Tout est jubilatoire dans ce livre, il s'y dégage un humour et une férocité peu communs. On pourrait rire à chaque page si ce qui arrive à Honecker n'était pas ce qui nous arrive à tous : notre propre destin qui nous échappe, la résistance du réel, les faux bonheur du quotidien et les vrais doutes.. Honecker c'est ce cadre qui travaille dans la téléphonie mobile, il vit avec une femme belle et talentueuse entourée d'artistes. Pas vraiment à sa place où qu'il soit, toujours en proie à des incertitudes, Honeker ne sait plus vraiment ce qu'il désire, ni même s'il désire vraiment quelque chose. Son travail rémunérateur l'oblige à supporter un patron humiliant, des collègues arrogants, sa femme exigeante ne semble l'aimer que parce qu'elle peut en faire ce qu'elle veut... il va finir pas "péter un câble". Ce qui était vraiment marrant devient anxiogène, l'humour acerbe laisse la place à une désespérance, Honecker dérive. Tout ceci soutenu par une écriture tonique et pleine de verve, un seul bémol, le récit étant intriqué dans les réflexions du héros on peut parfois se perdre un peu entre fantasme et "réalité".
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Une critique acerbe et tellement drôle de notre société de surconsommation. Mathias HONECKER est un jeune cadre dans la téléphonie mobile. Il est las de sa vie, de son patron cynique, de sa femme intellectuelle politiquement correcte et devenue dépressive depuis son accouchement et son licenciement, de son bébé plutôt ennuyeux, de ses parents intello de gauche pleins de bons sentiments; de sa voiture, de sa machine à café, de sa couronne dentaire ...
Le 1er janvier Honecker doit déménager pour habituer à la Corbusierhaus mais aussi se rendre à un "gueuleton" de motivation organisé par son patron à la frontière germano-polonaise.
Voyage plein de péripéties, loufoque et déjanté, Honecker, héros maladroit et malchanceux, qui essaye de se révolter, de prendre sa vie en main, ne s'en sortira pas indemne. Mais pas de la façon dont il l'aurait souhaité. Rien ne se passe jamais comme il l'aurait désiré.
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(Description du patron de son club de gym !!) - Outre la disgracieuse particularité de marcher sur la tranche extérieure des pieds. Il avait la commune défaveur de se déplumer. L'acceptant manifestement mal, il s'infligeait une coiffure des plus singulières, et de fait attitrait l'attention sur ce qu'il désirait cacher. Confondant soins capillaires et taxidermie, il paraissait avoir affublé son crâne d'un gros oiseau mort en pleine parade nuptiale, gonflé, lustré, mais dont les ailes cendrées, si elles lui couvraient bien les oreilles, laissaient à nu l'obscène calvitie.
Au coin d'en face c'est vrai c'est autre chose, c'est tout neuf et ça brille, mais ça ne sauve pas la rue. Ca vend pour des sommes astronomiques des baignoires sidérales, du mobilier martien, des luminaires intangibles et les marmites du futur. Ca monte et ça descend dans des machines de verre une clientèle clairesemée d'adeptes et d'obligés par leur rang social à des folies réfléchies. Ca fait aussi aller et venir quelques curieux, parfois un enfant blasé, et puis ça ferme à son heure sans que personne s'en aperçoive, et c'est aussi morne de nuit que ça l'était de jour - un casino glaçé.
Il y a surtout qu'il est beaucoup tombé en panne pour quelqu'un qui n'a pas trente ans. Il a commencé tout petit avec des parents aussi malchanceux que dangereusement fatalistes. Cela engendra chez lui un tempérament anxieux compliqué d'un penchant à la superstition. Il a pris l'habitude de parler à ses voitures, de les encourager, mais aussi de conduire en priant la fatalité de se désintéresser de lui.
Ce qui les avait alertés, c'était d'avoir vu leur cercle amical soudainement animé lui aussi d'un frénétique mouvement d'acquisitions ménagères. Ils découvrirent chez beaucoup que l'esprit de leur intérieur aussi audacieux qu'il pouvait paraitre, le cédait en fait à une moutonnerie bourgeoise rajeunie, guidée par de somptueux magazines de décoration et leurs maîtres manufacturiers.
Il se vomissait pour avoir été commun depuis toujours, et plus commun que jamais en cette pale et froide après-midi, si commun qu'il en était devenu... oui sordide, crasseux, grossier, immonde, inconvenant, indécent, oui infâme, malhonnête, obscène, ordurier, répugnant, oui abject de lâcheté, infect de bêtise, débectant, écœurant, exécrable, fastidieux, ignoble, incongru, banal ,quelconque, grossier, inélégant, médiocre, prosaïque, trivial, puant, vulgaire... tous les synonymes y passèrent.
Samedi 4 août 2018, dans le cadre du banquet d'été ?Dans la confusion des temps? qui s'est déroulé à Lagrasse du 4 au 10 août 2018, Marie Ndiaye lisait plusieurs textes, accompagnée de Jean-Yves Cendrey.
Le premier texte est extrait de Berlin mon garçon, une pièce
que l?écrivaine vient d?achever et qui sera montée au printemps 2019
au Théâtre national de Strasbourg par Stanislas Nordey. le second
est le début d?un projet en cours : un monologue, celui d?une femme
qui a passé sa jeunesse à Oran et dont l?existence actuelle à Royan
est rongée, travaillée par les réminiscences de ces années en Algérie
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