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Brigitte Diaz (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253161165
863 pages
Le Livre de Poche (30/11/-1)
4/5   184 notes
Résumé :
Lorsqu'en 1847 George Sand, qui a déjà fait paraître ses plus grands romans, entreprend à quarante-trois ans son Histoire de ma vie, elle définit ainsi son futur livre°: "°C'est une série de souvenirs, de professions de foi et de méditations dans un cadre dont les détails auront quelque poésie et beaucoup de simplicité. Ce ne sera pourtant pas toute ma vie que je révélerai.°" Son modèle n'est pas Rousseau, ni d'ailleurs les Mémoires d'outre-tombe qui vont commencer ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Je le confesse, je n'ai lu de George Sand que ce livre .Un comble si on regarde ma signature. Pourtant j'ai toujours eu une grande tendresse pour la Dame de Nohant, peut -être ai-je à mon insu été nourrie de ses morceaux choisis, ou imprégnée par la poésie de l'époque romantique?
Cette femme hardie a bien su choisir ses amis, c'est à dire ses anciens amants. Elle écrit ses souvenirs à l'âge mûr (du moins pour son époque) et du coup prend ses distances avec les sentiments.Une fois l'eau de rose évaporée, il reste un parfum plus tenace, l'odor di femina. Mais cette femme d'exception fut peut être aussi une mère difficile à supporter?Je relirai un jour son autobiographie avec cette question.
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Ce que j'aurais dû lire dans ma jeunesse, à puiser dans les classiques incontournables de toute bonne littérature, pour construire mon jugement, m'éveiller à l'esthétisme et à la juste éthique et sans doute parfaire l'érudition qu'on attend de tous potaches studieux, c'est maintenant, dans ce dernier tiers temps, ou quart temps de la vie que je l'entreprends...

Pensez-en ce que vous voudrez mais, personnellement je trouve que c'est bien ainsi parce que le regard que l'on pose sur la vie, enrichi des expériences faites dans le temps, apporte un éclairage ô combien plus objectif et plus nuancé sur ce qu'on lit de chroniques, de romans ou de biographies de personnages célèbres ayant pris place dans l'histoire de notre humanité, qu'à cette époque d'insouciance et de dispersions fantasques propre à l'adolescence boutonneuse.



Considérez que mon livre de chevet du moment « Histoire de ma vie » par George Sand m'a procuré une immense joie tant il est riche de descriptions ne se limitant pas aux seuls récits d'anecdotes mais de ce qu'en tant qu'âme profondément humaine, l'auteure a révélé en quantité et qualité de réflexions sur l'existence, la sienne en miroir de tant d'autres, contemporaines et familières qu'elle peint non seulement dans leurs petits travers mais aussi dans ce qu'elles possèdent de noble, d'élevé et d'enrichissant.

Avec sa sensibilité de femme, elle décrit ses états d'âmes sans jamais fondre dans des excès de sensiblerie. Faisant preuve d'une saine objectivité face à ses propres sentiments, aptitudes, et comportements, Georges Sand n'a de concession envers elle-même allant jusqu'à se décrire comme paresseuse, indolente, rebelle, capricieuse, souvent curieuse, sachant néanmoins se montrer réceptive à toutes impressions émanant du beau et du vrai. C'est d'ailleurs cette insatiable soif d'apprendre et de découvrir qui suscite son immense intérêt pour les autres et parmi ceux là, tous ces artistes qui ont brillamment auréolé ce XIX siècle matérialiste de leurs pensées les plus élevées, d'oeuvres d'art les plus interrogatives et romanesques à la fois, dans les domaines de la littérature, de la poésie, de la musique et de la peinture... George Sand a fait, puis tenu sa place, dans cette pépinière d'auteurs créateurs, composée en majorité d'hommes et pas des moindres...

Personnage nanti d'autant de dispositions contradictoires, Georges Sand pénètre la société de son temps avec une lucidité implacable sur les desseins de ceux qui gravitent dans les hautes sphères du pouvoir mais aussi d'une propension à la rêverie qui la fait entrer en parfaite communion avec les êtres les plus pourvus d'imaginations autant qu'avec les éléments de la prodigieuse Nature qui, à travers son oeuvre, semblent lui confier quelques de leurs étonnants secrets.

Femme du monde, investissant sans vergogne les salons de causeries littéraires, amie des arts et belles lettres, mécène prodiguant critiques savoureuses et acerbes, esthète à contre-courant des modes imposées, esprit indépendant ne pratiquant pas la langue de bois, George Sand affiche sans retenue ce qu'il y a de plus masculin dans sa féminité et de plus féminin dans son aptitude à se lier corps et âme à ceux dont elle s'éprend jusqu'à en être intensément amoureuse sans jamais se départir d'une candeur juvénile et une foi aveugle en l'autre qui confine parfois au mysticisme.



Elle ne voulait pas briller mais être... tout simplement être... et elle fut bel et bien !...



Cette femme est enthousiasmante au-delà de toute séduction tenant à son charme naturel, elle vous transporte dans ses réflexions les plus intimes mais aussi les plus profondes, réflexions qu'aujourd'hui encore on peut considérer comme avant-gardistes méritant qu'on s'y attarde pour les méditer et en tirer la quintessence rigoureusement humaniste et la vocation disposant à l'action humanitaire…

Tombant sur ce passage je ne peux faire autrement que le faire paraître ici : un ensemble de quatre pages à lire attentivement et à méditer. Là, se situe l'extraordinaire perception de cette âme à vif qui scrute le monde dans ses moindres recoins physiques et métaphysiques, pénétrant de son esprit affranchi et ouvert, les arcanes de l'existence terrestre.


En fait, que nous révèle-t-elle dans ces lignes … la nature même de notre égocentrisme se faisant mousser face au marasme tenant aux événements douloureux, scandaleux et aux bassesses du genre humain. Y aurait-il une réelle félicité à se trouver juste et bon au milieu de ces monstruosités dont sont capables les hommes ? George Sand se moque de ces « pauvres coeurs » affligés, des natures bien pensantes et bienfaisantes qui perçoivent ce mal outrancier mais n'y font rien qu'à le subir et le dénoncer.

Comment se satisfaire d'un tel état de choses quand le mal dont on se défend d'être atteint nourrit la moindre de nos conversations sitôt que se trouvent réunies deux personnes ?

C'est bien là, le plus grand mal qu'à tant vouloir l'évincer pour soi, on s'en pétrit finalement jusqu'à l'insérer dans la moindre de nos réflexions…

Aux portes des religions et des croyances, la divinité ne nous est d'aucune aide pour nous déchainer de telles obsessions… « Si la foi triomphe de ses propres doutes, l'âme navrée sent les bornes de sa puissance se resserrer étroitement sur elle et enchainer son dévouement dans un si petit espace que l'orgueil s'en va pour jamais et que la tristesse demeure. »

Un peu plus loin on lit : « le seul égoïsme permis, c'est celui du découragement qui ne veut se communiquer à personne et qui, en s'épuisant dans la contemplation de ses propres causes, finit par céder au besoin de vivre, à la grâce intérieure peut-être ! »

Plus avant, George Sand avait écrit : « On se fatigue vite à se contempler soi-même… Nous n'arrivons à nous comprendre qu'en nous oubliant, pour ainsi dire en nous perdant dans la grande conscience de l'humanité » Une définition primordiale de la raison d'être et du bonheur à être qui nous mène hors de nous, nous poussant à vivre libéré de ce « quant à soi » égocentrique ; non pas "vivre pour être heureux" mais "être heureux de vivre". Toute quête du bonheur est vaine, le seul vrai bonheur consiste à vivre de ce qui émane de notre environnement : êtres et choses, de la conscience que nous avons de leur devenir devant bien plus nous préoccuper que notre propre devenir… mais, quelque lignes plus loin, elle rajoute : « C'est alors qu'à côté de certaines joies et de certaines gloires dont le reflet nous grandit et nous transfigure, nous sommes saisi tout à coup d'un invincible effroi et de poignants remords en regardant les maux, les crimes, les folies, les injustices, les stupidités, les hontes de cette nation qui couvre le globe et qui s'appelle l'homme. » retour sur la pseudo racine du mal « l'enfer c'est les autres » Bien avant Jean-Paul Sartre, George Sand l'ayant, ici, formulé autrement, souligne que la conscience du mal et des souffrances qu'il entraine, nous vient de ce que nous percevons à l'extérieur car cette conscience nous ne l'avons pas forcément de manière innée par une introspection qui nous fait plonger en nous-mêmes. le « connais-toi toi-même » passe nécessairement par le « qu'est-ce que les autres t'apprennent de toi »

Ne trouvons-nous pas là, 150 ans plus tôt, une brulante question en phase également avec les mentalités de notre temps présent où l'image que nous renvoient les autres de nous-mêmes a pris une importance extrême, où la connaissance de soi s'émousse au profit d'un narcissisme larvé, tant nous aspirons à être ce que par nature nous ne sommes pas en nous obligeant à nous couler dans le moule des conformités qui suivent modes ou tendances du moment.

Mais voilà, la connaissance de soi passe en grande partie par l'appréciation qu'ont les autres autour de nous, proches, moins proches et étrangers aussi…

La question est moins de savoir si je suis bête ou beau parce qu'untel et tel autre me l'ont dit que de savoir pourquoi ils me l'ont dit. Qu'est-ce qui fait qu'ils me jugent ainsi ?...



Pour se connaître, nous avons besoin de ces reflets ; si le miroir nous renvoi l'image de notre visage, l'âme, elle, aurait à se mirer dans d'autres âmes pour se découvrir et apprendre à se connaitre… Dans quels boudoirs de ce XIXe siècle romantique ne trouve-ton pas de psyché ?…

S'étant entouré d'âmes fortes et d'esprits talentueux, George Sand est, à n'en pas douter, l'un des plus sublimes reflets de son époque où, au matérialisme naissant et proliférant, s'oppose la quête de sa propre humanité à découvrir à travers les rapports entretenus avec quelques des plus brillants esprits de son temps...

Lien : http://www.mirebalais.net/20..
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Voilà achevée cette histoire de ma vie de l'édition "stock" de 2004. Dans ce volume-ci, on y trouve largement peinte, celle de son enfance, dominée par la formidable personnalité de sa grand-mère, fille du maréchal de Saxe, et à qui sa mère a confié l'éducation ; celle de son voyage en Espagne avec sa mère, en pleine guerre d'Espagne pour suivre son père, officier des armées de Napoléon jusqu'à Madrid. Une grande partie du livre relate ses années de couvent et nous renseigne admirablement sur ses sentiments religieux empreints de pitié et de charité humaine et où un moment elle se crut la vocation religieuse. Après ces 3 années qui n'ont pas transformé la sauvageonne en jeune fille du monde qu'espérait sa grand mère, c'est le mariage avec Dudevant et la naissance des enfants, juste évoquée, le divorce, à peine davantage et l'impérieuse nécessité de vivre indépendante pour laquelle elle s'installe à Paris où débutera sa carrière d'écrivain.
Par contre ce livre ne nous apprend rien, ou très peu, sur ses amours dont elle semble vouloir taire délibérément toute confidence et c'est en amis qu'elle les évoque ici, Musset, Chopin, ou en ami et confrère, Jules Sandeau...
Somme toute nous sommes ici davantage en présence d'un roman d'une vie que d'une biographie, mais où se mêlent vérité, sensibilité et poésie. Les dates sont largement absentes, les évènements sont comme choisis et racontés comme il lui plaît (mais cela me plaît) ; et j'en reste un peu sur ma faim car elle est bigrement attachante la George. Je vais donc satisfaire ma curiosité par la lecture des autres compilations de sa bio, car en plus l'époque le vaut bien.
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J'abandonne pour l'instant à la page 401 (sur 824, ce genre d'abandon est souvent définitif) l'"Histoire de ma vie".

Je ne me fais pas au style ampoulé et conventionnel de la "bonne dame de Nohant".

Dès l'enfance, elle est si raisonnable, son univers est si riche, sa mémoire si précise, sa mansuétude envers ses "ennemis" si grande, ses débordements d'affection si nombreux et si passionnés, son lyrisme si grandiloquent, que je n'en peux plus.

Je ne me fais pas non plus à son regard attendri sur sa propre personne qui frôle le narcissisme. On se fait bien quelques reproches, mais allez ! on est plutôt contente de soi.

Et elle raisonne, elle raisonne sur ce qui est raisonnable ou pas, à perte de vue. Et ça résonne dans mon esprit comme un parfum "d'époque", un style circonvolutionnant (pardon pour le néologisme), dans lequel je ne ressens pas la moindre parcelle de sincérité.

J'ai davantage l'impression de lire un roman mièvre qu'une autobiographie.

Et là où je cale, là où c'en est trop, c'est quand je parviens au compte-rendu de la révélation mystique de la pensionnaire : " "Je respirais une atmosphère d'une suavité indicible et je la respirais davantage par l'âme que par les sens. Tout-à-coup je ne sais quel ébranlement se produisit dans tout mon être, un vertige passe devant mes yeux comme une lueur blanche dont je me sens enveloppée. (...) Je sentis que la foi s'emparait de moi, comme je l'avais souhaité, par le coeur. J'en fus si reconnaissante, si ravie, qu'un torrent de larmes inonda mon visage." Etc etc.

De ces ravissements mystiques, on en a lu à la pelle, chez les grandes saintes (Thérèse d'Avila), mais aussi chez Blaise Pascal, d'un autre manière chez Jean-Jacques Rousseau.

Réalité, conformisme, pause élégante ?

En tous cas, j'apporte plus de crédit aux extases de Thérèse d'Avila ou de Jean de la Croix qu'à ceux de George Sand.

Et quand bien même le fait serait authentique, qu'il aurait gagné à être narré avec moins d'affèterie !

Proust, malgré l'importance de "François le Champi" dans la construction de son oeuvre, se moquait d'ailleurs des élégances "à la George Sand" qu'on trouvait chez certains autres auteurs, comme Eugène Fromentin. Ces élégances, pensait-il, étaient précisément ce qui la dévaluait, et ceux qui la préférait à la "vulgarité prétentieuse" de Flaubert commettaient une erreur de jugement artistique. le "défaut de cette belle voix (de George Sand) reste comme un vêtement sonore trop personnel sur le style" (A la recherche du temps perdu).

Je mets deux étoiles car quelques une de ses idées sur la société relèvent d'un avant-gardisme et d'une lucidité remarquables : notamment sa vision de ce qu'elle nomme le communisme. Chaque humain, dit-elle, a besoin d'un peu de propriété privée. Très peu, assurément : quelques pots de fleurs, quelques ares peuvent suffire ; le reste est du domaine du collectif. Mais privez-le radicalement de toute initiative personnelle sur quelque chose qu'il ait en propre et sur quoi il puisse imprimer sa marque, et vous tomberez dans l'abus, l'iniquité et l'injustice.

C'était tristement prémonitoire.

Pour des réflexions comme ça, George Sand est Georges Sand.
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C'est lors d'une émission de la Grande Librairie avec Michelle Perrot et Mona Ozouf que m'est venue l'idée de lire cet ouvrage, plébiscité par les deux historiennes, de mémoire pour son intérêt d'un point de vue "féministe".
Je préviens d'emblée ceux qui seraient tentés de le lire pour en apprendre davantage sur la vie sentimentale mouvementée de l'auteure : si le récit est dense, il y est très peu question des détails intimes de sa vie. On ne peut d'ailleurs pas vraiment parler d'autobiographie dans la mesure où le texte ne suit pas toujours la chronologie des faits. Il s'agit au départ d'un recueil épistolaire, nourri des très nombreuses correspondances entretenues par George Sand, qui parut en feuilleton dans un quotidien, avant d'être publié en dix volumes. L'édition parue dans le livre de poche n'en compte qu'un, et en est une version allégée de la plupart des lettres dont la matière a servi de base à l'ouvrage.

Cette histoire d'une vie est surtout pour George Sand l'occasion de tirer de ses expériences personnelles et des événements du monde qui l'entoure des réflexions existentielles et des questionnements moraux. Elle-même précise d'emblée qu'elle ne veut pas écrire sa vie comme un roman, qu'elle a suivi un certain "laisser-aller de l'esprit", privilégiant la pensée, la digression et la libre association, dans un souci d'utilité général, le but étant de n'évoquer que "les douleurs qui peuvent atteindre tous les hommes".

Une grande place y est faite à l'enfance, dont elle revendique l'importance de conserver la candeur et la sensibilité primitive. Elle évoque d'abord longuement ses parents, insiste sur la double "extraction" qu'elle doit à un père issu d'un milieu aristocratique quand sa mère Sophie Victoire, fille d'un modeste travailleur parisien, vient du peuple. Chacun a un enfant issu d'une précédente union, et accepte sans peine celui de son conjoint. Son père, aide de camp du prince Murat, est souvent absent. C'est donc sa mère qui s'occupe d'elle. Cette femme à la personnalité forte et contradictoire, dénuée de tout complexe de classe, lui "développe très tôt le cerveau", lui apprenant à la fois à lire et à s'émerveiller des beautés de la nature. Enfant à l'imagination fertile, la petite Aurore compose d'interminables contes que sa mère appelle "ses romans".

Son père meurt à l'âge de trente ans dans un accident de cheval.

Bien que les deux femmes entretiennent des relations houleuses, sa mère la confie à sa grand-mère paternelle, afin que sa fille bénéficie d'une éducation plus complète. L'enfant grandit ainsi à la campagne, séjournant de temps en temps à Paris pour voir sa mère. Sa séparation d'avec cette dernière lui coûte effroyablement, mais l'air de la capitale ne lui convient pas. Aurore a besoin du spectacle continuel de la nature et ne supporte pas l'enfermement. Elle gardera cette prévention contre la vie en ville, dont "l'enfant (…) s'étiole trop souvent au moral et au physique dans la saleté chez le pauvre dans le mauvais goût chez le riche dans l'absence de goût chez la classe moyenne".

Elle entretient par ailleurs avec sa grand-mère des relations ambiguës, faites d'attachements et de rejets. Elle est déchirée par l'antagonisme qui l'oppose à sa mère, et le refus de son aïeule d'intégrer Caroline, sa demi-soeur, au cercle familial.

Mais elle bénéficie aussi d'une grande liberté. Même si, contrairement à sa mère qui n'a jamais réprimé l'invincible laisser aller de sa nature, sa grand-mère a une conduite plus solennelle, dont l'objectif est de lui inculquer "de la tenue", elle la laisse aussi s'exprimer avec une certaine tolérance. Car si Marie-Aurore de Saxe se montre intransigeante sur les rapports de sa petite-fille avec la branche populaire de sa famille (elle était fortement opposée au mariage de son fils), c'est sur d'autres points une femme éclairée, qui, si elle n'est pas athée - elle croit à "une sorte de religion naturelle préconisée et peu définie par les philosophes du 18e siècle"-, rejette tout dogme et toute forme de religion, haïssant les dévots qu'elle juge intolérants et hypocrites. L'enfance à Nohant est ainsi à la fois celle du goût pour le vagabondage, du jeu avec des petites filles berrichonnes d'origine modeste, et celle du besoin de cultiver son intelligence, qui se traduit entre autres par une "rage de lecture" qui entrecoupe de longues journées immobiles ses périodes d'activité fiévreuse. Elle conserve en grandissant une forte imagination, qui va jusqu'à la faire véritablement s'effrayer d'apparitions inventées.

Paradoxalement, elle tire par la suite de son séjour au couvent, où on l'envoie parfaire son éducation, beaucoup de joies, goûtant la camaraderie avec d'autres jeunes filles qui, pour certaines d'entre elles, resteront longtemps ses amies. Sa grand-mère finit par l'en sortir, inquiète de la dévotion qui s'empare à un moment de sa petite-fille, prise d'une sorte de crise mystique. Aurore a 16 ans, et perd peu de temps après sa grand-mère, héritant alors de Nohant. Elle lit Leibniz, Rousseau…, scandalise les commères en montant à cheval comme un homme. Sa mère la ramène ensuite à Paris, où elles entretiennent des relations conflictuelles qu'exacerbent le mariage d'Aurore avec Casimir Dudevant. le couple a bientôt un fils, mais l'entente se délite, les deux époux ont finalement peu d'affinités, et finissent par vivre la plupart du temps séparés.

George Sand ne s'étend pas sur sa vie sentimentale. D'un point de vue personnel, Elle évoque surtout ses liens avec ses enfants (la naissance d'une petite Solange a suivi celle de Maurice), s'attarde sur son installation - motivée par son fort besoin d'indépendance financière - à Paris où elle entame, après des débuts difficiles, sa carrière littéraire, s'exprime sur les nombreux amis qu'elle côtoie et dont elle s'enrichit intellectuellement (dont Balzac, Delacroix…). Parmi eux, certains sont ses amants, mais ce sont les notes de bas de page ajoutés par l'éditeur qui l'apprennent au lecteur…

Ni détail croustillant sur son intimité, donc, ni règlements de compte : l'oeuvre, écrite avec le recul, est empreinte de magnanimité, d'absence de rancoeur et d'empathie, y compris pour ceux avec lesquels les rapports ont parfois pu être orageux.

Elle évoque aussi régulièrement le contexte social et politique de cette période tourmentée qu'est la première moitié du XIXème siècle, héritier d'une Révolution sanglante, alternant entre monarchie et République. Elle exprime à plusieurs reprises l'importance qu'elle accorde à l'égalité entre les hommes, dont elle préfère considérer la valeur à l'aune de leurs oeuvres plutôt qu'à celle de leur extraction. Ses propres origines, mais aussi son amour de la nature, des animaux, l'ont amené à respecter sans condescendance le travail manuel. Elle-même n'éprouve ni amour ni besoin de possession ; financièrement indépendante, comme elle le souhaitait farouchement, elle est aussi très généreuse, incapable de refuser de donner de l'argent à ceux qui lui en demandent. Pour elle, "la vie individuelle n'a de sens qu'en se fondant avec l'individualité de chacun de ses semblables, l'affaire de la raison et de la conscience humaine (étant) de trouver l'harmonie entre identité et diversité".

Une autre constante traverse le récit, à la fois par l'intermédiaire de ses réflexions, mais aussi et surtout dans sa manière de vivre, c'est sa conviction de la valeur de la femme égale de celle de l'homme. Depuis son plus jeune âge, elle a renoncé à la coquetterie, par amour du travail manuel, du grand air, pour le plaisir de courir au soleil, refusant de se mettre sous cloche pour ne pas être hâlée et flétrie avant l'âge. Elle considère qu'une "belle robe est gênante, (que) les bijoux égratignent et (qu')en toute chose la mollesse des habitudes nous vieillit et nous tue", ne "veut pas être une poupée pimpante bien guindée et érudite qui tape sur un piano devant des personnes qui ne se soucient de personne", ou troquer sa liberté et sa personnalité pour une voiture, un écusson ou des chiffons…

C'est une femme de tête, au sens spirituel et intellectuel du terme, à l'esprit ouvert, curieux, mais aussi hantée de tendances mélancoliques voire dépressive. Alors qu'elle n'est qu'une jeune fille, déjà "la loi de propriété, l'héritage, la répression meurtrière ou la guerre litigieuse, les privilèges de fortune et d'éducation, les préjugés du rang et ceux de l'intolérance morale, la tuerie, l'oisiveté des gens du monde, l'abrutissement des intérêts matériels", la révoltent. Une révolte qui se mue en tristesse douloureuse, en un dégoût de la vie qui va parfois presque jusqu'au désir de mort, qu'elle précise avoir éprouver à plusieurs moments de sa vie, alimenté par le spectacle des tourments du monde.

L'ouvrage, malgré les coupes, est dense, et j'avoue que j'ai dû m'accrocher un peu vers la fin, sans doute un peu lassée des divagations parfois longues, et de l'aspect un peu décousu du récit. J'ai en revanche particulièrement apprécié les parties sur l'enfance et sur ses débuts littéraires à Paris (quand elle parcourt des mois durant la capitale vêtue en homme par manque de moyens). Et c'est avec le sentiment d'avoir fait connaissance avec une femme brillante, à l'esprit d'analyse pointu, et surtout fort attachante que j'ai refermé "Histoire de ma vie".
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
Je n'approuve pas du tout Rousseau de vouloir supprimer le merveilleux, sous prétexte de mensonge. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite, et d'elles-mêmes ; je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu, sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Aussi me parut-il moins beau et moins bon que les autres fois, et j'éprouvais une sorte de regret de ne pouvoir plus croire au petit homme à barbe blanche. J'ai vu mon fils y croire plus longtemps ; les garçons sont plus simples que les petites filles. Comme moi, il faisait de grands efforts pour veiller jusqu'à minuit. Comme moi, il n'y réussissait point, et comme moi, il trouvait au jour le gâteau merveilleux pétri dans les cuisines du paradis. Mais pour lui aussi la première année où il douta fut la dernière de la visite du bonhomme. Il faut servir aux enfants les mets qui conviennent à leur âge et ne rien devancer. Tant qu'ils ont besoin de merveilleux, il faut leur en donner. Quand ils commencent à s'en dégoûter, il faut bien se garder de prolonger l'erreur et d'entraver le progrès naturel de leur raison.
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Que ce soit éducation, insufflation ou prédisposition, il est certain que l'amour du roman s'empara de moi passionnément avant que j'eusse fini d'apprendre à lire. Voici comment : je ne comprenais pas encore la lecture des contes de fées, les mots imprimés, même dans le style le plus élémentaire, ne m'offraient pas grand sens, et c'est par le récit que j'arrivais à comprendre ce qu'on m'avait fait lire. De mon propre mouvement, je ne lisais pas, j'étais paresseuse par nature et n'ai pu me vaincre qu'avec de grands efforts. Je ne cherchais dans les livres que les images ; mais tout ce que j'apprenais par les yeux et par les oreilles entrait en ébullition dans ma petite tête, et j'y rêvais au point de perdre souvent la notion de la réalité et du milieu où je me trouvais.
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Un soir que nous avions dîné chez Balzac d'une manière étrange, … il alla endosser une belle robe de chambre toute neuve, pour nous la montrer avec une joie de petite fille, et voulut sortir ainsi costumé, un bougeoir à la main, pour nous reconduire jusqu'à la grille du Luxembourg. Il était tard, l'endroit désert, et je lui observais qu'il se ferait assassiner en rentrant chez lui. « Du tout, me dit-il ; si je rencontre des voleurs, ils me prendront pour un fou, et ils auront peur de moi, ou pour un prince, et ils me respecteront ». Il faisait une belle nuit calme. Il nous accompagna ainsi, portant sa bougie allumée dans un joli flambeau de vermeil ciselé, parlant des quatre chevaux arabes qu'il n'avait pas encore, qu'il aurait bientôt, qu'il n'a jamais eus, et qu'il a cru fermement avoir pendant quelque temps. Il nous eût reconduits jusqu'à l'autre bout de Paris, si nous l'avions laissé faire.
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Tous mes souvenirs d'enfance sont bien puérils, comme l'on voit, mais si chacun de mes lecteurs fait un retour sur lui-même en me lisant, s'il se retrace avec plaisir les premières émotions de sa vie, s'il se sent redevenir enfant pendant une heure, ni lui ni moi n'aurons perdu notre temps ; car l'enfance est bonne, candide, et les meilleurs êtres sont ceux qui gardent le plus ou qui perdent le moins de cette candeur et de cette sensibilité primitives.
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Un de mes amis qui connaissait un peu Balzac m'avait présentée à lui.... Bien que Balzac n'eût pas encore produit ses chefs-d’œuvre à cette époque, j'étais vivement frappée de sa manière neuve et originale et je le considérais déjà comme un maître à étudier. … Tout le monde sait comme le contentement de lui-même, contentement si bien fondé qu'on le lui pardonnait, débordait en lui ; comme il aimait à parler de ses ouvrages, à les raconter d'avance, à les faire en causant, à les lire en brouillons ou en épreuves. … Il n'enseignait jamais, il parlait de oui, de lui seul. Une seule fois il s'oublia pour nous parler de Rabelais, que je ne connaissais pas encore. Il fut si merveilleux, si éblouissant, si lucide, que nous nous disions en le quittant : « oui, oui, décidément, il aura tout l'avenir qu'il rêve ; il comprend trop bien ce qui n'est pas lui, pour ne pas faire de lui-même une grande individualité »
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Vidéo de George Sand
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel ! Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart, du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la première fois. Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly, Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes, hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes d'affaires... On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876, quelques jours avant sa mort. Les auteurs : George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps. Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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