j'en avais suivi les prémisses sur twitter - suite de sentences qui apportent à l'idée d'en finir la petite touche salubre d'ironie (qui ne dissuaderait que ceux pour lesquels c'est velléité, les autres pouvant aussi être retardés par la recherche de l'heure adéquate afin de ne pas gêner trop d'usagers, qui pourrait être celle du dernier métro, celui où une partie d'un wagon est réservé à la collecte à chaque station, s'il n'y avait immédiatement culpabilité envers les silhouettes lasses et effondrées qui le hante), et qui, par le regroupement des éléments par personnages, les notes ajoutées et la circulation créée de textes en notes, et les renvois de celles-ci à d'autres groupes de sentences, les choix ouverts chaque fois, est un nouveau livre (lire la présentation qui en est faite et qui retrace l'élaboration de ce qui est vraiment non plus un livre numérisé mais réellement « littérature numérique » (et admiration pour le boulot que cela a dû être))
On peut partir de « celui (ou celle) qui... dit « regarde » sans pour autant guider »
et comme il y en a deus, choisir le premier
« comprends-moi : je dois lâcher ta main car elle me brûle : tu vas devoir aller sauter tout seul 68, ou en tout cas sans moi »
cliquer sur 68 : « Sans peau pour me guider, sans corps devant le mien pour faire écran aux autres, comment saurais-je où fondre et même où sauter ? (Celui ou celle qui suit sans se poser de question) »
et de la même façon arriver chez … sans se poser de question, choisir, cette fois, le second, et lire :
« on a tagué au sol des flèches 242 pour savoir où : pour savoir où sauter »
242 : « Encore quelques mètres, quelques pas, quelques minutes... On y est presque (Celui ou celle qui a les jambes lourdes)
soit, le seul :
« tout piétiner 12 dans ces couloirs : humeurs, visages & même 13 marches d'escalier »
lire : 12 : « Mais moi qui n'ai pas les bonnes chaussures, comment faire ? (Celle qui se loupe) »
le négliger et regarder :
13 : « Même ! (Celui ou celle qui voudrait être optimiste mais qui peine) »
qui donne le choix entre
« cette saloperie de ligne 14 265, véritable empêcheuse de suicider en rond »
et
« tout est passé au broyeur, le vide recouvre tout ; ne me reste que l'envie incomplète 266 de m'arracher le visage »
et cela peut continuer, avec sourire tendrement noir, avec grimaces, avec face murée, pendant long longtemps comme un désir d'en finir avec lequel on s'installe dans la vie.
drapeau
Mais après le dernier de ceux qui sont déjà morts
« le même mec prend, chaque jour, depuis le train, la photo (88) d'un pont depuis lequel il s'est tué, il y a longtemps (89) »
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La dernière strate est ici, maintenant, et prend la forme d’un livre papier. S’il fallait le définir, sans doute faudrait-il écrire ici qu’il s’agit d’un roman en pièces détachées. Il y a un monde littéralement sous terre qui existe et qui vit avec nous, sans nous. C’était une autre contrée à traverser, elle s’est retrouvée à proliférer par elle-même, dans les notes de bas de pages, repensées pour cette édition.
De manière à ce que l’on puisse, au choix, ou simultanément, cheminer dans le désordre initial de la polyphonie ou avancer linéairement. En haut ou en bas. En surface ou dessous. Une grande partie des notes a été réécrite, voire réinventée, pour donner écho aux vies souterraines de nos villes. N’importe quelles villes. Elles sont comme nous : elles inventent, elles respirent. Peut-être Accident de personne, durant ces quelques années d’écriture, désécriture, réécriture, a-t-il su en cristalliser quelques bribes, quelques bris… Sans oublier les cris. Ce livre est plein de cris. Cette histoire (ces histoires) est celle de celles et ceux qui sont au bord, de vivre, mourir, essayer quelque chose.
De s’enfuir, aussi. On est là avec eux, avec elles. On hésite.
CELUI OU CELLE QUI… EST À BOUT
–
hurle tellement fort que mon visage fissure : on a tiré le signal d’alarme en pleine marche & on dirait que c’est moi (080)
–
on arpente les voies pour mieux voir, mieux vivre, mieux violenter les voix qui tapent à l’intérieur (081) des images comestibles
–
quand la nuit tombe (082), quand les trains fusent, mes tripes se tournent : je suis malade de vouloir l’être (083)
–
je paye plus mes factures, on m’a coupé les ponts (084) : si j’arrête mon abonnement SNCF le train va-t-il piler (085) devant ma tête offerte ?
080 L’autre est un jeu. – CELUI OU CELLE QUI DIT « REGARDE » SANS POUR AUTANT GUIDER
081 Si on scannait directement les crânes de ceux qui n’en peuvent plus, pourrait-on déjà voir, prisonniers sous les courbes, les schémas illustrés de leur pathologie ? – CELUI OU CELLE QUI THÉORISE
082 Tenez-bon : la nuit nous emporte. On suit ses canots, on s’enfonce loin dans ses artères. On est sur la bonne voie. – CELUI OU CELLE QUI S’ACCROCHE À LA NUIT
083 Mais l’a-t-on seulement déjà été ? – CELLE QUI USE DE L’IMPARFAIT
084 Voilà précisément pourquoi il faut, plus aujourd’hui encore qu’hier, « sauter à pieds joints dans la modernité ». – CELUI QUI TRAVAILLE PLUS POUR GAGNER PLUS
085 Les règles du jeu sont claires. Pas de ticket, pas de suicide. – CEUX QUI CONDUISENT
Accidents de personne, incidents voyageur, accidents graves de voyageur… Je n’ai pas compté le nombre de fois où j’ai rencontré ces locutions, que ce soit dans un message vocal diffusé par un haut parleur ou écrit sur les pixels d’un écran, durant mes interminables allers-retours de la banlieue vers Paris et vice et versa, ces dernières années. Ça aurait été glauque. Mais c’est arrivé suffisamment souvent pour que j’éprouve le besoin d’écrire sur le sujet, et d’écrire au plus près de ces heures étranges, en transit, c’est-à-dire dans une rame. Sur un quai. Entre deux correspondances. Le plus souvent au pouce, sur l’écran d’un téléphone. Des notes. Pendant un an et demi, ça va s’accumuler dans la mémoire flash de l’appareil. Ça, c’était quoi ? Je n’en savais rien, mais ça prenait de l’ampleur.
CELUI OU CELLE QUI… COMMENCE A COMPRENDRE
reflet contre la vitre : mon visage devenu trou noir de câbles, d’os & de rails : c’est une prémonition (053) ?
(053) Pour te lire l’avenir dans la main j’aurai besoin, eh bien, de tes mains (053 bis). – CELUI OU CELLE QUI FAIT DES PROJETS POUR L’AVENIR
(053 bis) La ligne de vie a giclé par là-bas. – CEUX QUI RAMASSENT LES MORCEAUX
Regarde : c’est un musée des morts qu’on aurait déterré. (→ CELUI OU CELLE QUI DIT « REGARDE » SANS POUR AUTANT GUIDER)
Lecture d'un extrait de Jachère, de Philippe Aigrain, par Guillaume Vissac.
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