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Critiques de Yannick Haenel (362)
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Le Trésorier-payeur

Yannick Haenel, avec Le Trésorier-payeur, réussit une performance littéraire de haute volée. Après l’avoir écouté présenter son dernier roman aux Correspondances de Manosque 2022, j’étais curieux de lire cet écrivain que je retrouve chaque semaine dans CHARLIE Hebdo (Qu’avez-vous vu, monsieur Haenel ?)

Ici, la performance est complètement différente. Malgré quelques longueurs, quelques développements pas toujours très utiles, j’ai été époustouflé par de nombreuses pages dans lesquelles Yannick Haenel laisse s’exprimer son talent tout en glissant quelques confidences.

Dans une première partie un peu longue, l’auteur met en place son histoire qu’il va faire vivre dans les anciens locaux de la Banque de France, à Béthune. Léa Bismuth l’a invité avant l’ouverture d’une exposition sous l’influence de Georges Bataille, expo consacrée à l’art contemporain.

C’est là que, guidé par Philippe Massardier, dans des locaux en chantier, il apprend que la maison de briques rouges, isolée, à l’arrière de la Banque de France, était reliée à celle-ci par un tunnel.

Celui qu’il va appeler Le Trésorier-payeur, était simplement trésorier de la Banque de France de Béthune. Cet homme, nommé Georges Bataille, étonnante coïncidence, fut en poste, dans la sous-préfecture du Pas-de-Calais, de 1999 à 2007.

Alors, Yannick Haenel met en place tous les éléments de son récit, allant jusqu’à aider à meubler le bureau du Trésorier-payeur, dans une chambre, à l’étage de cette Banque de France, ouverte à Béthune, en 1910 et fermée en 2007.

La partie essentielle du roman débute enfin et c’est chaud ! Le Trésorier-payeur, âgé de 43 ans, retrouve chaque jour, à 17h, Lilya Mizaki, chirurgien-dentiste à Béthune. Leurs baisers sont fougueux, passionnés et leur voyage de noces, à Kyoto, au Japon, offre des scènes d’un érotisme torride.

Pour retrouver ces deux amoureux fous, il faudra attendre quelques centaines de pages car l’auteur me plonge dans ce que fut la vie de celui qu’il nomme pour l’instant Bataille. Cet homme, nourri de philosophie, passionné de lecture, qui écrit compulsivement, entre à la Banque de France un peu par hasard, à la faveur d’un job d’été.

À partir de là, rencontres, événements, sautes d’humeur, séquences enthousiasmantes, déprimes profondes se succèdent car la vie de cet homme est pleine d’aventures étonnantes comme cette visite de Ronald Reagan dans la salle des coffres, la Souterraine, à la Banque de France, à Paris. Déjà, le souterrain et des tas de lingots d’or…

Avec de tels événements, Yannick Haenel ne se prive pas d’exprimer son avis sur le pouvoir de l’argent et sur la place de la poésie dans un monde où elle ne semble pas exister. Bien sûr, il suit Bataille, sa formation, ses espoirs, ses déceptions, ses amours jusqu’à ce qu’il débarque à Béthune, en janvier 1991.

Bien qu’il soit très original, profondément anticonformiste, celui que l’auteur nomme maintenant le Trésorier-payeur, rencontre régulièrement de précieux amis qui l’empêchent de sombrer complètement. À la Banque de France, il s’occupe des endettés et se découvre une âme charitable au-delà de ce qui est normal.

Patience, le tunnel entre la maison et la Banque de France, est bien là et donnera l’occasion à l’auteur d’offrir quelques envolées lyriques de haute facture.

Le Trésorier-payeur, roman d’excellente qualité littéraire, m’a charmé avec ses séquences poétiques, étonné lorsqu’il aborde l’ésotérisme, la philosophie, émoustillé avec ses belles séquences érotiques mais fallait-il amener de temps en temps la religion, même assez hors des normes, pour étoffer le tableau ?

Qu’importe, avec Le trésorier-payeur, j’ai lu avec plaisir, pour la première fois, un roman de Yannick Haenel et je sais que, chaque semaine, je le retrouverai dans sa chronique de CHARLIE Hebdo.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Bleu Bacon

“Dans ses entretiens avec David Sylvester, Francis Bacon dit que peindre, c'est dresser un piège pour attraper le vivant.”

Avec “Water from a running tape”, la peinture de la couverture, magnifique, qu'il considère comme son oeuvre le plus accompli, il a dressé un de ses meilleurs pièges où l'eau est « l'enfance du temps et le bleu mène à son pays indemne. »

L'auteur Yannick Haenel décide de passer une nuit au musée du centre Pompidou, à l'expo Francis Bacon en 2019, que j'ai aussi pu visiter la même année, étant moi-même une grande fan de Bacon.

« Dans les tableaux de Bacon, c'est le bleu qui déjoue la pétrification. J'en perçois ainsi l'étrange vertu : le bleu est plus fort que le noir ; il troue les ténèbres et s'écoule jusqu'à nous…..En écrivant, je cherche à préciser une émotion ; je veux trouver les mots pour dire la béance que les tableaux de Bacon ouvrent en moi  ; je raconte l'aventure de leurs impacts … » , c'est précisément pour cela que ce livre m'a attirée. Je suis curieuse de connaître les sensations des autres face à une oeuvre d'art, qui m'ouvrent toujours des nouvelles perspectives pour ouvrir, élargir, le diapason de mes sens. “La justesse du regard, c'est l'art qui nous l'enseigne. Ne plus regarder de tableaux, c'est risquer de perdre la vue. “ Car les sensations se cultivent , enrichissant notre vision et aiguisant notre sensibilité , nous ouvrent un monde plus vaste pour apprécier et profiter non seulement d'une oeuvre d'art mais aussi des petits faits quelconques de notre quotidien , de la nature, bref tout simplement de la Vie. À ce propos le dernier film de Wim Wenders « Perfect Days » vu récemment en est un superbe exemple, où Wenders s'est vraiment consacré au plus simple pour montrer la voie au plaisir et à la joie de vivre.

Pour qui est fan ce livre est l'occasion de revisionner quelques uns des tableaux intéressants de Bacon, et pour qui ne le connaît pas l'occasion à jamais de l'aborder, à travers des ressentis et réflexions riches et intéressantes de l'auteur. Un vrai plaisir de lecture !



« Si le monde n'est pas peint, on n'y verra bientôt plus rien – et peut-être même n'y aura-t-il plus de monde. »

« On ne peut pas regarder un Bacon comme on regarde n'importe quel autre tableau : il réveille précisément l'excès en vous. Excès contre excès ? Plutôt un transfert de violence. On peut se protéger, bien sûr, on n'est pas obligé de souffrir pour apprécier une oeuvre : pourquoi l'art devrait-il nous jeter au néant ? Mais si vous laissez le monde de Bacon entrer en vous, commence alors une expérience qui, en vous dépossédant, vous conduira là où vous n'êtes jamais allé. Vous n'aurez plus rien, et même vos yeux auront brûlé ; mais vous verrez enfin, et grâce à cette seconde vue, c'est le coeur ardent de la vie que vous retrouverez. »

“Pendant la séance, Sylvester avait remarqué que Bacon jetait sans cesse des regards de côté lorsqu'il peignait : au lieu de fixer son modèle, il regardait un livre ouvert posé sur un tabouret à côté de lui. À un moment, Bacon étant parti pisser, Sylvester en avait profité pour jeter un coup d'oeil au livre : il s'agissait d'un album sur la faune africaine et la page à laquelle il était ouvert montrait la photo d'un rhinocéros.”😊



Un grand merci aux éditions Stock et NetGalleyFrance pour l'envoie du livre !

#BleuBacon#NetGalleyFrance

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Tiens ferme ta couronne

Je n'ai vraiment pas de bol ! le tout premier livre que je reçois dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio, a accueilli, jusqu'à présent, 9 critiques défavorables sur notre site préféré, certains jugent l'ouvrage même carrément mauvais. Un cadeau empoisonné donc, ou est-ce que Babelio et les Éditions Gallimard s'attendent à ce que je me propulse comme le sauveur de l'opus ?



Comme gentleman, je remercie Babelio et Gallimard, en tout cas, pour l'envoi et partant du principe du bénéfice du doute et de celui de faire contre mauvaise fortune bon coeur, je vais essayer de faire de mon mieux. Ce qui ne sera pas simple, d'autant plus que l'auteur m'a légèrement déplu avec son ouvrage "Jan Karski", qui, comparé à l'oeuvre de Karski lui-même "Mon témoignage devant le monde - Souvenirs 1939-1943" me paraît assez fantaisiste. Qui sait, une forte dose de scepticisme au départ me mettra peut-être sur la bonne voie pour rendre un tantinet justice à Yannnick Haenel ?



Mais ma bonne volonté du départ est déjà, sur la 2ème page du texte, confrontée à rude épreuve avec la formule "l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville" J'avoue que même avec l'aide du petit Larousse je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Ou plutôt théoriquement quelque part si, mais pas assez pour pouvoir en expliquer toute la portée à mon épouse par exemple. Mais passons, petit incident de parcours.



Heureusement que l'on passe assez vite sur le régisseur Michael Cimino, dont j'ai beaucoup aimé - comme l'auteur d'ailleurs - son "Voyage au bout de l'enfer" avec Robert de Niro. Le projet de l'auteur consiste en fait à réaliser un film "The Great Melville". Pour cela, il a écrit un scénario de 700 pages sur la vie et l'oeuvre d'Herman Melville (1819-1891), le père spirituel de la baleine blanche, Moby Dick, et espère que Cimino en fera une oeuvre maîtresse. Que le cinéaste américain accepte de rencontrer l'auteur, lui qui mène une vie de reclus après le fiasco financier de son "La Porte du paradis", donne un nouvel élan à la narration.



Pour les fans du 7e art, l'opus est une source quasi encyclopédique de régisseurs, tels Cimino, Francis Ford Coppola, Jean-Luc Godard, etc., d'acteurs comme de Niro, Marlon Brando... et de l'actrice Isabelle Huppert, qu'il rencontre d'ailleurs en personne au resto Bofinger, près de la Bastille. Détail amusant, le maître d'hôtel de la fameuse brasserie alsacienne ressemble à un certain Emmanuel Macron (page 119) ! Mais des excursions ne manquent pas nom plus dans le domaine littéraire avec des noms comme Ovide et William Shakespeare, de qui on a droit à des vers en version bilingue (bref extrait de "La Tempête", p. 121). Et pour compléter le tableau honoraire : l'écrivain et poète américain juif, Charles Reznikoff (1894-1976), célèbre pour son "Holocauste" de 1975.



Le protagoniste principal de l'oeuvre, qui fête à un moment donné ses 50 ans, est un écrivain qui mène une vie un brin spécial autour de "3 grands pôles...ordinateur, frigo, vodka" (p. 100). À part des problèmes avec sa concierge acariâtre, il lui arrive de tomber amoureux d'une Anouk et d'une Léna Schneider. Même les amateurs d'animaux y trouveront un certain confort avec la présence digne de Sabbat, le dalmatien de son voisin de palier, un joueur professionnel de poker, du nom charmant de Tot (mort en allemand).



Dans l'ouvrage de Yannick Haenel il y en a donc pour tous les goûts et l'auteur s'y montre un magicien des mots. Dommage qu'il fait parfois de l'excès de zèle. Emporté par son enthousiasme, il a tendance à voler, là où pour le lecteur c'eût été peut-être souhaitable qu'il s' etait borné à marcher.

 la question spécifique de recommander la lecture de "Tiens ferme ta couronne", je préfère me retrancher derrière la phrase standard de feu Harold Wilson, Premier ministre britannique, : "No comment !"
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La solitude Caravage

Il y a quelques années déjà, j'ai visité à Ottawa la superbe exposition "Caravaggio et les peintres caravagesques à Rome". J'ai été séduite. Puis, un passage à Malte m'a permis d'admirer "La Décollation de saint Jean-Baptiste" à la cathédrale Saint-jean de la Valette. Encore une fois j'étais éblouie.

Alors quand #NetGalley proposa le titre "La solitude Caravage", j'ai levé la main, j'étais curieuse.

Je ne connais pas du tout l'auteur, Yannick Haenel et je dois vous avouer que les premières pages ...ouf...me portaient plutôt à laisser tomber la lecture. le ton, pour moi était verbeux, introspection, analyses qui n'en finissaient plus. Ça ne me disait rien de bon. Jusqu'à ce que l'on entre dans le vif du sujet: Caravage.

Ado, l'auteur découvre le peintre , la sensualité, la sexualité avec le portrait de Judith avant de savoir que c'était Judith décapitant Holopherne. Mais c'est ainsi que le Caravage et l'érotisme se sont présentés à lui.

On nous raconte Caravage presque tableau par tableau. Il nous présente un peintre plus contemporain que ses contemporains, actuel, immensément talentueux et tout autant controversé. Il nous explique toute cette lumière dans le noir, la relation du peintre avec Dieu, l'irrévérence présente dans ses toiles malgré le sujet. C'est érudit, c'est détaillé, c'est bien commenté. On sent l'auteur de ce livre amoureux du Caravage.

On y explique aussi toute la liberté qui caractérise sa peinture et le naturel avec lequel il s'exprime et liberté, puissance et solitude semblent aller de pair chez le Caravage.

Une vie tourmentée, l'exil, une mort venue trop tôt, mais il nous lègue toutefois "le monde entier qui scintille sur ses toiles" .

Merci à #NetGalley pour cette lecture.
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Tiens ferme ta couronne

C'est toujours frustrant de donner un avis négatif sur un livre dont on vous donne la possibilité de le découvrir avant sa sortie grâce à Babelio et aux Editions Gallimard que je remercie. Mais ici, peu de plaisir à lire cette histoire que Yannick Haenel (dont j'avais aimé le controversé "Jan Karsky") a imaginé. L'histoire d'un homme qui pense avoir écrit le scénario le plus génial qui soit, le proposé au tout aussi génial et maudit réalisateur Michael Cimino, tout en montrant un addiction au film de Coppola "Apocalypse Now" ce que l'on peut comprendre et que vous saurez tout à la fin de ce roman. Il y a aussi l'arrivée d'un chien dans la vie du narrateur puis aussi bien sur l'amour avec un grand A. Des lignes et des lignes que Haenel a du peser et soupeser pour rendre tout cela intéressant, mais rien n'y a fait, encéphalogramme émotionnel constamment plat. Bien sur, on sent derrière tout cela la patte d'un écrivain, que Haenel propose un texte décalé et original, mais pour quoi au final ? Pas grand-chose, en tout cas, rien d'inoubliable pour moi.
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Tiens ferme ta couronne

La page blanche, ça n’arrive pas qu’aux écrivains, ça arrive aussi à ces ratés qui parlent des livres qu’ils ont lus, sans jamais en avoir écrit un. C’est la grosse honte. Ça peut aussi être le signe d’une sympathie profonde avec l’auteur. Ça peut vouloir dire : mec, je comprends parfaitement ce que tu as ressenti lorsque tu as voulu écrire ton histoire. Imaginez : l’écrivain-narrateur de ce roman écrit un bouquin parce qu’il n’a pas réussi à faire publier son scénario. Ecrire parce que l’écriture a été un échec. Faut le faire. C’est peut-être ça le drame de l’être humain, qu’il ne désespère jamais. Et moi donc, j’essaie de trouver quelque chose à dire sur ce livre qui ne dit rien. On y trouvera bien un peu de baise, comme dans tous les livres du moment. Un peu de branlette intellectuelle, pour montrer que l’âme et le corps peuvent se rencontrer, révolution des sphères ! Des personnages célèbres, parce que le mec, même s’il est un looser, sait s’y prendre avec la jet-set. Des bons mots, des phrases agréables à lire, une littérature bien menée, même pas de quoi cracher dessus. C’est ça qui est pénible avec les romans contemporains : on n’a pas encore eu le temps de les oublier.
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Tiens ferme ta couronne

Un écrivain ressemblant beaucoup à Yannick Haenel raconte quelques mois de sa vie. Le roman est construit en trois parties qui se suivent chronologiquement même si de nombreux flashbacks en cassent le déroulement linéaire. Dans la première (‘Des films') le narrateur, auteur d'un scénario sur la vie de Melville, rencontre à New York le cinéaste Michael Cimino grâce à l'aide d'un producteur. De retour à Paris, l'écrivain s'enfonce dans la solitude et la déchéance et consacre son temps à visionner des films et en particulier Apocalypse Now, qu'il repasse en boucle. Dans la seconde partie, (‘Des histoires'), quelques mois plus tard, l'écrivain passe une soirée au restaurant en compagnie du producteur, d'Isabelle Huppert et de Léna, conservatrice du Musée de la Chasse, dont il tombe immédiatement amoureux. Cette longue soirée alcoolisée fait naître des récits racontés par les protagonistes et marque un tournant dans la vie de l'écrivain. La troisième partie (‘Des noms') débute le lendemain de cette soirée d'ivresse. L'écrivain a certes une méchante gueule de bois mais il retrouve sa place dans le monde et le désir de vivre. Après quelques péripéties, il part en Italie où il attend d'être rejoint par Léna et écrit le roman que le lecteur tient entre ses mains. Il a ressuscité en retrouvant grâce à l'amour sa force vitale et son pouvoir créateur.





Ce roman se lit facilement et on suit les pérégrinations et les rencontres de l'écrivain avec un certain intérêt. Néanmoins le livre repose avant tout sur les idées. Dans un entretien avec Michel Crépu publié en 2010, Yannick Haenel s'est longuement exprimé sur ses ambitions littéraires et les fondements de son écriture. Ce roman s'inscrit dans la parfaite continuité de ce programme. Obnubilé par la littérature et pas son destin d'écrivain, Haenel a choisi pour titre de son livre une citation de Proust. Il symbolise l'idée que la littérature est un royaume, que l'écrivain en est le roi, un élu, que l'écrivain ne doit pas se laisser écarter de sa vocation, de son désir comme le fait le narrateur dans la première partie. L'oeuvre d'un écrivain est l'extrémité d'une branche qui continue de pousser et elle est la continuation de l'arbre constitué de tous ces ‘noms' qui l'ont précédé. L'écrivain est celui qui fait coïncider l'expérience de la parole et l'expérience de l'être. Le narrateur va sortir de son enfermement de la première partie pour rentrer à nouveau dans le réel et cette expérience sera la source d'un livre. Le roman de Haenel pose ainsi la question suivante : comment concilier le besoin de solitude, la nécessité du silence avec l'expérience du monde, l'épaisseur du réel, la rencontre avec l'Autre ?





Haenel développe aussi l'idée qu'il subsiste toujours une possibilité de lumière après l'obscurité du chaos et de la destruction, une possibilité d'espérance après la tragédie. L'idée quasi mystique que la vie peut vaincre la mort. L'idée non moins mystique de la rédemption. La tonalité mystique du livre culmine lors d'une scène de cérémonie mortuaire se déroulant devant le retable d'Issenheim. Le roman est à ce titre fortement métaphorique. Exemple assez drôle : le voisin est un chasseur, il s'appelle Tot (la mort en allemand) et le narrateur craint qu'il ne s'empare de sa carabine Haenel pour le tuer… Ou lorsque le producteur raconte comment, victime d'un accident, il s'est retrouvé coincé dans sa voiture par les bois d'un cerf.





Le programme est ambitieux mais Haenel ne surmonte pas toujours la difficulté de transformer cette ambition en oeuvre littéraire. Car le récit m'est trop souvent apparu comme un pré-texte ne servant qu'à justifier ses théories. Le roman souffre par moment de grandiloquence (particulièrement dans les passages évoquant les attentats parisiens de novembre 2015), de lourdeur et de pédanterie. Haenel en fait trop et son cabotinage didactique est parfois lassant. Certes on peut voir le bon côté des choses et apprécier le système d'échos et résonnances multiples que développe Haenel tout au long du livre (le cerf et la symbolique qui s'y rattache, la chasse, la figure du reclus, génie incompris ou génie du Mal…) mais il gagnerait à laisser plus souvent l'imagination du lecteur faire son propre chemin plutôt que mettre systématiquement les points sur les i, surtout lorsque ces points restent abscons. Une digression sur Apocalypse Now par exemple se transforme en réflexion assez fumeuse sur le mal, la vie et la mort, réflexion toute aussi fumeuse que l'on retrouve sur le trottoir devant le restaurant où le narrateur en attente d'une table convoque les vers de Shakespeare.





J'ai retrouvé chez Haenel ce travers propre à certains écrivains actuels de multiplier à longueur de pages les références littéraires ou culturelles. L'obsession de se retrouver dans la cour des Grands pousse Haenel à citer Melville bien sûr, sa référence absolue, mais aussi Kafka, Dostoievski, Malraux, Flaubert, Rimbaud, Fitzgerald, Lowry, Kerouac, Homere, Ovide, Wittgenstein et je dois en oublier. Sans oublier les peintres bien sûr, Rembrandt et son cavalier polonais (déjà invité dans Jan Karski) ou Turner. Cela frise parfois le ridicule comme lorsque pris d'hallucinations en voyant Paris transformée en lac de sang, le narrateur se met instantanément à penser à Rimbaud. Je crois que l'art d'aujourd'hui (y compris la littérature) n'a plus rien à voir avec l'art de la table rase prisé par les avant-gardes et qu'il fait volontiers référence aux grands artistes du passé mais multiplier les références et les exhiber à ses lecteurs n'est pas forcément un gage de qualité.





Au crédit de ce roman, je dois dire que j'ai trouvé certains passages drôles : la gestion par le maître d'hôtel Macron de l'arrivée du narrateur et de son chien au restaurant, ou la première rencontre avec Cimino que le narrateur ne reconnaît pas parce qu'il le prend pour une femme (allusion aux rumeurs sur la transsexualité de Cimino).





Et il y a, malgré l'emphase un peu lourde, quelques beaux passages poétiques notamment lorsque Haenel évoque les êtres dont l'intérieur de la tête est mystiquement alvéolé (citation de Moby Dick évidemment !) : les être habités par un feu sacré, capables de décrypter les signes pour accéder à la vérité, capables de distinguer les deux faces du monde, la face visible, matérielle, profane et la face invisible, étrange, pleine de mystère.

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Janvier 2015 - Le procès

Ce reportage sur ce procès fleuve est d'une approche d'une grande pudeur. Aucun jugement ici, des faits tels qu'explorés par la justice. Les témoignages et les dépositions. Haenel écrit juste, ce n'est pas de la littérature, c'est un compte rendu, un souvenir, afin que nul n'oublie.

De la dignité jusque dans le crayon de Boucq qui représente tous ceux qui, à un moment ou à un autre, se sont présentés dans le prétoire : avocats, accusés, juges et témoins.

Des gueules masqués dont on se souviendra, des visages d'anges, des anonymes, des gens connus, des avocats...

Ah, Coco!

Ah, Riss!

Ah, la famille de la policière de Montrouge...



Les parents, les familles brisés, les rescapés, tous réunis dans un même chagrin.

Un témoignage lourd!


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Le Trésorier-payeur

Yannick Haenel appartient à cette catégorie d'écrivains qui se regardent écrire depuis si longtemps que l'on se demande bien quand il va se passer quelque chose.



Mais ça crée une attente tout de même parce qu'il a l'air si acharné dans cette noble tâche ; et de surcroit, il sait former de belles phrases et il a beaucoup lu. Les données d'ordre géographique, dialectique, les prix littéraires sont là pour en faire un écrivain installé. Malheureusement il y a une absence totale de foi. Il ne croit de toute évidence pas en la puissance du roman. Il s'essaye au roman comme un essayiste en mal de sujet, c'est à dire en cherchant désespérément un sujet qui le galvanise, puis il condense son récit maladroitement en de petites joutes intellectuelles à coloration philosophique motivées par son amour pour sa plume qui enfin se réveille, par petits soubresauts, puis retombe. Il a beau la regarder avec insistance, cette plume, rien ne se passe. C'est malheureux mais c'est comme ça.



Il y a bien un amour "fou" avec la troublante mais peu convaincante Lysia. Il y a bien un personnage (Georges Bataille) qui devrait insuffler un peu de désir dans ce texte mais ça tombe à plat, aucun feu ne brûle dans cette plume. 'De toute façon, il a décidé qu'il a vu « l'épaisseur du temps » (à nous de la traverser) « Cette chance des géométries inoccupées » (à nous de les occuper). 'De toute façon, « en tout temps », il attend « ce trouble qui déclenche les romans » (à nous de saisir ce trouble).



« Je voudrais que son visage se lève en vous. » Amen.



Je lui suggère (en toute sympathie parce que tout travail acharné mérite de l'empathie) de regarder au loin, vers l'horizon qui est dégagé : des prix littéraires, du papier à disposition malgré la pénurie actuelle, un label. Des appuis. Toute la presse en parle. Il a tout de même très mal assimilé cette notion répétée partout : de même que le sujet d'un tableau c'est la peinture, le sujet d'un roman c'est l'écriture. C'est le problème quand un écrivain est trop exposé médiatiquement avant d'avoir fait ses preuves, mais il n'est pas le seul à pâtir de ce mal du siècle. S'il pouvait enfin comprendre que ce n'est pas en se regardant avec une plume égocentrique écrire des « Il n'y a rien de plus beau qu'un roman qui s'écrit ; le temps qu'on y consacre ressemble à celui de l'amour : aussi intense, aussi radieux, aussi blessant » qu'il peut écrire des livres qui nous galvanisent, ce serait bien pour la suite (ce parallèle entre l'écriture et l'amour qu'il ne cesse d'invoquer me paraît extrêmement préoccupant, mais cela ne nous concerne plus)… Ou alors qu'il écrive simplement des essais des comptes-rendus documentaires et oublie une fois pour toute le roman car le papier est rare, et notre temps après tout (regardons-nous également le nombril, il n'y a pas de raison) l'est tout autant !



Enfin je finirai par cet extrait qui en dit long. « Je n'ai jamais vraiment cru à la différence entre réalité et fiction; elle ne mène qu'à l'assèchement du langage. » Comment est-on passé d'une foi catholique ferme et vigilante à nos Dieux autoproclamés du roman qui nous abreuvent d'intentions et d'injonctions, de désirs invoqués mais non communiqués malgré un effort certain ? Mystère ! Seule la voix du grand menteur-mentor littéraire de notre siècle a la réponse ! L'érudition (malheureusement ou heureusement) ne peut masquer l'absence de foi, le manque d'imagination (malgré cette injonction à imaginer) ne peut donner du relief à une entreprise romanesque dépourvue de feu.



Le roman est mort. Vive l'écrivain Yannick Haenel qui se regarde écrire tout en nous dictant nos impressions d'une voix dogmatique. Cette voix a fini par me lasser malgré les nombreux adoucisseurs semés ça et là sur 420 pages (ces quelques moments de lucidité, ces remarques sur le désir qui appelle le roman et s'éteint, ces quelques petites étincelles de modestie peu convaincantes) !



3/5 pour cette plume laborieuse tout de même !



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La solitude Caravage

Je viens de parcourir ce livre, en passant de nombreuses pages, mais en ne l'abandonnant pas tout à fait. Haenel me fait prendre conscience que ma passion pour la peinture s'est lentement mais sûrement émoussée pour ne pas dire tarie. Pendant de nombreuses années, j'ai eu la chance de visiter les musées à travers le monde. Parfois il m'arrivait de rester plusieurs heures devant un tableau précis pour me fondre dans la toile. Je me souviens du film de Akira Kurosawa « Rêves » où l'on voit un visiteur pénétrer dans un paysage de van Gogh. Et bien c'est un peu ce que je ressentais à ces moment-là. Je me souviens avoir été en arrêt devant une vierge à l'enfant au musée des beaux-arts de Lyon. Un petit maître du quattrocento dont j'ai oublié le nom. Mais cette jeune vierge avait des allures toutes botticelliennes. La manière dont ces peintres du quattrocento avait l'habitude de peindre les voiles translucides recouvrant la poitrine et la tête de Marie m'a toujours profondément troublé. J'en parlais longuement à l'époque avec mon thérapeute. Tout comme Haenel devant la Judith du Caravage, j'ai moi aussi longuement fantasmé devant la sensualité de certaines oeuvres, mes sens me plongeant alors dans un émoi indicible.

Pourtant, le livre de Haenel n'a plus grand-chose à voir avec mes préoccupations culturelles actuelles. Je le déplore mais ma passion pour la peinture a fait place à autre chose. Même s'il m'oblige à fouiller dans les souvenirs d'une époque de ma vie maintenant révolue. Quelques toiles me reviennent en mémoire...
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La solitude Caravage

En sortant de l'église Saint-Louis-des-Français, après avoir admiré encore une fois, les tableaux de la chapelle Contarelli, une petite étape à la librairie française me fait découvrir ce livre de Yannick Haenel, avec en première de couverture un détail de Judith et Holopherne, la belle Fillide Melandroni, modèle de Judith et de Madeleine. Comment résister?



Il faut lire lentement cette magnifique vision caravagesque qu'offre à ses lecteurs Yannick Haenel, partant de ses fantasmes d'adolescent devant le visage et la poitrine tendus de Judith -- mais il ignorait alors à quelle action mystérieuse elle se livrait -- pour trouver son aboutissement à Malte devant la Décollation de Saint-Jean Baptiste, avec cette unique signature de sang que laisse le Caravage, au temps proche de la fin de sa trop courte vie.



Et tout au long de ce livre, le lecteur découvrira la densité de la vie de cet artiste extraordinaire, en cheminant en compagnie de Yannick Haenel à la recherche de la vérité, celle qu'il trouve entre ombre et lumière, entre le rouge et le noir des tableaux du Caravage.



Bien plus qu'une énième biographie du peintre, Yannick Haenel entraîne ses lecteurs dans une méditation où l'érotisme, le profane, le dissolu côtoient le mystère, le sacré, dans une quête mystique de l'auteur pour atteindre Dieu, comme il pense que le Caravage l'a fait à travers ses peintures de Lazare, de la Vierge, de Sainte-Catherine, Saint-Matthieu, sur le chemin d'Emmaüs ou dans les bas-fonds de Rome, Naples, Malte.



Idéalement lu avec à proximité un autre livre permettant de visualiser les tableaux cités, le texte de Yannick Haenel permet au lecteur de sentir le parfum des corbeilles de fruits caravagesques, de percevoir l'érotisme des angelots et surtout de la troublante Judith qui vous fait courir aussitôt au Palazzo Barberini afin de s'imprégner encore de cette lecture que l'on voudrait ne jamais terminer et qui reste en mémoire pour être parcourue encore à la première occasion de voir ou revoir une ou plusieurs des oeuvres de l'immense Caravage.
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Bleu Bacon

Alors que le Centre Pompidou fermera bientôt ses portes pour plusieurs années, Yannick Haenel revient dans Bleu Bacon sur une expérience assez singulière qu'il a pu vivre dans ce temple de l'art moderne et contemporain : passer une nuit seul au milieu de l'exposition consacrée à une rétrospective des œuvres de Francis Bacon en automne 2019.



Connaissant bien Beaubourg et ayant déjà eu l'occasion d'admirer des œuvres de Francis Bacon dans ce lieu, je n'ai eu aucune difficulté à accompagner l'auteur tout au long de son récit que j'ai trouvé très intéressant, car, on ne sait jamais comment le spectateur va réagir lors de cette expérience. Finalement, Yannick Haenel se souviendra longtemps de cette nuit en compagnie des œuvres de ce peintre majeur irlandais au triptyque le plus cher au monde.



Que l'on aime ou non, il est impossible de rester insensible face à une toile de Francis Bacon et Yannick Haenel était loin de se douter où le mènerait cette "aventure initiatique".



Étant amatrice d'art, c'est toujours un plaisir pour moi de me plonger dans la collection Ma nuit au musée publiée par les éditions Stock qui "propose à des écrivains de passer une nuit dans le musée de leur choix". Cela permet de découvrir une nouvelle facette de la personnalité d'auteurs dont on ne connaît généralement que la plume.



Je tiens à en remercier les éditions Stock et Netgalley France pour m'avoir offert la chance de lire un récit passionnant où Yannick Haenel nous partage son expérience et en profite pour évoquer la vie et le travail de Francis Bacon.
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Le Trésorier-payeur

LaBanque est un espace culturel qui accueille des expositions d'art moderne et dont on sort toujours un peu dubitatif quant aux oeuvres vues, tant le lieu, fascinant, est ce qui attire le regard, de la salle des coffres jusqu'aux appartements du directeur. Je n'ai pas vu la première expo qui y fut montée, judicieusement dédiée à Georges Bataille, l'auteur de « La part maudite » qui rêvait d'une dépense pure, improductive et d'une consumation de soi. Or Haenel, qui y participa, apprend à cette occasion l'existence d'un homonyme de l'écrivain qui fut justement trésorier à la Banque de France de Béthune.

Comment ne pas gamberger sur une telle coïncidence ?

C'est donc pleine d'allant que j'ai ouvert ce roman que je referme avec le sentiment d'avoir trouvé mon livre-étalon, celui qui contient absolument tout ce que je déteste en littérature. C'est pourquoi je ne l'ai pas gratifié de la simple étoile qui signale la daube - c'était une épiphanie.

Je ne sais plus quel formaliste russe affirmait que la littérature commence quand on écrit non que l'héroïne est distraite mais qu'elle met son gant gauche à sa main droite, quand il s'agit pour l'auteur moins d'affirmer que de laisser une place au lecteur. Haenel, au contraire, s'enferme dans un face-à-face avec son personnage et nous explique ce qu'il pense, ce qu'il écrit, fait le texte et l'analyse du texte, parce que, bien sûr, le banquier Georges Bataille n'est pas différent du philosophe Georges Bataille, et vas-y que je te tartine sur le système de la dépense entre accumulation mortifère et gaspillage fécond.

Ah, parce que ça oui, ça tartine. L'art comme plus court chemin entre l'idée et sa manifestation n'est pas l'objectif de Haenel qui est plutôt dans l'optique de rendre la meilleure dissertation possible. Comme l'argumentation n'est pas son fort, il répète en se disant que la répétition vaut démonstration. Donc Haenel explique comment l'exposition sur Bataille l'a inspiré (théorie de la dépense, première). Puis Bataille le personnage explique à son meilleur ami qu'il va s'orienter en économie (théorie de la dépense, deuxième). Puis il fait un exposé dans son école de commerce (théorie de la dépense, troisième). Puis il rencontre son supérieur à qui il ouvre son coeur (théorie de la dépense, quatrième). […] Puis il écrit ce qu'il pense de la dépense (théorie de la dépense, dix-septième). […] Puis il récapitule ce qu'il a écrit in petto en se demandant ce qui a bien pu effrayer sa copine qui a lu ses carnets (théorie de la dépense, vingt-deuxième). Puis… Évidemment, seule la formulation change, Bataille a presque tout compris dès le départ. À la fin, il il découvre que le don le plus gratuit consiste à aimer et que c'est super d'être amoureux. On est d'accord.

Parce que si le roman se contentait d'être une dissertation sur Bataille, ce ne serait pas le pire. Mais Haenel poétise et là encore, comment dire?, ça clichetonne vraiment à tout va. C'est un festival d'images précieuses avec des « feux », des « rosées du matin » et des « filigranes sacrés ». Mais ça ne veut rien dire. Tiens, ça, par exemple: « On dit que ceux qui ont vu les Mystères d'Éleusis rient et pleurent comme avant d'avoir été initiés, mais qu'à travers leurs rires et leurs larmes une autre lumière brille, aussi discrète que cette teinte rose qui colore les ailes des tourterelles ; et cette lumière change tout. » La superposition des images, ça fait riche, mais ça ne parvient pas à masquer la platitude de l'idée.

Et enfin, le pire: la belle histoire du banquier anarchiste qui découvre la charité se heurte à une idéologie bien rance. Bataille, qui découvre le surendettement, décide d'aider un couple acculé par les dettes (tiens, le cliché ça me gagne). Évidemment, ils sont incapables de s'exprimer «  ouvrant simplement la bouche pour se nourrir de chips et de barres chocolatées dont les emballages vides débordaient des poches de l'homme. » Et, deux lignes plus loin: « Massif, les cheveux longs et filasse, une longue barbe négligée, tout enfoui dans sa parka qu'il n'avait pas déboutonnée, il n'ouvrit pas la bouche, sauf pour grommeler, lorsque Bataille lui demanda son nom, que tout le monde l'appelait le Polonais. » On notera que si le pauvre ne sait pas qu'il faut toujours déboutonner le bas de sa parka, Haenel semble ignorer qu'on appelle rarement quelqu'un « le Polonais » à Béthune (ou alors il faudrait ajouter un numéro). Mais Bataille n'aide pas n'importe qui (ah ben non): « […] en étudiant le dossier de chaque endetté, il évaluait son degré d'honnêteté: il était capable de distinguer ceux qui dilapidaient et ceux qui survivaient. Il y a deux sortes de ruines, dit-il, celle qui vient du vice et celle qui vient du malheur. » Notre trésorier-payeur écarte donc ceux qui auraient acheté un écran plat avec l'allocation-rentrée et laisse à la disposition des pauvres vertueux la jouissance de sa buanderie [sic] pendant qu'il vit seul dans une immense maison acquise pour pas cher parce que bosser à la Banque de France donne de menus avantages « à commencer par un taux dont il serait aisé de fixer le pourcentage d'une manière attractive ». Et il a bien fait, Bataille, de se laisser aller à la charité, parce que le Polonais et sa dame sont bien reconnaissants: « Ils semblaient ne pas y croire, et traversaient le parc en se faisant tout petits. Corinne Walski ne cessait de remercier Bataille ; quant à son mari, il avançait silencieusement, chargé de gros sacs en plastique, la tête baissée, voûté, recroquevillé à l'intérieur de sa parka, comme s'il voulait s'effacer.  » On se croirait dans la scène des Comices chez Flaubert: « Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis ce demi-siècle de servitude. »

Ça me met vraiment en rogne, ce pseudo-roman sur la dépense et le don, la générosité et l'ouverture aux autres, qui ne parle jamais que d'un bourgeois s'achètant une bonne conscience à bas prix ( à l'image de son meilleur ami brocanteur qui achète des armoires du XVI° en mentant à leurs propriétaires sur leur valeur véritable): à la fin du roman, le héros possède thunes et amour et se prend pour un rebelle parce qu'il loge quelques malheureux dans sa buanderie et gamahuche madame à l'arrière de sa Mercedes. Et c'est cette charité cul serré qui est censée nous parler de l'extase du don!
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Les petits soldats

Dans les années quatre-vingt, un jeune garçon, Jean Dorseuil, entre en Seconde au Prytanée militaire de La Flèche. Nous suivons son parcours jusqu’au bac dans cette institution ● Ce roman m’a rappelé La Classe de rhéto d’Antoine Compagnon, sur le même sujet exactement, mais se passant vingt ans avant dans les années soixante. En vingt ans, rien n’a changé au Prytanée, ce sont les mêmes méthodes militaires, les mêmes brimades, la même ambiance, et l’on peut se demander ce qu’il en est aujourd’hui. ● C’est le premier roman de Yannick Haenel et son style est beaucoup trop travaillé, c’est de la triple crème bien indigeste. On peut reprendre pour rendre compte de son style la phrase qu’il emploie pour désigner certains livres : « Des pages et des pages, bien dodues, pétantes d’adjectifs, avec des sentences d’Académie à vous faire sonner des médailles. » S’il y a quelques bonheurs d’écriture par-ci par-là l’ensemble relève d’une écriture de tâcheron qui manque d’élégance et de fluidité et le travail se voit beaucoup trop. En particulier, l’auteur abuse du pluriel de noms abstraits dont on trouve des occurrences à toutes les pages : des voluptés, mes vertiges, des vanités, ses prestiges, des puérilités, nos solitudes, mes faiblesses, etc. La densité du style rend impossible toute intrigue et le récit s’englue dans l’afféterie d’une prose hypertrophiée.
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À mon seul désir

«  Au cœur d'une œuvre d'art, il y a cette puissance : une puissance poétique – un POÈME. C'est ce poème que j'ai entendu lorsque, les premières fois, je suis venu voir les tapisseries. »



Je suis bien d'accord. Toute œuvre d'art est un poème. Un poème propre à chacun.

Pour Yannick Haenel, ce poème se tisse d'une volupté infinie, d'une féminité absolue, d'une solitude harmonieuse mais surtout de désir.





Son livre n'est pas un poème. Ce n'est pas non plus un roman. Il est juste un prétexte pour traduire en mots son ressenti face aux six célèbres tapisseries conservées au musée de Cluny.

Le mot « ressenti » est bien trop faible, cependant, pour exprimer ces écrits. Il faudrait plutôt parler d'un état extatique.



Avec Yannick Haenel, les tapisseries de la Dame à la licorne prennent une dimension sensuelle très vive, et n'ayons pas peur de le dire car même l'auteur ne s'en défend pas – bien au contraire – ces tapisseries se révèlent sous un angle érotique, pur et délicat.



Les femmes des six tapisseries se révèlent tour à tour comme ses compagnes de jour et de nuit. Elles sont à la fois différentes et si semblables. Et si elles n'étaient qu'une seule femme ? Quoiqu'elles soient, pour l'auteur, ces femmes et ce rouge très prégnant qui les submerge symbolisent le désir.





Ce texte très poétique est avant tout une réflexion personnelle découlant bien sûr de son observation des tapisseries mais reposant également sur des citations de nombreux auteurs et artistes. (Heidegger, Lautréamont, Rilke, Cézanne, Rimbaud et d'autres encore)

On peut y adhérer...ou pas. Pour ma part, j'ai aimé la façon dont il présente les tapisseries mais beaucoup moins apprécié la fin de ce court livre où il n'est plus question du tout des dites tapisseries. Ne me demandez pas d'ailleurs de quoi il s'agit. Mon attention s'est dissipée à cet instant et je suis bien incapable de vous dire ce que l'auteur a essayé de démontrer à la fin du livre !





Je ne sais plus du tout ce qui avait motivé l'achat de ce livre. Toujours est-il que cette lecture singulière de La dame à la licorne m' a montré cette œuvre sous un autre angle et qu'en cela, c'est toujours enrichissant ! D'autre part, de nombreuses pages présentent des vues différentes des six tapisseries illustrant à merveille les propos de l'auteur, ce qui rend la lecture très agréable !





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Bleu Bacon

« Je me tiens dans l’intervalle enchantée entre peinture et littérature. »



Le Covid et son enfermement général n’avait pas encore frappé en ce mois d’octobre 2019 quand, à l’invitation d’Alina Gurdiel, Yannick Haenel prenait son tour d’Une nuit au musée pour un enfermement volontaire au Centre Pompidou à l’occasion de l’expo « Bacon en toutes lettres ».



Une nuit, quelques heures, seul à seul face aux 42 toiles d’un maître qu’il vénère. Expérience enthousiasmante autant qu’inquiétante, au point qu’Haenel est d’abord terrassé par une migraine ophtalmique qui le plonge dans le noir et l’empêche de s’attaquer aux tableaux.



Un noir qui sous les effets apaisants du Tramadol devient révélateur et alors « la peinture éclaire la nuit. ». Haenel entre ainsi dans « une expérience de saisissements » et se laisse aller à « la béance que les tableaux de Bacon ouvrent en moi. »



Les pièces se succèdent ; les tableaux s’enchaînent ; le choc et la violence opèrent : « Bacon provoque ça chez celui qui le regarde : il lui cisaille les yeux. » ; Et Haenel de se faire cisailler par Water from a Running Tap ou Œdipe et le Sphinx.



Comme souvent dans cette collection (que j’adore, vous l’ai-je déjà dit ?), l’expérience fait remonter les souvenirs, l’enfance et la famille, ouvrant l’espace intime de ses auteurs. Pour Haenel, ce sera la baleine de Melville, sa jeunesse africaine et ses rites mystérieux ou son Renard déifié.



Bercé par l’élégance et la profondeur du style de Haenel (une première pour moi), j’ai plongé dans ce Bleu Bacon avec délice, et ai même regretté d’en sortir aussi vite, là où j’aurais bien pris 100 pages de plus.



Car son écriture réussit à révéler la peinture, à moins que ce soit la peinture qui sublime son texte. Haenel ne tranche pas, préférant rester dans « l’intervalle enchantée » de ces deux arts. Et on en redemande !



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Jan Karski

Ce livre de Yannick Haenel est un roman, et doit être lu comme tel. Car c’est évident que, sur le plan historique, je comprends un peu ses détracteurs . Particulièrement quand il met presque sur le même plan de responsabilité le régime nazi et les alliés dans l’extermination des Juifs.. Même si ses arguments géopolitiques tiennent la route à la lecture, c'est aller trop loin. Mais peu importe, finalement, Yannick Haenel a le droit d'écrire ce qu'il veut et d'introduire sa propre sensibilité dans ce personnage qui a eu un parcours tout à fait hors du commun .



Quel courage et aussi quelle chance.. C'est raconté dans les deux premiers chapitres avant que le romancier ne laisse libre cours à son imagination ,et surtout à son indignation, dans la dernière partie du livre.

C’est vrai que cette dernière partie- et la polémique qui a suivi - incite à en savoir plus sur ce qu’a réellement vécu et raconté Jan Karski ,de son rôle de messager. Je ne l’ai pas fait suffisamment , c’est certain, mais , dans ce que j’ai lu , il m’a quand même semblé que Claude Lanzmann n’était pas très bien placé pour hurler au mensonge , lui-même ayant censuré dans Shoah une bonne partie du témoignage de Karski..



Bref, tout cela est source de débat légitime, reste le roman qui l’est aussi et dont j’ai aimé cette troisième partie et ce qu’elle évoque de douleur, de rage, de constatations lucides sur l’impossibilité de transmettre , de faire comprendre et même simplement imaginer ce qui n’est ni compréhensible ni même imaginable. Du moins n’était.



Un petit extrait , c’est de la fiction, bien sûr, mais cela sonne tellement vrai..!



"Il y avait parfois des moments cocasses; je me souviens d’une vieille dame couverte de perles et de rubis, qui s’était jetée sur moi pour me dire qu’elle venait de lire la scène où la Gestapo me torture, et qu’il n’y avait rien de plus beau que cette scène: le moment où on me torture, c’est magnifique. Après chaque conférence, j’étais invité à dîner , et chacune voulait me montrer combien elle était désolée pour moi. Au fond, ce qui les touchait, ce n’était pas le fait qu’on extermine des Juifs en Europe, c’était que je sois si malheureux. C’est moi qui les touchais, pas le sort des Juifs, encore moins celui de la Pologne. Bien sûr qu’elles trouvaient ça affreux, bien sûr qu’elles voulaient que les nazis arrêtent ces horreurs; et puis certaines de ces femmes étaient juives et avaient de la famille en Europe. Mais, bizarrement, lorsque je parlais des Juifs, c’est moi qu’on plaignait. Au fond, ce que ces femmes écoutaient, ce qu’elles aimaient, c’était ma souffrance. Je sentais qu’elles voulaient faire quelque chose pour moi, me consoler, peut-être me guérir.."







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Jan Karski

Varsovie, 1942. Jan Karski polonais en résistance est chargé d'alerter les alliés de la folie génocidaire nazie. Tandis que la Pologne agonise et alors Karski à réussi à pénétrer dans le ghetto pour prévenir ses habitants, Karski se rend à Londres, aux Etats-Unis rencontrer Roosevelt mais il échouera dans sa mission. Personne ne croira à sa vision des faits en 1942;

C'est cette histoire que raconte Jan Karski dans le monumental film de Claude Lanzmann "Shoah".

Haenel choisit d'offrir trois aspects de ce que fut le parcours de Jan Karski, en s'appuyant sur le film, en synthétisant le récit que Karski lui-même révéla en 1944 puis en imaginant le périble de celui qui fut reconnu comme un juste. C'est d'ailleurs sur cette partie fictionnelle que Haenel a subit de virulentes critiques de Lanzmann ou de Vierworka.

Haenel avec ce livre pose une question fondamentale est-ce que la littérature peux servir à témoigner quand les témoins ne sont plus ?

A le lire la réponse est évidemment oui, et dans un style dépouillé , Haenel rend un hommage sincère et vrai à cet homme qui devant son échec sombra dans le mutisme, jusqu' a sa disparition en 2000.

Un homme qui à son nom gravé au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.

A lire pour ne pas oublier.

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Jan Karski

Cette lecture achevée, j'ai interrogé, comme de coutume, internet pour plus de détails, et j'ai trouvé la véhémente critique de Claude Lanzmann qui réalisa le très long film documentaire Shoah en 1985 constitué de nombreux témoignages des victimes de la Shoah, et de prises de vues sur les lieux où se déroulèrent ces tragédies.  Lanzmann, reproche à l'auteur Yannick Haenel , d'avoir eu l'outrecuidance d'avoir plagié les dialogues de son film sans en avoir demandé l'autorisation.  Philippe Sollers, directeur chez Gallimard de la collection L'Infini (Yannick Haenel a été plusieurs fois édité dans cette collection) , précise "que l'épreuve de ce texte lui a été soumis, ce que conteste Lanzmann". De son côté, Haenel se justifie en revendiquant la liberté du romancier. C'est effectivement ce côté romancé qui me gène dans cet ouvrage, la réalité se suffit pour dire les atrocités constatées et que "la parole redonne vie aux morts".
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Tiens ferme ta couronne

Ce livre m'a fait vivre une expérience étonnante : je vous la raconte en deux mots.

D'abord, j'ai pesté : je ne comprenais rien ou pas grand-chose. Le propos, métaphorique, allégorique, philosophique, symbolique me laissait plus ou moins à la porte. J'avais beau vouloir entrer, rien à faire. Il me semblait parfois m'approcher du but : tiens, c'est peut-être une quête de la Vérité dont il est question. Oui mais quelle Vérité ? N'y a-t-il qu'une Vérité ? Non, c'est plutôt l'histoire d'un looser halluciné, paumé et frappadingue (c'est lui qui le dit), vivant en marge d'une société plutôt violente, un homme qui chercherait à atteindre une espèce de royaume (perdu?) où régnerait encore l'innocence. Oui, c'est plutôt ça, une espèce de parcours spirituel vers une forme de pureté qui n'existe plus dans notre monde sinon sous forme de traces, notamment dans l'Art et peut-être aussi dans la beauté de la nature. Encore faut-il être capable de la voir, cette beauté, qui peut n'apparaître que de façon fort éphémère. « Lorsque l'on agit contre son propre intérêt (lorsqu'on se sabote), [comme le fait le narrateur] c'est toujours par fidélité à une chose plus obscure dont on sait secrètement qu'elle a raison. »

Contente de mes interprétations, je retombai cependant quelques pages après dans des sphères plus ou moins nébuleuses dans lesquelles je poursuivis ma lamentable errance.

Bon, très bien, me suis-je dit, si tu me résistes, sacré bouquin (oui, oui, il a quelque chose à voir avec le sacré ce bouquin!), je vais t'avaler d'UN COUP comme un verre d'alcool un peu fort (d'ailleurs notre narrateur picole pas mal dans le livre, de la vodka notamment).

Et je l'ai lu d'une traite cherchant ainsi à dompter l'animal sauvage (il est aussi question d'animaux sauvages dans le livre!)

Et là, MIRACLE, tandis que je voulais au plus vite en sortir, j'y suis rentrée. En effet, alors que j'avais cessé depuis longtemps de chercher un sens à tout, tout me parlait. J'étais sous l'emprise.

Je pense donc que c'est un roman dans lequel il faut se plonger en se laissant porter par l'écriture sans s'interroger sur la moindre formule. Certains passages sont éblouissants d'ailleurs. Il ne faut pas lire ce roman par à-coups, une page par-ci, deux pages par-là. Le charme n'opère pas.

Bon, venons-en au sujet : le narrateur, 50 ans, vit seul dans un petit studio parisien dont il sort très peu. « ...ma vie, que je croyais une aventure, tournait autour de mon ordinateur, devant lequel j'étais posté dix heures par jour, autour de mon frigo, qui était inlassablement vide, et de quelques bars de Gambetta… où j'allais m'enivrer en racontant n'importe quoi à n'importe qui. » Il est « un type qui n'a aucune ambition - ou qui la place dans un lieu que la société ne répertorie pas », il occupe ses journées à lire ou à regarder des films de façon obsessionnelle, notamment Apocalypse now de Coppola qui tourne chez lui en boucle.

Il a écrit un scénario de sept cents pages sur la vie d'Herman Melville : The Great Melville qu'aucun producteur n'a retenu. En effet, l'auteur de Moby Dick le fascine, et notamment, « l'immensité qui peuple la tête d'un écrivain comme lui. »

Lorsqu'on le lui demande, le narrateur précise que son travail porte sur « l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville », ce qui évidemment fait fuir tout le monde ! Il faut dire que ce garçon se pose beaucoup de questions comme s'il portait en lui une forme de grandeur, d'absolu qu'il rechercherait, une espèce de vérité (attention, c'est là que ça se corse et que l'on décolle) que l'on atteindrait par exemple par l'art, à condition de vouloir consacrer à cette quête spirituelle une grande partie de sa vie, ce qui suppose que l'on n'entre pas tout à fait dans le moule proposé par la société : travail, réussite sociale, famille, enfants… car il faut rester « disponible » et « pur » d'une certaine façon, être capable de percevoir les signes de la vérité, d'où la nécessité d'avoir l'esprit (et la vie qui va avec) libre !

Encore faut-il savoir ce que l'on veut faire de sa vie ! Tiens, finalement, c'est peut-être ça la question essentielle de l'oeuvre… Sait-on ce que l'on veut faire de sa vie ? Est-on capable « de vivre dans la vérité ? »

Or, d'après une phrase de Melville, « en ce  monde de mensonges, la vérité est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc effarouché » et donc, il faut la traquer, en rechercher les traces, partir à sa poursuite. Il va donc tenter d'entrer en contact avec Michael Cimino, réalisateur du Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter = le chasseur de daim), un homme qui cherche le scénario « qui saura attirer Dieu dans ses pages ». Le narrateur est persuadé que ce réalisateur le comprendra puisque dans ce film ci-dessus cité, un chasseur joué par Robert de Niro poursuit un daim qu'il ne tue pas finalement. Or, ce daim serait « le survivant d'un monde régi par le crime, il témoigne d'une vérité cachée dans les bois » et il tiendrait tête à la criminalité qui a envahi le monde. Le moment suspendu où le chasseur ne tire pas symbolise une espèce de moment de grâce, de vérité : soudain et seulement à cet instant précis, le mal n'existe plus, le crime s'interrompt sur terre et une forme de pureté semble retrouvée. Seulement, ce moment de vérité, encore faut-il être capable de le voir, de l'entendre.

« La vérité n'est pas un concept immuable, elle apparaît et disparaît, c'est une épiphanie, elle n'existe qu'avec l'éclair qui la rend possible. »

Michael Cimino incarnerait donc celui qui a eu le courage de dénoncer « le secret de la fondation de l'Amérique, son destin criminel : les génocides des Indiens, la démence de l'impérialisme militaire au Vietnam, et tous les crimes sur lesquels était fondée en secret la démocratie. » Cimino est celui qui dit la vérité, il est le daim blanc et son œuvre en garde la trace.

Et c'est vers cette vérité que notre narrateur va avancer dans une quête complètement folle, pleine de mésaventures archi-loufoques : il croisera Isabelle Huppert, rencontrera Cimino à New York, devra s'occuper de Sabbat, le dalmatien de son voisin, discutera avec une concierge peu aimable et visitera en bonne compagnie le Musée de la Chasse. « La vérité ne fuit pas les rois qui l'aiment et qui la cherchent. Au contraire, elle fait signe partout, il suffit d'ouvrir les yeux, de lire les livres, d'écouter ce que le temps vous dit. », alors, s'il est un roi et s'il tient ferme sa couronne, peut-être la trouvera -t-il…

Finalement, je crois que c'est une œuvre qui me restera si j'en crois le besoin que je ressens déjà de relire régulièrement certains passages… Ça valait donc le coup d'insister et de tenir ferme… son livre !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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