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Citation de dourvach


- C'est moi, frère Mèmet, cria Ali.
La porte s'ouvrit.
Ils s'assirent en tailleur face à face devant l'âtre. Les bûches de chêne s'étaient consumées en braises aussi rouges que le rubis. De temps en temps, le vent s'engouffrait dans la cheminée, éteignait les braises qui pâlissaient, se couvraient aussitôt de cendres.
La maison de Tête de Pierre n'avait qu'une seul pièce. L'âtre était vaste. Le manteau de la cheminée, fait de joncs tressés, était endui de terre glaise. Les murs de la pièce étaient revêtus de crépi et ne ressemblaient guère aux murs des autres maisons, faits de pierres assemblées au petit bonheur. Chez Tête de Pierre, les murs étaient de plus, et jusqu'à une hauteur de cinq empans, ornés de peintures de toutes les couleurs. On y voyait des grues en plein vol, des arbres aux branches ployées sous le vent, une forêt couverte de fleurs, des cerfs en fuite, des chevaux. Sur ses murs, Tête de Pierre avait fixé tout un univers.
Au-desus de l'âtre était accroché un grand portrait de Moustafa Kémal Pacha. Coiffé d'un colback. Haussant les sourcils, l'air légèrement moqueur. A chaque fois que Tête de Pierre regardait ce portrait, il était pris d'un sentiment bizarre qui ressemblait à de la compassion. A son avis, Moustafa Kémal était un homme bon et patient. Il avait un petit air ironique aussi. Pourquoi ? il avait fait du bon travail. Il s'était consacré corps et âme à ce pays. Les religieux avaient voulu lui tenir tête, ils l'avaient proclamé mécréant. Lui avait surmonté tant de difficultés, accompli tant de prodiges. Mais il y avait certainement quelque chose qu'il n'avait pu faire... Une difficulté qu'il n'avait pu surmonter... Sinon, un homme ne vous regarde pas de cet oeil, en ayant l'air de se fiche du monde...

(Yasar KEMAL, "Yer demir, gök bakir", - "Terre de fer, ciel de cuivre" (seconde partie de la trilogie romanesque "AU-DELA DE LA MONTAGNE"), traduction de Munevver Andac, éd. Gallimard - pages 192-193 de l'édition "folio")
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