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Chéri

J'ai lu avec plaisir ce roman de Colette que je n'avais jamais lu : et dire que c'est considéré comme un signe de modernité pour une femme d'être une couguar !



Nous sommes au début du XXème siècle, dans un milieu, voire une petite coterie de demi-mondaines sur le retour, qui ont réussi financièrement. Léa, ancienne courtisane qui mise aujourd'hui sur les pétroles a 49 ans, et s'est confortablement installée dans une liaison de 6 ans avec Chéri, ou Fred Peloux, fils de son amie (ou meilleure ennemie) Charlotte. Elle a vu grandir "le petit" depuis qu'il est revenu du collège chez sa mère à 12 ans, il est devenu son amant à 19 ans. Léa est une belle femme, mais combien de temps encore lui plaira-t-elle ?



Le roman est habilement construit, puisqu'il débute de plain-pied dans un après-midi paresseux chez Charlotte, avec une autre amie de longue date et sa fille. A ce stade, Léa n'est pas vraiment éprise de Chéri, elle a des habitudes agréables avec lui et une forme de "maternité dévoyée" pour son "méchant nourrisson". Indépendante et jouisseuse, Léa est bien entourée et ne se pose pas tant de questions sur son âge, et encore moins sur sa féminité. Elle a toujours eu les hommes qu'elle voulait et ne craint pas vraiment de rivales. Mais Chéri va sur 25 ans, et il est question qu'il se marie, ce qui confronte Léa à un questionnement existentiel qu'elle préférerait éviter, et que du reste elle va fuir, en partant en villégiature dans le Midi, sans donner aucune nouvelle pendant trois mois, ce qui rend Chéri comme fou. Leurs retrouvailles scelleront-elles une reprise de leur liaison ou une nouvelle vie l'un sans l'autre ?



J'ai toujours aimé Colette, mais surtout ses romans contemplatifs ou ses souvenirs, comme Sido, ou encore la série des Claudine, que j'ai lue intégralement. Ses romans "faciles" m'apparaissent plus insipides, et surtout, si son écriture est toujours belle et évocatrice, qu'on entre bien dans ses livres, qu'on s'y sent bien le temps de la lecture, l'art du dialogue est un peu défaillant chez elle, ce qui fait que les expressions à la mode datent maintenant. J'ai du mal à considérer les relations entre les personnages et leurs échanges comme naturels ou spontanés. Toutefois, les sentiments de Léa envers Chéri sont touchants et un peu ironiques, on le voit avec ses yeux, et j'avoue avoir eu du mal à concevoir un équivalent aussi accompli de beauté masculine, sinon un beau mannequin ténébreux, ou peut-être un Timothée Chalamet ? Colette a toujours le talent de décrire les "bonheurs du corps", la gourmandise, l'amour, les beaux objets, les vêtements, sa plume a une dimension sensuelle qui fait du bien le temps de sa lecture. Si je trouve la suite, La Fin de Chéri, je la lirai volontiers.
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Oscar et la dame rose

Cette œuvre de Eric-emmanuel Schmitt est magnifique. Une véritable leçon de vie ainsi que d'écriture et d'intrigue. Un récit avec si peu de défaut est rare. Malgré les courtes pages, les personnages possèdent une véritable profondeur. Pour chaque personnage, aussi vivant soit-il, l'attachement nous transcendant par son réalisme.
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Une vie

Autres temps, autres moeurs, nous sommes au XIXème siècle.

Le baron Simon-Jacques le Perthuis des Vauds « disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau » a placé sa fille, Jeanne, au couvent du Sacré-Coeur à Rouen.



« Elle était demeurée jusqu'à douze ans dans la maison, puis, malgré les pleurs de la mère, elle fut mise au Sacré-Coeur. Il l'avait tenue là sévèrement enfermée, cloîtrée, ignorée et ignorante des choses humaines. Il voulait qu'on la lui rendît chaste à dix-sept ans pour la tremper lui-même dans une sorte de bain de poésie raisonnable ; et, par les champs, au milieu de la terre fécondée, ouvrir son âme, dégourdir son ignorance à l'aspect de l'amour naïf, des tendresses simples des animaux, des lois sereines de la vie ».



Jeanne, à dix-sept ans, sort du couvent et rêve de vivre. Elle idéalise la vie. Elle demande, sans plus attendre, malgré la pluie à verses, d'être conduite, dans les environs d'Yport, au château des Peupliers, que le baron a fait restaurer et embellir pour lui léguer.



Jeanne à la naïveté désarmante, prête autant à rire qu'à pleurer, plutôt à pleurer car sa vie est une suite de déconvenues où les rares moments de grâce sont suivis de disgrâce.



Je me suis livrée enchantée aux délices de la belle plume de Guy de Maupassant, où les longues descriptions de la campagne normande correspondent aux sentiments de Jeanne, anticipent l'intrigue et font office d'analepses et prolepses. L'immersion est immédiate. le récit, sous forme de quatorze chapitres, est comme un feuilleton addictif dont on brûle de connaître la suite.



Cependant, à l'heure des bilans, le sortilège s'est estompé.



La personnalité de Jeanne est touchante et vraisemblable, si elle n'était poussée à des extrêmes. Elle espère tout de l'amour dont elle ignore tout. N'ayant reçu aucune éducation sexuelle, elle s'étonne qu'après son mariage que son mari lui demande à être sa femme :



« Julien effleura son oreille de sa bouche :

– Ce soir vous serez ma femme.

Quoiqu'elle eût appris bien des choses dans son séjour aux champs, elle ne songeait encore qu'à la poésie de l'amour, et fut surprise. Sa femme ? ne l'était-elle pas déjà ? ».



La nuit de noces s'avère une torture.



Déçue par Julien, elle reporte tout son amour sur Paul, son fils, de façon possessive et exclusive, elle commet la même erreur éducative que le baron envers elle-même.



Malgré tous ses déboires, Jeanne reste foncièrement bonne.



De façon générale, les personnages sont stéréotypés. Guy de Maupassant cherche essentiellement à peindre les travers de son époque.



Je suis peinée par la façon de traiter la tante de Jeanne, Lison, qui est vieille fille.



« Quand on prononçait « tante Lison », ces deux mots n'éveillaient pour ainsi dire aucune affection en l'esprit de personne. C'est comme si on avait dit « la cafetière ou le sucrier ».



L'auteur souligne le ridicule de la noblesse normande.

« Jeanne et Julien considéraient ce présent royal quand entrèrent le marquis et la marquise. La femme était poudrée, aimable par fonction, et maniérée par désir de sembler condescendante. L'homme, gros personnage à cheveux blancs relevés droit sur la tête, mettait en ses gestes, en sa voix, en toute son attitude, une hauteur qui disait son importance ».



Rosalie, la domestique, est présentée comme simple d'esprit.



« Rosalie, un paquet sur les genoux, songeait de cette songerie animale des gens du peuple ».



Le chargé de recouvrer une dette est un juif qui parle dans un charabia incompréhensible.



« le Juif expliqua longuement qu'il s'agissait d'une dette de jeu devant être payée le lendemain avant midi, que Paul n'étant pas encore majeur, personne ne lui aurait rien prêté et que son « honneur été gombromise » sans le « bétit service obligeant » qu'il avait rendu à ce jeune homme ».



La satire devient particulièrement virulente envers l'église.



« L'abbé Tolbiac, de temps à autre, anathématisait en des allusions directes le château hanté par l'Esprit du Mal, l'Esprit d'Éternelle Révolte, l'Esprit d'Erreur et de Mensonge, l'Esprit d'Iniquité, l'Esprit de Corruption et d'Impureté. Il désignait ainsi le baron.

Son église d'ailleurs était désertée ; et, quand il allait le long des champs où les laboureurs poussaient leur charrue, les paysans ne s'arrêtaient pas pour lui parler, ne se détournaient point pour le saluer. Il passait en outre pour sorcier, parce qu'il avait chassé le démon d'une femme possédée. Il connaissait, disait-on, des paroles mystérieuses pour écarter les sorts, qui n'étaient, selon lui, que des espèces de farces de Satan. Il imposait les mains aux vaches qui donnaient du lait bleu ou qui portaient la queue en cercle, et par quelques mots inconnus il faisait retrouver les objets perdus ».



Je me suis amusée avec la scène de la gare, qui se déroule en 1852, puisque la ligne Paris – Rouen - Le Havre a été inaugurée en 1846.



« Depuis six ans, ces chemins de fer, dont on parlait partout, fonctionnaient entre Paris et Le Havre. Mais Jeanne, obsédée de chagrin, n'avait pas encore vu ces voitures à vapeur qui révolutionnaient tout le pays.

[…] Elles attendirent devant ces lignes de fer, cherchant à comprendre comment manoeuvrait cette chose.

[…] Enfin, un sifflement lointain leur fit tourner la tête, et elles aperçurent une machine noire qui grandissait. Cela arriva avec un bruit terrible, passa devant elles en traînant une longue chaîne de petites maisons roulantes.

[…] Un coup de sifflet partit encore, et tout le chapelet de voitures se remit à rouler doucement d'abord, puis plus vite, puis avec une rapidité effrayante ».



Nous pouvons faire certains rapprochements entre Une vie et des éléments autobiographiques de la vie de Guy de Maupassant.



L'auteur est né en 1850 au château de Miromesnil près de Dieppe. Il passe une partie de son enfance à Étretat. Il est chassé du séminaire d'Yvetot et termine ses études au lycée de Rouen. Il fréquente les milieux mondains.

Il a une affection particulière pour la Corse où Jeanne et Julien font leur voyage de noces, un des rares moments de bonheur de couple.

Sa mère, amie de Gustave Flaubert, est férue de littérature. La baronne de Le Perthuis des Vauds, mère de Jeanne, lit aussi : Corinne, Walter Scott.



Une vie son premier roman, publié en 1883, lui aurait pris six ans d'écriture.



Un bon thriller, très visuel, servi par un style élégant.



Deux petites citations bucoliques :



« Seuls quelques crapauds mélancoliques poussaient vers la lune leur note courte et monotone ».



« le soleil baissait vers l'horizon, inondant de clarté les plaines verdoyantes, tachées de place en place par l'or des colzas en fleur, et par le sang des coquelicots ».



Les bémols sont le manque d'originalité, la noirceur des propos et certains raccourcis narratifs au milieu de longs cheminements.
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