D'une manière générale, j'aime beaucoup les albums collectifs, car ils sont imparfaits par nature. On les choisit souvent pour le thème abordé, parfois pour les dessinateurs et scénaristes qui se frottent à l'exercice mais au bout du compte, on en vient systématiquement à la même conclusion : l'exercice est périlleux et on oscille en permanence durant la lecture entre les "mouais" et les "ouah".
BOB DYLAN REVISITED ne déroge pas à la règle et sur les treize chansons réinterprétées par autant de bédéastes, il y autant de "mouais" que de "ouah" et peut-être même un ou deux "bah", que l'on réserve aux grands noms qui, à vos yeux, n'ont pas su mettre dans le mille (Zep). L'album paru en 2008 chez Delcourt propose pour chacun des treize chapitres, les paroles originales de la chanson, la traduction française qui permet de mieux appréhender l'oeuvre de Robert Zimmerman puis son interprétation.
"Blowin' in the wind", "Lay, lady, lay, "Knockin' on heaven's door" ou Like a rolling stone", le "tracklisting" ou la "setlist" fait la part belle aux classiques de Dylan, mais avec des approches radicalement différentes d'une adaptation à l'autre. Si certains préfèrent mettre en images les mots du musicien, d'autres proposent une histoire originale et n'en gardent que l'esprit ou que la "morale". C'est le cas par exemple d'Alfred dont j'ai beaucoup aimé l'interprétation de "Like a rolling stone". Pas de texte, une couleur dominante par page - les fans de
Riad Sattouf apprécieront - et surtout un sens du cadrage et du découpage qui suffit à emmener le lecteur.
Plus littérale, la transposition en BD par
Gradimir Smudja - qui signe aussi la couverture - de "Hurricane" qui retrace l'histoire du boxeur Hurricane Carter accusé à tort d'un triple meurtre se décline dans un noir et blanc façon polar avec à la clef un rendu visuel percutant à l'image de cette case où l'on contemple du plafond le boxeur assis dans sa cellule.
Il est temps maintenant d'aborder mes deux coups de coeur, "A hard rain's A-gonna fall" par Lorenzo Mattoti, une légende que je ne connaissais pas qui s'est illustré autant dans la bande dessinée que dans l'illustration. Il suffit de faire quelques recherches sur google pour se rendre compte que son style, essentiellement construit à partir de pastels, est reconnaissable entre mille et qu'il bouscule autant qu'il séduit. Autre poids lourd du Neuvième Art que j'ai découvert grâce à cet album,
Dave McKean dont je résumerais grossièrement le style comme un uppercut visuel. Son interprétation de "Desolation row" est toute personnelle, mais le résultat est proprement hallucinant à l'instar de cette pleine page où son Dylan nous apparaît de dos face à un public surchauffé le tout dans des teintes rougeoyantes qui font écho au papier qui brûle entre les mains du chanteur, un papier sur lequel est inscrit "I belong to you believe me".
Tandis que de véritables performances se livrent ici, d'autres semblent plutôt dans la figuration, dans le remplissage et je ne m'attarderai pas sur elles. Comme je le disais en amont,
BOB DYLAN REVISITED n'est pas parfait, mais il offre quelques moments de grâce tout en rendant hommage à l'un des plus grands "songwriters" alors ne faisons pas la fine bouche.