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EAN : 9782356540270
Ypsilon éditeur (12/03/2013)
5/5   2 notes
Résumé :
Dans l’histoire, qui reste à faire, de l’ultra-gauche entre les deux guerres, l’importance de Contre-Attaque, dont l’existence fut courte, tient à la personne de ses deux animateurs Georges Bataille et André Breton. Cette union d’intellectuels révolutionnaires fut une rivale manquée de l’A.E.A.R., dont elle n’eut jamais ni l’audience, ni les moyens d’action. L’une et l’autre démentent la tendance présente des historiens des idées politiques à prétendre que seul le f... >Voir plus
Que lire après Contre-Attaque : Les Cahiers et les autres documents (octobre 1935 - mai 1936)Voir plus
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le racisme

Le mot race a nécessairement deux sens, l’un précis, dans la mesure où il se peut, répondant à l’exigence de la science ; et l’autre vague, quand pour distinguer deux races nous nous contentons de l’apparence. Dans le premier sens, nous dirons d’une peuplade, d’un individu, qu’ils sont de race négroïde ; mais dans le second, nous parlons des peuples de race noire. Pratiquement, l’idée savante de race ne joue pas sur le plan social (pratiquement, elle ne joue d’ailleurs jamais s’il s’agit d’hommes). Les questions raciales, dont l’importance politique a été si grande de nos jours, ne mettent jamais en jeu que des distinctions grossières. La science n’intervient dans ce domaine que pour affirmer l’inanité de ces distinctions populaires. Elle prive ainsi de valeur en particulier la distinction qui semble généralement la plus valable, à savoir la couleur de la peau. Le pigment dont cette couleur dépend n’a pas en effet de caractère fondamental : une peuplade noire changeant de climat pourrait à la longue perdre le pigment ; réciproquement le pigment peut avoir coloré des peuples qui ne sont pas de race négroïde. De toute façon, les Éthiopiens et les Polynésiens ne sont pas négroïdes ; certains voient même dans les Éthiopiens des hommes de race caucasoïde, et la race caucasoïde répond à la race blanche de nos pères, comme la négroïde à la race noire.
Lorsqu’il fut question de race juive, la distinction était plus indéfendable encore, puisque, pour juger de la race d’un homme, on dut officiellement recourir à la différence de religion.
A la base de l’attitude raciste, il y a donc une immense absurdité, et comme elle entraîne les plus inavouables cruautés, rien n’est plus naturel que de voir dans le racisme un fléau qu’il faut détruire. Il s’y ajoute que ce fléau semble récent et très évitable. L’Antiquité l’a ignoré, et le monde musulman est de nos jours indifférent aux questions de couleur. Et nous sommes tentés de l’envisager comme le médecin une maladie, qui, hier, n’était pas là, et que, par exemple, un antibiotique supprimera, ou comme le pompier l’incendie que l’eau éteindra. Le racisme a un fondement, ce fondement est mauvais, il n’a donc pas de raison d’être... Il faut lutter contre l’erreur, qui est à l’origine du racisme, l’erreur que les Anciens ne faisaient pas.
Il me semble que c’est là simplifier et que si l’on parle du mal raciste on n’a pas tout dit si l’on se place sur le plan de la distinction raciale exacte ou non. Bien entendu, l’antisémitisme raciste est une forme de haine plus pernicieuse que la haine des fidèles du judaïsme, mais ce n’est après tout que le vieil antisémitisme à la mesure de masses irréligieuses. Ne pourrions-nous voir enfin que le mot de racisme nous trompe ? Il est commode en ce que nous devrions le remplacer par une expression, phobie des autres, ou par un néologisme, hétérophobie, qui ne peuvent immédiatement rien signifier de concret, d’aisément saisissable. Mais il est clair que le racisme est un aspect particulier d’une hétérophobie profonde, inhérente à l’humanité, et dont les lois générales ne sauraient nous échapper.
Les haines de village à village, les combats de village à village n’ont guère de virulence aujourd’hui, mais nous savons quelle intensité ils avaient encore récemment. Ils étaient tels au milieu du x1xe siècle que les maçons limousins formaient à Paris des clans distincts par l’origine qui se battaient sur les chantiers. En principe, l’hétérophobie est externe, mais elle peut se maintenir à l’intérieur d’une communauté politique donnée (c’est le cas qui nous occupe), il y suffit d’un critérium assez durable, maintenant clairement la différence. Les clans des Limousins se maintenaient dans la mesure où les maçons émigrés gardaient un contact avec le village où ils revenaient de temps à autre, mais l’action syndicale les réduisit (elle substitua l’antagonisme de classe à celui de clan). L’antisémitisme est plus solide (et d’ailleurs le meilleur moyen de l’atténuer fut la guerre où les juifs et les non-juifs luttaient. côte à côte). Dans l’Antiquité, les populations soumises combattaient vite avec les vainqueurs les ennemis de ces derniers. Les différences sensibles d’une peuplade à l’autre étaient faibles et les juifs furent les seuls à ne pas subir l’assimilation, à s’isoler et maintenir ouvertement une différence avec les autres : leur participation aux luttes armées dans le monde moderne est récente. Le plus mauvais cas est celui des Noirs, dont la différence voyante est ineffaçable. On peut dire l’antagonisme inévitable, dans la mesure où une différence sensible a un caractère de stabilité : il est alors vain d’alléguer que la différence est mal fondée selon la science. Ce n’est pas de science qu’il s’agit : la théorie dans l’attitude raciste n’eut qu’une influence secondaire. Voir dans le racisme une idée néfaste est se détourner d’un problème dont les données ne se situent jamais dans la pensée : elle ne sont pas non plus dans la nature, elles sont contingentes, aléatoires, elles sont historiques, c’est-à-dire humaines.
Bien entendu, les différences en jeu ne sont jamais irréductibles. Elles sont et elles jouent, mais elles restent à la merci du mouvement. Les Brésiliens résolurent le problème sans avoir décidé de le résoudre : les circonstances firent que trop peu d’hommes purent se maintenir au Brésil à l’abri du mélange des « races ». Noirs d’origine africaine, Indiens et Blancs ont fusionné. Le préjugé de couleur n’y existe pas. La survivance de la pure race blanche n’y a pas plus de sens que l’existence d’une noblesse peu nombreuse maintenant sa distinction dans les alliances. Mais s’il arrive qu’un prolétariat blanc, se maintient à l’abri du mélange des couleurs, comme aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, alors que les Noirs forment une masse opprimée, difficile à contenir, la crise atteint le degré aigu. L’hétérophobie est d’autant plus forte, que la masse blanche est faible numériquement par rapport à la masse colorée. La situation est alors irréductible.
L’aspect essentiel de ces antagonismes ressort le plus crû­ ment dans cette dernière situation. La différence dont il s’agit a toujours un sens : elle marque une infériorité politique . La même différence ne joue pas en tout lieu dans le même sens. Dans le monde musulman, la supériorité appartient d’emblée au musulman noir qui avait le pas sur le Blanc chrétien. En pays musulman, la couleur ne peut donc avoir le sens de l’infériorité, elle n’existait pas comme différence. Chaque fois qu’une différence détermine l’antagonisme, elle signifie aux yeux de celui qui la fait l’infériorité de l’autre. Elle a donc une portée immense dans la mesure où il est possible d’opprimer celui que frappe la différence. Partout l’oppression est possible, mais ne saurait prendre corps de la même façon si l’opprimé est en tout point le semblable de l’oppresseur. L’oppression de l’homme de couleur est donc une forme privilégiée d’oppression. C’est l’oppression commode d’une masse unanime exercée contre une masse différenciable sans erreur.
On peut dire de l’attitude de l’oppresseur qu’elle est moralement d’une extrême bassesse. Elle suppose la stupidité et la lâcheté d’un homme qui donne à quelque signe extérieur une valeur qui n’a d’autre sens que ses craintes, sa mauvaise conscience et le besoin de charger d’autres, dans la haine, d’un poids d’horreur inhérent à notre condition. Les hommes haïssent, autant qu’il semble, dans la mesure où ils sont eux­ mêmes haïssables. Il est certain, si nous envisageons un Blanc et un Noir que, selon l’expression de Michel Leiris, « de leurs physiques différents à leurs mentalités différentes il n’y a nul rapport démontrable de cause à effet ». Ce sont des cultures, des modes de civilisation différents qui fondèrent leur opposition.
Mais une réprobation morale n’est jamais que l’expression de l’impuissance. Cet antagonisme racial est la forme actuellement assumée en ces conditions-ci, en ces lieux-ci par des mouvements d’opposition qui parcourent de toute façon lei masses humaines, et dont malheureusement la réduction ne peut être opérée en montrant qu’ils ne sont pas donnés dans la nature. L’existence humaine n’est pas existence naturelle et ces phénomènes d’antagonismes arbitrairement motiv6• opposent précisément les conduites humaines, historiques aux conduites immuables de l’intérêt animal.
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appel à l’action
— Qu’est-ce qui fait vivre la société capitaliste ?
— Le travail.
— Qu’offre la société capitaliste à celui quilui donne sontravail ?
— Des os à ronger.
— Qu’offre-t-elle par contre aux détenteurs du capital ?
—Toutcequ’ilsveulent,plusqu’àsatiété,dix,cent,milledindes
par jour, s’ils avaient l’estomac assez grand...
— Et s’ils n’arrivent pas à manger les dindes ?
— Le travailleur chôme, crève de faim et plutôt que de les lui
donner, on jette les dindes à la mer.
— Pourquoi ne pas jeter à la mer les capitalistes et non les
dindes ?
— Tout le monde se le demande.
— Que faut-il pour jeter à la mer les capitalistes et non les
dindes ?
— Renverser l’ordre établi.
— Mais que font les partis organisés ?
— Le 31 janvier, à la Chambre, Sarraut s’écrie :« Je maintiendrai
l’ordre établi dans la rue. » Les partis révolutionnaires (!)
applaudissent.
— Les partis ont-ils donc perdu la tête ?
— Ils disent que non mais M. de la Rocque leur fait peur.
— Qu’est-ce donc que ce M. de la Rocque ?
— Un capitaliste, un colonel et un comte.
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Vidéo de Georges Bataille
Yannick Haenel et son invitée, Linda Tuloup, lecture par Emmanuel Noblet.
Depuis plus de deux décennies, Yannick Haenel éclaire le paysage littéraire français de ses romans singuliers, où se concentrent les désirs multiples et où nous côtoyons, souvent avec jubilation, l'univers de personnages en quête d'absolu. Au cours de ce grand entretien, un format qui lui sied particulièrement, l'écrivain reviendra sur ses passions. La peinture d'abord (il a écrit sur le Caravage un essai inoubliable), mais aussi le théâtre (son Jan Karski a été adapté sur scène par Arthur Nauzyciel), la photographie (Linda Tuloup sera à ses côtés), l'histoire… On parlera aussi de littérature, de celle qui l'aide à vivre depuis toujours, d'écriture et de ce qu'en disait Marguerite Duras dont l'oeuvre l'intéresse de plus en plus, et de cinéma, vaste territoire fictionnel dont il s'est emparé dans Tiens ferme ta couronne, où son narrateur se met en tête d'adapter pour l'écran la vie de Hermann Melville, croisant tout à la fois Isabelle Huppert et Michaël Cimino…
Écrivain engagé, il a couvert pour Charlie Hebdo le procès des attentats de janvier 2015, en a fait un album avec les dessins de François Boucq, et continue de tenir des chroniques dans l'hebdomadaire. Son dernier roman, le Trésorier-payeur, nous entraîne à Béthune dans une succursale de la Banque de France, sur les traces d'un certain Georges Bataille, philosophe de formation et désormais banquier de son état, à la fois sage et complètement fou, qui revisite la notion de dépense et veut effacer la dette des plus démunis. Mais comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Seuls l'amour et ses pulsions, le débordement et le transport des sens peuvent encore échapper à l'économie capitaliste et productiviste…
Une heure et demie en compagnie d'un écrivain passionnant, érudit et curieux de tout, pour voyager dans son oeuvre et découvrir les mondes invisibles qui la façonnent.
À lire (bibliographie sélective) — « le Trésorier-payeur », Gallimard, 2022. — Yannick Haenel, avec des illustrations de François Boucq, « Janvier 2015. le Procès », Les Échappés, 2021. — « Tiens ferme ta couronne, Gallimard, 2017 (prix Médicis 2017). — « Les Renards pâles, Gallimard, 2013. — « Jan Karski, Gallimard, 2009 (prix du roman Fnac 2009 et prix Interallié 2009) — « Cercle, Gallimard, 2007 (prix Décembre 2007 et prix Roger-Nimier 2008). — Linda Tuloup, avec un texte de Yannick Haenel, « Vénus. Où nous mènent les étreintes », Bergger, 2019.
Un grand entretien animé par Olivia Gesbert, avec des lectures par Emmanuel Noblet, et enregistré en public le 28 mai 2023 au conservatoire Pierre Barbizet, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr #OhLesBeauxJours #OLBJ2023
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Ce qui est écrit est écrit, mais je ne comprendrai jamais pourquoi Georges en a fait toute une histoire :

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