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EAN : 9782864326656
185 pages
Verdier (05/01/2012)
3.86/5   21 notes
Résumé :
Tous les ans, à la première lune de l’automne, Djennifer Goranitzé se rend au bord de la mer, sur une immense décharge d’ordures où le corps de son mari a été jeté par les militaires.

Elle se repose après les épreuves de son voyage qui a duré des semaines. Et ensuite, elle appelle son mari, Nathan Golshem. Elle l’appelle pendant des jours et des nuits, elle frappe la terre avec les pieds, avec des morceaux de ferraille, avec les mains, elle danse.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Comme tous les ans, Djenifer Goranitzé traverse le continent ravagé et affronte mille dangers pour parvenir à une décharge qui est également le cimetière fortuit des opposants tombés au champs du déshonneur. Au milieu des détritus, faisant fuir les rats qui disputent le territoire aux mouettes, Djenifer frappe du pied le sol jusqu'à en faire résonner les entrailles et rappelle, du royaume des morts, Nathan Golshem. Quand il commence à apparaître, elle lui parle avec le langage des morts, et continue à danser, les pieds en sang, pour donner plus de substance à son amant. Alors, après les premiers cauchemars, ils évoquent ensemble leur cause, leur vie d'avant, les compagnons tombés au combat, et ils s'aiment.

Que voilà un drôle de livre, dans lequel le sublime côtoie le plus souvent le sordide ! Tombée sous le charme du premier chapitre, qui décrit le rituel de rappel de Nathan Golshem, avec un petit côté symbolique que "La femme squelette", conte inuit, n'aurait pas renié, je suis vite retombée sur les ruines sur lesquelles Lutz Bassman, alias Antoine Volodine, construit son roman.
J'ai apprécié le rythme du texte, le phrasé précis, non exempt de répétitions assumées, qui donne au récit un petit côté mélopée pas désagréable et plutôt poétique. J'ai été surprise, agréablement, par les petites listes désopilantes, avec leur petit côté absurde, inattendu, dont semble friand l'auteur.
En revanche, j'ai trouvé le récit trop contrasté ; peut-être que le "sublime", le beau, le bon, le courage ou l'héroïsme paraissent plus grandioses quand ils sont opposés au sordide, au sale, au moche, à l'absurdité, à la méchanceté et à la mort. Moi, cette opposition constante, ce rappel systématique du plus "pire", m'a gênée. Les régnants, race supérieure humaine (?), se prêtent à tous les exactions possibles et surtout inimaginables pour remettre dans le droit chemin des opposants, les autres, tous les autres qui ne correspondent pas à cette caste régnante. Et ces opposants, en retour, s'opposent. A tout, à rien, tout le temps et à jamais. Ils s'opposent, c'est leur raison de vivre, leur mode de fonctionnement. Ils s'opposent à tout, et perdent lamentablement tous leurs combats. Ils sont méprisés, ignorés, humiliés, parqués, torturés, tués, sans relâche. Qu'importe la façon, ce qui importe, c'est l'opposition, le refus, sous toutes ses formes et sur tous les objets. du coup, les rappels que font Djennifer et Nathan des hauts-faits de leurs anciens compagnons d'infortune, construits sur le même modèle et amenant inéluctablement à la mort dudit compagnon, ont fini par me lasser.
Danse avec Nathan Golshem est ma première incursion, en demi-teinte, dans le post-exotisme de Volodine. D'un point de vu littéraire, c'est un livre à part, avec une écriture qui vaut le détour. En revanche, rationnellement, et en bonne humaniste, je n'adhère pas à l'instrumentalisation intellectuelle du monde tel qu'il apparait dans ce livre.
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«L'exotisme, c'est le centre de l'empire qui regarde ses marges, du point de vue des gagnants et des vainqueurs.
Mes personnages eux décrivent le monde depuis l'extérieur, loin des capitales et de ceux qui ont la parole et qui décrivent le monde de façon impériale et impérialiste ; ils prennent la parole à partir de leur défaite qui est celle du vingtième siècle, obsédés par cette idée de défaite et de perte, des personnages écrasés qui racontent leur rêve de vaincre pour l'humanité et de construire quelque chose de beau pour cette planète.» (Antoine Volodine, dont Lutz Bassmann est un des hétéronymes, à propos du post-exotisme)

Djennifer Goranitzé, «une des reines du dortoir ouest», entreprend chaque année à la lune d'automne, un long et périlleux pèlerinage sur la tombe de celui qui fut son mari pendant vingt ans, Nathan Golshem, «un camarade qui leur avait appris à ne pas plier, à ne rien accepter et à continuer à se battre alors qu'aucune victoire n'était en vue.» Cette tombe n'est en réalité qu'un monticule de pierres au milieu d'une décharge, sous lequel ne reposent que quelques restes, os de chien et de chèvre, ailes de mouettes.

Pour faire revenir Nathan Golshem de parmi les morts, Djennifer Goranitzé se livre à une cérémonie codée et étrange, rites chamaniques, danses et récits, et quand il est revenu, leurs récits s'entremêlent, construisant une toile d'histoires et d'images, portraits de combattants autodidactes, de vieilles femmes délabrées, de guerrières transformées en vieillardes monstrueuses.

«Ils se réunissaient à tout moment, au début de façon fugitive mais ensuite plus durablement. Ils échangeaient leurs corps, leurs noms et leurs voix. Et peu à peu renaissaient leurs ombres comme à l'intérieur de souvenirs indissociables, et s'affirmait leur volonté de survivre et de plaisanter tendrement ensemble jusqu'à la fin, de se moquer d'eux-mêmes et de leurs camarades, de rire de l'inconcevable naufrage du monde et du destin catastrophique qui leur était échu, un destin de révoltes matées et d'écrasement des rêves, un sous-destin.»

De ces combattants aux noms fabuleux émane, malgré les haillons, et malgré la défaite, une force supérieure ; cette chose qui les dénonce à leurs ennemis est sans doute les braises de leur rêve d'une société égalitaire. Survivant au-delà des guerres perdues aux marges de l'Empire, par la force de l'amour et la rage de durer, ces récits, racontant les batailles et défaites qui se sont succédées sur un temps infiniment long, ont la profondeur des mythes, la beauté d'une lumière qui ne s'éteint jamais.
Et dans ces récits il y a aussi l'humour, arme de résistance contre le désespoir, comme cette longue liste de chefs d'inculpation absurdes inventée pour faire enrager l'ennemi - « Dépose de cadavres devant une sortie de secours », « Lavage de cerveaux avec produits interdits », « récolte d'ananas en zone de combat », « confection d'amulettes en zone pénitentiaire »…

Sur une terre irrémédiablement abîmée, Djennifer Goranitzé et Nathan Golshem ont une volonté radicale et le sens de l'humour d'hommes qui, en dépit de leur défaite ne sont pas abattus. Dans l'étrange beauté de ce monde en ruines, «Danse avec Nathan Golshem» est une voix poignante dans l'oeuvre de Volodine, une image bouleversante de grandeur malgré une défaite qui n'a rien enlevé à la capacité de résister, de rire et d'aimer.
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Une ex-résistante ressuscite chaque année son compagnon d'armes défunt pour se souvenir avec lui de leurs luttes et de leur amour.

Publié début 2012, le dernier-né de l'incarnation Lutz Bassmann d'Antoine Volodine en est sans doute le plus abouti à ce jour.

Dans cet univers où les rebelles ont été écrasés dans des temps plus anciens, les survivants, anciens combattants, simples passants des classes inférieures, ou membres de tribus rejetées, vivent des rares miettes laissées par les vainqueurs, et de leurs souvenirs... L'un de ces combattants héroïques et dérisoires, Nathan Golshem, est mort depuis longtemps déjà, mais sa compagne Djennifer Goranitzé, au prix d'un long et douloureux périple, vient chaque année passer quelque temps sur l'endroit qui lui tient lieu de tombe. Là, moyennant quelques efforts et rituels chamaniques précis (échos constants d'autres romans du corpus post-exotique de Volodine), elle peut rendre un semblant de vie, fugitif, à son défunt compagnon, et passer quelques jours et quelques nuits avec lui, échangeant souvenirs de guerre et anecdotes de captivité... "Danse avec Nathan Golshem" est le récit de l'une de ces expéditions mortuaires et des histoires remémorées alors par les deux amants.

"Djennifer Goranitzé, une des reines du dortoir ouest, se rendait chaque année de l'autre côté de la frontière. le voyage était difficile et souvent Djennifer Goranitzé risquait sa vie dans l'entreprise. Elle serrait les dents, elle se battait contre l'adversité, elle avançait coûte que coûte, et, pour finir, elle atteignait le désert côtier et elle commençait à marcher sur la route qui longeait et dominait la mer. le paysage était d'une beauté à couper le souffle, et elle s'arrêtait de temps en temps pour l'admirer, mais son émotion n'était pas celle d'une touriste en quête d'images, pas du tout, non. Djennifer Goranidzé n'était pas partie en promenade, elle allait accomplir son devoir conjugal."

"C'était, selon lui, un discours qui devait plaire.
«Bien qu'attestée depuis plusieurs générations, et donc suspecte de s'être ancrée en moi comme une donnée fondamentale et irréversible, mon ralliement à la lie n'est dû qu'à la guerre et à un malheureux concours de circonstances, expliqua-t-il. Mais pour le reste, pousuivit-il, je m'aligne sans restriction sur les principes des riches et de leur économie libérale. J'apprécie leur vision du monde et, du mieux que je peux, j'essaie de la mettre en oeuvre. J'aspire moi-même à devenir riche et puissant. J'aimerais accéder à des fonctions de direction dans n'importe quel secteur. Je suis sensible depuis toujours à la morale du succès et de la compétition, et je ne suis pas ce ceux qui s'opposent au triomphe du capitalisme par des vociférations, des crimes ou des coups bas.»
Il s'interrompit, à vrai dire assez fier de sa tirade."

Phrases rythmées et scandées comme des rituels ou des chants guerriers, anecdotes sordides ou héroïques, plages insensées de comique d'énumération (toutes les guerres perdues, compositions du public de réunions militantes, chefs d'accusation possibles, maladies présentes au sein des camps prisonniers, rituels de conjuration des âmes défuntes,...), pour une poignante poésie des vaincus, irrémédiablement condamnés, mais dont l'âme ne plie toujours pas...
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Djennifer Goranitzé va tous les ans sur la tombe de son mari, Nathan. Et ensemble, ils se souviennent de leurs compagnons d'infortune. Une lecture dérangeante… J'ai eu du mal à entrer dans ce livre. Mon tort a été de vouloir rationaliser, d'essayer de situer l'action, de savoir quel était leur but… En fait, j'aurais du me détacher de tout contexte possible, de seulement la lier à la voix des pauvres, des opprimés, des
Et puis quel roman sombre ! Il m'a un peu plombé le peu d'allant que j'avais sur le moment. Mais j'ai bien aimé cette construction : alternance entre moments avec feu son mari et les souvenirs évoqués. La fin est la partie que j'ai préférée : cette énumération de méfaits complètement farfelus…
Deuxième roman de Lutz Bassmann et deuxième déception.
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A noter l'énumération incroyable des délits réels ou fantasmés ou inventés pour rire de Nathan Golshem. Une liste comme on en trouve rarement. Je dirais un chef d'oeuvre de ce genre littéraire sous-estimé qu'est la liste. Parmi ses items :
- Consommation de choux pourris pendant une période d'interdits alimentaires
- Pratique clandestine de la logorrhée
- Outrage aux morts pour la patrie
- Rupture d'anévrisme
- Encouragement à la délinquance de personnes handicapées mentales
- Dépose de cadavre devant une sortie de secours
- Revendication insistante d'une appartenance aux primates
- Remplumage malveillant d'édredons
- Fétidité aggravée en présence d'économistes

Vous vous en doutez, j'en passe, et des meilleurs.
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critiques presse (4)
Lhumanite
07 mai 2012
Danse avec Nathan Golshem constitue un extraordinaire romancero imaginaire des combats d’hier, bien réels ou recomposés par la force du chant, et une introduction, glaçante ou ironique, à la littérature de ceux qui viendront.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Actualitte
27 janvier 2012
Une expérience de lecture décidemment réjouissante et hautement recommandable, que l'on soit lecteur initié ou non.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Telerama
11 janvier 2012
Roman d'amour infiniment tendre, lumineux, construit en courts chapitres, Danse avec Nathan Golshem est une nouvelle, superbe variation romanesque signée Lutz Bassmann - un des hétéronymes d'Antoine Volodine, une des voix du choeur poignant qui s'élève de l'oeuvre tout entière de cet écrivain plus que singulier, dont l'imaginaire tragique et terriblement cohérent se déploie à travers des images puissantes, porteuses d'émotions directes et intenses.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
06 janvier 2012
C'est un rire de désespoir et de résistance qui court d'un bout à l'autre de ce livre, un rire glaçant, terrible, mais qui est aussi l'innocence même : il témoigne pour l'homme et ne faiblit jamais, même face aux pires avanies, même quand la seule organisation de bienfaisance se nomme "l'Amicale des quasi-décédés".
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
C’était dur pour lui de se rendre compte que le suaire qu’il avait choisi ne lui allait pas, entre autres parce qu’il avait toujours été tourné vers l’action et parce que la palabre littéraire, quand elle n’avait pas de relation directe avec la propagande, lui avait toujours paru méprisable. Il n’appréciait pas les bavards qui faisaient métier de leur bavardage et qui, sous des prétextes esthétiques, s’accommodaient des idées de l’ennemi et même flattaient ses goûts ou les façonnaient. Peut-être aurait-il plus aisément simulé la vie, les dénégations et les souffrances de Gulbar Bratichko s’il avait déclaré, par exemple lors du tout premier interrogatoire, qu’il exerçait la profession de voleur à la tire, ou de ferrailleur, ou encore de journalier, ou mendiant.
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Sa voix était à peine audible dans le brouhaha. Maintenant il respectait la rude syntaxe des masses, d'instinct il reprenait ses incorrections afin au moins de ne pas être accusé d'appartenir à la neuvième catégorie puante.
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Avec une générosité un peu ostentatoire, ces individus nous distribuaient les surplus périmés de leurs métropoles impériales, leur viande en flocons, leur lait granulé, leurs produits rances, leurs peluches grotesques, leurs médicaments de récupération, leur commisération, leur foi en des dieux incompréhensibles, puis, bien plus au courant que nous des choses du monde, ils s'écartaient à temps pour échapper aux bombes.
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Elle n'avait plus d'âge, et plutôt qu'un reste d'existence avant son propre décès ce qu'elle parcourait désormais était une éternité fractionnée mais circulaire, avec des périodes de sommeil, des trous noirs, des surgissements de conscience, des évanouissements, des plongées dans l'au-delà, d'interminables voyages et, pour marquer la fin d'un cycle, des retrouvailles rituelles et difficiles avec son mari, ou du moins avec l'ombre qui se matérialisait devant elle pour parler avec elle et se souvenir.
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Nous avions soudain pénétré au coeur de la nuit et de ses beautés, nous percevions ses chuchotements miraculeux, nous avions au-dessus de nous la majesté de l'univers, son silence bouleversant, ses scintillements, ses gouffres et ses distances non mesurables, et, infiniment loin des caves et des guerres humaines, nous savions que sur des planètes inconnues prospéraient des peuples ayant à jamais établi chez eux l'égalitarisme.
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Video de Lutz Bassmann (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lutz Bassmann
Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
+ Lire la suite
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