Wolfe Lowenthal

.....' Je rentrai de Rome désespéré, m'effondrai sur une chaise auprès du Maitre et lui racontai cette histoire si déprimante. Mes rêves étaient enterrés .
' Détend toi ' dit-il ' Simplement détend toi '
Il dit d'autres choses encore mais je ne m'en souviens plus. J'étais sidéré par son conseil élémentaire.
Me détendre ? pensais-je en repartant. Quelle foutaise! Ma vie est un désastre et il me dit de me détendre.
Les années ont passé. Des chocs émotionnels sont survenus et repartis et j'ai commencé à comprendre un point clé pour vivre équilibré ; NOUS sommes 'responsables' de nos vies. Non que nous puissions modifier quoi que ce soit à une crise boursière. Nous sommes responsables de notre réponse au flot des évènements. Le maitre avait coutume de dire; ' plus on est détendu, moins on a peur. Et moins on a peur, plus on se détend '
C'est la nature du progrès.
Tout évènement du monde engendre de la souffrance si on y réagit avec la crainte; mais si on se détend et qu'on dissolve les réactions de peur, on peut affronter de grandes catastrophes avec équanimité.
J'exprimais récemment cette idée à une de mes amies qui souffrait d'une horrible série de tragédies familiales;' Je ne peux pas accepter ça' me dit-elle.

"Ce n'est pas un jeu. Ce que nous faisons ici c'est l'étude du Tao". Maître Cheng

"Tai Chi" se traduit communément par "Le Suprême Ultime" (ce qui donne l'orgueilleux et complètement non-taoïste "Suprême Boxe Ultime"). Une meilleure traduction en est "Grande polarité", comme dans le yin-yang, mâle-femelle, positif-négatif, l'éternel principe de l'univers. "Chuan" signifie littéralement "poing" ou "système d'autodéfense". Ainsi le Tai Chi Chuan est le système d'autodéfense basé sur le principe de la grande polarité.
Le Tao est indéfinissable. Dans un passage du Tao Teh Ching de Lao Tzu il est dit en effet, "celui qui connaît le Tao n'en parle pas". Avec cet avertissement le lecteur peut prendre les mots qui suivent pour ce qu'ils méritent.
Le sens littéral, étroit, du "Tao" est "Chemin", comme dans "route" ou dans "sentier". Littéralement Tao est le chemin pour aller de Pittsburgh à Cleveland ou de la naissance à la mort.
Une description plus fondamentale, ainsi que le Tao lui-même, doit être lue entre les lignes, mystère qui se révèle partiellement à mesure que nous éliminons ce qu'il n'est pas et découvrons ses lois.
Y a-t-il quelqu'un qui n'ait jamais vécu l'expérience du désir désespéré de quelque chose - un travail, de l'argent, un amour - et ne l'ait vu s'éloigner à mesure qu'il était plus intensément désiré ? Mais, si nous pouvons dissoudre un peu le désespoir, ce quelque chose que nous pensions tellement vouloir nous arrive alors comme par magie. Comme l'exprima un élève, "Oh, encore un cas où j'obtiens quelque chose après que j'aie cessé de le désirer".
Le Tao ne semble pas être quoi que ce soit que nous ayons besoin d'acquérir. Nous en faisons déjà partie. Il nous arrive cependant de faire de gros efforts pour éviter sa manifestation en nous. Nous bloquons le Tao essentiellement par la crainte et la tension.
Pour éprouver le Tao nous devons être ouverts. Dans la poussée des mains, si je ne suis pas complètement réceptif à l'énergie de mon adversaire, si j'ai un apriori sur ce que j'en attends, si j'essaye de la bloquer ou de la manipuler, je suis inaccessible au Tao.
Si un homme seul, se languissant d'un amour, déambule le long de la rue pour soigner la douleur de son cœur, il pourra user trois paires de chaussures sans soulager son esprit inquiet. S'il peut se détacher de la crainte sous-jacente à son désir - crainte de ne pas être à la hauteur et d'être incomplet - il peut accepter qu'il va bien à ce moment précis et qu'il est un avec tout ce qui est là et qui sera toujours. Alors il rayonnera d'une énergie positive et son sourire lui sera chaudement rendu du haut en bas du pâté de maisons.
C'est la loi du Tao que d'obtenir en retour ce que l'on a manifesté. Si je suis ouvert, généreux et aimant, j'expérimenterai la vie comme sûre, abondante et pleine d'amour. SI je suis tendu et peureux et que je vois la vie comme dangereuse et hostile, ma vie reflétera cette effrayante réalité. Comment pourrait-il en être autrement ? J'ai moi-même défini les termes et je me suis placé au cœur du dispositif.

Le principe de détente était si important pour Yang Cheng-Fu, qu'on dit qu'il répétait un millier de fois par jour "détendez-vous" à ses élèves. C'était, bien sûr, un mot partagé par Maître Cheng mais il en utilisait un autre peut-être encore plus souvent : "petit à petit".
Patience et Tai Chi. Si vous persévérez dans la pratique des principes, l'accomplissement viendra. Vous ne pouvez pas le forcer : vous ne pouvez pas le faire venir. "Petit à petit, petit à petit". Vous devez être patient. D'un autre côté, la maîtrise ou le progrès ne tombent pas du ciel comme la manne sur l'étudiant paresseux. Cela requiert un effort ardu.
Paradoxe apparent : "Ne forcez pas" et "Faites de grands efforts".
Dans le Tai Chi nous apprenons le Non-Agir, l’action qui n'est pas de l'action. Le Non-Agir n'est pas vraiment un grand mystère. Chacun l'a déjà expérimenté à un degré ou un autre : les fois où nous nous sommes bagarrés pour créer quelque chose et où nous le voyons s'éloigner jusqu'à ce que finalement nous abandonnions. A ce stade, si nous sommes chanceux, nous rencontrons un grain de sagesse intérieure qui nous autorise à respirer un grand coup et à nous détendre et nous voyons ce que nous désirions couler alors vers nous ou à travers nous, comme un don du ciel ou, plus exactement, en tant que don du ciel.

Nous devons être patients, nous devons attendre ; mais attendre de la manière juste, à travers le processus créateur du Non-Agir. Nous nous rendons accessible au flot du ch'i dans nos corps et au courant du Tao dans nos vies. La méthode consiste à éliminer les blocages. Il n'y a rien que nous devions faire ; ce à quoi nous aspirons est déjà là. Nous devons dissoudre les blocages pour le laisser émerger.

Dans la forme et dans la poussée des mains nous devons évacuer tension, dureté et rigidité pour pouvoir ouvrir la myriade de canaux subtils du corps où circule le ch'i.
De même pour le Tao dans nos vies : nous devons apprendre à ne plus interférer avec son cours. Prenez l'écriture par exemple. L'inspiration, la muse, sont d'autres manières de décrire l'énergie du Tao. Vous ne pouvez pas les obliger à venir mais, si un écrivain peut abandonner toute crainte et toute fantaisie qui obscurcissent le présent créateur, s'il apprend à cesser de compter uniquement sur lui-même, il découvre qu'il fonctionne comme un canal pour ce centre de vérité qui est au plus profond de lui.
Apprendre la manière de se détendre et de laisser faire est un travail difficile qui requiert persévérance et confiance. "Petit à petit, petit à petit".

Ce n'est pas quelque chose qu'une débutant ou une personne négligente peut réaliser. ça n'est pas facile d'endurer la perte pour un débutant, mais si quelqu'un a peur de perdre alors il vaut mieux ne pas se lancer dans l'étude. Si quelqu'un désire apprendre le Tai Chi, il doit commencer par accepter la perte.
Pour savoir comment accepter la perte, on doit comprendre que c'est identique à ne pas être avide de gagner. Quand on est désireux de gagner un petit peu, on finit par perdre un petit peu. Quand on veut gagner beaucoup, on finit par perdre beaucoup. Inversement si quelqu'un est capable d'accepter une petite perte, il finira par acquérir un petit gain mais c'est seulement si l'on est capable d'accepter une grande perte que l'on peut obtenir un grand gain.

Monsieur Liu dit ; la première chose que vous devez apprendre c'est qu'il vaut mieux se dévouer que d'essayer d'obtenir; ou qu'il vaut mieux s'ouvrir plutôt que d'espérer que les autre s'ouvrent à vous. Ceci implique un esprit de sacrifice .D'une manière plus large il s'agit de devenir une personne sans 'moi' ou de perdre le moi dans tout ce que vous faites. Vous ne pensez pas à vous même mais à la société , au pays et au monde.

Mais le pire dans la haine, c'est l'effet qu'elle a sur celui qui en éprouve le sentiment. Généralement, les émotions reflètent la part la plus sensible de l'individu. Nous pensions probablement que nous n'en faisions pas assez pour arrêter la guerre. Nous avions "renoncé" mais nous ne nous étions jamais engagés réellement. Nous étions des opposants qui ne s'affirmaient pas. Nous étions en colère et dans son for intérieur, la colère et l'armure qu'une personne craintive revêt pour se protéger de la crainte qu'elle éprouve d'elle-même.
Combien parmi nous, à gauche, étaient prêts à voir détruites leur vie parce qu'ils tentaient désespérément de fermer les yeux sur le sentiment de culpabilité qui les habitaient ? Il était devenu difficile pour nous d'aimer la vie, et à fortiori une autre personne, incapables comme nous l'étions de nous aimer nous-mêmes !