Il y a eu bien des malheurs ,bien des chagrins depuis ce été là.L'irrémédiable est entré dans ma vie.Celle de mes parents est maintenant derrière eux.Souvent,je me demande à quel moment ils en ont franchi la moitié.
J'ai un pincement au coeur en pensant à l'homme et le femme qu'ils sont devenus.Le rempart qu'ils constituent est chaque jour plus fragile.
Le temps qu'il nous reste à partager est compté.Nous n 'avons pas su nous parler,eux et moi;nous n'avons pas su nous comprendre.Ma dureté ,mes silences n'ont pas facilité le dialogue.Nous serons passé les uns à côté des autres sans nous voir.Peut-être est-ce ainsi dans toutes les familles.
Les parents continuaient à lire,à bavarder,comme si ces garçons et ces filles auxquels ils ne prêtaient attention ne devaient pas grandir. Ils auraient dû avoir l'oeil collé au viseur d'un appareil-photo et fixer les petits visages,les silhouettes graciles qui dans quelques mois auraient changé.Mais ils laissaient s'envoler des images,des instants perdus à jamais.Ils étaient des parents comme avaient été les nôtres: présents,mais inattentifs;ils reproduisaient un schéma identique,sans se poser de questions,sans curiosité,sans esprit de découverte.
Arnaud Guillon - En amoureux