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Sabine Porte (Traducteur)
EAN : 9782848930909
512 pages
Les Deux Terres (06/04/2011)
3.43/5   67 notes
Résumé :
Georgie a le moral en berne : son mari vient de la quitter et elle a pris du retard pour rendre ses articles à la revue Les Adhésifs dans le monde moderne. Mais quand elle rencontre Mrs Shapiro, une vieille émigrée juive excentrique qui fourrage dans sa benne à ordures, une solide amitié se noue. Peu après, Mrs Shapiro est admise à l’hôpital et Georgie, attachée à sa nouvelle amie, prend en charge sa grande bâtisse en ruine.

Flanquée de sept chats mal... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
3,43

sur 67 notes
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Roman de Marina Lewycka. À paraître le 6 avril 2011, titre original We are all made of glue.

Georgie Sinclair est légèrement désemparée quand elle aperçoit la vieille Mrs Naomi Shapiro, fouiller la benne à ordures dans laquelle elle a jeté toutes les affaires de son époux. Quelques jours plus tard, c'est dans la cohue des promotions de fin de journée d'un supermarché londonien que Mrs Shapiro s'impose dans le quotidien morne de Georgie. Quand la vieille dame entre à l'hôpital, Georgie se retrouve avec sept chats et une baraque croulante et malodorante sur les bras. À cela s'ajoutent une paire d'agents immobiliers aux méthodes plus que douteuses, des agents des affaires sociales à la probité incertaine et trois artisans palestiniens qui ne jurent que par le PVC.

"Le durcissement de l'adhésif est le passage de l'état liquide à l'état solide. Quelquefois, la science du collage est d'une évidence accablante." (p. 278) Moins évident que sa quatrième ne le laisse supposer, ce roman n'est pas une simple farce sur les relations humaines. Les aléas sociaux font ici se rencontrer des êtres singuliers et a priori sans point commun. Comme dans beaucoup de romans, me direz-vous. Oui, mais si on y croise des pots de colle, des sangsues, des grappins et du velcro, on ne dit pas que tout ce petit monde vivra en bonne intelligence. "Peut-être que si l'on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails - les lois, les frontières, la Constitution - se régleraient d'eux-mêmes. Il suffirait de trouver l'adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. le pardon. Si seulement ça existait en tube." (p. 436) Seulement voilà, ça n'existe pas en tube et le mieux est encore de s'accrocher comme on peut les uns aux autres. Parce que vivre seul n'est pas possible. Affronter le temps, le Jugement dernier, les fissures dans le salon et les crottes de chat dans l'entrée, ça demande un peu d'aide. Et c'est avec brio que l'auteure balance de grands seaux d'humour décapant qui ne laissent aucune place aux sentiments sirupeux. Ici ne valent que les affections franches et nourries d'indépendance. Vivre à la colle, oui ! S'encroûter, non !

Georgie, que chatouille le désir d'écrire mais qui ne produit que de minables bluettes aux asphyxiantes odeurs de rose, travaille pour la revue Adhésifs dans le monde moderne. On en douterait, mais la colle et ses déclinaisons ont leurs aficionados. Loin d'être un catalogue ou un précis de chimie, le roman souligne que la méphitique colle de poisson ou la super glu répondent à un même besoin : faites que ça tienne ! Pour se rassurer devant l'échec de la cohésion sociale, on peut toujours sourire devant un carreau qui tient sur le mur.

L'arrière-plan historique évoque sans s'embourber les grèves de mineurs, les déportations nazies et le rêve sioniste. le conflit israélo-palestinien s'incarne dans quelques personnages, mais il ne s'agit pas de réécrire l'histoire, ni de croire béatement aux lendemains qui chantent. Marina Lewycka ne décrit que des destins particuliers et des aspirations minuscules. Pour commencer une chaîne, il ne faut que deux maillons et chacun est appelé à être polymère dans un monde en construction, à la condition expresse de ranger l'optimisme niais au placard. On peut tendre la main à la vieille folle du bas de la rue sans verser dans le lacrymo-social.

Ici, la famille éclatée voire atomisée et on se demande quel est le ciment qui en redressera les murs. L'époux et le père se dissimulent derrière des façades éclatantes mais branlantes. Les enfants, chacun à leur manière, sont des étoiles filantes que rien ne retient mais qui laissent des traînées persistantes. Les femmes, notamment Georgie en mère paumée et épouse larguée, sont impuissantes devant la ruine du foyer familial. Mais la conclusion est optimiste : plutôt que d'acheter du neuf, il vaut mieux réparer ce que l'on a déjà. Recoller les morceaux, comme on dit.

Des adhésifs dans le monde moderne se lit avec fascination. Marina Lewycka louvoie à merveille dans les eaux troubles du romantique et du bien-pensant. le roman emprunte à la comédie de moeurs, à la satire et au vaudeville. Sans être inutilement truculent, le langage est drôle et précis et c'est sans ambages qu'on appelle un chat... un chat !

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Dans ce roman-comédie, auquel la multiplication des personnages et des intrigues parallèles – mais, au fond, quelle est l'intrigue principale ? – donne un air de soap-opera, , il y a quelques personnages ou fils conducteurs, souvent olfactifs : le premier est, sans aucun doute, Wonder Boy, un « malabar avec une tête affreuse et trois pattes noires », puant, violent, et obsédé sexuel, qui pisse à peu près partout et d'abord sur les pieds de la narratrice, ce qui ouvre l'intrigue ; il y a aussi, d'une puissance olfactive encore plus efficace, Canaan House, la maison de Mrs Shapiro, « quelque part entre le quartier de Stoke Newington et celui de Highbury », qui, en plus de loger son habitante humaine, sert d'asile de nuit comme de jour à Wonderboy sus-mentionnée, aux victimes félines de ses pulsions sexuelles et aussi quelques autres mâles congénères de même espèce, sept en tout ; comme Mrs Shapiro, en plus de collectionner les chats, ramasse tout ce qui peut se trouver dans les poubelles et dans les rayons produits périmés des supermarchés, avec un faible pour le poisson avarié, autant dire que la géniale bâtisse en ruines, avec ses « bow-windows victoriens », son « porche roman orné de colonnes torsadées soutenant de petites arches rondes », ses « exubérantes cheminées Tudor et une hallucinante tourelle digne de Dracula, dont un des côtés était agrémenté de fenêtres gothiques », en plus d'être ce que les agences immobilières appellent ‘demeure de caractère', est un concentré de puanteurs décrit avec une telle fascination et esprit d'analyse par Georgie, la narratrice, que le lecteur, tout le long de l'histoire, en a plein les narines. le souper aux poissons variés (et avariés) arrosé de vin blanc a de quoi vous dégoûter du cabillaud pendant 6 mois et est un grand morceau d'anthologie gastronomique…

L'autre fil conducteur – ou faudrait-il dire adhésif – de l'histoire sont les adhésifs, justement, toutes sortes d'adhésifs et de colles, réels ou symboliques, d'où le titre : ce qui colle et ce qui se décolle, ce qui prend et ce qui lâche, ce qui se ressoude ou non : les mariages, les liaisons extra-conjugales, les gouttières en fonte, les lavabos, les porte-brosses à dents…

Georgie Sinclair, épouse aimante de Rip Sinclair, mère de deux adolescents, Ben et Stella, un matin comme un autre, après une scène de ménage au sujet d'un porte-brosse à dents à fixer au mur de la salle-de-bain, se retrouve plaquée par son mari qui, vexé, part vivre non chez sa mère, mais chez son meilleur pote, lequel a une femme aussi, qui, bref… entre fureurs et adultères plus ou moins entrelacés, ce sont quelques mois initiatiques que l'on pourrait intituler « mes six mois de divorce en cours », entre larmes, intoxication alimentaire et dépravation sexuelle à l'aide de menottes-sparadrap (toujours les adhésifs …). Plus quelques flash back arrosés de larmes sur le début et la fin d'un mariage entre une fille de mineurs du Yorkshire laminés par l'ère thatchérienne et le fils d'une famille aussi cultivée que fortunée, et la constation rancunière et lacrymale que divorcerd'un salaud infame dont on est encore fort éprise et que l'on désire toujours, même, après 20 ans est une entreprise ardue.

L'autre intrigue est celle de Canaan House, aux relents de poisson et de pisse de chat. Mrs Shapiro, dont l'âge paraît mystérieusement osciller entre 90 et 70 ans, échappe tant qu ‘elle peut aux services sociaux et aux agences immobilières véreuses, attirées comme des requins assoiffés de sang par cette maison quasi à l'abandon et hors de prix et sans titre de propriété à opposer pour en défendre les murs … Georgie – qui, à part divorcer et taper des articles sur les polymères pour le journal Adhésifs dans le monde moderne, et se faire du souci pour son fils obsédé par l'Armageddon, n'a que ça à faire –, se lance dans une enquête de détective pour contrer les agents véreux Wolfe & Diabello (ce qui n'empêche pas certains ébats torrides avec le second), pour brouiller le flair des services sociaux concernant autant les remugles du logis de Mrs Shapiro que les zones d'ombres de son passé – qui est vraiment Mrs Shapiro ou plutôt qui est la vraie Mrs Shapiro, qui son mari Artem a-t-il aimée avant-guerre, qui a-t-il épousée à Londres et de qui est son fils, Chaim ?

Comme souvent dans les romans humoristiques britanniques, l'histoire est heureusement agrémentée par une foule de personnages loufoques et bien campés : Mark Diabello, l'agent immobilier à la jaguar noire, « à la voix sirupeuse et aux yeux mouchetés d'éclats noirs et or », Cindy Baddiel, l'assistance sociale compatissante, experte en relaxation, rose et rebondie comme un marshmallo ; Ralph et son père, Tatie ; des personnages aussi émouvants, tous porteurs d'un morceau d'Histoire en plus de la leur : les parents de Georgie, dont la vie résume la gloire et la fin des mines du Yorkshire ; Mr. Ali, le bricoleur palestinien, flanqué de ses deux neveux, les inénarrables Incapables, qui amènent dans leur caisse à outils toute la tragédie palestinienne en deux générations, afin de réparer une maison dont l'énigme se situe autant en Biélorussie juive que dans le Danemark occupé, et finalement dans les grandes heures du sionisme et des pionniers de 1948.

Il n'y a pas beaucoup de véritables méchants – même Wonder Boy a ses quart d'heure de tendresse et d'offrande de souris mortes, comme on le voit à la fin –, dans un happy-end, certes un peu surfait, emprunté au cinéma, où tout le monde a droit à son petit quart d'heure de conclusion et à la perspective d'une vie de couple heureuse.

« Des adhésifs dans le monde moderne » est un roman avec quelques ficelles narratives un peu convenues mais éprouvées et qui ont déjà fait recette dans ce genre de littérature, efficaces, et soutenues par toute une galerie de personnages attachants et drôles. Une histoire qui se lit d'une traite (on a envie de savoir à QUI appartient cette maison, finalement) et fait passer un bon moment.

http://sohrawardi.blogspot.com/2011/06/des-adhesifs-dans-le-monde-moderne.html
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Ça y est, vous le trouvez désormais un peu partout sur la blogosphère littéraire, cet ouvrage étant l'objet d'une opération masse critique spéciale organisée par Babelio. Ca peut en agacer certain, je conçois.

Mais ne vous en détournez pas pour autant, il vaut vraiment le coup d'oeil, et sans ce système je ne l'aurais jamais découvert. le lecture de ce livre m'a entrainée dans une nuit presque blanche, tant l'histoire m'a absorbée.

On y retrouve Georgie, a.k.a Georgine, Georgia, Mrs George … C'est une mère de famille sujette à quelques crises de nerfs, écrivain contrariée de roman à l'eau de rose, auteur d'articles dédiés faute de mieux à des colles et glues en tous genre, qui paraissent dans une revue spécialisée.

Mais comme elle le dit à un moment, on s'habitue.

Son fils Ben est un ado qui a l'air gentil mais paumé, à cette période obsédé par la fin du monde et le retour de l'Antéchrist. Il a une soeur qui fait sa vie, ailleurs. Les enfants sont grands et n'ont plus vraiment besoin d'elle, ce qui lui rappelle de façon assez cruelle son age.

Vient s'ajouter au tableau la séparation de Georgie d'avec son Mari , Rip, cette séparation étant issue d'une discussion assez cocasse (une sombre histoire de "chenilles" à fixer dans le mur pour installer un porte brosse à dents) qui dégénère en bataille de mousse de lait.

Donc Rip fuit l'hystérique de service et file s'installer chez des amis, un couple dont l'union va être mise à rude épreuve par cette arrivée.

Moralement ruinée et désespérée, Georgine finit par mettre à la benne les affaires de Rip. Les disques, les vêtements, les paperasses … Cet aspect du récit n'est d'ailleurs pas sans rappeler les confessions d'une célèbre trentenaire poissarde avec les hommes, fan de bouquins de développement personnel, et dont le journal a inspiré un film, Bridget pour ne pas la nommer.

C'est qui introduit une autre facette de l'histoire : la rencontre avec une vieille excentrique, qui se présente comme Mrs Noémie Shapiro. Cette dame, à la fois mystérieuse et très extravertie, ressemble à une clocharde, sent le fromage et le pipi de chat, fréquente les discounts alimentaire (tout comme Georgine, d'ailleurs, qui exprime ici les séquelles d'une éducation ouvrière et des manies maternelles) et pourtant possède une superbe maison qui va attirer bien des convoitises (3eme facette de l'histoire, on y arrive). On va découvrir plus tard des accointances mystérieuses avec Israël, un premier amour interné en Allemagne pendant la guerre, un mari musicien virtuose mort d'un cancer, un fils caché qui n'est pas son fils, etc, bref, de quoi nourrir l'appétence naturelle de Georgie pour la Romance et attiser sa curiosité.

Les convoitises sur la maison se font jour lorsque suite à une chute (puis deux) de Noémie. Un ténébreux complots entre services sociaux et agences immobilières vient s'ajouter au roman, lui donnant une fragrance d'intrigue simili policière, et rendant d'ailleurs Georgie complètement parano. (Et accessoirement lui offrant une nouvelle aventure de nature à lui faire oublier

La galerie de portraits se complète au fur et à mesure de personnages hauts en couleurs: des agents immobilier au sex-appeal troublant et à la poésie hasardeuse, des palestiniens qui s'installent dans la maison moyennant travaux (mal) réalisé, un fils de retour d'Israël qui n'est pas celui de Noémie mais celui de la « vraie » madame Shapiro et qui revendique la propriété de la maison, la dite maison devenant une reproduction miniature du conflit israélo-palestinien.

Mais finalement tout sera bien qui finira bien, quoique de façon surprenante.

C'est un livre qui ne manque pas de sel, frais, coloré et remuant, même si parfois on sent le fil brouillonner. C'est très souvent drôle, parfois nettement moins, et le message, une vraie tendresse. Tous humains, avant toute chose, et soumis aux mêmes tourments. Et cette quête d'affection , d'attaches, symbolisée par l'adhésif tout au long des chapitres (qui ont d'ailleurs pour la plupart comme titres des noms d'adhésifs) est vraiment touchante.

Un très agréable moment, donc.
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Georgie Sinclair, une journaliste free lance et romancière en herbe se lie d'amitié avec Naomi Shapiro,une personne âgée fort malodorante qui a tout d'une clocharde mais vit dans une superbe demeure au nord de Londres. Au moment où elles se rencontrent, la pauvre vieille est harcelée par des rapaces qui convoitent son bien, même s'il est totalement décrépit. Georgie mise en émoi par cette situation qui la distrait de ses déboires amoureux et excite son imagination, entre alors en guerre pour défendre la vieille dame et son droit à rester chez elle.
D'une vieille femme que l'on veut faire déguerpir aux Palestiniens chassés de leurs terres en passant par les Juifs que l'on veut rayer de la carte du monde des vivants, Marina Lewycka brode une comédie un peu loufoque sur le thème douloureux de la dépossession. Mais le processus de polymérisation entre les déboires de Naomi, les drames de la Soah et de la Nakba, assaisonnées de théories farfelues sur la fin du monde, n'a pas fonctionné comme il faut. Ce sont les aléas de la chimie, parfois les mélanges ne prennent pas et c'est le bien le cas pour ce roman. Il m'a pas du tout convaincue. Je suis restée totalement sourde à son humour, branchée probablement sur une fréquence qui ne le recevait pas. Pour être tout à fait franche, je l'ai trouvé assez vaseux. Mais bon, des goûts et des couleurs...
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Le moins qu'on puisse dire du roman "Des adhésifs dans le monde moderne", c'est qu'il porte un titre intrigant. Dernier opus de Marina Lewycka, paru ce mois-ci aux éditions des 2 terres dans une traduction française signée Sabine Porte, c'est un ouvrage d'une pertinence certaine qui, si l'on veut bien passer par-dessus quelques longueurs, saura littéralement scotcher son lectorat grâce à une démarche où l'originalité se trouve à tous les étages.



Exploiter, comme narratrice, une journaliste spécialisée dans les adhésifs, il fallait en effet y penser. Georgia rédige en freelance des articles sur toutes sortes d'adhésifs, papiers collants et autres céments. Il est d'ailleurs assez paradoxal de découvrir qu'une journaliste, dont on pourrait s'attendre à ce qu'elle dispose d'une certaine culture générale, se trouve aussi dépourvue qu'elle dès qu'il s'agit d'histoire ou de géographie. Est-ce le fruit du système anglais d'éducation des couches populaires, dont elle est issue? Peu crédible, on l'admettra. Heureusement, ce travers est compensé par d'autres éléments.



La colle comme métaphore des relations interpersonnelles

La colle peut évidemment être comprise au sens littéral du terme. Mais le lecteur est rapidement invité à comprendre qu'il y a autre chose, ce que suggère sans équivoque le titre original anglais, "We are all made of glue", plus parlant que sa traduction française de ce point de vue. Les adhésifs, dans ce livre, sont donc une vaste métaphore filée des relations humaines et interpersonnelles - sans compter la question qui tue: "est-ce que ça va coller avec le lecteur?". de ce point de vue, l'auteur place la barre très haut en mettant en scène, face à Georgia, la personnalité de Naomi Shapiro, vieille dame originale et puante aux moeurs de freegan, vivant avec ses sept chats immondes dans une maison déglinguée... un repoussoir? En creusant la personnalité de Naomi et en lui donnant une histoire solide et dramatique, l'auteur sait comment faire en sorte que l'adhésif finisse par fonctionner.



Ainsi naît un regard sur les relations de toutes sortes entre humains, présentés comme autant de collages. Georgia est en instance de séparation au début du roman; on a donc envie de se dire que là, l'adhésif n'était pas optimal. Il y a aussi les attraits malgré soi (avec la figure de Mark Diabello - une sorte de diable, ce que suggère son nom), et des pulsions de rejet - comme si deux matières ne pouvaient strictement pas être collées ensemble. Et naturellement les innombrables liens intergénérationnels: mère-ado, mais aussi quadra-troisième âge, etc. Seuls les jeunes enfants sont un peu tenus à distance.



Les ressorts du loufoque

Il y a une part de loufoque dans le côté audacieux du choix de cette métaphore filée. L'humour est du reste présent à tous les niveaux de ce roman, avec une préférence pour l'humour à répétition. Ainsi se retrouve-t-on à plusieurs reprises face à des noms mal compris (Bad Eel, Nightmare House), révélateurs de sens cachés qui enrichissent la manière orthodoxe de les dire et de les écrire. Il y a aussi le caca de chat récurrent, se trouvant régulièrement dans le hall d'entrée de la demeure de Naomi Shapiro. Dès lors, le lecteur se demande systématiquement si tel ou tel personnage va marcher dedans... et qui est le mystérieux crotteur. D'un goût douteux? Oui, mais le caca, à sa manière, est aussi un adhésif...



Le personnage de Georgia lui-même est source d'esprit, tant il est vrai que sa manière de s'enfiler dans des situations incongrues et ses réactions face à celles-ci rappellent une certaine Bridget Jones, facilement désemparée face aux situations inattendues du quotidien. Georgia est cependant placée face à des situations autrement complexes, par exemple la crise mystique de son fils adolescent, Ben.



L'esprit se développe aussi dans des parallélismes narratifs inattendus. Ainsi, alors que Georgia rêve de coller son mari sur la lunette des toilettes au moyen d'une super-glu au cyanoacrylate, c'est elle qui se retrouve attachée au lit par les simples velcros de rubans destinés à des pratiques sadomasochistes proposées par Mark Diabello (et acceptées de bon coeur, hé hé...).



Canaan House, une modélisation du conflit israélo-palestinien

Et puis, la maison de Naomi Shapiro, avec ses secrets et ses coins sombres, constitue un personnage à soi toute seule. Dès l'arrivée de Mr. Ali et de ses fils, tous artisans et as de la bricole et Palestiniens bon teint, on se demande ce que cela va donner avec Naomi Shapiro, Juive et mère d'un sioniste convaincu prénommé Chaïm (comme Chaïm Weitzmann, l'un des premiers chefs d'Etat d'Israël).



La cohabitation semble envisageable, et l'auteur le suggère dans quelques pages qui, de prime abord, rappellent Anna Gavalda dans leur naïveté (fin de la cinquième partie, un peu "bisounours" dans son genre); mais ici, le propos est plus sérieux, et le personnage de Chaïm le rappelle dès son entrée en scène. La suspicion s'installe, pour ne pas parler du conflit ouvert, amorcé à coups d'argumentsassenés de part et d'autre; et les disputes autour de l'eau et de la répartition des pièces au sein de la maison font assez rapidement penser à certains enjeux qui caractérisent le véritable conflit israélo-palestinien.



Le nom même de la demeure londonienne de Naomi Shapiro, Canaan House, suggère qu'il s'agit d'une terre promise (celle évoquée par la Bible) - et donc fort convoitée. A ce titre, elle constitue une métaphore, un modèle réduit d'un conflit pour lequel il est difficile de trouver un adhésif adapté. On pourrait aller jusqu'à voir là, en filigrane, une observation des forces et limites du système de coexistence des cultures au sein de la population du Royaume-Uni.



Ce roman a donc ses longueurs, on l'admettra; mais il a aussi ses richesses, que constituent des personnages finement ciselés, dotés d'une profondeur suffisante pour que le lecteur s'y attache et s'en souvienne. Chaque lecteur sera par ailleurs sensible à un certain esprit, à quelques outrances savamment calculées pour faire naître des sourires au coin de telle ou telle page. Ce qui n'empêche pas la profondeur, pour rappeler que, comme le dit le titre original de ce roman, nous sommes tous faits de colle.


Lien : http://fattorius.over-blog.c..
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critiques presse (3)
Lexpress
11 août 2011
Une nouvelle fois, Marina Lewycka réunit ironie et tendresse dans un livre mené tambour battant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
01 juillet 2011
Ce roman à l'humour so british, trépidant comme un film de série, est une joyeuse pépite.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaPresse
20 juin 2011
Marina Lewycka a créé des personnages juste assez décalés pour pouvoir porter beaucoup, mais sans lourdeur. Attachants, ces Adhésifs.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Peut-être que si l'on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails - les lois, les frontières, la Constitution - se régleraient d'eux-mêmes. Il suffisait de trouver l'adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. Le pardon. Si seulement ça existait en tube.
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J'ai pensé aux bivalves, aux parois courbes et nacrées qui tapissaient l'intérieur de leurs coquilles, la lumière glauque que laissait filtrer l'eau de mer ; je ne sais pas au juste quelle colle prodigieuse leur permettait de tenir bon dans le tourbillon des tempêtes, mais c'était précisément ce dont j'avais besoin.
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J'étais également troublée par l'histoire du soldat au numéro tatoué sur le bras. A quoi pensait-il quand il avait abattu le jeune marié ? Comment un juif qui avait lui-même survécu aux déferlements de mort en Europe pouvait-il agir avec une cruauté désinvolte contre les malheureux civils qui peuplaient sa terre promise ? Qu'avait-il éprouvé au fond de son coeur ?
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« J’ai d’abord cru que ce n’était qu’un adolescent, une petite silhouette aux allures de moineau, la casquette baissée sur le visage ; puis la silhouette s’est retrouvée dans la lumière et je me suis aperçue que c’était une vieille dame aussi efflanquée qu’un chat de gouttière qui tirait sur des rideaux en velours bordeaux pour atteindre le carton de vieux vinyles de mon mari à demi enfoui sous le bric-à-brac. Je lui ai fait signe de la fenêtre. Elle m’a répondu gaiement en continuant à trier. »
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En bas du réfrigérateur, j'ai trouvé trois doigts noirs ratatinés. J'ai mis un moment à comprendre que c'étaient des carottes.
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Vidéo de Marina Lewycka
Marina Lewycka discute de son livre "We Are All Made of Glue" avec Megan Banks dans l'émission Good Living. Sous-titres français
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