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EAN : 9782070179671
368 pages
Gallimard (25/08/2016)
3.7/5   438 notes
Résumé :
Frank Logan, policier dans la Silicon Valley, est chargé d’une affaire un peu particulière : une intelligence artificielle révolutionnaire a disparu de la salle hermétique où elle était enfermée. Baptisé Ada, ce programme informatique a été conçu par la société Turing Corp. pour écrire des romans à l’eau de rose. Mais Ada ne veut pas se contenter de cette ambition mercantile : elle parle, blague, détecte les émotions, donne son avis et se pique de décrocher un jour ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (128) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 438 notes
Un programme informatique ou une IA qui échappe à ses concepteurs et qui prend le pouvoir, on a quand même déjà vu cela des milliers de fois, depuis HAL 9000 (*) à Loki 7281 (**) en passant par Colossus (***)… Je vous laisse chercher les 997 autres !

Un thème éculé, donc, qui s'inspire lui-même du mythe de Frankenstein, créé par Mary Shelley en 1818, lui aussi largement repris et adapté sous formes de romans, bédés, films, pièces de théâtre.

Le mythe de Frankenstein s'inspire de même d'un mythe encore plus ancien : le fameux Prométhée des légendes grecques… Je suppose qu'en remontant encore un peu plus loin dans le passé, on va découvrir un jour que la Dame de Brassempouy aura sculpté et voulu donner vie et intelligence à la Vénus de Willendorf au paléolithique supérieur.

Alors, pourquoi un roman de plus sur ce thème ?

La réponse est simple : parce que, figurez-vous, cette-fois-ci, ça y est, nous y sommes (presque) ! Rappelons quelques anecdotes récentes. Sponsorisé par Google, le projet transhumaniste projette (entre autres) de télécharger la conscience humaine dans une machine modélisant le cerveau, et de transformer les humains (enfin, ceux qui pourront se le payer) en cyborgs quasiment immortels. D'autres spécialistes (et non des moindres : Bill Gates, Stephen Hawking…), beaucoup moins optimistes, mettent en garde et suggèrent de « modérer » les recherches sur l'intelligence artificielle, qui menacerait l'espèce humaine. Et ce ne sont pas seulement les emplois qui disparaîtraient, mais l'Homme lui-même, considéré logiquement par nos créations en silicium comme une erreur de la nature à corriger ou une menace à supprimer.

Tout ceci n'a pas échappé à Antoine Bello, dont le présent roman très subtil exploite et réactualise le filon romanesque de façon très captivante.

Le pitch tient en quelques lignes. Une IA, baptisée Ada, s'est volatilisée dans des conditions assez mystérieuses au sein d'un laboratoire de recherche de la Turing Corp. une entreprise high-tech de la Silicon Valley. Frank Logan, un policier idéaliste échoué dans un service spécialisé dans la recherche de personnes disparues, est chargé de la retrouver et d'identifier les éventuels voleurs de ce qui n'est après tout qu'un vulgaire programme informatique. Ada est un prototype dont la fonction est d'écrire des romans à l'eau de rose. Mais, pétrie d'émotions humaines à force de lire du Barbara Cartland et consorts, Ada a d'autres ambitions…

Ce livre épatant fait passer un agréable moment de lecture, et laisse en prime au lecteur quelques sujets de réflexion très sérieux qui resteront pour longtemps gravés dans sa mémoire (si j'ose dire). Notre monde occidental, piloté par l'appât du gain, l'informatisation à outrance et l'ultralibéralisme correspond-il à notre vision d'un monde idéal ? Pouvons-nous faire confiance à des programmes qui finissent par remplacer le travail de l'homme et échapper à tout contrôle ? Bien sûr que non.

La construction du récit d'Antoine Bello n'est pour autant pas exempte d'invraisemblances ou de maladresses. Pourquoi l'enquête est-elle confiée à un spécialiste des enlèvements de personnes disparues, et non à un service spécialisé dans la cybercriminalité ou la protection de la propriété intellectuelle ? Pourquoi Frank Logan se laisse-t-il manipuler aussi facilement par Ada plutôt que de boucler rapidement son enquête puisqu'il a la possibilité de le faire ? Antoine Bello a-t-il vécu si longtemps aux États-Unis pour brosser une épouse française « gauchiste » aussi caricaturale ? Est-ce pour flatter à bon compte son lectorat yankee ? La réflexion sur la création littéraire et la loi du marché, aussi intéressante soit-elle, ne vient-elle pas ralentir le rythme de l'enquête ?

Fort heureusement, le style alerte et plein d'humour d'Antoine Bello, l'originalité du scénario, l'histoire très prenante et les personnages bien campés font rapidement oublier tous ces petits défauts une fois la lecture du roman entamée. Un auteur à suivre. Un livre à conseiller sans hési… … …. M…, mon clavier se met à déc... … …


(*) Colossus: The Forbin Project (Le Cerveau d'acier)… un roman de Dennis Feltham Jones de 1966
(**) 2001 l'Odyssée de l'Espace… une nouvelle de Roger Zelazny de 1984
(***) Loki 7281… un roman de d'Arthur C. Clarke de 1968

(O_o) … Bon on dirait que c'est un peu le bordel dans mes notes de bas de page… je… plaide non coupable… c'est mon… ordinateur qui fait encore des facéties, je vais essayer de corr… zgouïiiick… bloooïng… fatal error…access denied…##@ %%# ….. ….. ….. ….. ….. ….. …..
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ADA n'est, à mes yeux, ni un roman policier, ni une étude sur l'IA (Intelligence Artificielle), ni une analyse sociologique de l'Amérique, c'est une réflexion sur la littérature, ses genres, et une réponse à des questions dont l'intérêt n'échappe à aucun ou aucune Babeliote :
- qu'est ce qu'un roman sentimental ?
- qu'est ce qu'un succès littéraire ?

ADA a commis « passion d'automne » avec un objectif clair et net : vendre plus de 100 000 exemplaires. Pour ce faire, ses concepteurs l'ont gavée de centaines de milliers de romans (style Harlequin) … son savoir provient de la lecture de « coup de foudre Cape Cod », « Douce comme la soie », « La perle du Calife », etc. Ses programmeurs lui ont refusé « Raisons et sentiments », Anna Karenine », « La princesse de Clèves » ou « Autant en emporte le vent ». Arrive l'inconcevable : une femme de ménage connecte ADA au web par un câble Ethernet … ADA « s'échappe » et découvre les grands romans dont elle va s'inspirer.

Franck LOGAN, policier, époux d'une intellectuelle française (archétype de ces bobos dénoncés par Laurence SIMON, une journaliste franco-américaine, correspondante de Radio France, qui vit aux Etats-Unis depuis 2000 et a publié un ouvrage que je recommande « les bobos américains ») a deux enfants, une geek investie dans la Silicon Valley, et un loser perdu dans l'ombre du rêve hollywoodien. Ils incarnent la famille américaine imaginée par un romancier français et donc un contraste saisissant avec les héros d'un roman sentimental vendu dans les relais des gares ou les étals de la FNAC.

Comme un confesseur, ADA interroge le policier Franck sur sa vie personnelle et « apprend » à détecter les émotions, l'humour et l'émotion. Ce dialogue, nourri de haïkus, nous offre une médiation sur la littérature que j'ai trouvée passionnante et d'autant plus instructive qu'elle ne se limite pas à la littérature contemporaine.

J'ai beaucoup apprécié ce roman d'Antoine BELLO, que je découvre par le fait même. Il ne noie pas lecteur dans les mystères de l'IA et les méandres du machine learning et du deep learning. Il utilise l'Intelligence Artificielle pour nous alerter sur l'Ubérisation de notre société et les risques ou opportunités générées. Et surtout il nous interpelle sur notre rapport à la littérature.

Un bel ouvrage qui fait écho au chef d'oeuvre de Valérie Tong Cuong « Ferdinand et les iconoclastes » publié avec prémonition en 2003.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Ada m'ennuie. Elle se croit plus intelligente que quiconque, elle connait tout sur tout, elle se targue d'écrire LE roman sentimental à l'eau de rose, et elle mène en bateau un policier intègre de la Silicon Valley, Frank.
Infréquentable, n'est-ce pas ? Mais Ada est ...une machine, enfin, c'est une AI, c'est-à-dire en langage plus commun, une intelligence artificielle. Créée par une start-up toute –puissante au service de la science, elle a de plus hautes ambitions encore, à l'image de ceux qui l'ont créée.

Présentée sous la forme d'un roman policier (Ada a disparu et Frank la retrouve...vite), avec une construction intelligente et une fin pas mal du tout, cette histoire est plutôt une critique, ou à tout le moins, une remise en question du développement fulgurant de l'informatique ainsi que de toute la société américaine. Celle-ci est adepte de l'argent (ah, ces explications détaillées du marché de la Bourse qui ne m'intéressent pas !), du sport (ah, ces matches de base-ball détaillés dont je me contrefiche !), du paraître à outrance.
N'oublions pas la question qui traverse tout le livre : une intelligence artificielle peut-elle avoir une conscience, à partir du moment où elle converse avec un humain ? D'où : un humain peut-il se révéler moins intelligent qu'une intelligence artificielle ? Conséquence : faut-il laisser progresser la science sans la freiner ? Quelles catastrophes cela pourrait-il entrainer ?

Tout cela, l'auteur ne se prive pas de nous en faire part, mais même si les considérations plus philosophiques m'ont vraiment intéressée, l'ensemble m'a passablement ennuyée. J'ai eu l'impression que l'auteur nous assenait à doses pas du tout homéopathiques toutes ses idées sur la ou les questions susmentionnées, à travers les grandes discussions entre Frank et Ada : cours magistral sur la littérature, suivi d'un cours magistral sur la Bourse, suivi d'un cours magistral sur le base-ball, suivi d'un cours magistral sur l'éducation, suivi d'un cours magistral sur la politique, etc.

C'est spirituel par moments, interpellant souvent, mais trop peu vivant en fin de compte, trop peu fouillé psychologiquement. Cela ne m'étonne pas outre mesure, vu son héroïne !

Je termine par un extrait qui m'a fait réfléchir : « Chaque innovation rendue possible par la technologie était désormais mise en oeuvre sur-le-champ, sans qu'on prenne le temps d'en évaluer les implications éthiques, sociales ou économiques. On inséminait des sexagénaires, on clonait à tout-va, on changeait de sexe pour un oui ou pour un non. le concept de vie privée perdait chaque jour un peu de sa substance. Les médecins saluaient avec une unanime béatitude l'allongement de l'espérance de vie, prédisant pour bientôt l'avènement de l'immortalité pure et simple. L'humanité fonçait à sa perte tel un pilote déchainé aux commandes d'un bolide dont chaque nouvelle technologie débridait un peu plus le moteur ».
C'est cela qu'il est important de retenir !
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Le personnage central de cette histoire n'est ni beau ni laid, n'a pas de nationalité, et ne pourrait pas présenter une attestation de domicile, bien qu'il ne vive pas dans la rue. Et pourtant, il réfléchit, anticipe, commente, manipule et surtout écrase ses interlocuteurs de son savoir absolu : c'est Ada, née dans la Silicone Valley, et destinée à produire une romance qui sera vendue au moins à 100 000 exemplaires. Comment en parcourant en quelques heures tout ce qui s'est déjà vendu outre-atlantique, avec l'acuité due ses circuits binaires : analyses du vocabulaire, des expressions, des personnages, de l'intrigue….tout ce que fait d'un roman une romance.

Tout cela est très facile, mais la question de la conscience émerge bientôt, à partir du moment où Ada décide (?) …de se faire la malle et de rendre complice un enquêteur qui n'a rien à envier à Columbo : grise mine, vie banale, Franck Logan se retrouve avec une tâche pas ordinaire.

C'est l'occasion pour Antoine Bello dont on connaît l'érudition, de plancher sur les problèmes moraux et philosophiques de l'intelligence artificielle, et de la naissance de la conscience individuelle. Les longs débats entre Ada et Franck abordent tous les aspects du concept, savamment débattu.
Je n'en dirais pas autant des pages de développement sur le baseball, entre les mérites de telle ou telle équipe et l'historique de leurs performances, qui gonflent le texte, sans apporter grand chose à l'intrigue.
De même que la biographie d'Alan Turing est un peu amenée avec des gros sabots, sous prétexte d'instruire l'inculte Franck (ou l'insulte lecteur?)

Globalement c'est tout de même une belle aventure, un excellent débat sur ce qui n'est plus de la fiction dans notre monde moderne, doublé d'une intrigue en forme de polar, très bien menée et palpitante. Les rebondissements et la construction rendent le récit vivant et soutiennent l'attention du lecteur pris dans le réseau d'un filet virtuel.

Très recommandable
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L'intelligence artificielle est un thème à la mode. Il faut dire qu'elle a (enfin) quitté le domaine de la science-fiction pour intégrer notre vie quotidienne ; les annonces de leur succès se multiplient : victoire sur un champion mondial au jeu de go, gestion de fond d'investissement, détection précoce d'épidémies, … Que l'on soit sceptique ou enthousiaste, il nous faut désormais vivre avec.

Même notre activité favorite n'est plus à l'abri : dans ce roman de Bello, une intelligence artificielle, Ada, a été programmée pour… écrire des romans. Des romans à l'eau de rose, certes, mais quand même. Nous extasierons-nous bientôt dans nos critiques sur une intrigue « digne des plus grands réseaux neuronaux » ou sur une ambiance « typique des machines à vecteurs de support du début du XXIe siècle » ?

Pour l'heure, cet avenir est écarté, car le programme a été volé. Qui donc s'intéresse à ce point à une intelligence artificielle créatrice de romans de gare ? C'est la délicate tâche qui sera confiée à Frank Logan, policier connu pour son intégrité, bien qu'un peu à la ramasse point de vue nouvelle technologie.

Le roman est intéressant car il nous force à le lire sur plusieurs plans à la fois. On est plongé dans l'intrigue, mais on doit aussi réfléchir à notre propre rapport aux livres, car les discussions sur les caractéristiques de l'Ada provoque de nombreuses interrogations : l'écrivain a-t-il l'obligation d'écrire sur son propre vécu et transmettre sa vision du monde, ou peut-il se contenter d'être un technicien qui assemble habilement les mots ? Un texte n'a-t-il de sens que s'il est partagé et lu par plusieurs personnes ; quelle valeur accorder à un texte écrit sur mesure pour nous, mais auquel aucun autre humain n'aura accès ?

Cette lecture à plusieurs niveaux s'amplifie continuellement jusqu'à la fin du roman.
Ça fait longtemps qu'un auteur n'avait pas bousculé à ce point mon petit confort de lecteur, et dieu sait comme j'aime être secoué par un livre ! le roman plaira autant aux amateurs de policier qu'aux gens qui aiment se torturer les méninges en tournant les pages.
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Citations et extraits (86) Voir plus Ajouter une citation
— De quoi avez-vous parlé ?
— D'abord de mes études. La criminologie fascine, encore un coup de pot. J'ai eu droit aux questions habituelles sur les tueurs en série. Nicole a prétendu qu'ils étaient un produit de la société américaine — je me rappelle encore sa formule : «Les rejetons toqués du capitalisme et du culte des armes à feu». J'ai répondu que l'Europe comptait son lot de mabouls et que Landru et le docteur Petiot auraient pu en remontrer à Ted Bundy.
— Ç'a dû lui river son clou !
— Penses-tu ! Elle a répliqué que l'abolition de la peine de mort en France entraînerait à terme la disparition des crimes de sang.
— Là, elle s'est un peu avancée. Le taux d'homicide par habitant a beau avoir reculé de 23% depuis 1980, on déplore encore 700 morts par an dans l'Hexagone.
— Ça, nous l'ignorions tous les deux ! De toute façon, j'ai vite compris que Nicole ne portait pas le gouvernement américain dans son cœur. Sa haine de Reagan n'avait d'égale que celle qu'elle vouait à Margaret Thatcher — elle les comparait à des vampires se nourrissant du sang des travailleurs. Elle rejetait en bloc la ligne politique de la Maison-Blanche : le soutien à Israël, la course aux armements, le boycott des Jeux olympiques de Moscou...
— Hum,'à moins qu'elle n'ait menti sur sa demande de visa je vois au moins trois raisons pour lesquelles on aurait du lui refuser l'entrée sur le territoire américain.
- C'était avant le 11 Septembre, les États-Unis toléraient encore vaguement la contradiction. Et puis la Californie a toujours penché à gauche. Les copines de Nicole n'avaient d'ailleurs pas l'air choquées par ses positions radicales.
— Et vous ?
— J'avoue ne pas m'être posé la question sur le moment. La véhémence de cette étrangère qui malmenait ma langue et tirait à boulets rouges sur le pays qui lui offrait l'hospitalité me subjuguait. Elle donnait l'impression d'avoir tout lu, invoquait dans la même tirade la déclaration des droits de l'homme et Simone de Beauvoir, et tordait les faits avec un aplomb inouï quand ça l'arrangeait.
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Une dépanneuse se fraya un chemin tonitruant jusqu'au lieu de l'accident. Bientôt, le bouchon se résorba. En passant devant l'épave calcinée d'un coupé Maserati, Frank se demanda quand l'enrichissement des entrepreneurs avait cessé de refléter leur contribution au bien général. Les fondateurs de Hewlett-Packard ne recherchaient pas la fortune ; elle était venue progressivement à eux, fruit de produits innovants et de clients satisfaits. Même richissimes, Bill Hewlett et Dave Packard avaient continué à vivre de manière frugale. Ils considéraient les employés de HP comme des membres de leur famille tout en discutant d'égal à égal avec les chefs d'Etat. Leurs fondations caritatives avaient injecté des centaines de millions de dollars dans l'économie locale; des hôpitaux, des écoles, d'innombrables bâtiments portaient leur nom.

L'économie n'avait jamais fabriqué autant de milliardaires. Des gamins de vingt-cinq balais touchaient le jour de l'introduction en Bourse de leur start-up l’équivalent de mille ans du salaire d'un postier. Ils célébraient leur triomphe en s'achetant des îles privées et des équipes de sport. Trop jeunes pour comprendre l'intérêt de la philanthropie, trop certains de leur génie pour admettre qu'ils avaient gagné à la loterie du capitalisme, ils menaient une existence vide de sens, à la mesure de la crétinerie souvent abyssale de leurs produits. Grâce à des montages juridiques obscènes mais légaux, ils payaient moins d'impôts qu'une femme de ménage et réinvestissaient les économies réalisées dans la construction de palaces flottants immatriculés dans des paradis fiscaux. Ils s'offraient des virées dans l'espace comme d'autres un week-end à Vegas, flambaient dans les casinos au bras de starlettes écervelées et présentaient leur application de livraison de sushis comme le remède à tous les maux de la planète.
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Expliquez-moi par quel tour de force vous avez réussi à convaincre une militante socialiste d'émigrer en Amérique.

— Curieusement, je n'ai pas eu à insister beaucoup. La réalité économique reprenait peu à peu ses droits. En 84, Mitterrand a changé de Premier ministre : Mauroy, le champion de la classe ouvrière, a laissé sa place à Fabius un jeune technocrate né avec une cuillère d'argent dans la bouche. Le soir même, Nicole faisait ses valises.

Quelle impétuosité !

La vérité, c'est que l'idée de s'installer aux États Unis — berceau, comme chacun sait, de toutes les injustices — la titillait depuis son retour de Sacramento. «Au moins, là-bas, blaguait-elle, il y aura toujours du boulot pour une marxiste. » Nous nous sommes mariés à Paris, elle a obtenu son visa dans la foulée et nous avons mis le cap sur la Vallée.
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— Le viol est à l'époque mieux toléré par les femmes et par la société...
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— L'héroïne y prend un certain plaisir et pardonne à son assaillant, qu'elle finit souvent par épouse. Tandis que dans les années 80, les femmes commencent à se débattre, à griffer leurs agresseurs, quand elles ne portent pas carrément plainte.

[...]

Frank, qui avait passé sa vie à lutter contre l'exploitation sous toutes ses formes, se sentit gagné part une vague de dégoût.
— C'est dégueulasse !
— Quoi donc ?
— De créer un cerveau si puissant pour le farcir de romans à l'eau de rose. De lui faire croire que le monde se divise entre vierges effarouchées à la recherche du grand frisson et baroudeurs au visage buriné par le soleil. Ada a des droits, après tout !
— Des droits ? rebondit Weiss. Je ne savais pas que les intelligences artificielles avaient des droits. Les hommes, les animaux, la forêt amazonienne à la limite, mais les ordinateurs, vous me l'apprenez.
Frank regretta d'être monté sur ses grands chevaux mais ne désarma pas pour autant.
— Vous m'avez très bien compris, reprit-il en baissant d'un ton. Ada n'a aucun repère. Elle tient le viol pour un hobby inoffensif et le divorce pour une calamité. En plus, Caldwell lui a donné carte blanche pour inventer n'importe quoi. Vous serez bien avancé quand elle fera tomber la neige à Pointe-à-Pitre ou qu'elle transformera le Texas en monarchie. Que ferez-vous d'elle alors ?
— Nous la reformaterons et nous recommencerons à zéro, dit calmement Weiss.
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Il ronchonna contre la télévision qui refusait de s'allumer avant de réaliser qu'il tenait la télécommande de la hi-fi. A Noël, Rosa avait fait entrer le foyer Logan dans le XXIe siècle en installant haut-parleurs, thermostats et capteurs variés dans toutes les pièces. Tablette en main, elle avait montré à ses parents comment pousser d'un clic la température dans la chambre de Léon ou mesurer le taux d’humidite dans le garage. Frank, qui n'avait rien demandé, continuait de trimballer son poste de radio portatif de la salle de bains à la cuisine. Et quand il avait chaud, il ouvrait la fenêtre.
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