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EAN : 9782070266357
224 pages
Gallimard (04/05/1982)
4.45/5   21 notes
Résumé :
Dans ce «diorama d'états d'âme», Fargue imagine la nuit des temps préhistoriques et celle de la fin du monde. Entre les deux, il revoit Paris, cet univers lui aussi fantastique, qu'il a tant aimé et dont il fut l'inoubliable Piéton.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Du premier soubresaut de vie de notre bonne vieille terre à la fin des temps, - cette apocalypse que danse macabrement Léon-Paul- c'est la solitude personnifiée (plus que le poète) nous réécrit notre histoire humaine non réalistement. Elle nous conte des mensonges sous formes de rêveries, elle métaphorise ou métamorphose notre vécu en prose poétique, en sensations inédites car indicibles, la solitude nous engourdit dans son ciel étoilé de rêveries.

Nous voilà à Paris, dans un Paris insalubre d'incohérence et de suites de mots sans raison. Nous voilà, de déménagement en déménagement transportés dans les vieux quartiers numérotés comme des allégories sur les étals du marché de l'aventure. Les images n'ont pas de prix et les places dans l'univers du poète affichent "Complet", tant elles sourdent de partout de cascades de métaphores inimaginables.

Car Léon-Paul Fargue cultive l'art de la métaphore filée, la très précieuse science de tisser des mots sans suite mais à la saveur intense et à la vérité impitoyable.
Paradoxale peut être sa prose : "Hélas l'homme est le désert des déserts" mais plus qu'ambiguë, vertigineuse comme la chute d'un univers de fantasmes dans votre café du matin (sans sucre ni fiel). D'où ses descriptions si cocasses d'éveils interminables.

Je reconnais au fil des pages de cette Haute solitude, haute parce qu'inatteignable en richesse et en densité par aucun autre de ses contemporains, un père, un maître en imagination, une ami en écriture qui cultive si bien cet absurde qui en dit plus long sur le sens de notre destinée que n'importe quel traité de philosophie appliquée. Notre destin ? Sans aucunement daigner ouvrir l'oeil, rester aux aguets et émerveillés devant l'immense foisonnement de notre imaginaire inabouti.

"Alors, paix sur la terre aux hommes de bonne incohérence!"

NB : si l'auteur de cette critique en dit beaucoup trop peu sur l'oeuvre et en décrit surtout très mal son contenu, c'est parce qu'il n'a pas encore pu échapper à l'engourdissement délicieux de la rêverie dévalée de cette culminante et inatteignable solitude.
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Ce sont quelques critiques et quelques citations de babeliotes (Ah, Babelio, source inépuisable de découvertes!) qui m'ont amené à Léon-Paul Fargue dont je n'avais lu jusqu'à présent que quelques poèmes tirés du Piéton de Paris.
J'ai ainsi appris que ce recueil Haute Solitude était considéré comme son chef-d'oeuvre.
J'ai été vraiment bousculé, ébahi, émerveillé, parfois si ému, par ce livre «hénaurme », désespéré et moqueur, tendre et acerbe, déchirant et comique.

L'incipit donne le ton: un extrait du 5ème livre du Pantagruel de Rabelais, avec ses énumérations, sa profusion de mots nouveaux.
Cette exubérance verbale héritée de Rabelais habitera tout le recueil, souvent mise au service d'un désespoir qui serre le coeur. Mais pas toujours. On est parfois dans le registre totalement loufoque.

Il s'agit de textes en prose; on sait depuis Baudelaire et Rimbaud, que la poésie n'a pas besoin du vers et de la rime, que les mots et les phrases n'ont pas toujours besoin d'être rangés comme des petits soldats pour que fleurisse la poésie.

Dix neuf poèmes magnifiques et d'une grande diversité.

D'abord, il y a ceux pleins de fantaisie et d'humour, tels Plaidoyer pour le désordre, ou Esprits nomades, une sorte d'apologie burlesque du déménagement, ou Encore, qui termine le recueil.
D'autres sont des poèmes dans lesquels sont égratignés de façon loufoque les travers des contemporains du poète. Ainsi la prédiction de l'avenir dans Horoscope, Érythème du Diable.
Plusieurs donnent une vision fantastique et parfois pleine de tristesse de ce Paris que l'auteur aime tant, Géographie secrète, Nuits blanches, L'attente, Paris.
Deux poèmes extraordinaires nous donnent à lire, l'un une vision époustouflante de l'histoire de notre planète: Visitation préhistorique, et l'autre une apocalypse finale déjantée de notre monde: Danse mabraque.

Enfin, il y a ces poèmes dans lesquels, avec une langue si neuve, si riche, Fargue nous emmène dans sa tristesse, sa nostalgie de l'enfance, sa solitude. Ce sont notamment les merveilleux et bouleversants Marcher, Accoudé et Haute solitude, qui donne son titre au recueil.

On peut certes retrouver l'influence de Rabelais dans cette abondance d'énumérations, de mots inventés, une influence du Rimbaud des Illuminations dans le rythme des poèmes, une certaine parenté avec la loufoquerie de Queneau.
Oui, mais Fargue est incomparable, irréductible à toute comparaison, et Haute Solitude est un sommet de création poétique.
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Haute Solitude (1941) c'est le livre le plus autobiographique où Fargue évoque ses flaneries le long de sa ville natale, les visites au Jardin des plantes; ses souvenirs, ses bonheurs et ses tristesses ... c'est un beau livre où le poète-chroniqueur parle de soi et de sa solitude.. en effet Fargue recherche la solitude “à la fois nécessaire et insoutenable” et l'accepte. Il écrit "j'aime ma solitude, comme une maison de campagne, comme une retraite vigilante” ... Il se replie sur soi meme et ne fait qu'un avec sa solitude : “Je me sens lié à la vie et à la solitude comme est lié à la rivière le reflet d'un saule” ... sa solitude est une solitude recherchée pour une méditation intérieure afin d'explorer le coeur humain. "Accoudé à ma fenetre, je vois le taxi et son ombre le fiacre ... Oui, mom ame, tout cela que tu vois, c'est la vie, tout ce que tu examines en soupirant, c'est la vie" :-) Il faut le lire !
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Accoudé

… Oui, mon âme, tout cela que tu vois, c'est la vie, tout ce que tu examines en soupirant, c'est la vie. Restons, nous deux, cent ans et plus, restons les bras sur la balustrade, le corps appuyé au bastingage, la prudence bien affûtée, restons et résignons-nous. Ne descendons pas dans cette mélopée, ne nous confondons pas à ce bruit d'âmes fausses, de cœurs mangés aux vers, d'esprits vénéneux. Oui, restons ensemble, toi au milieu de moi et moi autour de toi, toi souffrant et moi luttant. Fermons parfois les yeux, essayons de mettre entre la rue et nous, entre les autres et nous, des océans de lyrisme muet, des remparts bourrelés de coton hydrophile. Revenons à pas lents vers les souvenirs de l'école buissonnière, chuchotons tous deux à pas de loup des images glanées dans la lente adolescence. Mon âme, on nous a roulés dans la poussière des faux serments, on nous a promis non pas seulement des récompenses auxquelles nous ne tenions pas, mais des gentillesses, des « myosotis d'amour ».On nous a laissé croire qu'on souriait, qu'on nous aimait, que les mains que se glissaient dans nos mains étaient propres et sans épines. O glissade des déceptions et des tortures ! Il n'y eut jamais pour nous ni justes effusions, ni paumes sincères. On voulut même nous séparer, et te briser au fond de moi, mon âme, comme un élixir dans une coquille.
J'ai vu mentir les bouches que j'aimais ; j'ai vu se fermer, pareils à des ponts-levis, les cœurs où logeait ma confiance ; j'ai surpris des mains dans mes poches, des regards dans ma vie intérieure ; j'ai perçu des chuchotements sur des lèvres qui ne m'avaient habitué qu'aux cris de l'affection. On a formé les faisceaux derrière mon dos, on m'a déclaré la guerre, on m'a volé jusqu'à des sourires, des poignées de mains, des promesses. Rien, on ne nous a rien laissé, mon âme. Nous n'avons plus que la rue sous les yeux et le cimetière sous les pieds. Nous savons qu'on plaisante notre hymen désespéré. Nous entendons qu'on arrive avec des faux de sang et de fiel pour nous couper sous les pieds la dernière herbe afin de nous mieux montrerle sentier de la fosse.
Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l'écrou, et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ; nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse.Et puis, dans le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra. Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu'on n'a pas vu, tout cet amour qu'on a piétiné, qu'on a meurtri, oui, que notre amour n'est plus que notre éternité.Alors, mon âme, tandis que je serai allongé etdéjà bruissant, tu iras t'accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu crieras, tu crieras de toutes tes forces !

On entendra.
Qui est cet On ?
Qui ? demandes-tu ?
Mais toutes les âmes le savent.
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La nostalgie n'était pas mon métier. Mais on a voulu me mettre tout jeune dans un atelier de tristesse, et j'ai pris la filière. On m'a montré les outils du malheur, les limes du cafard, les rabots de l'ennui, les courroies de transmission de l'agitation et du souvenir. On m'a appris à relier mon coeur aux autres coeurs, à beaucoup attendre des hommes. On m'a enseigné à ne présenter aux femmes que le plus faible de moi-même. Et je suis devenu peu à peu un gaillard de métier qui connaît bien son affaire. Mon Dieu! Que ne m'a-ton appris le bonheur! C'eût été si simple, pendant qu'ony était. Et je n'attendrais pas aujourd'hui, crucifié sur des pancartes, voué aux horaires, que les filles du passé et de l'impossible accourent auprès de moi, en rond, et remuantes et stupides, mais heureuses.
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Je n'ai pas, Moi, de ces réveils d'escrimeurs, de cuistres ou de goélands de lavabos qui sont toujours prêts à pourfendre l'existence mondaine, ou sportive, ou industrielle, avec des stylographes à idées, des balais mécaniques et des cerveaux de la rue de la Paix. Ma vie est une bonne et brave vie à tant la minute, et qui la connaît dans les coins avec son portefeuille vierge et frais de poche revolver. Pas si bête.
Elle m'a eu, ce matin, comme une logeuse. Mais nous nous retrouverons ce soir, face à face, quand je la forcerai à s'user le long des rues tristes d'usines, devant les bistrots au derrière de singe, autourdes autobus à pellicules, au fond des squares tout vibrants de cancrelats. Quand les boucles d'oreilles des vieilles maisons leucorrhéiques scintilleront, quand les bouts de sein de la nuit darderont, dans les embouteillages d'hommes, des fausses nouvelles, des soupirs, quand je cheminerai enfin les os vaillants, éveillé comme un fantôme, au hasard des quartiers couleur de pintade et d'arrosoir, quand mon corps de dormeur occidental sera cuit pour la revanche, je l'aurai à mon tour, la Vie!
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Et depuis cent ans, je suis à la recherche de ces ombres, depuis cent ans je parcours les impasses, je cogne aux portes, j'implore des lucarnes. Mais les couloirs me ramènent aux couloirs. J'attends mon tour de sortir. Qu'il fait noir, dans ce monde où l'on finit par se heurter à son propre corps, par s'apercevoir partout en caravanes! Que faire pour éviter ces hordes de moi-même qui remontent les avenues, font la queue aux gares, occupent les tables des cafés ?
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L’attente

…Je ne suis pas heureux. Toutes ces mains tendues de la salle d'attente qui vont à des mains inconnues, le sourire aux ongles, me dédaignent. Elles vont à ceux qui n'ont besoin ni de chair ni de chaleur. Elles oublient le déraciné qui veille, le dos au poêle, les jambes abruties, déchiré et maudit. Je n'étais pas fait pour la détresse. La nostalgie n'était pas mon métier. Mais on a voulu me mettre tout jeune dans un atelier de tristesse, et j'ai pris la filière. On m'a montré les outils du malheur, les limes du cafard, les rabots de l'ennui, les courroies de transmission de l'agitation et du souvenir. On m'a appris à relier mon cœur aux autres cœurs, à beaucoup attendre des hommes. On m'a enseigné à ne présenter aux femmes que le plus faible de moi-même. Et je suis devenu peu à peu un gaillard de métier qui connaît bien son affaire. Mon Dieu ! Que ne m'a-t-on appris le bonheur ! C'eût été si simple, pendant qu'on y était. Et je n'attendrais pas aujourd'hui, crucifié sur des pancartes, voué aux horaires, que les filles du passé et de l'impossible accourent auprès de moi, en rond, et remuantes et stupides, mais heureuses.
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André Beucler : Dimanche avec Léon-Paul Fargue
Olivier BARROT présente le livre d'André Beucler sur Léon-Paul Fargue.
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