Au cours de l'année 2012 et après tant de mouvements éditoriaux, DC Comics lançait une floppée de mini-séries groupées sous le label « Before Watchmen », contre l'avis du principal créateur du monument que furent les Watchmen,
Alan Moore. Cette réécriture passe souvent par les origines des membres du groupe Watchmen, mais ce tome-ci s'attache davantage au groupe qui les a précédés, les Minutemen. Après une publication en kiosque à partir de 2013, épisode par épisode et en fonction des retards pris par la version originale,
Urban Comics propose en 2014 chaque mini-série dans une publication propre en librairie.
De prime abord, la mini-série Minutemen a au moins deux particularités qui doivent retenir notre attention : non seulement, elle est la seule à s'intéresser, comme sa glorieuse aînée, à un groupe de super-héros, mais en plus elle est entièrement dirigée par un seul et même auteur,
Darwyn Cooke, qui assure et le scénario et le dessin. L'exercice est difficile, surtout sur un tel projet, mais le résultat a réussi à me surprendre suffisamment.
Tout d'abord, l'auteur s'appuie sur une alternance chronologique, un peu perturbante au départ, entre les années 1940 (période faste des Minutemen) et les années 1960 (présent du narrateur). Ainsi, au cours de six chapitres intenses, nous suivons les états d'âme du premier Hibou, une quinzaine d'années après sa prise de fonction de super-héros au sein des Minutemen, alors qu'il rédige un livre justement sur son passé de justicier et que cela remue quelques souvenirs.
Au niveau de la narration et de la construction des épisodes, il n'y a pas grand-chose à dire : l'auteur maîtrise son format et construit pas à pas une enquête de qualité avec ce qu'il faut de faux-semblants et de suspense insoutenable. de cette façon (et sans spoiler, je préviens !), le premier chapitre sert de présentation des différents personnages ; le deuxième, « Nos années dorées », nous fait entrer dans le vif du sujet avec la constitution de l'équipe et leurs premières aventures mouvementées, voire déjà bien glauques ; le troisième, « Un jeu d'enfants », nous fait prendre en main l'enquête de la Silhouette ; le quatrième, « Souvenirs de guerre » voit éclater les dissensions et autres conséquences de la Guerre mondiale ; le cinquième, « le coeur du démon » est le moment pour le Hibou d'affronter ses souvenirs les plus durs et les plus tourmentés ; enfin, le sixième, « La dernière minute », nous propose les dernières révélations et tissent ce qu'il faut de liens avec l'intrigue de Watchmen.
Darwyn Cooke sait, lui aussi et à l'instar d'
Alan Moore en son temps, taper là où ça fait mal ; il correspond ainsi à l'essence des Watchmen que je croyais voir altérer par cette reprise en main commerciale de la part de DC Comics. Par sa narration triste et affligée, il s'applique à démonter un par un les faux-semblants de ces Minutemen bien mal lotis au royaume des super-héros. Alcool, sexe, culpabilité, passés douloureux : les motifs sont légion pour eux de tomber en dépression chronique. On comprend très vite que nous n'avons pas affaire ici aux clichés « mainstream », mais bien à des super-héros improvisés et même amateurs le plus souvent.
Du point de vue graphique,
Darwyn Cooke n'est pas mon dessinateur préféré, mais a un style bien à lui, misant sur les positions symboliques et sur des costumes très épurés. de plus, il aime construire ses planches en groupant ses cases par trois et utiliser ces triptyques pour, alternativement, faire défiler une même action, décomposer une scène en trois tableaux et opposer trois personnages de manière à les comparer.
Finalement,
Urban Comics, qui accompagne son édition d'un sacré lot de couvertures et d'illustrations en bonus, nous propose une des bonnes surprises de ces séries « Before Watchmen » avec ces Minutemen de
Darwyn Cooke, compte tenu de mes doutes initiaux. Si chacune de ces mini-séries était du même acabit, cette réécriture forcée serait un bienfait certain.
Darwyn Cooke, bien plus que toutes les autres séries estampillées « Before Watchmen » nous sert un véritable prélude au monument d'
Alan Moore, qu'il me tarde de relire pour parfaire la correspondance entre les deux.