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François Boucq (Adaptateur)
EAN : 9782203391451
124 pages
Casterman (02/06/2005)
3.94/5   108 notes
Résumé :
L'histoire hallucinante de Bouche du diable commence par un jour d'hiver en Ukraine,à la fin de la deuxième guerre mondiale. Un jeune garçon, à moitié mort de froid dans la neige, est recueilli par une vieille paysanne. Son destin le mènera de l'orphelinat d'État de Karkhov jusqu'aux États-Unis où, sous le nom d'emprunt de William Budd, il servira d'agent de liaison aux services soviétiques. Avant de chercher en vain à échapper à son embrigadement.

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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Il n'a ni nom ni famille. D'une certaine manière, il n'a pas de chance non plus. Recueilli par une brave femme ukrainienne au coeur de l'hiver, Youri doit fuir son premier foyer à cause d'un parâtre brutal et cruel. le jeune garçon, qui souffre d'une malformation buccale - un bec de lièvre - passe ensuite six années dans un orphelinat soviétique où brimades et violences rythment son quotidien. Mais, repéré par le colonel Stavroguine, du renseignement soviétique, Youri est amené à servir sa patrie. Envoyé aux États-Unis après une formation exigeante, Youri y découvre un monde nouveau et la possibilité d'un avenir personnel. Cependant, le bonheur n'est pas au programme des missions d'un espion du KGB. Porté par une ambiance esthétique absolument remarquable, la bande-dessinée de Boucq et Charyn jouent à la fois sur le thème de la Guerre froide et de la veine fantastique.

C'est bien autour du diable - cité dans le titre - que se nouent les grandes thématiques du livre. le titre semble nous désigner Youri comme le réceptacle du diable, à cause de son bec de lièvre. Cette malformation physique est plutôt le prétexte tout trouvé pour ses camarades de l'orphelinat pour tourmenter Youri. En réalité, ce sont bien les autres personnages que croise Youri qui se révèlent diaboliques. Il y a d'abord le fermier que même les flammes ne parviennent pas à stopper dans sa haine meurtrière à l'encontre de Youri. Bien-sûr, Stavroguine n'est pas en reste, lui qui sacrifie même son frère pour son propre intérêt, bien qu'on ne sache pas s'il sert une carrière personnelle ou l'idéologie de son parti. Antéchrist véritable, Stavroguine a, pour appuyer sa triste réputation, le saccage d'un monastère et le massacre des moines pour fait d'armes. Au-delà de ces deux figures marquantes - notamment parce qu'elles apparaissent pour la naissance - littéraire - et pour la mort de Youri, d'autres personnages montrent un visage diabolique : les mauvais garçons de l'orphelinat, les sbires de Stavroguine ... Youri n'a de diabolique que la réputation, injustifiée par ailleurs ; il est plutôt angélique, attiré par les enseignements religieux de Grigori, un ancien moine qui forme les espions, et innocent : en témoignent l'histoire d'amour qu'il commence à vivre à New York, mais aussi le sauvetage d'un collègue qu'il opère alors qu'ils travaillent sur un chantier. Cette action lui vaudra d'être sauvé à son tour, comme une preuve du bon karma de Youri.

Pourtant, cette répartition manichéenne entre bons et mauvais personnages s'efface devant l'ombre de la Guerre froide dans laquelle, chacun pensant poursuivre la bonne idéologie, tous les moyens sont mis en oeuvre pour gagner. L'intérêt, ici, est que les auteurs mettent en scène des espions soviétiques aux États-Unis, et non l'inverse, comme bien souvent dans les productions culturelles. C'est en Youri que la Guerre froide est personnalisée. Alors qu'il a bénéficié d'une formation exigeante au sein du KGB, que l'État s'est occupé de lui durant son enfance - malgré des conditions très difficiles -, Youri découvre aux États-Unis la possibilité de vivre sa propre vie, loin des exigences du Parti. Les tensions entre l'individu et la collectivité, entre la liberté et la surveillance, font pencher Youri dans le camp libéral. Mais ce basculement n'est pas tant la preuve de la victoire d'un système sur un autre, que l'affirmation de l'importance de l'individu en tant que tel. La métaphore des ouvriers sur les gratte-ciel peut être lue ainsi : Youri se détache du sol, et des basses conditions tant matérielles que politiques pour être enfin lui-même. Cette affirmation de soi débouchera, ensuite, sur une accession à une forme de divin, sous la férule de Red Eagle, un Indien, lui aussi ouvrier sur les gratte-ciel, aussi habile tireur que puissant chaman.

Tout comme dans leur autre bande-dessinée, Little tulip, François Boucq et Jerome Charyn accordent une grande importance au fantastique dans leur récit. Dune part, on l'a dit, deux des principaux personnages secondaires, proches de Youri, sont des hommes de religion, au sens large du terme. Grigori est un ancien moine qui, pour survivre, a renié sa foi ; mais ce reniement est de façade, et Grigori continue de prier. Il dévoile ses icônes à Youri et lui fait entrevoir l'apaisement de la prière. Red Eagle, lui, initie Youri à une autre forme de spiritualité, non tournée vers une divinité unique, mais plutôt vers une nature déifiée. En un sens, Youri est prédestiné à être l'élève de ces deux hommes. En effet, le jeune homme dispose d'un pouvoir télépathique. Ainsi, ses rêves lui laissent entrevoir des événements récents qui, s'ils ne sont pas prémonitoires, lui permettent d'accéder à des informations qu'il n'aurait jamais reçues ; cette capacité lui fera aussi du tort. La part du fantastique est importante, car elle révèle la vérité. le don télépathique de Youri est bien réel, contrairement à ses noms soviétique ou américain, car il n'est véritablement ni Youri ni Billy Budd. C'est par le rêve qu'il sait que Grigori a été assassiné, et c'est par le rêve qu'il accède à la personnalité du mystérieux Abel, dont l'ambition était justement de passer définitivement aux États-Unis. le fantastique permet de dépasser les frontières idéologiques et politiques, et de révéler les individus à eux-mêmes et aux autres.

Bouche du diable, divisé en trois chapitres, souffre hélas d'un scénario inégal et d'une fin abrupte. La partie sur la jeunesse soviétique de Youri est très prenante, autant que les premiers pas de Youri sur le sol américain. Mais la dernière partie s'embourbe quelque peu, et certaines facilités narratives, comme l'apparition de Red Eagle dans les égouts interrogent le lecteur. Toutefois, la bande-dessinée entière est portée par le graphisme remarquable de François Boucq. Les décors sont saisissants, tant le baroque délabré des vieilles institutions soviétiques que les intérieurs miteux des appartements de la Grosse Pomme. Les visages sont remarquables par leurs expressions et par les traits très accentués, comme s'ils étaient burinés par le temps ou les épreuves. le sens de la mise en page finit de rythmer la narration à la manière d'un film. L'ambiance graphique ciselée par François Boucq est particulièrement immersive, au point qu'il faudrait, sans doute, scruter tous les détails de chaque planche pour en admirer la richesse. Et pour s'assurer, au cas où, que le diable n'y ait pas trouvé cachette.
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Encore avec Boucq et Charyn !Pour une histoire d'espionnage cette fois ci.
Un petit garçon perdu, est recueilli par une paysanne ukrainienne. Elle le ramène chez elle et le prénomme Youri. Son mari est féroce avec l'enfant .Youri lui échappera , laissant la maison à feu et à sang..

Il est alors placé en orphelinat où il subit les pires représailles de la part ses congénères.Il devient "bouche du diable "à cause de son bec de lièvre .

Cet enfant sans passé ni mémoire est recruté par un colonel du NKVD. Il est la cible parfaite pour être formé et instruit, avant d'être infiltré aux USA.
Il apprendra à mâcher un chewing-gum comme un américain, et tout ce qui va avec...

A vous de découvrir la suite de ses (mes)aventures...

Toujours aussi sensible au réalisme du dessin de Boucq , je suis moins fana du scénario. L'espionnage ne m'a jamais intéressée , cette dernière tentative fait encore chou blanc.
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J'ai aimé le côté cru de la BD. Ces dessins forts, empreints d'une violence, celle de la société, du milieu, de l'environnement, bien davantage que celle des protagonistes. Même s'il faut bien avouer que cela dézingue et explose façon puzzle, selon l'expression consacrée.

J'ai aimé l'absence d'humour, le portrait d'un paumé déraciné à qui on fournit une nouvelle identité. Une "légende", pour l'infiltration de ces maudits capitalistes.

J'ai aimé les personnages, les tronches, les caractères saisis par Boucq en quelques cases, grâce à une vision de l'intrigue. J'ai adoré les cases sans texte qui racontent bien plus que les plus longs discours. Boucq a ce talent que peu d'autres dessinateurs possèdent. Celui de raconter par le seul dessin des choses que d'autres ne peuvent raconter qu'avec force dialogues et "voix off". Il y a du Hermann chez Boucq (et je ne peux faire de meilleur compliment).

J'ai moins apprécié le côté prévisible de l'intrigue. Ce basculement d'un agent communiste infiltré à New York... ce n'est même pas du spoiler, c'est inscrit dès le départ.

J'ai très peu adhéré à l'onirisme, à la touche fantasque et fantastique qui vient polluer (à mon avis) un roman qui aurait pu, qui aurait dû, être noir de noir. Je reste donc un peu sur ma faim, mais j'ai découvert (à ma grande honte, je l'avoue) un dessinateur.
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Un one shot décrivant le destin d'un espion soviétique durant la guerre froide qui passe à l'Ouest. La fin de ce récit m'a laissé « bouche bée » sans vouloir faire un méchant « jeu de mot »…

C'est dommage car il y a incontestablement de la qualité dans le dessin très précis. Les vues des buildings new-yorkais sont tout simplement grandioses. Par ailleurs, nous avons véritablement droit à un scénario travaillé tout en finesse. Il n'y a point d'anticommunisme primaire par exemple.

Il est vrai que j'ai nettement préféré la première partie du récit à la seconde qui s'essouffle. J'ai bien aimé la formation pour devenir espion.

Je ne sais pas pourquoi mais ce titre m'a rappelé incontestablement le célèbre film oscarisé « le silence des agneaux » et on s'imagine que l'histoire sera sur ce thème. Fort heureusement, il n'en n'est rien ! le héros à la mâchoire déformée est plutôt très sympathique. Bon, c'est sans doute la couverture qui m'a donné cette impression de terreur non justifiée.

Note Dessin : 3.75/5 – Note Scénario : 3.75/5 – Note Globale : 3.75/5
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Superbe et flamboyante BD qui débute dans la boue d'un champ d'Ukraine envahi de corbeaux, s'élève jusqu'aux poutres metalliques des gratte-cielset se termine dans le maitre vitail de la Basilique St Patrick.

Une paysane ramasse dans un champ couvert de neige un enfant affligé d'un bec de liévre, souffre-douleur qui sera recueilli, embrigadé dans les services secrets de l'URSS et instrumentalisé. Mais il est aimé des oiseaux, et trouvera sur son chemin deux hommes qui réveilleront en lui sa spriritualité.

Scénario intelligent qui nous parle de liberté, d'humanité, sans aucun temps mort dans cette ascension vers la lumière, servi par un trait flamboyant aussi bien dans la crasse et la force de l'eau des égouts, celle de la pluie qui déferle sur le toit de la basilique, et que la fange et la cruauté de la violence.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
- Que faisiez-vous tout à l'heure, avant que je frappe à la porte je vous ai vu ; un courant d'air a levé le rideau ?
- Je priais.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- ça veut dire que l'on communique avec le créateur de toutes choses.
- Si il est le réateur de toutes choses est-ce lui qui a créé le Parti, la Russie et le Petit Père des Peuples ?
- Dans un certain sens, oui.
- Pourquoi le Parti n'en parle-t-il pas ?
- Parce que le Parti ne supporte pas qu'il y ait quelque chose au-dessus de lui.
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...Puisque la meilleure façon de gagner une guerre c'est de soumettre l'ennemi sans combat... Les guerres se gagnent dans l'ombre !
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p.111.
La grâce du grand esprit est comme les rayons du soleil qui descendent et éclairent toutes les créatures... les pensées des hommes doivent s'élever vers lui comme le fait l'aigle tacheté.
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Vous savez bien que l'on peut faire dire ce que l'on veut à un texte...
...Certains ont même réussi à faire accepter l'idée que le Christ était le premier communiste de notre ére.
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p.23.
- Si il est le créateur de toutes choses est-ce lui qui a créé le parti, la Russie et le petit père des peuples ? …
- Dans un certain sens, oui.
- Pourquoi le parti n'en parle-t-il pas ?
- Parce que le parti ne supporte pas qu'il y ait quelque chose au-dessus de lui.
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Jerome Charyn nous lit un passage de son livre Johnny Bel-Oeil.
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