En 1927, à 30 ans,
Philippe Soupault écrit en une centaine de pages son autobiographie, Histoire d'un blanc. A cet âge, écrire une autobiographie possède évidemment un inconvénient : l'auteur risque de vivre encore beaucoup de choses… d'autant plus qu'il mourra à 90 ans passés. L'ouvrage sera donc suivi, bien plus tard, dans les années '70, des « Mémoires de l'oubli », où
Soupault pose ses souvenirs sur le papier. Dès lors, Histoire d'un blanc y sera accolé.
Pour rester sur ce dernier récit, autant ne pas faire de suspense, je le trouve d'une beauté incroyable. Texte qui se dévore et dont la taille permet à peu de choses près de le lire d'une traite, il est l'exemple même, pour moi, de l'intérêt que peut avoir la publication de mémoires (parce qu'en réalité, Histoire d'un blanc relève déjà plus de l'ordre des souvenirs que de l'autobiographie en tant que telle), aussi jeune l'auteur soit-il. Rien ne s'y passe et pourtant tout s'y passe. Ce n'est pas donné à tout le monde, chaque écrivain ne sait d'ailleurs pas rendre sa vie intéressante, émouvante,... j'en passe et je laisse à chacun le soin d'imaginer qui je vise ici.
Soupault, lui, le peut.
Au fil des pages, on découvre la sensibilité, l'humour, l'humilité de l'auteur -pour ne pas dire sa pudeur qui semble pourtant incompatible avec l'idée même d'une autobiographie-. Entre enfance et rencontres mondaines dans la sphère artistique parisienne (dans ce registre, la partie sur
Apollinaire est un témoignage-hommage tout simplement sublime), entre guerre et voyages quasi initiatiques, tout est offert au lecteur de manière simple, douce, poétique parfois.
Douceur qui n'empêche pourtant pas
Soupault de montrer un appétit de vivre féroce, une volonté de ne jamais en finir, de vouloir profiter du monde tant que faire ce peut. Ne cherchez pas le poète maudit, reclus, aimant tutoyer la mort -quoique, peut-être, mais alors pour mieux la conjurer-, mais laissez-vous emporter par l'homme qui a soif de liberté et d'existence dégagée de ses carcans.