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EAN : 9782070139002
112 pages
Gallimard (02/11/2012)
3.9/5   41 notes
Résumé :
«J'étais dans la pénombre lambrissée, discrètement propice, du bar du Lutetia, quasiment désert. Mais ce n'était pas l'heure ; je veux dire, l'heure d'y être en foule, l'heure d'y être attendu ou d'y attendre quelqu'un. D'ailleurs, je n'attendais personne. J'y étais entré pour évoquer à l'aise quelques fantômes du passé. Dont le mien, probablement : jeune fantôme disponible du vieil écrivain que j'étais devenu.
J'avais tout juste le désir d'éprouver mon exis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Texte posthume et interrompu. Lisant les derniers mots, « ... c'est tout, ni vu ni connu », une impression d'injustice et de frustration : Semprun avait encore, sans doute, beaucoup à donner à voir et à faire connaître.

Si la première raison de ces écrits, est une réflexion sur la torture, la mémoire de Semprun dérive, au fil d'une pensée sans contraintes, vers d'autres souvenirs que ceux de la matraque ou de la baignoire. Mais tous ont un rapport, de près ou de loin, avec ce sujet originel.

Le livre rappelle l'explication très détaillée, donnée au jeune Jorge Semprun, de ce qu'il doit attendre des hommes de Bonny et Lafont ou de ceux de la Gestapo, s'il est arrêté. Et la question, des mois plus tard, à Buchenwald, d'un camarade de Résistance : est-ce que ce savoir vous a servi au moment de subir leurs tortures ?
Semprun explique comment lui – sans doute comme beaucoup de ceux qui n'ont pas parlé – a su ne pas céder : « le silence auquel on s'accroche, contre lequel on s'arc-boute en serrant les dents, en essayant de s'évader par l'imagination ou la mémoire de son propre corps, son misérable corps, ce silence est riche de toutes les voix, toutes les vies qu'il protège, auxquelles il permet de continuer à exister. »

Ce constat - magnifique mais dont on se demande forcément, avec, pour ce qui me concerne, beaucoup de pessimiste lucidité sur la probable réponse : « et moi, à sa place ? » - entraîne Semprun vers le souvenir de compagnons, torturés et, pour certains, déportés comme lui : Jean Moulin face à Barbie, Henri Frager fusillé à Buchenwald, Stéphane Hessel qui y est arrivé en août 1944... Et la mémoire de Semprun fait des allées et venues entre le camp de Buchenwald et ses dix années de clandestinité en Espagne, pendant lesquelles il a couru constamment le risque de l'arrestation et de la torture. Il évoque aussi, sans s'y attarder, le désaccord avec le Parti communiste espagnol qui a conduit à son exclusion ; et pour finir la libération de Buchenwald par les déportés eux-mêmes.

Cette pensée qui enchaîne un souvenir à l'autre avec une évidente fluidité, malgré les lieux et les temps différents, est d'une richesse dont il est impossible de se lasser. La fin en arrive de façon abrupte. Bien trop tôt.
Il reste tous les autres livres de Semprun pour reprendre le détail de ce qui n'est qu'évoqué rapidement ici.

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Survie… la mémoire inscrite sur le papier qui survit ainsi à son auteur.

Survie… échapper à la mort grâce au silence des autres face à la torture.

Survie… continuer à respirer malgré le corps broyé, garder la foi dans l'humanité.

Survie… dans les camps, rester vivant et demeurer humain malgré tout.

Un homme exceptionnel se raconte, une centaine de pages, un extrait de ses réflexions sur ce qu'il vit, sur ce qu'il a vécu.
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Si vous voulez apprendre à allumer un feu sans allumettes sous la pluie ou à nager dans un banc de piranhas affamés au milieu de rapides amazoniens ou à échapper aux complications gastriques liées au dernier Beaujolais nouveau, vous vous trompez de bouquin. Votre truc serait plutôt le Manuel des Castors Juniors. Ici, les exercices de survie dont il est question, ne sont pas explicites, mais on devine qu'il en a fallu à Jorge Semprun dans son passé d'homme d'action et de militant lors de la seconde guerre mondiale et en Espagne sous Franco, et qu'il a même fallu que sa vie d'alors ne soit qu'un unique exercice de survie continu, pour, au bout du compte, être là et témoigner.
Mais au-delà de la survie, les exercices du livre sont avant tout ceux de la mémoire. En effet, la narration n'est pas particulièrement chronologique ou structurée, mais fonctionne plutôt selon la logique de la pelote de laine, un souvenir en appelant un autre, avec des retours en arrière, des ressassements, des répétitions, qui illustrent la dynamique de cette mémoire, et en balisent la ligne directrice.
Qui dit survie, dit bien sûr confrontation avec un contexte de mort et de souffrance. Effectivement, la torture et les vécus de l'auteur face à celle-ci emplissent le texte. S'il paraît qu'il en avait très peu parlé jusque-là, on mesure ici combien elle a contribué à le construire et à le marquer de son impact jusqu'à la fin de sa vie. On peut d'autant mieux l'évaluer que, bien que le discours rende essentiellement compte de souvenirs de combattant et de militant, le propos revient fréquemment sur la question au fil des évocations, comme dans une boucle compréhensiblement entêtante. Mais à tous ceux qui s'attendent à des descriptions de tortures, à des scènes sauvages et insoutenables, là encore vous vous êtes trompés de bouquin. Votre truc serait plutôt le genre S.A.S. Ici, on ne lit pas de grandes considérations sur la torture, ses techniques de l'antiquité à nos jours etc., mais essentiellement le retour d'une expérience concrète et son impact existentiel pour l'auteur et ce qu'il pense valoir aussi pour tout homme.
Malgré la gravité du sujet, le style avant tout très simple n'en fait pas un sujet particulièrement lourd. En effet, la sobriété et l'honnêteté du texte rende la question a priori accessible à tout le monde, même si le seul supplice que vous avez enduré, est de vous être coupé avec une feuille de papier en lisant un livre, ou d'avoir lu l'intégrale de mes critiques. Toutefois, même s'il l'exprime sans gloriole, sans romantisme particulier, l'auteur n'est pas dénué d'une certaine fierté et est bien conscient que le club des torturés constitue une catégorie d'humains de facto à part. Nous comprenons ainsi que cette épreuve humaine radicale peut se vivre de manière paradoxale au cours du temps vis-à-vis des autres hommes. En effet, tout d'abord, la sublimation de la fraternité et de la solidarité humaines lui a permis de tenir dans la souffrance. Puis, avec le temps, l'épreuve le distingue des autres.
La valeur du livre est évidemment celle de ce témoignage simple et profond sur l'inhumain et sur l'incapacité de ce dernier à malgré tout borner l'action et la détermination humaines. C'est donc avec un grand respect et une réelle admiration pour l'auteur que l'on referme le livre.
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Je n'aurais sûrement pas dû commencer ma lecture de Jorge Semprun par cette oeuvre, sa dernière, en partie inachevée. Dans sa construction même, ce n'est pas un récit purement biographique, strictement chronologique, mais élaboré par thématiques, avec des aller-retour : l'engagement communiste, la surveillance policière, le camps, la torture, et même la baignoire. "Regarde le prisonnier qui entre dans une villa luxueuse et se demande pourquoi on lui donne une salle de bain – il n'a pas encore entendu parler de la baignoire", selon les mots du discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
Je vais donc chercher à me procurer l'Écriture ou la vie, la grande oeuvre de l'auteur. Mais je retiens de cette lecture le portrait d'un homme de culture, d'un humaniste, fidèle jusqu'au bout à ses valeurs et ses convictions, pour qui le mot engagement a un véritable sens.
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Une promenade dans la mémoire de l'auteur depuis son action dans la résistance , sa clandestinité en Espagne , son séjour à Buchenwald , son retour à la vie libre , avec un chapitre spécial sur son expérience face à la torture .

Passage plein de sens sur l'arrivée au camp de Buchenwald de deux juifs américains en jeep qui croisent des rescapés du camp , armés pour participer à leur libération .

J'en retiens que les souffrances et épreuves passées , un devenir heureux nous appartient si nous nous y consacrons .
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critiques presse (3)
Bibliobs
13 novembre 2012
Texte magnifique et inachevé où Jorge Semprun, sans jamais hausser le ton ni se lamenter, réveilla, une dernière fois, ses pires souvenirs.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
12 novembre 2012
Bouleversant propos de Semprun, capable d'élever à ce niveau la conscience humaine, de donner définitivement tort aux tortionnaires, en plaçant l'homme du côté de la solidarité et de l'humanité.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Telerama
31 octobre 2012
Exercices de survie contient des pages bouleversantes, tenues par une extrême pudeur, le seul système selon Semprun pour que passé et présent, souffrances et espoirs, histoire personnelle et politique soient toujours questionnés, jamais ressassés et aussi vivants que le furent les silhouettes qui les composent
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
(Derniers jours de Buchenwald)

Certes, nous n'étions pas des milliers. Nous n'étions que quelques centaines de déportés en armes. (...)
Mais nous, Français, Russes, Allemands, Espagnols, tous les survivants européens- sauf les Polonais, je viens de dire pourquoi-, tous ceux qui avaient obéi aux directives du Comité militaire clandestin, en haillons, en armes, "hungry looking", comme l'ont écrit Fleck et Tenenbaum, faméliques, nous étions là, en rangs serrés, en marche vers Weimar, ville toute proche dont le nom évoquait tant de choses pour beaucoup d'entre nous.
(...)
Dans la première vague, armée de fusils et de mitraillettes, il n'y avait que des combattants chevronnés, à l'expérience militaire indiscutable. La plupart d'entre eux étaient des anciens des Brigades internationales de la guerre d'Espagne. Des Français de la XIVe, parmi lesquels mon copain Fernand Barizon. Des Allemands de la Thaelmann. Des Italiens de la Garibaldi. Et ainsi de suite. Quant aux Polonais de la Dombrowski, ils encadraient les jeunes maquisards partis volontairement sur les routes de l'évacuation.
Autour de ce noyau de brigadistes, il y avait des combattants de toute l'Europe: rescapés des Glières ou du Vercors, survivants de la guérilla dans les montagnes de la Slovaquie, les forêts des Carpates, l'immensité russe.
La deuxième vague c'étaient nous, les porteurs de bazookas.
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Nous allons survivre, disait Frager, certains d’entre nous, en tout cas, vont survivre. Nous allons devenir, les survivants vont devenir de vieux messieurs décorés, chenus, en plus ou moins mauvaise santé, respectables néanmoins. Nous allons faire partie de clubs ou d’associations diverses, présider peut-être des conseils d’administration, toucher des jetons de présence – rendez-vous compte, Gérard ! des jetons de présence, alors que désormais, à dire vrai, nous ne pourrons incarner que l’absence ! – bon, bon, passons, nous serons des notables si nous sommes des survivants : des nantis, c’est quasiment inévitable... Mais n’importe où, n’importe quand, à n’importe quelle occasion, banquet d’anciens élèves de tel grand lycée, d’anciens lauréats de tel ou tel prix ou concours, amicales de tel ou tel réseau, certains d’entre nous se retrouveront soudain autour d’une table pour un instant de vraie mémoire, de vrai partage, même si la vie, la politique, l’histoire nous auront séparés, même si elles nous opposent, et nous pourrons alors constater, avec une sorte d’allègre effroi, d’étrange jubilation, que nous possédons tous quelque chose en commun, un bien qui nous est exclusif, comme un obscur et rayonnant secret de jeunesse ou de famille, mais qui par ailleurs nous singularise, qui nous retranche sur ce point précis de la communauté des mortels, du commun des mortels : le souvenir de la torture.
L’expérience de la torture, avait-il répété sourdement.
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A Madrid, en effet, n’ayant jamais été arrêté, malgré les efforts considérables déployés par la police de la dictature, je n’avais pas eu, comme autrefois, pendant la Résistance, à préserver la vie des autres, leur liberté, du moins par mon silence. Ce sont les autres qui avaient préservé ma liberté, par leur silence sous la torture. Jamais aucun des militants arrêtés pendant ces dix longues années de clandestinité n’aura livré à la police un rendez-vous avec moi, ni le moindre indice qui aurait pu me mettre en danger. J’ai vécu en liberté dix longues années de clandestinité – une sorte de performance ou de record si j’en crois les chroniques et les mémoires de cette période historique – grâce à tous ces silences multipliés.
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barbie ... il lui tendit triomphalement un feuillet où il avait inscrit son vrai nom, mais incorrectement orthographié : Moulins.
Alors, Jean Moulin, physiquement brisé, détruit, mais moralement indemne, se borna à tendre la main et à biffer ce "s" inutile.
Voilà : Moulin !
Je ne connais pas de geste plus sublime, plus significatif de la capacité de l'homme à affirmer son humanité en se surpassant. En surpassant sa propre finitude, sa misérable condition humaine.
Après ce récit, il y eut du silence entre Frager et moi. Silence peuplé pourtant d'ombres fraternelles. Nous en tombâmes d'accord, en effet, ce jour là : l'expérience de la torture n'est pas seulement, peut être même pas principalement, celle de la souffrance, de la solitude abominable de la souffrance. C'est aussi, surtout sans doute, celle de la fraternité.
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Avec sa mosaïque en pointillé, Semprun annexe l’histoire à a mémoire – ce qui le distingue de Malraux, qui fait l’inverse. Pour le Conquérant adepte des voies royales et des fastueux survols, qui le prend de haut avec les faits, l’expérience vécue sert de tremplin à l’imagination. Pour le méticuleux qui creuse et fouille son vécu, sa « vivencia », l’imagination est au service de la réalité, qu’elle reconstitue par bribes. Malraux tient son passé pour acquis, Semprun, pour une question. Le premier transfigure, le second recompose.

(Régis Debray - Préface « Semprun en spirale »)
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