Lilia est enlevée une nuit d'hiver par son père. Pendant des années, ils mènent une vie de fugitifs, changeant de prénoms, de couleur de cheveux, de voitures, de motels, et de passé…
Lilia ne sait pas pourquoi son père l'a kidnappée, et c'est la réponse à cette question qui la fait partir à chaque fois. Elle ne sait pas comment rester, Lilia, elle qui a laissé pendant des années, dans les bibles des motels, des messages demandant à ce qu'on arrête de la chercher…
A chaque chapitre, on change de personnages et d'époque : dans le présent avec Eli, le dernier amoureux de Lilia, abandonné et voulant la retrouver. Puis dans le passé et aussi dans le présent avec Michaela, qui est elle-même en quête d'une réponse concernant son propre père. Enfin, avec le récit de Lilia elle-même, on retourne dans le passé, où on la croise à des âges différents.
Pas de meurtre ni d'enquête classique dans ce roman. Ici, on parle de disparition, de fuite en avant, de souvenirs, d'absence de souvenirs .On s'interroge sur la vie, sur le pourquoi et le comment.
J'ai cependant trouvé que le récit s'enlisait parfois, notamment pendant les rencontres entre Eli et Michaela, j'aurais aimé un peu plus de rythme.
L'auteur a toutefois su traduire la solitude de l'âme humaine et cette quête de l'existence, le fait de trouver sa place et de vivre sa vie, ou non.
Un livre original et mélancolique.
Merci à Babelio et sa Masse Critique pour m'avoir fait découvrir ce roman et cet auteur.
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Eli est heureux avec Lilia à New York malgré son passé tumultueux où elle a été enlevée par son père et fuit la police pendant toute son adolescence changeant de nom ,de motel aussi souvent que possible. Quand Lilia disparaît de nouveau ,Eli est désemparé et va se lancer à sa recherche pour s'assurer qu'elle va bien et comprendre ce qu'elle a vécu et pourquoi elle n'arrive pas à se poser. Un roman noir ,ni polar ,ni thriller mais de bonne facture.
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Lilia a 7 ans lorsque cette nuit-là son père l'enlève alors qu'elle est sous la garde exclusive de sa mère.
S'ensuivra alors toute une vie d'errance pour tous les deux, vie au cours de laquelle ils sillonneront pendant 9 ans tous les états des Etats-Unis du nord au sud et d'est en ouest
Son père finira par se poser lorsque Lilia aura 16 ans mais elle, elle continuera cette vie faite de motels sordides, de peur d'être retrouvée et d'impossibilité de se fixer.
Lorsqu'Eli ce jeune new-yorkais a rencontré Lilia, elle n'a pas hésité un instant a partager sa vie avec lui.
Mais Lilia n'était pas faite pour cette vie et un matin elle est partie, tout simplement.
Eli n'aura plus qu'un but en tête, retrouver Lilia et lorsqu'il recevra une page arrachée à une Bible dans laquelle est écrit un message de Lilia ainsi qu'un numéro de téléphone, il n'hésitera pas à aller jusqu'à Montréal.
Etrange message que celui qu'elle avait écrit à l'insu de son père sur une Bible dans un motel « Arrêtez de me rechercher. Je n'ai pas disparu ; je ne veux pas qu'on me retrouve. Je désire rester volatilisée. Je ne veux pas rentrer à la maison. Lilia »
Qui est Michaela la jeune femme qui a contacté Eli ? Que sait-elle au juste de Lilia ?
Bientôt, Michaela confiera à Eli que Lilia sans le vouloir à brisé son enfance et sa vie.
Christopher le père de Michaela détective privé qui était à la recherche de la fillette y a consacré sa vie, recherche obsessionnelle y sacrifiant sa famille et sa fille.
Chacune d'elle connait la réponse à la plus important des questions que l'autre se pose.
Michaela sait pourquoi le père de Lilia l'a enlevée, alors que Lilia ne l'a jamais su.
Lilia sait ce qui est arrivé au père de Michaela alors que celle-ci cherche toujours à le savoir.
Excellent roman noir, destins brisés, quêtes de vérité, ambiance glaciale comme le temps qu'il fait à Montréal, tout y est.
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Pour son premier roman, la Canadienne Emily St. John Mandel réussit une fiction qui se déploie et se referme sans cesse, une oeuvre originale et bouleversante sur le thème de la perte et ses répercussions sur tous ceux qui n'en guériront jamais.
Lire la critique sur le site : Telerama
Le lapin connut une brève renommée sur le plan local : deux journaux régionaux publièrent des photos de lui, ses yeux ronds tournés vers le ciel. Ce fut Simon qui le récupéra, cet après-midi là, une fois que les photographes eurent terminé leur travail. Il le déposa dans la baignoire et resta un moment assis sur le bord à observer la petite flaque d’eau bleutée qui se formait tout autour, après quoi il le mit dans le sèche-linge. Assis sur une caisse de lait retournée, il regarda par le hublot le pain tournoyer dans tous les sens. Lorsque Simon le sortit de la machine, le lapin était tout chaud mais encore humide, alors il le remit dans le sèche-linge et le regarda encore tourbillonner jusqu’au moment où, la vue brouillée, il dut détourner les yeux. Sa mère pleurait à gros sanglots dans la cuisine, parlant de Lilia et du père de la fillette, expliquant qu’il avait toujours su qu’il ferait une chose de ce genre et que c’était pour cette raison, au départ, qu’elle avait obtenu l’ordonnance restrictive du tribunal. Il y avait des agents de police partout, et certains d’entre eux voulurent parler à Simon. Il répondit aux questions d’une voix polie, monocorde, proférant essentiellement des mensonges ; quand ils eurent fini avec lui, il emporta le lapin dans sa chambre et le posa sur une serviette pliée, dans le coin du lit. Le lapin n’était pas encore complètement sec, mais Simon n’avait pas envie de rester plus longtemps en bas.
La majorité des langues, lui annonça-t-il solennellement, sont appelées à disparaître. Voyant qu’elle semblait toujours aussi intéressée, Eli dégaina ses statistiques favorites, comme il l’eût fait d’une Rolex : sur les six mille langues actuellement parlées sur terre, quatre-vingt-dix pour cent sont en danger et la moitié n’existeront plus d’ici la fin du siècle prochain. Quelques rares optimistes nourrissent l’espoir d’en sauver une poignée ; la plupart se contentent d’espérer qu’on pourra garder la trace d’une fraction de ce qui aura été perdu. Son travail, lui expliqua-t-il, était en partie une reconstitution, en partie une thèse, en partie un requiem. Elle écoutait en silence, apparemment captivée, en posant des questions intelligentes juste au moment où il se disait que son intérêt ne pouvait en aucun cas être sincère. Elle lui dit d’un ton badin qu’elle était habituée à des escamotages beaucoup plus localisés : individus, chambres de motel, voitures. Elle n’avait pas l’habitude des disparitions à plus grande échelle. Imaginez, lui dit-il, qu’on perde la moitié des mots utilisés sur terre. Mais ce qu’il essayait d’imaginer, en réalité, à cet instant, c’était l’effet que ça ferait de l’embrasser dans le cou. Elle hocha la tête sans le quitter des yeux.
Je voudrais m'immerger dans le monde. C'était ça, le problème de Lilia : elle n'arrivait pas à s'immerger. Il ne suffit pas d'observer le monde et de le prendre en photo. (Il se tut quelques instants avant d'enchaîner :) Il ne suffit pas de faire du patin à glace. La métaphore est de Lilia, pas de moi : elle parlait de son mode de vie. Elle disait qu'on peut patiner à la surface du monde pendant toute sa vie, en visite, en partance, sans jamais vraiment passer à travers. Mais il ne faut pas faire ça, ce n'est pas gratifiant. On doit être capable de passer à travers. On doit être capable de s'enfoncer, de s'immerger. On ne peut pas simplement patiner à la surface, visiter et partir.
Néanmoins, elle ne se sentait jamais à l’aise dans le monde. Nul ne pouvait soutenir qu’elle en fît réellement partie, et depuis cette nuit particulière où ses souvenirs commençaient (morceaux de glace contre sa fenêtre, lapin perdu, neige), les traditions du monde lui étaient étrangères. Elle picorait ce qu’elle pouvait dans les livres et dans les émissions de télévision, notant avec soin qu’il existait des familles à deux parents, des maisons, des écoles, des chiens domestiques, apprenant par cœur des expressions qui l’intriguaient et qui se rapportaient à la maisonnée, telles que : jardin de derrière, enfant à la clef, accessoires de cuisine dernier cri et sous-sol. Telle une patineuse artistique, elle évoluait à la surface de la vie en une chorégraphie rapide, mais jamais elle ne brisait la glace, jamais elle ne perçait la surface pour plonger dans ces eaux magnifiques et terrifiantes, jamais elle n’était submergée et jamais elle n’apprit à nager dans ces courants-ci, dans ces courants-là : toutes les ombres, la lumière et les horribles splendeurs qui composent les turbulences de la vie sur terre.
Telle une patineuse artistique, elle évoluait à la surface de la vie en une chorégraphie rapide, mais jamais elle ne brisait la glace, jamais elle ne perçait la surface pour plonger dans ces eaux magnifiques et terrifiantes, jamais elle n’était submergée et jamais elle n’apprit à nager dans ces courants-ci, dans ces courants-là ; toutes les ombres, la lumière et les horribles splendeurs qui composent les turbulences de la vie sur terre.
Emily St John Mandel présente son dernier roman "La Mer de la tranquillité".
Emily St. John Mandel renouvelle le thème classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages jusqu'au vertige.