Citations de Yann Queffélec (605)
Aimer c'est être joueur, prêt à perdre. Aimer ce n'est pas garder, posséder. Aimer c'est l'autre avant toi.
Ma Bretagne est d'Armor, le pays dans la mer. Ma Bretagne fut un royaume, il n' y a pas si longtemps. Ma Bretagne est le pays des marins. Ma Bretagne n'oublie jamais les périls en mer. Ma Bretagne est le pays des femmes vraies, le pays des épouses et des veuves. Ma Bretagne est un pays qui chante à travers les âges. Ma Bretagne est le pays des écrivains. Ma Bretagne est le pays d'une langue bretonne qui faillit s'en aller d'une mort programmée par l'Etat, - qui mourut quelque temps d'ailleurs, et qui lutte aujourd'hui pour sa résurrection. Ma Bretagne est le pays des lumières et des peintres, les mangeurs de lumière venus en chemin de fer à la belle époque comme Gauguin ou Méheut. Ma Bretagne est le pays des Pardons, la fête estivale du péché célébré sous la bannière de sainte Anne, bonne mère ! Ma Bretagne est le pays des souvenirs, les miens et ceux des anciens qui m'ont raconté l'Armorique d'avant les moteurs, la Bretagne mal aimée, vexée, réduite au silence, La Bretagne de Bécassine en délicatesse avec l'Etat français. Ma Bretagne est mon pays usuel, mon pays définitif, j'y naîtrai toujours
Je regarde les lumières de la ville par la fenêtre. Derrière ces lumières des milliers de gens ont la chance d'être en vie, des milliers de gens vont dormir en sachant qu'il y aura d'autres nuits après celle-ci, beaucoup d'autres.
Il lui manquait un souffre-douleur, quelqu’un d’aimé sur qui projeter sa haine de la douleur, sa rancune envers le monde entier, mirage invisible.
Il aimait les animaux, mais d'un amour qui s'épanouissait en barbarie. Il avait découpé aux ciseaux les nageoires de ses poissons rouges.
Rachel souriait à la vie. Elle était arrivée là-haut, son paradis natal. Elle se remplissait les yeux d'infini.
La guerre avait priorité sur l'école, l'adolescence exigeait ses premiers émois partagés. Et tant qu'il ne pleuvait pas à verse, on aimait bien se retrouver à la magnanerie désaffectée, le soir, après l'école, entre jeunes gens, et se faire un peu plus que les yeux doux, pas trop non plus.
« Un grand soleil d’été brillait , ce jour- là, un vent de joie qui soufflait du Sud , les fleurs tanguaient sur leurs tiges et voulaient prendre la mer .disait Célestin.
Et la nature n’aurait pas pu être plus heureuse et plus ivre d’elle - même qu’elle n’était , rassasiée, affamée » …
D'où vient l'amour ?... Tout ce qui meurt _ se meurt d'amour. D'où vient l'amour ?... Il vient de là où Mozart est allé chercher sa "cantilène oubliée" , et Célestin la chanson des fleurs, de là où, piano juif ou guitare manouche, pas un battement de coeur ne revient qu'il ne veuille y retourner avec chacun d'entre nous, pour n'en revenir jamais plus. L'amour humain le plus mystérieux dit à la vie que la solitude est intenable, avec le temps, qu'elle rend fou. De sorte que les gens apparemment normaux viennent un jour révéler à leurs médecins qui s'en fichent : mon poignet, docteur, il me fait mal, aidez-moi, je paierai. Mon poignet, mon pied, mon dos, mon genou, je paierai. Pour chacun de mes os. La solitude n'a pas de prix.
Tu es sure, Flo? Tu es sure que tes paroles d'écrivain n'égarent pas tes intentions de jeunesse? Tu es sure que tu étais guidée? Il est des évidences qui ne nous crèvent pas les yeux à 17 ans et l'on se plante en bagnole au lieu de partir en mer aux cotés d'Ismaël, sus à l'inconnu dissimulé par l'horizon."
Bibliothèque, lit, deux mots dont on n'a jamais fait le tour, deux objets familiers auxquels on doit nos plus grands voyages. Combien de fois , petit garçon, le soir, suis-je parti en excursion au fond de mon lit, sous la couverture. Je n'imaginais pas la caverne aussi grande et ramifiée dans un antre souterrain. Il y avait sûrement des fantômes, des esprits, des bêtes. J'étouffais. Au prix de mille contorsions je remontais affolé vers la lumière présumée.
Il se mit à courir et parvint hors d'haleine en haut de la dune où le spectacle tout-puissant des flots l'attendait. Le jour bleuissait, ma mer miroitante avait la sérénité d'un firmament, de courts rouleaux empennés d'écume éclataient sur le rivage ; un bateau passait très loin.
Lumière éteinte ils descendirent l'escalier. tita ouvrit les yeux quand l'air glacé du dehors transperça sa petite chemise de nuit. La neige ne tombait plus. L'ombre du manoir couvert de blancheur se découpait sur la nuit livrée de toutes parts aux étoiles
Tu as froid, demanda-t-il ? Pourquoi trembles-tu ? Il posa Tita pieds nus dans la neige et la prit par la main
Revenus au manoir il installa Tita sur le canapé du salon puis alluma les lampions
Il installa douillettement contre lui l'enfant qui venait de plonger dans le sommeil, réchauffant les orteils glaçés entre ses mains
Je regarde papa rédiger l'addition sur le chèque. Il a l'air de dédicacer , aussi majestueux que s'il écrivait le début d'un roman ou m'écrivait à moi. De quoi mon cœur bat-il si fort à cet instant . De quelle tristesse ? De quel sentiment d'inimaginable gâchis ? De quelle envie désespérée de revenir sur le temps perdu, enfin conscient que tout a un prix sur le moment, que tout retard fait sombrer l'univers et que le temps est irrémédiable. (p. 200)
Ce livre prend au tripes ,une histoire touchante et horrible a la fois
"Quel temps fait-il ?
- J'ai pas été voir.
- Eh bien vas-y crétin ! Non, pas à la fenêtre, va dehors, tu me diras s'il fait froid."
Il descendit l'escalier, récita le Je vous salue Marie debout sur la dernière marche, compta jusqu'à dix et revint s'asseoir dans le rocking-chair.
"C'est un drôle de temps. Y fait moins froid qu'hier. En ce moment y pleut pas encore, et y a un peu de vent.
- Tu racontes toujours la même chose. Ce n'est pourtant pas compliqué de dire à sa mère si elle risque une angine ou non. Tu le fais sans doute exprès, hein, tu le fais exprès..."
Elle avait élevé la voix.
"... T'es vraiment qu'un emmerdement, Ludo ! Tu causes pas, tu fais jamais ce qu'on te dit, tu te laves faut voir comment...
Elle avait quel âge à l'époque? Huit ans? Dix ans? Elle avait encore sa coiffure à la garçonne A son habitude elle sortit pieds nus
Léna pris l'asenceur et descendit au sous-sol Là, entre deux poubelles, elle ôta son jean pour un autre déchiré sous les fesses, décoloré, puis son chemisier rouge pour un t-shirt noir imprimé d'un cornet de glace verte Elle rabattit sa frange et remit son blouson Teddy beige Puis elle se rendit à l'arrêt du bus de la plage Elle avait une allure masculine Pas le moment de croiser sa grand-mère Elle aurait une attaque, la vieille !
Il y a des livres que leur seul titre suffit à rendre nécessaire.
Le malheur, en somme, on n'est pas né pour qu'il nous accapare de ses trémolos, on l'envoie sur les roses.
Parfois, bipés un soir en train de câliner maman, rentrés chez eux à l'aube, ayant pris entre-temps des hélicoptères furtifs, changé de fuseau horaire, sauté en parachute, essuyé des tirs et traité des cibles bien comme il faut, ils se retrouvaient bâillant et poussant le caddie familial au supermarché, hésitant devant les prix, reniflant les melons en promotion, farfouillant parmi les steaks surgelés, écoutant maman piapiater sur la cherté des choses ou les priant de se montrer plus attentifs, de se comporter en maris normaux.