutaire et nécessaire à l’égard de la bêtise qui asservit l’être humain, et donc, pas seulement à cause de son « cucul », et de son « zut à qui le lira! » qui termine le livre. A ce propos, je digresse, comme à mon habitude, je rappelle qu’il y a sur Babelio deux critiques géniales de ce livre par les duettistes Bobby The rasta lama et Hordeducontrevent.



Revenons à ce petit livre acheté pour une bouchée de pain (encore que le prix du pain augmente beaucoup en ce moment!) à mon Emmaus voisin.

Il s’agit de trois nouvelles extraites du recueil Bakakai.



Dans la première, «Meutre avec préméditation », on va voir un juge obsédé de découvrir un crime là où il ne semble de toute évidence qu’il n’y a que mort naturelle, jusqu’à ce que l’oppression qu’il produit sur une maisonnée ne vienne transformer sa fiction en réalité.



Dans la seconde, «Le festin chez la Comtesse Fritouille », un narrateur n’appartenant pas à l’aristocratie, et à qui une comtesse fait la grâce de l’inviter à ses banquets, va se trouver un jour confronté à un bien étrange festin, à un étrange chou-fleur, et… au mépris des aristocrates.



Dans la troisième, « La virginité », un fiancé qui fait l’éloge de la virginité, va, après quelques années au loin, retrouver sa vierge promise habitée d’étranges pulsions.



Je n’en dis pas plus, j’en ai déjà trop dit.

Mais c’est loufoque, grotesque, grinçant, absurde.

On aime ou on n’aime pas cette façon décalée de raconter une histoire, personnellement j’aime beaucoup.



J’y retrouve pour ma part avec plaisir cette façon unique qu’a l’auteur de se moquer de l’obsession humaine à vouloir tout expliquer, de la cruauté des différences sociales, de la bêtise des conventions de toutes sortes que la société nous impose.

Et puis, c’est remarquablement écrit pour déconcerter le lecteur, avec des sous - entendus qui ne veulent rien dire, d’absurdes envolées lyriques, etc..



Le seul reproche, c’est trop court, on en redemande, j’espère que les autres nouvelles de Bakakai sont du même niveau, et sinon, j’ai toujours à mon programme Cosmos, et Cours de philosophie en six heures et quart.

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Cosmos

Suis arrivée , péniblement , à la 71 ème page.



Dès le début ai trouvé cela un peu "spécial" et m'interrogeais sur ce qui allait suivre.



J'ai eu l'impression de plonger dans un abîme de réflexions confuses, incohérentes et cela m'a complètement déroutée.



Absurde à souhait, en ce qui me concerne.



Ai eu l'impression d'être trimballée, comme :

" la poussière qui tourbillonne dans un rai de lumière .... "



Trop confus pour moi, écriture exaspérante et biscornue.



J'abandonne !
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Trans-Atlantique

Witold Gombrowicz est considéré comme un des plus grands auteurs du XXe siècle, j’ai lu quelques uns de ses ouvrages les plus connus et encensés, comme Ferdyduke, Pornographie et Bakakaï, et je viens de terminer ce roman, Trans-Atlantique. Hélas, l’ensemble de son œuvre m’échappe, me déroute un peu. Il en va de même pour ce dernier roman à saveur autobiographique. Je suis capable d’en apprécier certaines qualités littéraires mais ce n’est pas le genre d’œuvre qui m’intéresse particulière. L’histoire ? En septembre 1939, après quelques semaines en mer, Gombrowicz débarque à Buenos Aires. Presque aussitôt, il apprend que son pays natal, la Pologne, doit se défendre contre l’agresseur allemand. On ne le sait pas encore, mais il s’agit de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs Polonais expatriés se demandent s’ils ne devraient pas porter secours à leurs compatriotes. Gombrowicz se moque d’eux. À quoi bon ! Le temps de rebrousser chemin, ils seront pris derrière les lignes ennemis à l’effort de guerre des Français ou des Anglais. Et l’histoire lui donnera raison, malheureusement !



Pendant le mois qui suit, Gombrowicz et plusieurs expatriés se la coulent douce à Buenos Aires, dans cette Argentine qui leur propose tous les divertissements possibles, et l’ennui aussi. Dîners, rencontres dans les salons, dans les bars, échanges oisifs, disputes entre amis, etc. Les péripéties de Gonzalo, entre autres, sont assez drôles. L’auteur raconte quelques unes de leurs mésaventures, mais aussi ses échanges avec d’autres personnages, des vieux, qui lui reprochent son inaction, sa débauche, sa moralité discutable son abandon de la patrie. En même temps il veut profiter de sa jeunesse. Sans doute Gombrowicz était lui-même tiraillé par ces choses.



La petite communauté polonaise forme une société de bien-nantis sclérosée, refermée sur elle-même, dont le regard (ou du moins les pensées) sont constamment tournées vers la Pologne même s’ils n’osent pas l’admettre. D’où la signification du titre : Trans-Atlantique. Tout a un lien avec ce qui se passe à travers l’Atlantique. Les personnages (et peut-être l’auteur lui-même) ne ressent que de l’indifférence à l’endroit de sa patrie mais, en même temps, ce vide devient difficile à combler selon moi.



Je dois au moins reconnaître que l’auteur a su dépeindre des personnages uniques, faciles à comprendre, ridicules à leur manière mais en même temps attendrissants. Pareillement pour l’atmosphère, à la fois lourde (ils refusent la guerre, tournent le dos à la patrie, certains se retrouvent sans moyens) et légère, du fait des nombreuses péripéties risibles que les exilés subissent et font subir. Il est clair que, du fait que je n’aie pas embarqué totalement dans le délire de Gombrowicz, je sois passé à côté de plusieurs éléments fort intéressants. Un critique plus objectif pourra sans doute décrire beaucoup mieux le style de l’auteur.
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Ferdydurke

Un jour récent, où je gémissais de douter de mes opinions dès que je les avais formulées et de n'avoir de toute façon que des opinions qui m'avaient été imposées ou enseignées, un ami m'a mis Ferdydurke dans les mains en guise de consolation (et peut-être aussi pour avoir la paix).



La dimension fabulaire du roman invite à interprétation. Je lis ici qu'il peut s'agir du destin de l'individu face au régime totalitaire qui lui impose ce qu'il doit dire ou penser, en l'infantilisant ; c'est tout à fait possible aussi. J'ai quant à moi tout envisagé comme un asservissement volontaire à l'opinion sociale, comme cela peut être décrit chez Goffman - que je révère : nous nous efforçons sans cesse de correspondre à ce que l'autre attend de nous, non pour lui faire plaisir, mais pour conserver l'image sociale qui nous est initialement octroyée. Goffman, en réalité, ne s'intéresse jamais à la « vraie » personnalité de quelqu'un ; à la limite, pour lui, elle n'existe pas, de même que je me plaignais à mon ami de ne pas penser « vraiment ».



Ainsi, le héros de Ferdydurke n'agit qu'en relation avec la façon dont les autres l'envisagent. Devant un vieux professeur, il devient un jeune étudiant ; considéré comme un classique, il le devient instantanément ; devant une jeune fille, il devient amoureux. En réalité, il ne le devient pas « vraiment » mais - malgré tous ses efforts - il ne peut pas faire autrement que d'agir en ce sens. Cette sorte d'emprisonnement dans un masque - appelé « gueule » dans le texte - se manifeste de façon très physique. Par exemple, présenté de loin à une dame comme un poseur, le héros se rend compte que quoi qu'il fasse de son corps, cela sera interprété comme une pose ; plus loin, quatre personnages se rencontrent dans le noir et restent totalement immobiles, comme statufiés jusqu'à ce qu'ils puissent reconnaître la personne qui, face à eux, leur permettra de savoir comment agir.



Parallèlement, puisque chacun doit être rapidement évalué par les autres, se construit un monde hilarant où les opinions, les sentiments, toute forme d'actions sont rangés selon des cases simples : on est innocent/idéaliste ou gaillard ; cucul (mièvre, enfantin) ou adulte ; moderne ou classique ; maître ou serviteur ; tenant de l'ordre ou contestataire etc. Une fois reconnus comme appartenant à l'une ou l'autre case, les personnages accomplissent toutes les actions correspondantes avec une sorte d'empressement anxieux. Les maîtres par exemple frappent et donnent des ordres sans cesse pour maintenir leur autorité. Dans ces conditions, toute tentative de raisonnement devient une tautologie : pourquoi le maître frappe-t-il ? Parce qu'il est le maître. Pourquoi le grand poète émeut-il ? Parce qu'il est un grand poète. Ce n'est pas exactement un monde dictatorial ; mais ça a à voir avec le monde que nous propose actuellement le marketing appliqué à tout ce que nous sommes.
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Bakakaï

J’ai enfin trouvé un ouvrage de Witold Gombrowicz que j’aime ! C’est son recueil de nouvelles Bakakaï. J’y ai trouvé quelques histoires qui m’ont assez plu, ce qui était assez attendu – ou inespéré, selon le point de vue – après que j’aie lu trois ou quatre des romans de l’auteur polonais. C’était moins une… Je ne les avais pas détesté mais disons qu’ils ne me donnaient pas l’envie de continuer à découvrir l’auteur. Je le dois seulement à mon entêtement. Ce recueil commence en force avec Le danseur de maitre Kraykowski. Le narrateur, après une brève altercation dans la queue d’une billeterie de l’opéra (il a essayé de dépasser, d’éviter la queue), suit l’individu qui l’a remis à sa place. Un stalker avant l’heure… Il apprend qu’il s’agit de maitre Kraykowski. Il le retrouve au café et à divers endroits et, pour prouver qu’il n’est pas une moins que rien, essaie de rivaliser en commandes (hors d’œuvre, caviar, poularde, dessert, liqueurs…). Jusqu’où ira-t-il ? Assez drôle, surtout que j’imaginais deux ou trois personnes de ma connaissance dans cette situation…



Puis vient Mémoires de Stefan Czarniecki. Jeune homme mal-aimé par son père, aux origines maternelles troubles (juives), peu aimé à l’école même s’il est un enfant soigné et exemplaire. Pour prouver à tous qu’il est autant Polonais qu’eux, il s’enrôle dans l’armée et, surprenamment, il survit. Un mélange de réalisme et de romantisme. À son retour, tout ce pourquoi il avait il avait jusqu’alors vécu « était tombé en poussière ». La finale est profonde.



Les autres nouvelles sont d’un tout autre registre, assez cocasses mais plus ou moins égales. Je ne les ai pas toutes appréciées autant mais elles m’ont au moins diverti. Meurtre avec préméditation est sans doute la meileure de celles-là, à mon avis. C’est l’histoire d’un avoué qui se rend chez les K. pour liquider une affaire d’héritage et qui se met à suspecter la famille d’avoir achevé le patriarche. Plusieurs péripéties comiques.



Le festin chez la comtesse Fripouille. Étrange mais encore dans la limite de l’appréciable. Le dénouement m’a surpris, je me rappelle avoir pensé « Tout ça pour en arriver à cette finale absurde ? » Les dernières nouvelles commencent à se perdre dans ma mémoire. Je ne les ai pas trouvé aussi bien, ça, c’est certain. L’étrangeté est là, parfois un peu trop. On voit le potentiel des œuvres plus tardives de l’écrivain. Mais, moi, quand une histoire devient trop bizarre, quand le style l’emporte sur l’intrigue, quand cette dernière n’est qu’au service d’une philosophie trop inaccessible, je décroche. Dans Bakakaï, c'était tolérable, toujours selon mon humble avis qui vaut bien ce qu'il vaut, c'est-à-dire celui d'un simple amateur.
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Les envoûtés

Witold Gombrowicz, on aime ou on n’aime pas. Les quelques livres de lui que j’ai lus, ils ne m’ont pas particulièrement plu. Toutefois, s’ils n’étaient pas de mon goût, j’ai toujours pu en apprécier certaines qualités, dont l’originalité, tant au niveau de l’intrigue que du style. C’est ce qui me pousse à continuer à «essayer» cet auteur, et c’est pourquoi je me suis lancé dans Les envoûtés. Dès les premières lignes, j’ai été surpris de me retrouver dans une histoire plutôt conventionnelle (sans doute parce que ce bouquin a d’abord paru en feuilleton dans un quotidien polonais). Le jeune entraineur de tennis Waltchak et le vieux professeur Skolinski se rendent à la campagne à Polyka, chez les Okholowski, de la petite noblesse désargentée qui a transformé son manoir en pension. Toutefois, ce qui fascine, ce qui fait peur, c’est le château de leur voisin, le prince de Myslotch, lequel vit en reclus, entouré seulement du fidèle serviteur Grégoire et de l’intéressé secrétaire Kholawitski. «Mais que se passe-t-il au château – ce colosse millénaire qui dans la nuit tombante dressait au milieu des eaux son redoutable étagement de pierre, masse énorme de murs solitaires et fiers entre lesquels, parmi les ruines d’une splendeur passée et les vestiges de fastes révolus, passion, peur et folie menaient la danse ?» (p. 153)



Le mystère persiste un certain moment. Et Gombrowicz parvient à maintenir une ambiance glauque, presque gothique, sur plusieurs chapitres. Mais l’intrigue entourant les secrets du château sont diluées dans d’autres : le triangle amoureux entre Maya Okholowski, Waltchak et Kholawitski, l’intérêt de Skolinski pour les œuvres d’art, les rivalités, les potins des autres pensionnaires de Polyka, la réminescence d’un événement dans la Vieille Cuisine, etc. Ça part dans toutes les directions et le momemtum disparaît. Les amoureux s’enfuient dans la grande ville, de nombreux nouveaux personnages entrent en scène et je ne comprends plus rien à rien. On se doute bien que toutes ces intrigues secondaires finiront par s’entremêler mais, à mon avis, trop peu trop tard. Et, une fois le prévisible dénouement arrivé, toutes ces intrigues sont laissées en pan. J’aurais aimé savoir ce qu’il advient des personnages secondaires une fois le secret du château levé. Décidément, je sors déçu de cette lecture, je m’attendais à beaucoup plus de la part de Gombrowicz. Surtout qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de jeunesse : l’histoire commença à être publié alors que l’auteur jouissait déjà d’une certaine réputation.
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La Pornographie

En Pologne pendant la seconde guerre mondiale, Frédéric et Witold, réunis presque à contre-gré dans la méfiance et le dégoût, vont passer plusieurs semaines ensemble à la campagne chez leur ami Hippolyte, un résistant déserteur. Ils rencontreront également un jeune homme (Karol) et une jeune femme (Hiena) autour desquels se cristalliseront leurs pulsions érotiques ambivalentes. L’imagination qu’ils investissent à constituer ce couple fantasmé mêle la grandeur presque épurée des sentiments aux délires les plus érotiques. La pornographie sert simplement à décrire la résultante suivante : tous les gestes et toutes les conversations apparemment les plus anodins n’ont pas d’autre but que le fantasme de réunion sexuelle. Frédéric et Witold, malgré leur dégoût et leur mutisme réciproque, finiront cependant par nourrir une excitation respective et la mise au plan de leurs petits projets pornographiques leur permettra d’entamer une correspondance effrayante : le média de communication virtuel devient la seule trace d’authenticité et de réalité dans ce jeu de relations. Le couple homosexuel des adultes se noue dans l’asservissement du couple des jeunes campagnards, supposés innocents, soupçonnés ponctuellement d’impureté, et l’excitation des adultes croît à mesure que les plus jeunes sont dominés, asservis par leur obéissance aux plans secrètement concoctés par leurs manipulateurs.





Witold Gombrowizc, dans un entretien avec Dominique de Roux, parle ainsi de l’intrigue de la Pornographie :





« Nous, Frédéric et moi, deux messieurs d’un certain âge, nous apercevons un jeune couple, une fille et un garçon, qui semblent être faits l’un pour l’autre, soudés l’un à l’autre par un sex-appeal réciproque qui saute aux yeux. Mais eux, c’est comme s’ils ne s’en apercevaient pas, cela se noie pour ainsi dire dans leur juvénile inaptitude à l’accomplissement (la maladresse propre à leur âge).

Nous, les vieux, cela nous excite, nous voudrions que le charme prît corps. Et, avec précaution, en sauvant les apparences, nous nous mettons à les aider. Mais nos efforts n’aboutissent à rien. »





Et dans son journal, il écrivait : « Le « physique » m’était nécessaire, indispensable même, comme contrepoids à la métaphysique. D’ailleurs la métaphysique appelle la chair. Je ne crois pas en une philosophie non érotique. Je ne fais pas confiance à la pensée quand elle se délivre du sexe. »





Et pourtant, le paradoxe de la Pornographie c’est de ne présenter, justement, aucune allusion directe au sexe. S’il n’avait été question que de cela, peut-être le livre se serait-il appelé l’Erotique. Mais ici, ce qui met mal à l’aise et ce qui excite, c’est la manipulation, la domination, l’humiliation et la récupération du sexe pour masquer le dégoût que la vie semble parfois éprouver pour certains individus. Et même comme cela, le verbe reste simple, jamais cru ni explicite. Le lecteur lui-même est obligé de devenir complice pour prendre conscience du caractère pornographique de ce jeu à quatre. Witold Gombrowicz ne réfléchit pas au dilemme classique sur la dualité entre l’âme et le corps. Il sait qu’il y a des cerveaux, et qu’il y a des corps. Frédéric et Wttold sont les vieux cerveaux qui essaient de se connecter aux jeunes corps de Karol et d’Henia pour produire l’érection.





« Et, comme si la mesure n’était pas encore comble, cette idée délirante, sortie tout droit de l’asile de fous, dégénérée et sauvage, cette idée répugnante d’intellectuel, exhala, comme un buisson en fleurs, une odeur entêtante, divine, oui, à la vérité elle était sublime ! »





Une lecture politique de ce roman pourrait également nous amener à considérer la pornographie comme traduction des sordides petits intérêts personnels, ceux-ci qui s’échelonnent jusqu’au paroxysme à cause de la décadence mégalomaniaque de quelques-uns qui ont injustement reçu le pouvoir, ainsi que nous le laisse à penser ce petit message griffonné par Frédéric à Wttold : « Il faut collaborer à l’action clandestine de Hippo. Sans révéler que notre action clandestine vise un autre but. Faites comme si vous étiez plongé jusqu’au cou dans la lutte nationale, dans l’action de l’A.K., dans le dilemme Pologne-Allemagne, comme s’il ne s’agissait que de cela…quand en fait il ne s’agit que de faire en sorte que : HENIA AVEC KAROL ». Pensée pornographique ultime : rien d’autre n’est vrai que la pornographie. On s’en délecte avec dégoût.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Cours de philosophie en six heures un quart

Gombrowicz est un auteur que j’ai découvert il y a bien des années grâce à ma lecture d’un des essais de Milan Kundera, L’art du roman, je crois.



Depuis, j’ai pu apprécier la façon dont il décrit avec ironie, mais aussi sans pitié, l’être humain.

Ainsi son immaturité voire son infantilisme dans Ferdydurke, immaturité qui faisait sens à l’époque avec toutes ces foules embrigadées par les régimes fascistes, ..ou staliniens. Et qui est toujours d’actualité.

Et puis, dans Cosmos, la volonté absurde et obsessionnelle de l’être humain à tout vouloir expliquer, sa rationalité dénuée d’empathie.

Bref, un auteur sans illusion sur l’humanité, un auteur qui dérange, un peu comme Kafka, mais avec plus de sarcasme, de dérision.



Aussi, quand j’ai découvert ce Cours de Philosophie en Six heures et quart, grâce à la critique courte mais affûtée de mon ami Black Radis, je me suis demandé comment cet ouvrage d’un écrivain hors normes pourrait m’éclairer, moi dont les connaissances en ce domaine se limitent à quelques auteurs qui me parlent d’attitude face à la vie..et à la mort, Spinoza, Montaigne, Schopenhauer, Nietzsche et Camus, entre autres, plutôt que de maniements de concepts.



Eh bien, peut-être parce que je ne suis pas philosophe, et donc mauvais juge, je dois dire que j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage.

Certes, je me doute que c’est simpliste et iconoclaste pour un vrai philosophe certifié pur jus.

Certes, ça se limite à beaucoup de philosophes allemands: Kant, Hegel, Schopenhauer, Nietzsche, Marx et Heidegger, auxquels il faut ajouter Husserl, Kierkegaard, Sartre.

Mais, en dépit des formules à l’emporte-pièce, et des affirmations vachardes, c’est d’une clarté extraordinaire, et surtout j’ai compris ce qui anime les réflexions de tous ces philosophes; et c’est passionnant car j’y ai découvert que, sans le savoir, cela rejoignait beaucoup de mes préoccupations.

Ainsi de Kant, et ses questions de l’à priori et de l’à postériori, de la relation entre science et métaphysique, de l’impossibilité de démontrer l’existence de Dieu, ainsi de Hegel et de l’importance de l’avancée de l’Histoire et du rôle de la dialectique dans ce mouvement, de Schopenhauer et de la volonté de vivre, aussi de la contemplation dans l’art. Passionnantes aussi les analyses de Sartre et son concept de la liberté, Kierkegaard, Heidegger, Nietzsche.

Et enfin, il y a une analyse absolument claire et sans concession de l’œuvre de Marx et de ses conséquences: matérialisme athée, dimension sociologique de l’homme, domination de la nature...



En conclusion, mes remerciements à Witold Gombrowicz, et d’autant plus que j’ai lu qu’il a écrit ces lignes à la demande de ses proches pour s’occuper l’esprit alors qu’il était en fin de vie.

Peut-être qu’un agrégé de philosophie a trouvé nul cet ouvrage, mais tant pis.

En ce qui me concerne, il m’a permis de comprendre enfin les questionnements de tous ces philosophes, et d’alimenter mes réflexions sur la vie, je n’en demandais pas plus.







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Cours de philosophie en six heures un quart

Ceux qui espéraient avoir un aperçu de l'histoire de la philosophie, eh bien, continuez votre chemin. Ce bouquin de Witold Gombrowicz, qui devait m'en apprendre en six heures et un quart, eh bien, il s'est avéré une perte de temps. Je l'ai trouvé confus, désordonné et surtout indigeste. Ça ne m'a pas aidé à mieux comprendre cette discipline. Pourtant, j'ai suivi quelques cours, je m'y intéresse sérieusement, je connais les grandes lignes de l'oeuvre de plusieurs penseurs. Bref, je ne suis pas un néophyte. Si c'est votre cas, fuyez rapidement!



D'abord, Gombrowicz ne se concentre que sur une poignée de philosophes, ceux avec qui il a une affinité ou qui ont un lien avec son écriture. Il passe rapidement sur Descartes pour s'attarder surtout à Kant, Hegel, Schopenhauer, Marx et Sartre. Ses « cours » commencent souvent par quelques lignes, qui lancent par-ci par-là une des informations générales sans fil conducteur apparent.



Ensuite, Gombrowicz m'agace. Il s'attribue la naissance de l'existentialisme. Bon, d'autres aussi ont émis cette idée. Néanmoins, je trouve cela audacieux. Il semble que son roman Ferdyduke introduise certaines des idées de ce courant philosophique, et cela avant que Sartre n'écrive son oeuvre. Toutefois, ces idées « nouvelles » circulaient sous une forme ou une autre auprès de toute cette génération d'auteurs. Peut-être a-t-il raison mais son bouquin n'est pas la place pour ça.



Par la suite, Gombrowicz n'hésite pas à critiquer mais pas de la manière constructive. C'est très virulent pas moment. « idée stupide », (p. 142), en parlant d'une idée de Nietszche dans son traité Zaraoustra. Je trouvais cela agressant. Et de toutes façons, en philosophie, quelqu'un peut-il vraiment avoir tort?



Enfin, ce bouquin de Gombrowicz me semble mal construit. Ses idées semblent incomplètes, les phrases et les paragraphes sont drôlement agencées. Certains pans me font plutôt penser à un plan qu'à un livre. Un article de WIkipedia est cent fois mieux construit. D'ailleurs, je suis allé sur ce site et j'ai trouvé une explication : Gombrowicz est mort l'année de la parution de ce livre. Sans doute n'a-t-il pas eu le temps de le terminer, de le polir un peu.



Quoiqu'il en soit, ce Cours de philosophie en six heures un quart est une grande déception. Tout comme l'ensemble de l'oeuvre de Gombrowicz, avec laquelle je ne semble pas avoir d'affinités du tout. Je ne sais pas pourquoi je persiste à la lire.
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Le festin chez la comtesse Fritouille et au..

Outre celle du titre, ce recueil contient deux autres nouvelles extraites de Babakai : «Meurtre avec préméditation» et «Virginité». Les trois ont en commun des récits loufoques tournant en queue de poisson, des situations floues où les personnages principaux s'enferment dans des spirales de raisonnements tordus, des surenchères de doutes nettement obsessifs, frôlant le délire pathologique. On est plongé dans le royaume de la démesure, l'enfer des incertitudes : qu'a vraiment mangé ce bourgeois chez la comtesse, le meurtre est-il possible sans matérialité, l'idéalisation de la virginité est-elle compatible avec l'amour. . . Autant de questions avec lesquelles les acteurs devront se débrouiller, et le lecteur aussi, puisque l'auteur ne donne aucune piste de solution.



J'ai trouvé cette lecture déconcertante par ses thèmes, mais fascinante dans la mesure où l'auteur nous tient sur le fil du rasoir; un peu plus d'intensité, le lecteur risquerait fort de décrocher devant trop d'absurdité, un peu moins, la fébrilité engendrée par le suspense s'évanouirait. Un auteur à suivre.
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Yvonne, princesse de Bourgogne

Une pièce cruelle et grinçante, troublante, une pièce inconfortable où les personnages sont tous moches d'une façon ou d'une autre, nous confrontant à notre propre mocheté comme Yvonne dévoile la leur.

La base de la pièce a quelque chose de très plaisant: le Prince, refusant de se conformer à cette loi "follement stupide, férocement vulgaire, absurdement inique" qui lui dicte de choisir une fille qui lui plaît, décide de se fiancer à l'inapétissante Yvonne, laideron apathique dénué de charme. Mais on n'est pas vraiment dans un conte de fée et les hypothèses que fait le Prince pour expliquer l'étrangeté de son choix sont plutôt dérangeantes:

" je me demande s'il ne s'agit pas plutôt de... d'une insupportable curiosité...tu sais, comme quand on tripote un ver de terre avec une brindille pour mieux l'observer."

À la cour, Yvonne, réveillant souvenir ou désir de violence, avivant les tensions, révèle la laideur de tout un chacun, dérègle, met le palais sens dessus dessous - et là encore, le plaisir de voir la mollichonne faire éclater le grotesque et la vacuité de la Cour se mêle au côté oppressant d'une monstruosité humaine qui se libère, se lâche, s'amplifie.



C'est une pièce vraiment intéressante, mais c'était mieux dans mes souvenirs. Peut-être que les comédiens donnaient aux personnages une profondeur que je ne suis pas capable de percevoir à la lecture, leur côté stylisé, dont je ne me souvenais pas, m'a un peu déçue. Le comique, le côté grotesque gagnent aussi à être mis en scène. Finalement, à la lecture, il y a une bonne idée que Gombrowicz déroule avec beaucoup de talent, mais sans laisser de place pour autre chose.



Challenge théâtre 2017-2018
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Testament

Voilà encore un livre qui nous prouve bien que les auteurs adorés, il vaut mieux se les garder pour des rendez-vous galants littéraires. Dès qu’on essaie de les approcher dans leur vie, et surtout dans leurs confessions laborieuses pour justifier la raison de leur existence, on se rend compte que l’auteur sublimé n’était qu’un pauvre pâtre imbu de lui-même, et ceci d’autant plus qu’il se cache sous la prétérition de la modestie.





La Pornographie était un roman brillant, excitant, crasseux avec des bouts de verre qui scintillent. Comment peut-on passer sans dommage de cette extase à la platitude des confessions intimes ? J’aurais dû le prévoir…





Gombrowicz nous raconte sa vie en faisant mine de refuser le jeu de l’autobiographie. Il nous parle de ses livres comme s’ils avaient un sens précis, une puissance d’attaque et de destruction du monde avérée. Il nous emmerde avec sa théorie de la Forme, un truc compliqué et bourgeois qui n’innove rien mais avec des majuscules bien placées, on pourrait refaire le monde. Le seul discours intéressant contenu dans ce livre concerne la jeunesse. Il s’agissait d’une thématique majeure de la Pornographie, et Gombrowicz la développe ici pour rappeler, une fois encore, que la jeunesse n’existe pas, qu’elle n’est qu’un fantasme de vieux adultes rabougris qui se paluchent sur les chairs fraîches pour les forcer à vivre leurs désespoirs d’un autre temps. Mais pour éprouver cette idée dans la plénitude de sa forme, on peut vraiment se contenter seulement de la Pornographie, et fureter, peut-être, au hasard d’autres romans, sans doute bien meilleur que ce Testament.

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Cosmos

Si Deleuze avait essayé de se faire romancier, voici peut-être le livre qu’il aurait écrit – à considérer d’ailleurs que tous ses livres ne sont pas déjà de la mauvaise romance, comme son goût pour le schizo-romantisme pourrait le laisser croire. Gombrowicz est sauf de cette sale manie qui, chez les galériens de la fantaisie abandonnés de Dieu, consiste à promouvoir une idéologie basée sur le motif suivant : « la paranoïa est l’avenir de l’homme » même si, à en faire un ressort dramatique, à le présenter joliment comme la possibilité d’accès à une forme de mysticisme alors qu’il ne s’agit que du reflux vers un monde primitivement abandonné, quelque chose comme un exercice de séduction semble malgré tout s’imposer.





Il est question, dans ce livre, de choses sur lesquelles se fixe électivement un narrateur et qui n’ont pour lui valeur que de signes qui s’adressent à lui seul, paranoïaquement, dans le mystère d’une référence forclose. Lorsque tout fait signe de manière aussi impérieuse, le monde se codifie, se trouvant des lois arbitraires pour se poser un minimum de bornes et ne pas finir aspiré. L’obsession côtoie la paranoïa, ainsi que nous pouvons en avoir des exemples croissants dans notre monde même depuis quelques années. Dans Cosmos, le codage est ouvertement arbitraire pour qu’il en surgisse une forme de poésie de l’association libre et incongrue. Dans notre monde, le codage est également irrationnel bien qu’il cherche à se justifier après-coup. La poésie qui en résulte n’en est pas aussi charmante. L’univers grouille, lourd de significations impossibles à percer car elles s’arrêtent là, sur notre terre, semblant attendre quelque chose de nous et de nous seulement – ce qui est évidemment faux. De cette fermeture ne peut émerger que le nihilisme : « Il n'existe pas de combinaisons impossibles... N'importe quelle combinaison est possible... »





Ce petit livre de poésie paranoïaque semble donc traduire assez justement la dégénérescence induite par la vie dans la dimension de la seule immanence. Il tourne en rond, produit parfois de charmantes associations et s’éteint aussitôt. Bienvenue dans le monde des lignes de fuite.

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