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EAN : 9782842053468
79 pages
1001 Nuits (27/05/1998)
3.88/5   30 notes
Résumé :
Lorsque l'école et le lycée se comportent comme des entreprises, que les élèves sont traités comme des clients, incités non à apprendre mais à consommer, il est salutaire de rappeler que l'éducation appartient à la création de l'homme, non à la production de marchandises.
Loin des critiques réductrices du système éducatif, l'auteur du Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations étudie et dénonce l'aliénation qui s'empare des élèves et des enseigna... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Raoul Vaneigem, l'auteur de ce texte, est un des fondateurs de l'Internationale Situationniste, avec Guy Debord. Il prône donc, par définition, une critique radicale de la société, qui s'inscrit dans la mouvance anarchiste.

Il entend, dans ce texte rédigé en 1995, s'attaquer à l'organisation du système scolaire et en dénoncer les effets délétères sur la jeunesse :

- l'enseignement (au sens de l'Education Nationale) ne vise pas l'épanouissement des élèves, à travers la découverte et la réalisation de leurs désirs, mais leur incorporation dans un système productiviste et consumériste aliénant

- l'organisation "militariste" et hiérarchique des rapports enseignants / élèves n'a pour conséquence qu'éteindre progressivement la soif d'apprendre naturelle des enfants, et encourager les comportements rebelles

Pour l'auteur, l'avenir de l'enseignement passe par une prise de conscience du "vivant" qui nous entoure, de sa beauté mais aussi de sa fragilité, bref par la promotion d'un paradigme écologiste, en devenir.

Si les idées sont belles (chacun appréciera selon sa sensibilité), si l'idéal de l'anarchie individualiste (la réalisation de son plein potentiel, de ses désirs) est présent, l'aspect formel du texte dessert le propos ; une accumulation de formules percutantes (aujourd'hui on dirait de "punchlines") ne saurait remplacer une argumentation construite. Et puis l'alternative proposée ici est quand même un peu courte et manque de définitions claires. Que veut dire exactement apprendre à l'enfant à "satisfaire ses désirs, non dans l'assouvissement animal mais selon les affinements de la conscience humaine"?...De quels désirs parle-t-on ? Qu'entend-on ici par "conscience humaine" (on comprend bien qu'il n'est pas possible pour l'auteur de faire référence à une quelconque morale, la référence à Kropotkine aurait surement été utile ici)

Pour finir sur une note positive, je suis surpris de la prégnance, dans ce texte, d'un discours écologiste (auquel j'adhère sans réserves, de même que, pour être tout à fait honnête, j'éprouve beaucoup de sympathie à l'endroit de la pensée anarchiste), qui semble avoir beaucoup progressé depuis 25 ans, quand on voit que certains propos tenus ici sont aujourd'hui largement diffusés, par des intellectuels ayant pignon sur rue, tel Aurélien Barrau par exemple.

Y aurait-il matière à espérer, quant au futur du vivant sur terre ? Seul l'avenir nous le dira...
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Malgré la modernisation du pays, malgré mai 68, malgré l'abandon des châtiments corporels, la fin du pouvoir absolu du père de famille et l'autorité indiscutable de l'État-patrie, malgré les apports des pédagogies alternatives, le système scolaire conserve des allures de prison et de centre de dressage... En bon situationniste, Vaneigem remarque que la persistance morbide de l'organisation verticale dans l'école n'est que le reflet de l'organisation pyramidale de la société, l'école étant dès lors un jeu de rôles formateur, une répétition de la vie de domination qui aura lieu dans l'usine ou dans l'entreprise, voire dans toute la société. L'erreur fondamentale, selon lui, est d'avoir adopté la morale et les manières de faire du monde des affaires (après avoir rejeté celles de l'armée), du monde économique, un monde dont la morale est profondément suspecte ! Où la concurrence est sans pitié, où l'on élimine les faibles, on les licencie, on les rachète, on les trompe, on dissimule, on réalise des coups, on spécule, on parie... pas vu pas pris... La belle concurrence sportive que prônent les penseurs de la religion du management, cache en réalité le caractère jetable et remplaçable du sportif, les intérêts financiers dominants. L'auteur considère que ces valeurs sont celles d'une "société mafieuse". L'autre face de ce système de valeurs, c'est l'assistance, la charité pour le faible, pour celui qui échoue. On le sait la charité est souvent le moyen de blanchir l'argent des trafics. L'école fait ainsi preuve de bienveillance envers ses mauvais élèves (non-redoublement, activités de rattrapage faciles, générosité des notes ou des coefficients...) comme une charité qu'on donnerait gentiment pour encourager à reprendre sa place dans la compétition. On n'est pas si méchant, voyez-vous, alors soyez sages et faîtes comme on vous demande.

Ce qui sous-tend cette idéologie, c'est la notion destructrice de réussite, que Vaneigem dévoile en l'appelant par son vrai nom de "volonté de puissance". La réussite scolaire, ce n'est pas l'espoir d'avoir un métier et un salaire décent (comme ce put être le cas à une époque), mais la réalisation de l'ambition, la montée dans l'échelle sociale (réaliser sa puissance, c'est devenir plus fort que les autres, prendre l'ascendant, diriger les autres). L'école est un atout de plus pour cette montée, parmi les autres moyens que propose ce système économique immoral. de là, la réussite scolaire est prise comme outil et non comme validation d'un riche apprentissage réussi. Un faux diplôme agrémenté d'un peu de tchatche peut faire l'affaire, tout comme la lèche et la corruption favoriseront cette ascension. La réussite sociale, c'est la débrouille dans un monde de requins. Les professeurs s'étonnent naïvement de la telle naïveté des élèves qui trichent en recopiant le premier contenu internet au lieu de réfléchir par soi-même pour apprendre... Devenir maître en tricheries, c'est être apte à se débrouiller dans le monde. Et quoi de mieux que la bienveillance des professeurs pour s'y exercer ? L'admiration de la réussite, qu'elle soit financière ou sportive, sans regarder les moyens, est une constante de notre temps (comme il est admis que le système est vicié, il est naturel d'ailleurs que les manières de réussir ne soient pas prises en compte dans notre jugement).

C'est en situationniste également que Vaneigem prône justement comme valeur centrale pour une nouvelle école, la fantaisie, la moquerie de ce monde sérieux et crapuleux, la dénonciation de ce système et de ceux qui le défendent. Un peu comme les valeurs chrétiennes vicieuses défendent parfois une souffrance immédiate, une docilité, au bénéfice d'une jouissance future, au ciel, l'école hypothéquerait le bonheur de l'enfant au bénéfice de sa jouissance par l'argent qu'il retirera de sa réussite future. Contre cette position viciée, Vaneigem prône bien entendu la rébellion immédiate et la réalisation collective dans l'école du bonheur de l'enfant. Contre l'utilitarisme de la formation - prendre le pli du monde impitoyable des affaires dans lequel l'enfant va entrer -, il vante le triomphe de la fantaisie, de la dérision, du rêve. Il ne s'agit pas de protéger l'innocence et la pureté de l'univers enfantin, mais au contraire créer des êtres qui iront consciemment à l'opposé de ce monde détestable. L'école doit constituer une arme de guerre contre cette supercherie gigantesque, ce monde stupide et déréglé, cette escroquerie en bandes organisées, qui s'appuie sur l'illusion de l'homo oeconomicus, le charlatanisme du darwinisme social hérité d'Herbert Spencer (qui voit l'individu humain comme un monstre d'égoïsme se battant contre les autres pour survivre - simplification nullissime de Darwin), la domination de pouvoirs financiers criminels bâtis sur l'exploitation, la spoliation ou la guerre.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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J'ai lu de nombreuses fois ce petit livre depuis sa parution en 1995, il est d'ailleurs bien usé.

Raoul Vaneigem, dans son combat contre une société qui a remplacé le bonheur par la consommation, s'attaque ici à la racine du mal, l'école, accusée en quelque sorte de formatter au lieu de former, de fermer et non d'ouvrir.

Lyrique jusqu'à l'outrance, imperméable à la nuance, il est difficile d'adhérer toujours au discours de l'auteur. Il n'en reste pas moins que ces quelques pages sont salutaires en ce qu'elles nous bousculent et nous dessillent, et nous obligent à réfléchir.
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Vaneigem démontre l'obsolescence de notre système scolaire, imitation du système carcéral au profit de la société capitaliste, et enjoint aux enseignants et élèves à favoriser l'esprit de vie à l'école.

 A LIRE (parce que j'ai choisi un extrait mais qu'il y en avait bien 30 autres qui valaient la peine d'être retenus) !
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Épingler un papillon n'est pas la meilleure façon de faire connaissance avec lui. Celui qui transforme le vivant en chose morte, sous quelque prétexte que ce soit, démontre seulement que son savoir ne lui a même pas servi à devenir humain.

Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch/
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Mettre l'école sous le signe de la compétitivité, c'est inciter à la corruption, qui est la morale des affaires.

Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch/
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Maintenant que les idéologies de gauche et de droite fondent au soleil de leur mensonge commun, le seul critère d'intelligence et d'action réside dans la vie quotidienne de chacun et dans le choix, auquel chaque instant le confronte, entre ce qui affermit sa propre vie et ce qui la détruit. Si tant d'idées généreuses sont devenues leur contraire, c'est que le comportement qui militait en leur faveur en était la négation.
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Les religions ont besoin de la misère pour se perpétuer, elles l'entretiennent afin de prêter plus d'éclat à leurs actes de charité. Eh bien le système éducatif agit-il autrement lorsqu'il suppose chez l'élève une faiblesse constitutive, toujours exposée au péché de paresse et d'ignorance, dont seul peut l'absoudre la mission pour ainsi dire sacrée du professeur ? Il est temps d'en finir avec ces billevesées du passé !

755 - [La petite collection n°69, p. 33]
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Aucun enfant ne franchit le seuil d'une école sans s'exposer au risque de se perdre : je veux dire de perdre cette vie exubérante, avide de connaissances et d'émerveillements, qu'il serait si exalatant de nourrir au lieu de la stéréliser et de la désespérer sous l'ennuyeux travail du savoir abstrait. Quel terrible constat que ces regards brillants soudain ternis !

737 - [La petite collection n°69, p. 8]
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Video de Raoul Vaneigem (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Raoul Vaneigem
Le 22.05.18, Thibault Henneton recevait Gérard Berréby dans "À voix nue" (France Culture), pour un entretien en cinq parties :
"Gérard Berréby vit de petits boulots et se met en quête : que faisaient les Guy Debord, Raoul Vaneigem et consorts avant 1968 ?
Sa première rencontre, c?est avec le poète et plasticien Gil Joseph Wolman, membre fondateur de l?Internationale lettriste : point de départ d?une généalogie des avant-gardes qui le conduira à rassembler et publier, en 1985, ses Documents relatifs à la fondation de l?Internationale situationniste. Ce qui n?a pas plu à tout le monde."
Photo : Gérard Berréby et Ralph Rumney à Cosio d'Arroscia. © Pauline Langlois.
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