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Françoise Morvan (Traducteur)Sylvie Doizelet (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070403790
280 pages
Gallimard (12/10/1999)
3.97/5   92 notes
Résumé :
De son vivant, Sylvia Plath a publié de nombreux poèmes dans des revues américaines ou anglaises, mais un seul recueil: Le Colosse. Plusieurs centaines de poèmes restaient inédits.
Son mari et la sœur de ce dernier établiront trois recueils: Ariel, en 1965, qui aussitôt la place par les grands poètes anglo-saxons contemporains, puis La Traversée et Arbres d'hiver en 1971.
En 1981 paraît Collected Poems- 224 poèmes présentés chronologiquement et couvran... >Voir plus
Que lire après Arbres d'hiver. La TraverséeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Il s'agit ici de deux recueils de poèmes, « Arbres d'hiver », précédé de « La Traversée ». Ce qui surprend tout d'abord dans les pages de ces textes, c'est la fragilité d'un paysage, traversé par le chagrin. Cependant c'est beau, c'est beau comme un soleil un matin d'hiver. Il m'est difficile de dire que c'est triste ou désespéré. On voudrait se pencher sur ces mots, les toucher, les retenir avec nos doigts, les empêcher de partir vers l'envers du décor.
Chaque poème ressemble à une barque noire avançant comme sur un lac gelé avec l'éclat d'un ciel blanc et des oiseaux par-dessus tout.
Sylvia Plath savait-elle déjà qu'elle allait mourir au moment où elle écrivait ces poèmes ? Qu'elle allait quitter ce monde par sa seule volonté ? Mais on ne connaît jamais les mystères d'un geste, d'une main au bord du vide, celle d'une marée qui déferle sur elle, celle de la mer après qui se retire laissant le silence derrière le paysage.
Les poèmes de ce recueil disent déjà cela. La lumière n'est jamais loin des ténèbres et l'inverse aussi.
Parfois la poésie aborde nos rivages et les remue comme une vague inlassable dans le fracas des mots. Parfois ce voyage intime est violent, c'est une descente dans un puits sans fin.
La vie défigure nos illusions et la poésie convie des mots magnifiques pour reconstruire ce qui nous aura échappé. Elle nous donne souvent une seconde chance, rebondir dans une forme de résilience...
Ici ce n'est pas cela.
Connaissant pourtant le destin de Sylvia Plath, j'ai pourtant cherché dans ses vers une main tendue vers un semblant de soleil, l'idée que l'écriture pourrait la sauver. Rien, rien n'est ici dans les décombres de ces mots. Aucun espoir.
Chaque poème de Sylvia Plath m'a pourtant tiré la main vers une empathie pour l'autrice.
Elle dit la mémoire mutilée, une enfance idéalisée, plus tard bousculée par la mort de son père. Les poèmes de Sylvia Plath disent cette déflagration. Ils disent l'absence, la mort, un sentiment d'insécurité et d'abandon.
La poésie de Sylvia Plath n'est pas que belle, elle est déchirante.
La poésie de Sylvia Plath est comme un océan tumultueux. Adorant la mer, l'océan, ses mouvements inlassables, regardant ainsi la mer comme toujours comme jamais à chaque fois, mais imaginant tout ce qui a dans ce mouvement de puissant et de dérisoire, j'ai lu ces poèmes avec ce regard intime.
Chaque poème est pourtant un miroir à sa manière, en dépit du désespoir de Sylvia Plath.
Étrangère déjà à un monde où elle a perdu pied depuis sans doute longtemps. Étrangère dans ce monde où elle n'était déjà peut-être plus présente, prenant la beauté du monde, de la nature, tout en tenant à distance toute émotion, elle avance et dévoile des images qui sont déjà des trous où ses pas trébuchent sans cesse...
On voudrait croire à la résilience de la poésie. Sans doute que Sylvia Plath était déjà éloignée de cet itinéraire, faisait déjà de ce texte une sorte de testament.
Guérir par les mots des plaies ouvertes par les seuls méandres d'une vie intérieure douloureuse.

« Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m'inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m'as pas simplement un peu poussée du pied, non-
Ni même laissée régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles. »

Les vers de Sylvia Plath sont fascinants, enivrants, hypnotiques. Son écriture est ainsi, elle traduit d'emblée ce sentiment mélangé de grâce, de mélancolie et d'âpreté aussi.
Ce sont des sons, des images, des respirations suspendues au bord d'un vertige abyssal.
Ce sont des joies déjà lointaines, enfantines, presque oubliées.
Le second recueil est pour moi plus noir, plus dramatique.
Je n'ai pas pu tout lire ce livre d'une traite à cause de ses coups de boutoir et de certains vers qui m'ont paru totalement hermétique à toutes émotions, comme les chassant d'un dernier geste presque dérisoire.
Son esthétique poétique dérange aussi et c'est bien.
Sylvia Plath a une puissance d'évocation saisissante, sidérante. Ses mots aux allures douces-amères deviennent alors comme des déflagrations souterraines dont elle ne s'en remit peut-être jamais.

Ses poèmes ont été publiés après sa mort par son mari et sa soeur. Sylvia Plath s'est donné la mort un 11 février 1963 à Londres, à l'âge de trente ans.
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« Ici, les graminées
Déposent leur chagrin sur mes chaussures »

Oh, merveilleuse Sylvia Plath … Comme elle m'a transportée avec ses poèmes, teintés de ses influences tour à tour romantiques, expressionnistes, surréalistes, … Certains d'entre eux sont carrément des rêves éveillés, des visions saisissantes.

Mais Sylvia est selon moi avant tout une immense romantique (ah, les fameuses chandelles, «ces menteuses » ), avec sa soif d'Absolu (« La bossue dans sa maisonnette Aux petits murs blancs sous les clématites. Et nul grand amour, rien que la tendresse ? »), sa sincérité et son intégrité, sa colère contre un dieu, indolent, qui sourit devant le malheur des hommes, ses obsessions du temps, sa peur de l'inertie (marbre, rocs, statues, êtres vivants pétrifiés, ... sont autant de menaces), sa conception idyllique de l'enfance, son sentiment de vacuité de l'existence (« je serai utile quand je reposerai définitivement ») …

Le ton est généralement sombre :

« La destinée courb[e] chaque chose dans une seule direction »
Ou encore
« Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.
Jusqu'où s'étendent les arbres noirs qui s'abreuvent ici ? »

De temps en temps, de la couleur apparait, signe qu'un espoir est possible : les gâteaux sont décorés avec un glaçage de six couleurs, signe d'abondance ; les comprimés rouges, violets, bleus illuminent l'ennui du soir qui s'éternise ; les petits coquillages assemblés en colliers ne viennent pas de la Baie des Morts, mais d'un autre lieu, tropical et bleu, où nous ne sommes jamais allés, … Mais c'est un monde de couleurs qui souvent reste inaccessible ou instable.

L'écriture est aussi très visuelle, très photographique : les carpillons jonchent la vase comme des pelures d'orange ; les femmes gravides qui, souriant en elles-mêmes, méditent aussi dévotement que le bulbe de Hollande lorsqu'il prépare ses vingt pétales ; les roues de la voiture sont deux larves de caoutchouc noire qui se mordent la queue ; les chandelles versent leurs larmes troubles puis ternes perles, la mer aux moustaches d'algue étale ses soieries glauques, …

Plusieurs de ces poèmes mériteraient à eux seuls un billet entier, tant ils sont riches de sens et propices aux interprétations. Comme par exemple, « l'agneau de Marie » qui évoque la shoah et préfigure son suicide, puisqu'écrit juste avant…

Oui de la très grande poésie, où je me suis retrouvée avec beaucoup de plaisir, même si le sujet est généralement douloureux. Mais c'est tellement bien écrit qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver une sorte de communion avec l'auteure et de l'empathie, et un vrai bonheur de lecture. Bravo et merci, Madame Plath.
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Sylvia Plath nous offre une poésie très concrète, d'une intensité presque cruelle; les mots nous compriment l'estomac, nous déchirent légèrement les peaux flasques du confort… en effet les métaphores ont qqch de tactile sinon de clinique:
"Comme une infirmière muette et sans expression, la lune
Pose une main sur mon front."

Héritière lointaine du symbolisme et pourquoi pas d'une certaine forme noble du gothique anglais, Plath nous déploie son art de la description chirurgicale d'un environnement aux accents inquiétants. Les décors froids hantés par les statues antiques et une nature qui s'immobilise renforcent une certaine torpeur dont la poétesse ne s'éveille que pour assumer l'effroi que lui procure son existence.
"Les miroirs tuent et parlent, ce sont des chambres d'épouvante"

Les poèmes dérivent souvent d'une contemplation de la nature ou une admiration toute maternelle des enfants au repos (émotion pleinement vécue par la jeune maman Sylvia) vers un désespoir quasi consenti. Ainsi cette métaphore pour l'agneau pascal nous résume bien le ressenti de Sylvia Plath mis en vers:
"Ô bel enfant d'or que le monde tue et mange."

La douleur exprimée, toute psychique a pu me rappeler certains vers de Nerval. le parallèle avec Gérard Labrunie est facile mais s'impose quand on sait que l'atrocité du mal d'être, de l'abandon, de l'implacable venue de la vieillesse… la mèneront au suicide.
"Je m'appuie sur toi, aussi engourdie qu'un fossile.
Dis-moi que je suis là."

Mais comme Nerval, difficile pour elle de naviguer entre l'émerveillement que suscite l'imaginaire qui s'incarne en une splendide versification et le gouffre d'une conscience effrayée par l'impitoyable cruauté du vécu.

"L'avenir est une mouette grise et bavarde,
Ses miaulements ne parlent que de partir, partir.
La vieillesse et l'épouvante, comme des infirmières,
veillent sur elle
Et un noyé, se plaignant du grand froid,
Sort en rampant de la mer."

Une lecture exigeante donc dont on ne peut sortir que meurtri et plein de compassion pour ceux qui ont mal à eux-mêmes.
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Je n'ai pas pu apprécier la lecture de ce recueil de poèmes de Sylvia Plath.
Je reconnais à la poétesse son talent, à travers son imagination foisonnante, l'âpreté de son écriture, son amour de la nature et le riche choix des images qu'elle emploie tout au long de ses poèmes.
Mais, pour moi, la littérature, même de qualité, doit être un minimum porteuse de vie pour m'être respirable. Ici, après la lecture de cinq lignes, j'avais envie d'enjamber mon balcon et de sauter du troisième étage. Alors, bien sûr, si l'on prend connaissance de la biographie de l'auteur, on sait son mal être, ses troubles bipolaires, son suicide... mais je regrette pour elle que l'écriture n'ait pas été un moyen d'apercevoir un petit rayon de soleil dans une vie sombre et désespéree. Et, malheureusement, pour la lectrice que je suis, cette morbidité, cette absence de la moindre parcelle d'humour ou d'autodérision, sont insupportables. On ne ressent même pas un certain plaisir à l'écriture.
Je ne suis donc pas allée au bout de ce recueil, lassée par ce désespoir contagieux.
Je tiens à souligner par ailleurs la bonne idée de l'éditeur d'avoir publié les poèmes dans leur langue originelle à côte de leur version française.
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C'est toujours délicat de parler d'une icône, et manifestement, Sylvia Plath est une icône, une déesse morte et ressuscitée dans ses mots. L'abandon volontaire de son enveloppe terrestre rajoute du drame là où l'oeuvre porte déjà tant de force.

Dépressive, féministe, génie, on peut dire beaucoup de choses à propos de Sylvia Plath, toutes choses qui la réduisent certes, et pourtant qui projettent en ce monde dix mille, cent mille facettes d'une même femme : chacun de nos regards subjectifs sur elle, sur ses écrits, la ressuscite d'une différente manière.

Je suppose que j'ai moi aussi un regard subjectif, j'oublie souvent combien sa vie intérieure a pu être sombre, quand je relis certains poèmes, où tout n'est qu'ode à la vie et à la nature. Et puis soudain, le lecteur sombre avec Sylvia, dans les brumes du Thalidomide. Complexité de l'âme. Merveille des mots : à chaque lecture on se rend compte que l'univers d'un poète ne peut se réduire à une case.
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
LETTRE D'AMOUR

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m'inquiète,
Et je restais là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m'as pas simplement un peu poussée du pied, non-
Ni même laissée régler mon petit oeil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

Ce n'était pas çà. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l'hiver -
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d'attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
Mais je n'étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.

Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j'ai vue n'était que de l'air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d'écailles de mica,
Me déroulais pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d'oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t'ai reconnu aussitôt.

L'arbre et la pierre scintillaient, ils n'avaient plus d'ombres.
Je me suis déployée, étincelante comme du verre.
J'ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l'air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu'un pain de glace. C'est un don.
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LA CUEILLETTE DES MURES

Personne sur le chemin, et rien, rien sinon des mûres,
Des mûres de chaque côté, des mûres partout,
Une allée de mûres, qui descend en crochets, et une mer.
Quelque part au bout, qui se soulève. Des mûres
Aussi grosses que mon pouce, aussi muettes que des yeux.
Ebène dans les haies, et pleines
De jus bleu-rouge, qu'elles abandonnent sur mes doigts.
Je n'avais pas demandé de telles sœurs de sang ; elles doivent m'aimer
Elles sont accommodantes, elles se font toutes petites pour tenir dans ma bouteille à lait.

Là-haut passent les chocards en volées noires, cacophoniques -
Bouts de papier brûlé qui tournoient dans un ciel orageux.
Leur voix est la seule voix, elle proteste, proteste.
Je ne crois plus que la mer apparaîtra.
Les hautes prairies vertes s'embrasent, comme illuminées de l'intérieur.
J'atteins un buisson de baies si mûres que c'est un buisson de mouches,
Suspendant leurs ventres bleu-vert et leurs ailes en un paravent chinois.
Le sirupeux festin de baies les a tout étourdies ; elles croient au paradis.
Un crochet encore, et les baies et les buissons finissent.

Il ne manque plus que la mer maintenant.
D'entre deux collines un vent soudain s'abat sur moi
Et me gifle le visage de son linge fantôme.
Ces collines sont trop vertes et douces pour avoir goûté le sel.
J'emprunte le sentier aux moutons qui les sépare. Un ultime crochet me mène
A la face nord des collines, et cette face est de roc orange
Et ne donne sur rien, rien sinon un grand espace
De lumières, blanches et d'étain, et un vacarme comme d'orfèvres
Frappant, frappant encore un métal intraitable.

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PARTIR DE BONNE HEURE

Madame, votre chambre est grouillante de fleurs.
C’est ce dont je me souviendrai, quand vous me flanquerez dehors,
Moi, qui reste là à m’ennuyer comme un léopard
Dans votre jungle de bouteilles à vin-chandeliers,
D’oreillers en velours couleur de boudin
Et de poissons volants d’Italie en porcelaine blanche.
Je vous oublie, à entendre les fleurs coupées
Siroter leurs liquides dans des pots assortis,
Cruches et coupes du Couronnement
Comme des ivrognes du lundi. Les baies laiteuses
S’inclinent, constellation locale,
Vers leurs admirateurs sur le dessus de table :
Des foules d‘yeux ronds levés.
Est-ce là les pétales ou les feuilles auxquels vous les avez appareillées-
Ces ovales à rayures vertes en papier argenté ?
Les géraniums rouges, je connais.
Amis, amis. Ils puent la sueur sous les bras
Et les maladies compliquées de l’automne,
Aussi musqués qu’un lit le matin après l’amour.
Les narines me picotent de nostalgie.
Démons fauves : instruments de votre culte.
Leurs pieds effleurent une eau usée aussi épaisse que du brouillard.

Les roses dans le jéroboam
Ont rendu l’âme la nuit dernière. Pas trop tôt.
Leurs corsets jaunes étaient près de se déchirer.
Vous avez ronflé, et j’ai entendu les pétales se détacher,
Tapotant, tictaquant comme des doigts nerveux.
Vous auriez dû les balancer avant qu’elles meurent.
L’aube a trouvé la tablette du secrétaire
Jonchée de mains chinoises. Maintenant des chrysanthèmes gros
Comme la tête d’Holopherne
Me dévisagent, trempés dans le même magenta que ce sofa vieillot.
Dans le miroir leurs doubles les soutiennent.
Écoutez : vos locataires les souris
Remuent les paquets de crackers. Une fine farine
Enveloppe leurs pattes d’oiseaux : elles poussent des cris de joie.
Et vous roupillez toujours, le nez contre le mur.
Cette bruine me va comme une veste triste.
Comment avons-nous pu atteindre votre grenier ?
Vous m’avez donné du gin dans un vase pareil à un bouton de verre.
Nous avons dormi comme des souches. Madame, qu’est-ce que je fabrique
Avec un poumon plein dépoussière et une langue en bois,
Dans le froid jusqu’aux genoux, dans un marécage de fleurs ?
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DORMIR DANS LE DÉSERT MOJAVE

Ici, il n'y a pas de foyer,
Seulement des grains brûlants. Cest sec, sec.
Et l'air dangereux. Midi agit étrangement
Sur l'imagination, dresse une ligne
De peupliers entre l'horizon et moi, unique
Objet près de cette route droite, folle
Qui puisse évoquer hommes et maisons,
Un vent frais devrait habiter ces feuilles,
Une rosée s'y recueillir, plus précieuse que l'argent,
À l'heure bleue qui précède le jour.
Mais ils s'évanouissent, inaccessibles comme demain,
Ou ces fictions miroitantes de sources jaillies
Toujours plus loin devant celui qui a soif, insaisissables.

Je pense au lézard tirant la langue
Dans la fissure d'une ombre minuscule,
Et au crapaud gardien de la goutte d'eau de son cœur.
Le désert est blanc comme l'œil d'un aveugle,
Aussi peu apaisant que le sel. Le serpent et l'oiseau
Sommeillent derrière les masque anciens de la fureur.
Nous étouffons, comme des chenets dans le vent.
Le soleil éteint ses braises. Là où nous gisons
Les grillons craquelés par la chaleur se rassemblent
Dans leurs cuirasses noires et poussent leur cri.
La lune diurne s'éclaire comme une mère désolée,
Et les grillons viennent se glisser dans nos cheveux
Pour mieux chasser la courte nuit de leurs crincrins.
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JE SUIS VERTICALE

Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l'amour maternel
Pour qu'à chaque mois de mars je brille de toutes mes feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d'un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales,
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, pas plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l'un, l'audace de l'autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d'eux n'y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection -
Pensées devenues vagues.
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.
Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et les fleurs m'accorder du temps.
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