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Jean-Jacques Villard (Traducteur)
EAN : 9782020281379
469 pages
Seuil (21/11/1996)
4.14/5   161 notes
Résumé :
"Sobre héroes y tumbas" (1961) traduit en français sous le titre "Alejandra" puis sous le titre "Héros et tombes".

Ce roman d'Ernesto Sabato appartient à un genre des plus suspects : celui des romans dont la lecture se termine souvent à quatre heures du matin... J'ai passé en Argentine vingt-quatre ans de ma vie. Je ne connais aucun livre qui introduise mieux aux secrets de la sensibilité sud-américaine, à ses mythes, phobies et fascinations... »
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Que lire après Héros et tombes (ou) AlejandraVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Écrivain peu prolifique (trois romans seulement à son actif!), Ernesto Sabato est un auteur assez atypique dans le riche Panthéon des lettres argentines contemporaines où il trône indiscutablement parmi les plus grands, à une place néanmoins unique et singulière . Ni tout à fait partisan d'un «réalisme» pur et dur en littérature («les réalistes imaginent que la réalité ne dépasse pas leur dimension personnelle et n'est pas plus compliquée que leur cervelle d'oiseau») mais auquel il s'y astreindra en grande partie, ne serait-ce que parce que selon lui l'esprit humain ne peut accéder à l'invisible «qu'à travers le visible»; ni d'autre part complètement séduit par le souffle «magique» qui s'était largement répandu dans le paysage littéraire latino-américain de son époque, alors même qu'un des principaux moteurs de son oeuvre résiderait dans une exploration exhaustive des territoires friables, équivoques du supra-réel et du supra-individuel et de leurs incidences sur la subjectivité de ses personnages, l'auteur avait cultivé au travers d'une oeuvre exigeante qui aspire à une forme de «totalité», une veine narrative s'abreuvant aussi volontiers aux sources mystérieuses, symboliques et archétypiques de l'inconscient collectif, ne cessant d'illustrer la prégnance de leurs dimensions immatérielles dans la détermination des choix et des destinées individuels, élevant enfin la folie même au rang quelquefois de métanoïa susceptible de faire accéder à une forme alternative de connaissance du monde.
Ernesto Sabato resterait donc en quelque sorte sur les bords d'un «réalisme magique». Sa démarche créative comporterait à la fois une perspective littéraire réaliste, analytique, naturaliste et objectivable, à côté d'un cheminement narratif guidé par une approche tout autre et complémentaire qui, ouvrant une voie d'accès direct, intuitif et immédiat à la connaissance du réel, chercherait à dépasser les frontières imposées par une rationalité trop cartésienne et positiviste, mais sans recourir pour autant à des éléments "magiques" et surnaturels du type cadavres qui ressuscitent, jeunes filles en lévitation ou pluies de grenouilles..Avec un style très personnel et une écriture maintenue en bordure du visible et de l'invisible, dans un équilibre savant, dans un va-et-vient perpétuel entre le cognoscible et l'ineffable, le raisonnable et le démesuré, l'auteur crée une machinerie d'autant plus infernale et capable de ravir implacablement son lecteur qu'elle ne s'encombre pas par ailleurs d'artefacts érudits superflus, se parant la plupart du temps d'une fluidité et simplicité renversantes et se servant volontiers de mots et de tournures d'un langage plutôt courant et oral que proprement châtié ou littéraire. Witold Gombrowicz, fervent admirateur de l'écrivain, qu'il avait côtoyé de près durant sa longue pause argentine, dans une courte préface à l'édition française de l'ouvrage, classait HEROS ET TOMBES parmi «ces lectures qui se terminent souvent à quatre heures du matin». (Je confirme ! Même si dans mon cas, ce fut plutôt vers deux heures du matin…)
Considéré comme l'oeuvre maîtresse de l'auteur, il s'agit pour moi d'un pur chef-d'oeuvre, tout court ! L'une de ces cathédrales comme l'on n'en visite plus, hélas, que trop rarement, édifice dédié tout d'abord à Santa Maria del Buen Ayre, la ville de Buenos Aires elle-même, l'un des personnages centraux de ce monument au style littéraire gothique portègne.
Le livre est bâti à l'image même de la métropole argentine, ville tentaculaire «aux frontières indéfinissables avec la pampa», présentée ici sous les traits d'une cité constituant à elle seule un univers à part avec sa mythologie propre. Il met en place des récits qui se ramifient selon un plan obscur et mouvant, à l'instar de ces réseaux souterrains des égouts de Buenos Aires aux innombrables anfractuosités creusées par les eaux ancestrales du bassin alimentant l'océanique Río de la Plata, décrits avec force détails par l'auteur. Récits parcourant des dédales tortueux où narration historique et temps psychologique ne cessent de se croiser, où les courants du passé et du présent s'enchevêtrent en des lacis inextricables, entre mémoire collective, généalogie familiale et construction possible d'une identité propre. Récits explorant enfin les tracés flous d'une raison délirante, ou au contraire les contours ambitieux d'un délire raisonné, sans pour autant rien céder de ce qui constitue l'humanité fondamentale de ses personnages, la clarté de la langue ou la cohérence de son intrigue.
À la fois roman d'apprentissage pour son personnage central, le jeune et ingénu Martín qui, après avoir coupé les liens avec sa famille, tente ses premiers pas dans la vie adulte et dans l'anonymat de la grande métropole, récit d'une passion dévorante et inassouvie qui l'enchaînera définitivement à la troublante Alejandra, jeune femme énigmatique dont l'auteur dressera un portrait psychologique absolument magistral, imprévisible et rebelle, cherchant par tous les moyens possibles et imaginables à se soustraire à son encombrant héritage familial, HEROS ET TOMBES intégrera par ailleurs, en arrière-plan, celui des fondations même de la nation argentine, s'étalant depuis les guerres fratricides entre unitaires et fédéralistes au XIXe siècle jusqu'à l'ascension et la chute de Juan Péron, en septembre 1955, histoire tumultueuse qui se confondra avec celle de la déchéance d'une vieille famille argentine conduisant au drame qui frappera son dernier maillon, Alejandra, inoubliable héroïne tragique.
Le roman s'ouvre sur le fait divers qui bouleversa Buenos Aires au mois de juin 1955 : une jeune femme issue d'une famille traditionnelle a tué son père de quatre coups de pistolet avant d'arroser la pièce, fermée à clé de l'intérieur, d'essence et d'y avoir mis le feu.
Le développement de la narration s'organisera autour de quatre grands chapitres, chacun d'eux mettant l'accent sur des éléments particuliers et susceptibles de pouvoir éclairer la genèse et les enchaînements fatidiques ayant conduit au drame terrible, construits néanmoins sans aucune chronologie stricte linéaire, l'histoire et ses enjeux se précisant et s'étoffant progressivement à partir de feedbacks et de feedforwards qui témoigneront de l'immense maîtrise technique et narrative de l'auteur. L'un de ces chapitres, intitulé « Rapport sur les aveugles » correspondant au manuscrit retrouvé par la suite au domicile secondaire du père assassiné, expose en détail un délire de type paranoïaque à l'architecture impressionnante. Il vaut à lui seul le détour. Traitant de la domination imminente du monde par une secte secrète d'aveugles, mêlant éléments autobiographiques, relations personnelles, telles les surréalistes Oscar Dominguez et le peintre roumain Victor Brauner, ainsi que faits concrets dont l'écrivain argentin avait pu témoigner lors de son séjour à Paris dans les années 30 (notamment l'accident qui aura énucléé Victor Brauner), cette reconstruction délirante exhale un irrésistible et inquiétant parfum, aux relents parfois extralucides et prémonitoires, en sachant que des années bien plus tard après la rédaction de son livre, et à l'instar d'un de ses compatriotes les plus célèbres, Ernesto Sabato serait lui aussi définitivement atteint de cécité…!
Étrangement universel et ténébreusement particulier, intelligent et émotionnel, accessible et pointu, concret et transcendantal, HEROS ET TOMBES, est une lecture absolument envoûtante que je conseillerais sans modération aux lecteurs qui apprécient la littérature à la fois comme un plaisir, un art et une tentative d'accéder à une forme complémentaire de connaissance du monde et des mystères profonds qui entourent l'existence humaine.
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Héros et tombes (ou Alejandra, selon la version) est un roman déroutant, envoutant et mystérieux. Tout à fait dans l'esprit des romans d'autres grands noms de la littérature argentine de la première moitié du XXe siècle, par exemple Roberto Arlt et Adolfo Bioy Casarès. Ces romans à l'atmosphère glauque, peut-être vaguement gothique ou fantastique, dans tous les cas sombres et troublants. On aime ou on n'aime pas. Avec ce roman, l'auteur Ernesto Sabato nous livre un petit chef d'oeuvre dans lequel il exploite les thèmes qui lui sont chers (à lui comme à ses collègues), dont les sectes secrètes, l'amour impossible ou difficile sinon unilatéral, puis surtout ce rapport ambigu face au passé, à l'histoire. Tant individuelle que collective.

Héros et tombes, c'est le récit de Martin, un jeune homme de dix-sept qui tombe éperdument amoureux d'Alejandra. Mais cette jeune femme, farouche et indépendante, aime s'entourer de mystère et laisse le pauvre garçon dans l'expectative. Avec le temps, elle se laisse apprivoiser et, au fur et à mesure de leurs rencontres, Martin lève le voile sur le passé et surtout l'histoire familiale d'Alejandra. Cette histoire se perd et se mélange avec ses ancêtres et les bouleversements qui ont touché l'Argentine, de la guerre d'indépendance au début du 20e siècle. Son père Fernando, fou, son grand-père, etc. Toute cette lignée de héros a contribué (à sa façon) à la naissance de la nation mais qui représente aussi sa décadence et sa ruine prochaine.

Puis, tout d'un coup, on fait un retour dans le temps, on passe à son père Fernando, qui erre dans Buenos Aires. Une histoire imbriquée dans une autre, un énième élément caractéristique du style des auteurs mentionnés plus haut. J'admets avoir eu de la difficulté, parfois, à suivre le pauvre Fernando dans ses errances et, surtout, dans ses élucubrations. Il voue une haine à des groupes de personnes, se sent persécuté, cherche à déjouer un complot probablement inexistant. En effet, ce qu'il voit et expérience, est-ce la vérité, son inconscient qui lui joue des tours ou sombre-t-il dans la folie ? À vous de décider. Dans tous les cas, c'est troublant et effrayant.

Le dernier personnage de Héros et tombes, c'est la ville de Buenos Aires. Dès le début, Martin fait le tour des grandes artères animées et des lieux publics, toujours à la recherche d'Alejandra. Cette dernière, à travers les chroniques qu'elle raconte, en fait une visite historique, virtuelle, celle d'une ville qui n'est plus. Puis, Fernando déambule de nuit dans les quartiers sombres, présente un aspect surréaliste de la cité. Les mystères de Buenos Aires ? Pourquoi pas. Moi, ça m'a donné l'envie de visiter cette grande ville.

Enfin, le roman se termine sur le coup d'État de Peron. Coïncidence ? La décadence de la famille d'Alejandra est-elle le reflet de la ruine possible du pays ? L'actualité politique a toujours été une grande source d'inspiration pour les écrivains du sud du continent américain… Les héros sont dans la tombe, chanceux. Tout ce qu'il reste à faire, c'est oublier ou s'enfuir, essayer de se purifier, un peu comme Martin qui prend le chemin de la Patagonie. J'écris cela comme si c'était l'évidence même, d'autres pourront y lire autre chose. Je dois admettre que plusieurs zones grises persistent, je n'ai pas tout compris. Et c'est correct, même plusieurs jours après en avoir terminé la lecture, ce roman continue à m'habiter. C'est souvent le signe d'une oeuvre magistrale.
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L'histoire de Héros et tombes se situe à Buenos Aires, pour l'essentiel pendant les années 1950, bien que de nombreuses rétrospections évoquent les années 1920 ainsi que certains épisodes historiques du 19ème siècle. A la façon d'un texte d'Edgar Allan Poe, le roman s'ouvre sur un article de journal qui relate comment la jeune Alejandra a tué son père, Fernando Villar Olmos, avant de se laisser mourir à son tour dans l'incendie de sa chambre.
La première partie du récit, reculant de plusieurs mois à partir de l'article de journal, se focalise sur Martin qui semble relater son histoire à Bruno, un ami d'Alejandra, tout en laissant un doute sur l'identité du narrateur. le jeune homme complexé et solitaire fait la connaissance d'Alejandra dans de singulières circonstances qui prêtent au personnage féminin une aura magique. A la passion du jeune homme, Alejandra répond par une distance cruelle. Cette descendante d'une famille totalement déchue de l'oligarchie habite un palais en ruine, entre un oncle fou et un arrière grand-père sénile. Entrecoupée par l'évocation des guerres du 19ème siècle auxquelles participèrent héroïquement les ancêtres d'Alejandra, cette première section narrative s'achève avec la rupture entre elle et Martin, au moment où éclate le coup d'Etat de 1955 contre Peron.
Le deuxième mouvement narratif est composé d'un rapport sur les aveugles de Fernando Villar Olmos, père sans doute incestueux d'Alejandra, où il verse de façon très documentée son délire au sujet d'un complot universel ourdi par les aveugles. La paranoïa du narrateur donne lieu à des passages hallucinés habités par un gothique souterrain, traversés par des images surréalistes.
Le troisième mouvement de ce roman est produit par la narration de Bruno qui s'adresse à un locuteur non identifié (l'auteur, le lecteur ?). le dernier mouvement renoue avec le début du récit et décrit comment Martin, à la mort d'Alejandra, décide de partir vers le Sud pour un voyage d'oubli purificateur, clôturant ainsi le roman, en guise de confirmation initiatique.
Habités par une sexualité morbide et destructrice, mêlant frustrations et déchainements orgiaques, Fernando et sa fille Alejandra imposent à leur entourage une relation suicidaire et dominatrice et sont le duo central de ce récit qui explore les tréfonds les plus sombres de l'âme humaine. L'auteur leur oppose la candeur romantique de Martin, dont la naïveté rend attachant un texte à la noirceur appuyée.
Ce passionnant roman illustre également les préoccupations sociales de l'auteur, à travers l'évocation des milieux anarchistes des années 20 (que Sabato a lui-même fréquentés), et surtout à travers la description de la lutte des classes exacerbée des derniers mois de la présidence de Peron. de même, le rappel des guerres civiles argentines procure au récit une profondeur historique et suggère les pathologies destructrices des personnages.
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Ernesto Sabato vous prend dans ses rets et bien malin celui qui peut dire de quoi sont faites les mailles du filet. L'envoutante, la mystérieuse, la contradictoire histoire de « Héros et tombes » ne justifie pas à elle seule l'enthousiasme ressenti à la lecture de ce livre. le roman est aussi le syncopé, multiple, poétique dévoilement de la secrète et phobique sensibilité sud-américaine.


La naissance sanglante et fratricide de la jeune nation argentine, la persistance des douleurs et des contractions post accouchement, sous la forme incessante de la domination militaire, constituent les arrière-fonds du roman. le temps historique d'un passé récent a marqué durablement les personnages, ils sont pour la plus part frappés de démesure et de folie. le présent du roman quant à lui est celui du populisme péroniste et des prolégomènes des dictatures sanglantes des années soixante-dix.

Dans ces pages, il est éminemment question de Buenos Aires, la ville fourmillante, multiple qui entoure, qui cerne, qui s'insinue. Les héros vagabondent, se débattent dans un décor proliférant, tentaculaire. Nous sommes aux prises avec leurs passions, leurs envoutements, leurs perversions, leurs fantasmes. le roman est un véritable traité des sentiments. Fernando fou, paranoïaque hait incompréhensivement les aveugles et hante, conscient et inconscient, les sous-sols, les caves. Alejandra, dernier rejeton d'une lignée d'aliénés et de héros, se joue du jeune Martin. Au gré d'errance urbaine, elle retrouve, repousse son improbable amant. L'auteur relie l'inconscient au monde extérieur, les cauchemars à notre réalité, le passé et le présent, la passion, la trahison et l'abjection.


Le roman d'Ernesto Sabato communique une émotion qui n'est pas réductible aux seuls sens ou au message délivré. L'auteur propose dans « Héros et tombes » une véritable poétique de l'art du roman. Paul Eluard écrivait : « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Ce grand livre nous ouvre à la sensibilité argentine, à ses mythes, à ses fascinations, il nous fait entendre les battements de coeur de sa capitale.
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J'attendais énormément de ce livre et de cet auteur tant loué... Je n'aurais pas dû... La déception est forte.
Si j'ai bien aimé le personnage de Bruno (bien aidé par le point commun avec moi) que je trouve réussi, intéressant, curieux..., je n'ai pas cru à cette Alejandra. Pour moi, ce personnage est creux, il est déclaratif et pas construit morceau par morceau le rendant consistant. Et le personnage principal - dont j'ai déjà oublié le prénom - (Martín, je crois) est faible, ridicule presque. Ses réflexions sont bien trop habituelles, sans surprise. Et il subit tout, et on ne comprend pas vraiment son attrait pour la soi-disant fabuleuse Alejandra.
L'intrigue se pose dans une Argentine foutraque, folle, de conflits, de complots, de guérillas, de violences, d'immigration tout aussi foutraque folle pas regardante... Ceci est assez bien rendu par Sabato.
Certains des personnages délirants sont plutôt bien rendus aussi, et le chapitre ou partie dite "Rapport sur les aveugles" est en soi une forme d'essai parfaitement dingue, rêverie malsaine, paranoïaque qui donne un poids supplémentaire à l'oeuvre. Même si il aurait pu ne pas être.
Mais c'est sans doute ça l'intérêt du livre, accumuler, accoler des morceaux disparates, intenses pour certains (pas tous, certains sont ratés, selon moi), qui forme une description d'une histoire d'amour, d'une histoire de famille ou de clan, d'une Histoire d'un pays, à la fois fantastique, pathétique et malade.

Déçu car je m'attendais à être ébloui, je peux reconnaître certaines qualités mais l'impression plutôt de déjà lu, ailleurs, mieux, plus fort, plus abouti.
Je dois sans doute reconnaître que plus le temps passe moins j'aime la littérature sud-américaine. Pour autant que ces termes veulent dire quelque chose.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
L’oiseau se satisfait de quelques graines, de vers de terre, d’un arbre où nicher et de grands espaces pour voler ; sa vie se déroule de sa naissance à sa mort au rythme d’une aventure qui ne sera jamais déchirée par le désespoir métaphysique ni par la folie. L’homme, en se levant sur ses deux pattes de derrière et en transformant de ses mains la première pierre effilée en hache, a jeté les bases de sa grandeur et l’origine de son angoisse. Avec ses mains et les instruments fabriqués par ses mains, il a érigé un édifice puissant et étrange qui a pour nom culture et qui a marqué le début de son grand déchirement. Il a cessé à jamais d’être un simple animal mais ne sera jamais le dieu que son esprit lui suggère. L’homme est un être duel et malheureux, qui se déplace et vit entre la terre des animaux et le ciel de ses dieux, qui a perdu le paradis terrestre de l’innocence, sans avoir pour autant gagné le paradis céleste de la rédemption.
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Après, je me mettais à méditer sur le sens général de l'existence, pensant à nos propres inondations, à nos séismes. Et c'est ainsi que j'ai élaboré une série de théories, car l'idée d'un Dieu tout-puissant, omniscient et bienveillant me semblait tellement contraire à tout, que je ne croyais même pas qu'on pût la prendre au sérieux. [...] j'avais déjà conçu les possibilités suivantes :
1- Dieu n'est pas.
2- Dieu est et est une canaille.
3- Dieu est, mais dort parfois ; ses cauchemars sont notre existence.
4- Dieu est, mais a des crises de folie ; ces crises sont notre existence.
5- Dieu n'est pas omniscient, il ne peut être partout. Il s'absente parfois. Dans d'autres mondes? pour d'autres choses?
6- Dieu est un pauvre bougre en face d'un problème trop compliqué dépassant ses forces. Il lutte avec la matière comme un artiste avec son oeuvre.
7- Dieu a été vaincu, bien avant l'Histoire, et par le Prince des Ténèbres. Vaincu, mué en un présumé diable, il a doublement perdu son prestige puisqu'on lui a attribué cet univers de calamités.
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- Ah, vous allez peut-être me démontrer que l'homme d'aujourd'hui vit plus mal qu'un Romain?
- Ça dépend. Je ne crois pas, par exemple, qu'un pauvre diable qui travaille huit heures par jour dans une fonderie, contrôlé électroniquement, soit plus heureux qu'un berger grec. Aux États-Unis, paradis de la mécanisation, les deux tiers de la population sont névrosés.
- J'aimerais savoir si vous préféreriez voyager en chariot plutôt qu'en chemin de fer.
- Certainement. Le voyage en diligence était plus beau et plus paisible. Voyager à cheval était encore mieux, on prenait l'air et jouissait du soleil, on contemplait à son gré le paysage. [...]
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(…) il revint le voir, poussé par le souci qu’ont les hommes, pensait Bruno, de retrouver la moindre trace d’une personne qu’ils ont aimée, traces du corps et de l’âme qui ont été abandonnées ici-bas, dans cette vague immortalité fragmentaire des portraits, des paroles dites un jour à d’autres, de certaines expressions qu’on se rappelle ou qu’on croit se rappeler, et même de détails qui prennent une valeur symbolique et disproportionnée, une boîte d’allumettes, un ticket de cinéma, objets ou paroles qui opèrent alors le miracle de donner à cet esprit une présence fugitive, impalpable, mais désespérément réelle (…)
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"J'ai participé à cent cinq combats pour la liberté du continent. J'ai combattu au Chili sous le général San Martin, au Pérou sous le général Bolivar. J'ai lutté ensuite contre les forces impériales sur les terres du Brésil. Et après, pendant ces deux années de malheur, dans toute notre infortunée patrie. Peut-être ai-je commis de grandes erreurs, et la plus grande a été de fusiller Dorrego. Mais qui est seul à détenir la vérité? Je sais seulement que cette terre inhumaine est la mienne et que je devais combattre et mourir ici. Mon corps pourrit sur mon cheval de bataille, c'est tout ce que je sais."
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Ernesto Sabato : Avant la fin
Depuis le Centre culturel de "La Recoleta" à Buenos Aires, Olivier BARROT présente le livre d'Ernesto SABATO "Avant la fin".
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