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EAN : 9782070408122
248 pages
Gallimard (02/04/1999)
3.76/5   282 notes
Résumé :
Quand vous prenez une couchette dans un train de nuit, méfiez-vous des rencontres. Quand on retrouve une femme étranglée dans votre compartiment, méfiez-vous de vos voisins. Quand on supprime un a un tous vos voisins, méfiez-vous tout court. Si vous n'êtes pas vous-même l'assassin, c'est embêtant !
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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Qui ne connait pas Sébastien Japrisot ? Avec une carrière d'écrivain, de scénariste et même de réalisateur de films s'étalant sur 53 ans – depuis « Les mal partis » (1950) jusqu'à « Un long dimanche de fiançailles » (2003) – son oeuvre traverse les générations. Il n'a pourtant pas eu besoin pour cela d'écrire des centaines de livres : cinq romans originaux, tous adaptés au cinéma, et plusieurs scénarios, dont le moindre d'entre eux a été retravaillé pour être publié sous forme de roman !
Compartiment tueurs, publié en 1962, n'échappe pas à la règle : Costa-Gavras, un cinéaste encore inconnu, réalise son premier film à partir du livre en 1964. La distribution fait rêver : Yves Montand, Simone Signoret, Catherine Allégret (leur fifille), Jacques Perrin (un jeunot à l'époque), Michel Piccoli, Pierre Mondy, Jean-Louis Trintignant, Charles Denner, Bernadette Lafont, Christian Marin, Marcel Bozzuffi, Claude Dauphin, Daniel Gélin, Jean Lefebvre, Dominique Zardi, Claude Berri… et j'en passe. Tout ce beau monde se retrouve en bonne place dans le roman, le film étant une adaptation assez fidèle du livre. Et ce roman, parlons-en !
Compartiment tueurs relate une enquête policière tarabiscotée et à l'ancienne, exploitant le thème du huis clos où le coupable se trouve forcément dans une population restreinte de suspects, tous ayant partagé le compartiment-couchettes de la victime pendant un voyage de nuit à bord du Marseille-Paris de 10h30. Malheureusement, les suspects, qui sont également des témoins gênants, sont assassinés les uns après les autres, ce qui nuit à la sérénité de l'enquête. Qui sera le dernier ? Sera-t-il forcément le coupable ?
Avec ce scénario ferroviaire, on pense bien évidemment à la grande reine du crime, Agatha Christie, qui a ouvert la voie et a bien dégagé le ballast avec son « Crime de l'Orient-Express » et ses « Dix petits nègres ». Compartiment tueurs se situe exactement à la croisée des aiguillages de ces deux romans. La particularité de style qu'utilise Japrisot mérite d'être signalée : les personnages et l'action sont décrits de manière neutre, distanciée, sans utiliser la facilité du dialogue, exemple : « le troisième homme, qui ramassait les perles répandues sur le plancher, leva les yeux et demanda, patron, ce qu'il avait à faire, lui. ». Les descriptions minutieuses ralentissent un peu le récit, on se croirait, surtout au début, dans un Nouveau Roman, Michel Butor n'est pas loin (il a de son côté embarqué à bord du Paris-Rome dans La modification). Ceci permet à Japrisot de multiplier les points de vue en toute subjectivité, préservant ainsi une part de mystère sur ce que savent vraiment ses personnages. La narration s'accommode ensuite de tournures plus classiques, avec l'apparition de dialogues, et le rythme de l'enquête s'accélère. Japrisot nous embarque à bord d'un polar compartimenté, qui ne dévoile que ce que l'auteur a choisi de révéler. L'intrigue est complexe, et le scénario est réglé avec la précision d'une horloge SNCF. Mais malgré son côté alambiqué, l'histoire reste sur ses rails, sans jamais laisser le lecteur à quai. L'ambiance du Paris des années 60, chapeaux mous et gabardines, brasserie-choucroute (page 146) et bistrot-bières sur ronds de carton mouillés (page 31), donne par ailleurs un charme indéniable à ce roman. Pour préserver le suspense jusqu'au bout, les enquêteurs semblent comprendre avant le lecteur ce qui s'est réellement passé (on rencontre plus souvent l'inverse aujourd'hui), et le final est éblouissant. Je vous recommande donc la lecture de ce petit polar ferroviaire et vous invite également à visionner quelques scènes du film postées sur Babélio, qui vous donneront un aperçu de l'ambiance.
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Je vous parle d'un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaitre... Un temps où l'atmosphère feutrée des films policiers en noir et blanc rendait encore plus dense le brouillard des fumées de cigarettes, sur fond de costumes-cravates, noirs évidemment. Un temps où les « mauvais garçons » se confondaient avec les fils de bonne famille, un temps où Simone Signoret et Yves Montand filaient le parfait amour...

Pourquoi soudain suis-je plongée dans ma petite enfance ? Pourquoi ai-je tout à coup la nostalgie de cette époque ?
Parce que je viens de lire « Compartiment tueurs », écrit en 1962. Parce que l'écriture à l'ancienne de ce polar très classique m'a fait penser immédiatement aux films policiers visionnés en famille. Il a d'ailleurs été porté à l'écran par Costa-Gavras, avec dans les rôles principaux les susnommés Yves Montand et Simone Signoret, mais aussi Catherine Allégret, Michel Piccoli, Jean-Louis Trintignant, Pierre Mondy, Charles Denner, Marcel Bozzuffi, Daniel Gélin, excusez du peu.

Je disais justement à un de mes contacts de Babelio que les polars, eh bien, je n'y connaissais rien ! A part quelques Agatha Christie, Rouletabille, et l'excellent « Robe de marié » de Pierre Lemaître, j'avoue ma complète ignorance. Et comme Japrisot est un auteur que j'affectionne...j'ai sauté dans le premier train. Il s'agit en l'occurrence du « Phocéen ». Dans un compartiment à 6 couchettes, on a retrouvé le cadavre d'une jeune femme, peu après l'arrivée en gare de ce train Marseille-Paris. Et me voilà trimballée sur les rails de l'enquête, à coups de dialogues et de descriptions courtes mais évocatrices. Enquête qui s'avère quelque peu compliquée, vu que les cadavres vont se ramasser à la pelle (enfin, j'exagère, il ne s'agit quand même pas de feuilles mortes).

J'ai essayé de ne pas me perdre dans les nombreux personnages car Japrisot joue avec le lecteur, sème des indices l'air de rien...et il fallait que je feuillette le roman en arrière pour m'y retrouver.

Mais bon, même si ce polar à l'ancienne n'est pas ce que je préfère, il a eu entre autres le mérite de me transporter à l'époque du cinéma de mon enfance, aux dialogues percutants et à la musique un brin nostalgique.
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Gare de Lyon, « un samedi très clair et très froid du début octobre ». le Phocéen, train en provenance de Marseille, est arrivé au dépôt. Un homme chargé de contrôler les voitures couchettes à la recherche d'objets oubliés trouve un foulard, puis un cadavre de femme dans le compartiment suivant. Des perles d'un collier de pacotille sont éparpillées un peu partout et s'écrasent sous les pieds de l'Identité Judiciaire, médecin légiste, commissaire et inspecteurs qui défilent dans le compartiment pour le passer au crible. le patron confie l'enquête à un inspecteur appelé Grazzi qui, avec son manque d'assurance, se serait très bien passé de cette affaire. Mais pas le choix, autant s'y mettre tout de suite et sortir son vieux carnet rouge, même s'il n'y note jamais grand-chose finalement.
Après l'inventaire des affaires de la victime, le voilà parti en chasse afin de retrouver tous les occupants des places 221 à 226 du Phocéen.
Visitons chaque couchette, fouillons la vie de son occupant. Mais attention, il faut faire vite car les voyageurs ont une fâcheuse tendance à se faire refroidir !
Pour le lecteur agrippé à son folio policier les numéros des couchettes serviront alors de titres aux chapitres et tout s'enchaînera à un rythme effréné.

Cette première lecture de Sébastien Japrisot fut une découverte tout à fait intéressante. Son style très particulier donne cette petite touche originale pour apprécier ce polar en dehors de l'enquête elle-même. Au début, pas de noms des personnages, ce sont la femme, les trois hommes en pardessus, l'homme au chapeau en arrière, l'homme qui regarde par la fenêtre, l'homme qui était assis… C'est un peu déstabilisant, demandant l'attention du lecteur pour situer les intervenants tout en conférant à ces premières pages un attrait atypique des plus stimulant.
Au début du roman, les dialogues se noient dans la narration et donne une impression de distance avec les évènements. le commissaire et l'inspecteur couvent une grippe, se mouchent, comme le premier témoin. Et puis les dialogues apparaissent quand le premier témoin téléphone d'un bistrot à l'inspecteur pour lui livrer sa version du voyage, on entre dans le vif du sujet. Plus question de s'apitoyer sur sa petite santé, il y a urgence.
La solitude, la gêne vis-à-vis des femmes, la timidité, émergent de quelques phrases de l'auteur pour l'un de ses personnages. Une chevelure noire contrastant sur une garde-robe essentiellement blanche, des vêtements soigneusement marqués de son initiale feront appréhender le caractère de la victime. Ces petits détails personnels posés tout simplement par Sébastien Japrisot impriment chaque protagoniste et les font vivre aux yeux du lecteur.

L'atmosphère des années 60 se dessine dans le Paris des jetons téléphoniques, dans les cafés, les choucroutes dans les brasseries, les autobus à plateforme, les concierges, les chambres mansardées. Les hommes portent le chapeau et les femmes des robes et des jupes.

Ce polar entraîne, on découvre les personnages avec Grazzi, on patauge avec lui quand, à peine entendus, ils se font exécuter. Les chosent s'accélèrent, se mettent en place pour un dénouement plutôt inattendu car si des indices sont distillés, les pistes sont habilement brouillées.
Ce roman à l'ancienne, moderne par son style étonnant, se déguste autant pour son originalité que pour son intrigue diablement bien manigancée.
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Je n'ai pas choisi ce roman, j'en ai "hérité". L'une de mes soeurs est passée à la lecture numérique il y a quelques années et, à cette occasion, elle s'est débarrassée de tous ses livres papiers. Sans commentaire...
Du coup, elle a débarqué à la maison avec de gros sacs remplis de ces pauvres romans devenus indésirables. J'en ai récupéré la plus grosse partie et Compartiment tueurs en faisait partie.
Mais je vous avoue sincèrement que, comme ce n'est pas un roman que j'ai choisi moi-même, je m'attendais à le laisser dans ma PAL pendant quelques années encore.
C'était sans compter sur une amie blogueuse qui est une véritable tentatrice en matière de romans policiers. Elle a lu Compartiment tueurs au mois de juin et m'a dit qu'il l'avait surprise par sa qualité et, surtout, son dénouement imprévu. Comme elle fait partie de ces gens qui devinent l'identité du meurtrier après avoir lu 20 pages d'un polar, j'ai pensé que ce roman de Japrisot devait être assez exceptionnel. J'ai donc été le rechercher dans mes étagères et je l'ai placé dans ma valise.
Un jour pluvieux où je n'avais plus envie de sortir, je me suis donc installée avec Compartiment tueurs. Et dès le début, je me suis sentie transportée dans une ambiance digne d'un polar des années 1950-1960. Plus jeune, j'ai visionné (et apprécié) le film le troisième homme de Carol Reed, inspiré du roman du même titre de Graham Greene. le polar de Japrisot m'a rappelé l'ambiance de ce film ; dans les deux cas, l'intrigue est noire et efficace, sans fioritures inutiles. On est directement plongé au coeur des faits et l'on suit, l'un après l'autre, les passagers du compartiment où le premier meurtre a lieu. Chaque chapitre est d'ailleurs consacré à un personnage.
J'ai adoré la personnalité de l'inspecteur Grazziani (surnommé Grazzi pas ses collègues). C'est vraiment l'enquêteur-type, qui parle peu mais réfléchit beaucoup.
C'est bien la première fois que ça m'arrive, alors autant le souligner : j'ai deviné l'identité du coupable avant la fin du roman ! Pour être tout à fait honnête, c'est grâce à cette amie blogueuse dont je vous parlais ci-dessus : elle m'avait bien dit que l'identité du meurtrier l'avait totalement étonnée. du coup, j'ai cherché le coupable le plus improbable et j'ai trouvé le bon. Mais, par contre, impossible de comprendre le mobile du crime...
Si vous aimez les bons polars, à l'intrigue très "classique", celui-ci est fait pour vous.
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Une vraie lecture confinement, un livre retrouvé par hasard, un livre sympa avec des photos du film...Et dans le challenge "confinement" il y a justement un livre tourné en film...
Voila le premier policier de Sébastien Japrisot qui est aussi le premier film de Costa Gavras !
Paris, gare de Lyon...Le Phocéen est entré en gare et Bébé le "fait" comme d'habitude avant qu'il ne parte sur les voies de garage. Parapluies, foulards mais aussi et c'est heureusement plus rare une jeune femme morte, étranglée.
La police est là, rapidement. Il faut trouver le nom des voyageurs du compartiment et les interroger. Mais au fur et à mesure que ces témoins sont retrouvés, ils sont assassinés, quelquefois avant même que la police ne puisse les rencontrer. Et quand des soupçons se précisent sur un éventuel coupable, le voila tué à son tour...Quelle histoire....
Un bon roman policier c'est une bonne énigme, c'est aussi de bons personnages.
Dans le film, il y a évidemment Paris que l'on traverse de jour ou de nuit, un beau Paris en noir et blanc.
L'inspecteur de police, Grazziani (Grazzi pour ses collègues) c'est Yves Montand. Il vient de son HLM de la banlieue Sud. Il a un jeune fils, il a prévu de l'emmener au Zoo, mais il y a l'enquête...
Le commissaire de police (Pierre Mondy) a la crève (est-ce que nous allons apprendre à garder nos virus chez nous au lieu d'aller faire les héros au travail en les partageant avec tous ? ). Il attend une promotion et un meurtre ce n'est pas bon pour lui. Il a un fils lui aussi, un grand, qui joue de la guitare et veut faire les Beaux Arts. Stupide....
Et puis il va y avoir les victimes....La première, Pascale Robert : elle est très attachée à ses petites affaires, met ses initiales sur sa voiture et ses petites culottes. L'employé de bureau, représentant, vieux pardessus, négligé : Michel Piccoli, L'actrice murissante, maquillage soigné et manteau de fourrure : Simone Signoret. Tous les deux rongés par la solitude.
Et puis il y a les "bébés", Catherine Allegret, Jacques Perrin, Jean Louis Trintignan...et tous les autres...
On remarque presque automatiquement les différences avec notre époque.
Je ne me suis pas engagée sur les chemins de la "pudeur" : on est juste quelques années avant la "mini-jupe" et la jeune femme qui a du mal avec sa valise est immédiatement soupçonnée de vouloir montrer ses jambes aux messieurs.
J'ai noté quelques chiffres : une femmes est grande si elle fait un peu plus d'un mètre soixante ; on s'achète une voiture avec l'équivalent de mille Euros et on réalise ses rêves les plus fous avec dix mille...Et puis, on "monte" à Paris, pour trouver du travail.
Voila....Un livre à lire, un film à voir ou à revoir...
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Le troisième homme, qui ramassait les perles répandues sur le plancher, leva les yeux et demanda, patron, ce qu'il avait à faire, lui. Il y eut un gros rire, puis la voix assourdie par le rhume dit pauvre nouille, qu'il n'avait qu'à enfiler ce qu'il tenait. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autre ?
L'homme au chapeau se retourna vers celui qui regardait toujours par la vitre, un homme maigre, très grand, au pardessus bleu marine élimé aux manches, aux cheveux d'un brun terne, aux épaules voutées par trente-cinq ou quarante ans de soumission quotidienne. Devant son visage, il y avait de la buée sur la vitre. Il ne devait pas voir grand chose.
L'homme au chapeau dit qu'il n'oublie pas, lui, Grazzi, de jeter un coup d'oeil sur les autres compartiments, on ne sait jamais et même quand on trouve que dalle, ça fait du poids dans le rapport. Faut développer.
Il voulut ajouter autre chose, mais il haussa les épaules, dit à nouveau bon Dieu, qu'il en tenait une carabinée, toi, l'enfileur de perles, je te trouve au Quai vers midi, ciao, et il s'en alla sans refermer la porte.
L'homme debout devant la vitre se retourna, visage blafard, yeux bleus, regard tranquille, et dit à l'autre, penché sur la couchette où la femme tendait un dos mort, des muscles morts, qu'il y avait vraiment des coups de pied quelque part qui se perdaient.
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L'homme qui regardait par la vitre sortit un mouchoir de sa poche de pardessus, se moucha, annonça qu'il couvait la grippe.
L'homme au chapeau, assis derrière lui, répondit que c'était bien dommage, mais que sa grippe attendrait un peu, il fallait que quelqu'un s'occupe de ça. Il l'appela Grazzi, et dit que c'était lui, Grazzi, qui allait s'occuper de ça. Il se leva, enleva son chapeau, prit un mouchoir à l'intérieur, se moucha bruyamment, déclara que lui aussi, bon Dieu, il avait la grippe, remit le mouchoir dans le chapeau, le chapeau sur la tête, et dit de sa voix du bout des lèvres, assourdie par le rhume, que tant qu'à faire, il ferait bien, lui, Grazzi, de commencer tout de suite. Sac. Vêtements. Valise. Primo, qui est la nana. Secondo, d'où elle vient, où elle habite, qui elle connaît, et le toutim. Tertio, la liste de réservation du compartiment. Rapport le soir, 7 heures. Un peu moins de connerie que d'habitude, ça ne ferait pas de mal. L'instruction, c'était cette peau de vache de Frégard. A bon entendeur, salut. Le truc, c'est envelopper. Tu comprends ? Envelopper.
Il sortit une main de sa poche pour faire un rond de bras. Il regardait fixement l'homme près de la vitre, qui ne se tournait pas.
Il dit bon, qu'il devait voir Trucmuche, pour cette histoire de machine à sous, qu'il se tirait.
Le troisième homme, qui ramassait des perles répandues sur le plancher, leva les yeux et demanda, patron, ce qu'il avait à faire, lui. Il y eut un gros rire, puis la voix assourdie par le rhume dit pauvre nouille, qu'il n'avait qu'à enfiler ce qu'il tenait. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autre ?
L'homme au chapeau se retourna vers celui qui regardait toujours par la vitre, un homme maigre, très grand, au pardessus bleu marine élimé aux manches, aux cheveux d'un brun terne, aux épaules voûtées par trente-cinq ou quarante ans de soumission quotidienne. (...)
L'homme au chapeau dit qu'il n'oublie pas, lui, Grazzi, de jeter un coup d'oeil sur les autres compartiments, on ne sait jamais et même quand on trouve que dalle, ça fait du poids dans le rapport. Faut envelopper.
Il voulut ajouter autre chose, mais il haussa les épaules, dit à nouveau bon Dieu, qu'il en tenait une carabinée, toi, l'enfileur de perles, je te trouve au Quai vers midi, ciao, et il s'en alla sans refermer la porte.
L'homme debout devant la vitre se retourna, visage blafard, yeux bleus, regard tranquille, et dit à l'autre, penché sur la couchette où la femme tendait un dos mort, des muscles morts, qu'il y avait vraiment des coups de pied quelque part qui se perdaient.
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- Elle n'a rien remarqué de spécial durant le voyage ?
- Rien. Elle dit qu'elle ne nous sera d'aucune utilité. Elle est montée dans le train, elle s'est couchée, elle a dormi, elle est descendue du train et sa belle mère l'attendait. C'est tout. Elle ne connaît personne, n'a rien remarqué.
- Elle est gourde ?
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Le tort qu'elle avait c'était de toujours penser qu'on allait lui reprocher quelque chose. Elle savait bien quoi et qu'en outre c'étaux faux. La femme qui se raccroche à sa jeunesse en se payant du bon temps. Cette misère qu'on appelle le péché. L'ogresse du retour d'âge. Le démon de midi et quart. Elle avait été mariée vingt ans, avec un homme qu'elle n'avait jamais trompé, qui avait toujours vécu malade, qui était à peine moins présent, maintenant, dans son cadre sur la commode de la chambre.
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Elle connaissait ce genre d'énergumènes qui entrent partout comme chez eux, croisent les jambes, acceptent un verre sans dire merci. Généralement, ils restent étudiants des années, étudiants en quelque chose, le Droit, les Langues orientales. Ils sont calmes, jolis, impolis, taciturnes, ils plaisent aux femmes sans même les regarder, ils font l'amour une fois pour vous faire perdre la tête, puis ils prétextent la fatigue des cours, qu'il n'y a pas que ça qui compte, que ce sera différent après leurs examens, et quelquefois ils vous embrassent, très vite, avec des lèvres indifférentes et mouillées, comme les enfants, ou ils posent un index sur votre genou quand vous revenez de chez le coiffeur, en disant quelque chose de gentil, et puis c'est tout, ils vous rendent folle.
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Sébastien Japrisot est le pseudonyme et l'anagramme de :

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