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EAN : 9782253108603
181 pages
Le Livre de Poche (01/10/2005)
3.97/5   825 notes
Résumé :
Ils se nomment Marius, Boris, Ripoll, Rénier, Barboni ou M'Bossolo. Dans les tranchées où ils se terrent, dans les boyaux d'où ils s'élancent selon le flux et le reflux des assauts, ils partagent l'insoutenable fraternité de la guerre de 1914.
Loin devant eux, un gazé agonise. Plus loin encore, retentit l'horrible cri de ce soldat fou qu'ils imaginent perdu entre les deux lignes du front, " l'homme-cochon ".

A l'arrière, Jules, le permissionn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (156) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 825 notes
« Un premier Gaudé avant la guerre »

Pourquoi ce petit clin d'oeil au dernier verre de Lehane ?

Au moins trois bonnes raisons à cela. Un, il s'agit de leur premier roman qui les a fait connaitre et je suis devenu un fervent admirateur de ces deux grands auteurs de talent. Deux, la guerre peut être mondiale comme en 14-18 en Europe ou une guerre des gangs comme dans la banlieue de Boston…. Et trois, j'ai repensé à cette scène dans le roman où cet officier, le lieutenant Rénier, avant de charger pour s'emparer d'une tranchée ennemie, partageait sa fiole de gnôle avec ses hommes jusqu'à la dernière goutte pour tenter de faire face à la peur. Cette peur de mourir avant l'assaut !

Après avoir découvert et apprécier Laurent Gaudé dans « le soleil des Scorta », je me suis donc plongé dans son roman écrit en 2001, décrivant l'horreur de la guerre des tranchées en 1914. Un seul mot, «Cris».

Mais de quels cris s'agit-il dans ce livre ? Et pourquoi ?

L'auteur compare dans son roman les avancées des combattants, de tranchée en tranchée, à des vagues qui se déversent telles de lames de fond. En l'occurrence, ce mot « Cris » m'a évoqué irrésistiblement la superbe chanson de Balavoine «Tous les cris les S.O.S.» et cette bouteille jetée à la mer. En parcourant les paroles de ce titre, j'ai constaté des similitudes étonnantes et troublantes avec le récit de Gaudé.

« Et je cours
Je me raccroche à la vie
Je me saoule avec le bruit
Des corps qui m'entourent
Comme des lianes nouées de tresses
Sans comprendre la détresse
Des mots que j'envoie »

Je me voyais regarder cette scène où notre lieutenant, après le déluge d'une pluie d'obus sur les positions adverses, lançait l'attaque en haranguant ses soldats et tombait dans la tranchée ennemie jonchée de cadavres allemands.

D'autres cris surgissent également du champ de bataille. Outre ceux des blessés, ou pire des gazés, des cris d'un mi-homme mi-animal sèment le trouble sur les positions avancées. Comme Lansdale et son « Homme-chèvre » des « Marécages » ou encore Crabb et Willie le Siffleur dans « La bouffe est chouette à Fatchakulla », Laurent Gaudet met en scène l' «Homme-cochon», un soldat fou et hirsute, qui se joue des éclats d'obus et des balles entre les deux lignes ennemies.

Vous l'aurez donc compris, c'est un roman qui ne se veut pas historique mais littéraire focalisé sur les émotions ressenties par ces hommes au front, Rénier, Boris, Marius… et de Jules, un soldat échappant aux combats grâce au billet bleu de permission accordé pour une semaine.

Cette écriture magnifique, qui donne la parole à chacun des personnages à tour de rôle, illustre parfaitement cette guerre de tranchée si cruelle et inhumaine. Pour moi, Gaudé réussit à capter toute l'attention du lecteur du début à la fin grâce à cette alternance entre le front et le récit de Jules loin des tranchées. Un peu comme si l'auteur nous permettait de souffler à l'image des relèves de soldats durant la guerre. Mais le répit s'avère de courte durée…

Finalement, je considère ce livre comme une vraie réussite qui met en lumière toutes les émotions et souffrances qu'ont vécues et subies nos ancêtres français il y a tout juste un siècle. Comment ne pas évoquer, pour conclure, le souvenir de mon arrière-grand-père paternel, que j'ai eu la chance de côtoyer tout jeune, qui avait survécu à la guerre 14-18, notamment d'un éclat d'obus grâce à son portefeuille ! Oui, un miracle qui changera le destin d'une vie…comme un des soldats dans le roman.

Jetez-vous donc à cor et à « Cris » sur l'oeuvre somptueuse de Laurent Gaudé !
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Un long frisson m'a saisie dès la première voix de ce roman choral bouleversant : le frisson de l'horreur et de l'empathie, mais aussi celui de la reconnaissance du génie.

Car Laurent Gaudé est un maitre.
A coup de petites phrases où chaque mot est pesé, il m'a fait participer au plus près de la bataille des tranchées durant la guerre 14-18.
Il m'a immergée dans ces tranchées noires de boue et de cadavres.
Il m'a obligée à regarder en face ces hommes criant leur peur et leur douleur, clamant leur défi au ciel, exhibant leur folie, mais révélant aussi leur humanité. Car la bestialité, due au fait qu'il faut sauver sa peau, qu'il faut vivre, côtoie la compassion et l'héroïsme.

Les pensées de chaque combattant nous sont livrées et je ne peux qu'adhérer à ce flot de sensations et de sentiments ô combien humains.
Mais Laurent Gaudé permet au lecteur de grandir : sa pensée s'élève aussi au-dessus de la mêlée affreuse pour atteindre l'universel.
Cette contraction de l'intime et de l'absolu, servie par des images poignantes et des mots rudes nous rappelle inexorablement notre condition humaine.

Cris jetés en pleine face ennemie, cris lancés vers le ciel, cris de douleur et d'effroi, cris de supplication aussi, face aux civils qui ne peuvent pas comprendre ; cris d'espoir, enfin.

A la lecture de ce roman, comme à la lecture de toute l'oeuvre de Laurent Gaudé, on ne peut que s'accroitre. C'est cela, le génie.

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C'est un Cris, c'est un chant… c'est aussi le désert et le vent ! Ah non, pardon. Lapsus. Car ici, nous n'avons pas droit à de belles Musulmanes, mais à des Poilus tous aussi sales et fous les uns que les autres…

Sur la lancée de la Mort du roi Tsongor et sur les conseils avisés d'un babélionaute de talent qui se reconnaîtra, je suis parti à l'assaut de ces Cris. Dès le début de ce tout premier roman de Laurent Gaudé, nous sommes happés dans un univers tourmenté, grâce à de petites phrases chics et chocs qui désorientent le lecteur et qui l'empêchent de lâcher ce bref ouvrage. En effet, si j'ose le dire, si c'est un cri, si c'est un chant, alors c'est aussi la guerre et le sang !
Les tranchées comme on se les imagine, mais en pire, et surtout avec un brouhaha de tous les instants : obus qui éclatent, hurlements à la mort des blessés de l'attaque précédente et encouragements guerriers lors de chaque avancée de l'infanterie. Mais il n'y a pas que ça, car des invectives sont inlassablement poussées depuis le coeur du champ de bataille et résonnent à l'esprit de ces Poilus bien tourmentés ; bientôt, ces voix résonnent aussi dans leur tête, même une fois éloignés du champ de bataille. À travers cette cacophonie impalpable derrière ces pages que nous lisons, Laurent Gaudé réussit malgré tout à nous faire vibrer, tantôt au rythme des secousses des obus, tantôt au rythme des soubresauts des mutilés aux portes de la mort, tantôt même aussi au rythme des mouvements compulsifs et saccadés de nos esprits, tantôt enfin à celui de ces guerriers qui n'en étaient pas avant d'aller à la guerre, mais le restèrent après en être revenu, jusqu'à leur dernier cri.

C'est donc avec un plaisir non retenu que j'ai retrouvé en ces Cris l'épopée individuelle, magnifiée plus tard dans La Mort du roi Tsongor, que j'apprécie d'autant plus après une telle lecture. Laurent Gaudé montre là tout son talent de conteur dans un chant qui honore ceux qui sont morts au champ d'honneur.

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Si le theme de la 1ere guerre mondiale fascine à juste titre , Gaudé , lui , a pris le parti de se focaliser sur l'humain . Dans cette premiere oeuvre d'une justesse remarquable , il pose déjà les jalons de ce que sera sa marque de fabrique en devenir .

Ce que je retiens tout d'abord , c'est effectivement l'originalité du propos . Loin de vouloir offrir un témoignage historique saisissant , Gaudé , au travers de cette boucherie sans nom , interpelle par les innombrables monologues intérieurs de ses protagonistes , offrant ainsi un récit s'apparentant beaucoup plus à une piece de théatre qu'à un véritable roman .
Dans ce bourbier mortifère , aucun héros , juste des hommes liés et animés par un meme destin guerrier , les memes tourments inhérents . Ils ne sont que prénoms , noms et grades , forts de leur humanité et de leur foi déclinantes au fil de ces combats meutriers , toujours plus avides de larmes , de sang et de cadavres . La terre réclame son du journalier ! Nulle échappatoire si ce n'est tuer ou etre tué...
L'on ne sait rien de ces soldats , si ce n'est ce profond sentiment commun de vacuité et de désespérance les habitant un peu plus chaque jour . Plongés dans l'horreur la plus totale , ils nous offrent , par le biais de leurs pensées les plus intimes , une véritable réflexion sur la guerre et la propension déprimante qu'à l'humain à s'auto-détruire . Véritable plaidoyer anti-militariste , Cris , en un peu moins de 130 pages , révolte autant qu'il désespère !
Il vous propose son petit musée des horreurs ou faim , froid , folie , tourments du corps et des ames en sont les fleurons récurrents . Tragiquement démoralisant , ce petit opuscule n'en demeure pas moins parfaitement maitrisé ! Faisant fi de tout manichéisme et d'héroisme outrancier , il ne fut pas sans me rappeler les bouleversantes BD de Tardi sur le sujet...

Cris , beaucoup plus puissants que ceux de Christophe ! En plus , y a meme pas d'Aline dedans alors...
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Ils ont peur et se battent. Marius, Boris, Ripoll, Bardoni, Rénier, Jules, M'bossolo, le gazé veulent sauver leur peau mais se savent condamnés. Sacrifiés.

Tout refus de livrer bataille est une condamnation à mort… indigne celle-là. Mais ils continuent pour ne pas abandonner leurs compagnons, se doutant que leurs corps servent de rempart à un monde qui préfère les ignorer.

L'un après l'autre, des soldats de la Première Guerre mondiale nous crient leur sacrifice inutile et l'horreur des combats. L'ineptie de la guerre et l'indifférence de ceux qui n'y sont pas. C'est effrayant, douloureux et empoignant.
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Citations et extraits (182) Voir plus Ajouter une citation
Je n'avais jamais pensé voir cela. Que la guerre se fasse ainsi. Et personne jamais ne m'avait préparé à cela. Ni à l'école des officiers, ni ailleurs. Pourtant de la guerre, je sais bien des choses. Je connais le nom de toutes les armes, leur portée, leur puissance, leur défaut. Je sais la grande histoire des batailles. Et comme tous mes camarades, dans cette grande fresque de fureur et de poudre, j'ai choisi mes héros et mes ennemis. Je voulais faire la guerre et je le veux encore. Mais je regarde mes hommes s'affairer dans cette tranchée et je vois des soldats termites. Et creuser la terre, s'enfoncer le plus profond possible sous le niveau de la surface du sol n'est pas une manière de faire la guerre. Mais juste, peut-être, une façon de ne pas la perdre. Et je n'aime pas cela. Je le fais bien sûr. J'obéis. Mais je n'aime pas cela. L'ennemi est là, à trois cents mètres, dans les tranchées que les nôtres avaient aménagées quelques jours auparavant, l'ennemi est là, à portée de voix. Il creuse lui aussi. Pour se cacher, comme nous. Est-ce celui qui aura creusé le plus profond qui gagnera la guerre? Ce n'est pas cette guerre-là que j'ai apprise.
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Ils crèvent, là, d'un coup. Ils crèvent et on le sait parce qu'on les tient bien serrés contre soi et que, le dernier sursaut, on le sent à partir des pieds et ébranler tout le corps, et il n'est pas besoin d'être medecin pour savoir que c'est la fin.
Un tel sursaut de tous les muscles, c'est forcément la reddition de la chair. C'est comme une dernière éruption de vie et puis plus rien. Plus rien. La mort.
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"Je meurs. Qui se souvient de moi ? Il aurait peut-être mieux valu mourir tout de suite. Je sens maintenant que le gaz a chassé tout l'air de mes poumons, je sens la mort inodore que je respire. Je ferme les yeux. Et je vois. je vois que je ne mourrai pas seul. je vois le siècle et c'est un avorton arraché du ventre de sa mère au forceps. Il est baigné de sang. Ils l'ont roué de coups. Je vois l'homme qui n'a plus de dents, plus de visage. Je vois l'homme qui pense être allé au bout de l'horreur mais qui connaîtra bientôt de nouveaux coups. Je vois le gaz qui rampe dans les campagnes. Je vois le grand siècle du progrès qui pète des nuages moutarde, je vois ce grand corps gras éructer des bombes et éventrer la terre de ses doigts. Le raz de marée qui m'emporte n'était qu'une vaguelette. Je meurs maintenant et cela me fait sourire car il m'est donné de voir, dans ces dernières hallucinations convulsées, les millions de souffrances auxquelles j'échappe."

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Je suis loin. Tout seul dans ce trou profond au milieu d'une bande de terre désertée. [...]
La mer que je voulais atteindre pour y laver mes plaies a disparu. Laissant une immense plage infranchissable. Ils ont reculé loin. Le front est à marée basse. Mais il remontera. Ils ne tarderont pas à faire une offensive.[...]

La mer va remonter. Je n'ai qu'à attendre. Attendre qu'elle mange la plage et vienne jusqu'à mon trou d'obus. La mer va remonter.



Un soldat blessé à la jambe et "gazé" au fond de son trou qui espère une reconquête de l'armée française jusqu'à lui. Terriblement poignant !
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Tout à coup, un sifflement aigu a déchiré la nuit. Suivi immédiatement d'une énorme explosion.

La terre, sous nos pieds, a vibré de chaleur, et puis les mottes projetées dans le ciel, les pierres et les éclats sont retombés en une pluie drue de gravats.

Une autre explosion a éclaté, puis une troisième, mais beaucoup plus loin, du coté des tranchées nord. Ce sont les tirs de la nuit. Les tirs réservés à la relève. Les salves de bienvenue.
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Vidéo de Laurent Gaudé
Vendredi 13 novembre 2015, il fait exceptionnellement doux à Paris – on rêve alors à cette soirée qui pourrait avoir des airs de fête. Deux amoureuses savourent l'impatience de se retrouver ; des jumelles s'apprêtent à célébrer leur anniversaire ; une mère s'autorise à sortir sans sa fille ni son mari pour quelques heures de musique. Partout on va bavarder, rire, boire, danser, laisser le temps au temps. Rien n'annonce encore l'horreur imminente. Laurent Gaudé signe avec *Terrasses* un chant polyphonique qui réinvente les gestes, restitue les regards échangés, les quelques mots partagés, essentiels – écrit l'humanité qui éclot au coeur d'une nuit déchirée par l'impensable. Et offre à tous un refuge, face à un impossible oubli.
le nouveau livre de Laurent Gaudé paraît le 10 avril. Lire les premières pages : https://www.actes-sud.fr/terrasses #litterature
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