Un titre évocateur qui suffit à donner envie d'y voir de plus près.
Du même auteur, j'avais gardé un lointain souvenir positif de
Nous serons comme des dieux (déjà, un titre qui m'avait intrigué), mais, regardant bêtement un peu de haut le genre du roman historique je n'avais pas donné suite. Stupide préjugé, dont je me flagelle et m'amende ici. D'autant que je ne saurais où placer ce livre s'il fallait absolument le faire rentrer à la massue dans une case, entre roman historique et roman d'aventures. Et qui dit aventures, dit pour moi
Stevenson et là, je prends sans faire mon difficile.
Dans la cale d'un bateau en direction du bagne de Cayenne, deux forçats échangent, à la suite d'un jeu, leur identité et leur destin. L' un est aristocrate accusé de malversations, l'autre un communard de hasard.
L'auteur a une vraie capacité à peindre ses personnages, qu'ils soient principaux ou secondaires, à camper leur caractère et leur créer un destin en quelques lignes.
Les personnages féminins, cantonnés par l'époque et le contexte colonial aux rôles de victimes et/ou putains et/ou viragos, réussissent pourtant à exister.
Romanesques à souhait, feuilletonnesques parfois, les aventures de nos héros nous mènent de marécages poisseux en bagne guyanais, dans les embruns d'un phare isolé jusqu'à la moiteur brésilienne de Manaus en plein essor.
Sur un fil d'équilibriste, l'intrigue tangue parfois, tentée en quelques moments de sombrer dans les facilités. Et pourtant, les pages défilent grâce à la beauté du style, plus flamboyant que les froideurs du 18eme français que revisite régulièrement l' auteur.
Dans ces destins croisées, les trajectoires parallèles sont passionnantes, des ellipses audacieuses nous laissent flottants pendant quelques lignes avant d'être remis sur les rails avec savoir-faire. de la belle ouvrage avec ce qu il faut d'invraisembable, de rocambolesque, d'heureux ou malheureux hasards pour nous guider jusqu au dernier chapitre précipitant le destin de tous les personnages.
Ce livre est presque un roman d'été, une fresque lue comme un page-turner, avec une caution historique et littérataire en prime. Et finalement, fi de snobisme, on aime aussi ça!
À noter: il semblerait que l'esprit de
Michel Leeb ait pris possession de la plume de Mme de Castro en quelques instants, concernant diverses transcriptions de baragouinages et accents étrangers. Aujourd'hui, ça fait un peu mal aux yeux et aux oreilles, mais l'ouvrage datant de 1992 (le monde d'avant, vous savez?), allez, on l'excuse.