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EAN : 9782070128204
152 pages
Gallimard (05/01/2010)
3.59/5   28 notes
Résumé :
Je dînais seul un soir d'hiver dans un banal restaurant chinois presque désert lorsque le cinéaste Raul Ruiz, que je connais depuis longtemps mais que je croise très rarement, est venu à ma table et a prononcé ces mots : "Je te propose de jouer le rôle du chirurgien dans Les Mains d'Orlac ! " J'ai été intrigué puis fasciné que l'on puisse me proposer, à moi, d'être cette créature du Mal. Mais n'étais-je pas justement en train d'écrire un roman fantastique noir au cl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
En 2000, dans son roman Ingrid Caven (prix Goncourt), Jean-Jacques Schuhl dressait sans indulgence (mais avec beaucoup de style et d'élégance) son autoportrait en écrivain :

" Faire revenir les morts, exercice macabre de ventriloque ou de marionnettiste manipulateur, et croire que je suis ce marionnettiste alors que je ne suis que la marionnette, le scribe qui bouge le bras, la plume, sous la dictée, composite de faraud et de snob dilettante entiché de gens célèbres, ghost writer qui profite de la célébrité des autres, écrivain fantôme ou plutôt fantôme d'écrivain qui a cessé d'écrire et maintenant s'affaire sur un manuscrit trouvé au lieu de parler de lui à la première personne, oser dire "je", abattre son jeu ou se taire. "

Dans Entrée des fantômes, dix ans plus tard alors qu'il n'avait rien publié depuis Ingrid Caven, Schuhl, " un rêveur for ever ", s'exorcise lui-même en faisant apparaître, comme un magicien, ses fantômes personnels.

J'aime quand les auteurs écrivent eux-mêmes la quatrième de couverture - l'auteur doit-il insister pour que l'éditeur accepte qu'il l'écrive ?
Voici le dernier paragraphe de celle de Fantômes :

" Au bout d'une nuit farfelue durant laquelle se bousculaient divagations et souvenirs dans ma tête fatiguée, des fantômes assez spéciaux sont venus à ma rencontre dans la ville enneigée. Et avec eux ma Chance. "

Avec une certaine fierté mal placée, j'ai entraperçu quelques réponses possibles aux nombreuses énigmes auxquelles le lecteur est confronté, et dont Schuhl parsème son roman. Mais je n'ai pas de réponse pour cette Chance avec un grand C. Qu'est-ce ? le stylo magique ? Qui est-ce ? Une femme ? Il faudra peut-être attendre encore dix ans et un prochain opus de Schuhl pour avoir la Clé des Fantômes.

I. le Mannequin 9
II. La Nuit des Fantômes 35

Le premier chapitre est un court épisode de feuilleton : bizarre, trash, déjanté, allumé.
Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir, mais n'y ai rien compris, d'abord. Et surtout pas le rapport inexpliqué par l'auteur, avec le second chapitre. Les derniers mots de la page 9 m'avaient bien rappelé quelque chose... chambre 1050 : c'est le titre d'un album en français d'Ingrid Caven sur lequel Schuhl a écrit les paroles de la plupart des chansons.

Un peu plus loin dans la seconde partie du roman, Charles (alias Jean-Jacques) révèle qu'il a pensé un temps choisir le nom de Vaughan comme pseudo de scénariste, au cinéma. Et, tiens ! Vaughan c'est le personnage maléfique dont on parle mais que l'on ne voit pas dans le Mannequin.

Apparemment sans lien avec le genre pseudo-auto-biographique que cultive Schuhl, la première partie se révèle petit à petit de plus en plus fortement connectée au reste de l'oeuvre de Schuhl. Pas seulement avec ce roman, mais avec son précédent Ingrid Caven, aussi. Pour les deux premiers (Rose Poussière, Téléx n°1), je ne sais pas, ne les ayant pas encore lus.

Un exemple. Marge, le mannequin, parle au groom de l'hotel et apprend qu'il se prénomme Karl... Karl, Charles.

" Si vous avez besoin... Je m'appelle Karl... elle s'était déjà un peu éloignée, elle s'arrêta un instant sans se retourner... j'ai connu un garçon... un écriv... c'était un autre temps, une autre histoire... "

Marge c'est sans doute Margo, le mannequin qui laisse tomber Charles-Jean-Jacques (dans la vraie vie) pour un riche producteur ami de Mazar-Rassam, avant que Schuhl rencontre Ingrid. Marge, Margo, margarita. Un mannequin, c'est justement le sujet de la dispute centrale entre l'auteur et Ingrid, au coeur d'une Sacrée Nuit, la nuit de la mort de Rainer Werner Fassbinder, l'ex-mari d'Ingrid.

Un autre exemple. Les lys blancs dont Yves Saint-Laurent couvrait Ingrid deviennent les tulipes blanches de Marge, la fille somnambule. Coco le nom de code de Marge, c'est comme cela que Pierre Lazareff appelait le chauffeur de sa limousine noire qui sillonnait Paris pour l'endormir, anecdote rapportée dans Ingrid Caven. La limousine noire est là. La cocaïne aussi.

Sans vouloir faire une thèse sur Schuhl et ses romans, je m'avance jusqu'à faire l'hypothèse que le Mannequin, c'est un coupé-collé-décalé-transformé de Ingrid Caven. Un remix, en quelque sorte.
J'ai aussi pensé à la résolution du film The Usual Suspects : à partir de l'observation d'éléments de la vraie vie, des photos figurant sur un banal tableau d'affichage mural, le personnage principal met en scène et monte de toutes pièces une machination célèbre dans toute l'histoire du scénario de film américain. Autre coïncidence, Keyser Söze, le criminel légendaire claudique, tout comme Schuhl, et... Talleyrand !

Comparée à la première partie du roman, la seconde, la Nuit des Fantômes, est d'une clarté limpide !
Très ancrée dans la réalité, au moins au début...
Ça plane bien toutefois vers la fin, avec... l'entrée des trois fantômes.
Toujours mes associations d'idées tordues, j'ai pas pu m'empêcher de penser aux fantômes de l'affreux Scrooge de Dickens, que Schuhl mentionne d'ailleurs, mais pour La Petite Dorrit. Dickens et Andersen font partie du panthéon de Schulh, le conteur.

Il y a donc les fantômes de Schuhl, l'écrivain hanté. Jean Eustache est le plus touchant, le plus vivant, avec ses larmes.

Il y a aussi les obsessions de Schuhl, nombreuses. Parmi lesquelles : le jeu, les dés, les assassins charismatiques, les prothèses de main, les clichés radiographiques. Et les portes-tambour : quand sont-elles ouvertes ? fermées ? quand est-on dedans ? dehors ? vivant ? mort ?

Des extraits pour finir :

" ... longtemps je ne me suis pas considéré comme un écrivain, d'abord parce que, après avoir publié deux minces livres sans substance, j'avais traversé une longue éclipse où je me contentais de prendre des notes sur un carnet....

... il me fallait rester dans l'ombre : l'écrivain est un vampyre, un clandestin, un espion, un agent secret. Eventuellement un agent double qui va dans le monde en amenant son ombre dans la lumière.

... du coup me revenaient les mots de celui qui avait écrit son livre allongé dans une chambre capitonnée de liège volets clos rideaux tirés, navigateur du Temps dans son bathyscaphe : Les meilleurs livres ne viennent pas de la conversation et de la lumière mais du silence et de la nuit. "
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Jean-Jacques Schuhl, né en 1941 à Marseille, est un écrivain français. Il a reçu le prix Goncourt en 2000 pour son roman Ingrid Caven. Son quatrième ouvrage, Entrée des fantômes, est paru en 2010.
Le narrateur, écrivain, tente avec beaucoup de difficultés d'écrire un nouveau roman. L'inspiration le fuit, laissant la place aux souvenirs et aux fantômes envahir son esprit, réveillant le passé.
Roman qui n'appelle pas l'analyse, Entrée des fantômes doit se prendre comme une rêverie, mêlant le vrai et le faux, souvenirs et inventions, personnages réels ou de fiction. Les souvenirs, quand l'écrivain revient sur l'écriture d'Ingrid Caven, son grand succès. Ses fantômes, êtres de chair et de sang venant du cinéma, Jean Eustache, Jim Jarmusch et Raoul Ruiz les réalisateurs comme Jean-Pierre Rassam le producteur, mais aussi de la littérature avec Lafcadio (personnage de Gide) ou Troppmann (personnage de Bataille).
On lit, on se laisse emporter (ou pas, ce sont les limites d'un tel roman) par ces divagations sans queue ni tête qui ne tiennent debout que par le pouvoir du style et l'écriture fluide et élégante de Jean-Jacques Schuhl. Roman de la nuit, vaguement branché, usant du name dropping, mais pas tant que je le craignais avant d'ouvrir ce livre, l'écrivain sait aussi nous passionner en jouant avec les mots et leur sonorité et nous intéresser par ses considérations sur le métier d'acteur ou ses réflexions à propos des gestes qui amèneraient les mots, « Je me revois à mon bureau comme si j'y étais, sept huit dix fois en train de ramasser et d'enrouler et de réenrouler à mon poignet une chaîne absente, afin de faire venir les mots, trouver la phrase précise… »
Roman ou autoportrait, les deux c'est selon, moderne mais pas creux, « morbide chic » d'après le narrateur qui ailleurs en convient « Un thème ? oui vaguement mais, tu sais bien, c'est un prétexte pour faire des images, jouer avec les mots, faire revenir quelques morts… » Un roman comme un film, à moins que ce ne soit l'inverse, Jean-Jacques Schuhl use de sa plume comme d'une caméra, pour faire son cinéma.
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Tout le monde se souvient de ce miraculeux prix Goncourt de 2000 : Ingrid Caven.
On tenait de nouveau un auteur solide, Jean-Jacques Schuhl avec son univers propre, un fantaisiste littéraire, une écriture imparfaite mais particulière.

Bref, on ne pouvait qu'encenser cette année-là, les dix jurés du Goncourt, qui oubliant à qui ils devaient leur couvert, honoraient leur choix et récompensaient un écrivain.
On se disait, ça y est, les Goncourt se réveillent, ils se souviennent de Proust (1919),Béraud (1921), Malraux (1933), Gracq (1951), Gary (1956), Marceau (1969), Tournier (1970), Laurent (1971), Modiano (1978) ou de Fernandez (1982).
Pensez donc !

Et puis, plus de nouvelles, plus de livre de Schuhl, jusqu'à ce magnifique Entrée des fantômes.

Voici à nouveau un livre inclassable. Ca commence avec une ébauche de roman d'anticipation, policier, on ne sait pas. Mais l'auteur est dans l'impasse et il a besoin de refiler le mistigri.

Voici qu'apparaît le double de Schuhl, Charles. Et le pauvre part dîner chez Davé, du côté de l'église Saint-Roch. Davé c'est cet asiatique qui hantait jadis le Privilège d'Emaer.
Donc, arrive Charles dans un « banal restaurant chinois » et là, il tombe sur Raoul Ruiz, qui dîne en compagnie de John Malkovitch et William Dafoe (on peut trouver pires convives), et qui lui propose de jouer le rôle du chirurgien dans un remake des Mains d'Orlac.

Et nous voilà embarqués dans une épatante errance, où sont convoqués les fantômes de Schuhl, comme Jean Eustache ou Jean-Pierre Rassam.
Mais aussi, les boîteux célèbres, la pharmacie des Champs-Elysées, etc...

Tout est étrangement glacé, coincé sous une gaze.
C'est un mélange de gris, de noir et de bleu.

Il y a ces bouts de nuit mais aussi ces "jusqu'au bout de la nuit".

L'écriture de Schuhl est celle d'un dandy, elle effleure la vérité, cette surface indécise, imprécise et pourtant réelle.

Croyez-moi, cela fait du bien, un livre d'un vrai écrivain.
Lien : http://livrespourvous.center..
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"Entrée des fantôme" vient de sortir en poche, Un très grand livre comme l'était Ingrid Caven (Goncourt de l'année 2000). Livre lu a sa sortie en janvier 2010. Une petite pépite d'une grande rareté dans la littérature française contemporaine. le personnage romanesque s'est lui Jean Jacques Schuhl. C'est un ouvrage collage, comme il le définit lui même, dans la ligné des surréalistes, un livre miroir, un hommage aux disparus, à la littérature, au cinéma en un mot à l'art accompagné d'une plume très élégante. Une première partie intitulé Manequin, là il y a un début de roman futuriste à la David Lynch, un voyage mental, une jeune mannequin nommé Marge file en limousine vers une mystérieuse soirée. Marge est le sosie de Kate Moss, l'Alice de Lewis Carroll . le stylo magique de la première partie sert à écrire la deuxième partie, il y a un lien évident entre les deux parties mais l'on s'en aperçoit qu'après avoir terminé le livre. Jean-Jacques Schuhl a une passion, une admiration pour le journaliste, il évoque l'interview qu'il avait faite avec Jim Jarmusch pour le journal Libération.
Lien : http://livresdemalice.blogsp..
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Impossible de rentrer dans ce roman, trop de déambulations improbables, de jeux de pistes incompréhensibles... j'y suis totalement hermétique je l'avoue !
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critiques presse (1)
Telerama
11 janvier 2012
Déambulations surréalistes, fantasmes de faux dandy, références poétiques : Jean-Jacques Schuhl entraîne ses lecteurs dans ses labyrinthes. Il les séduit avec humour, tour à tour burlesque et tragique dans ce court roman singulier autant qu'inspiré où l'on croise Bataille, Bacon, Jean Eustache ou Raoul Ruiz.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Car je voyais maintenant apparaître une démarche chaloupée, mains dans les poches d'un vieux Burberry un peu trop grand, zyeux bleus plissés, gauloise bleue au coin des lèvres. Je ne l'avais pas reconnu tout de suite ... Son apparition n'était pas tout à fait une surprise : depuis le coup de revolver dans le cœur, ça faisait maintenant près d'un quart de siècle, il avait toujours été un peu présent."" Jean sa blondeur cheveux de blé le bleu de France Douce France un p'tit clocher dans le lointain Fleur Bleu Jean de France ... l'accent chantant de Narbonne ponctué par des "t'sais.
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Dans Sherlock Junior, Buster Keaton, projectionniste et s'endort dans la cabine et rêve : il descend dans la salle et comme Alice à travers le miroir, il passe de l'autre côté de l'écran et entre dans le film, noir et blanc, muet, le monde des fantômes : mauvais garçons, beautés dangereuses, armes à feu ...
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… du rire, des larmes, de l’action, un peu de réflexion quand même, pas trop… une vie… n’oublie pas la vie, Charles… tu oublies trop souvent… remets les pieds sur notre belle planète bleue. Ah ! ah ! ah !... Et puis une femme, faut une femme, Carlito, n’oublie pas ça quand même, sans ça tintin pour le Goncourt. Ah ! ah ! ah ! Quoi encore ? Ah oui, ce qui est toujours bien c’est de les faire voyager les gens… les faire rêver… du rêve, Charles, n’oublie pas le rêve, mais ça tu connais, le rêve, hein ? les beaux voyages, New York, Rome… le cinéma… une actrice ou une grande chanteuse peu importe… comme tu veux… Ah ! ah ! ah ! Mais surtout, mets-moi dedans !! Ca vaut le coup !
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Vidéo de Jean-Jacques Schuhl
Le samedi 30 décembre sur Canal +. Frédéric Beigbeder a présenté une émission spéciale appelée "Supplément Littéraire 2006" avec l’écrivain Jean-Jacques Schuhl en invité pour commenter l'année littéraire 2006.
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