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Rose-Marie Makino-Fayolle (Traducteur)
EAN : 9782742737314
236 pages
Actes Sud (08/04/2002)
3.6/5   403 notes
Résumé :
Mari est réceptionniste dans un hôtel appartenant à sa mère. Un soir, le calme des lieux est troublé par des éclats de voix: une femme sort de sa chambre en insultant le vieillard élégant et distingué qui l'accompagne, l'accusant des pires déviances. Fascinée par le personnage, Mari le retrouve quelques jours plus tard, le suit et lui offre bientôt son innocente et dangereuse beauté.
Cette étonnante histoire d'amour, de désir et de mort entraîne le lecteur da... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
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C'est un roman à l'odeur de poisson cru, celle de l'usine sur laquelle donnent la plupart des chambres de l'hôtel Iris, celle des milliers de poissons morts échoués sur la plage - pas très feel good. Mais sans doute y a-t-il aussi une certaine dose de masochisme en chacun de nous, et l'ambiance à la fois délicate et délétère, le style parfois très cru et détaillé dans les scènes sado-maso et sinon sobre, fin, élégant, ont quelque chose d'étonnant, de séduisant.
La vie de l'héroïne, Mari, est assez pourrie. Elle a dû quitter l'école et à 17 ans elle trime depuis deux ans comme une malade dans l'hôtel familial, avec sa mère qui selon elle ne se soucie que d'argent et ne l'aime pas beaucoup, et c'est à ça que se résume sa vie, sans amis ni petit ami.
Jusqu'à ce qu'elle suive un vieil homme à la mauvaise réputation et qui s'avère être expert en SM, ce qui est fort apprécié par Mari.: «Lorsqu'on me brutalise, lorsque je ne suis plus qu'un bloc de chair, naît enfin au fond de moi une onde de pur plaisir.» En dehors de leurs rendez-vous, il lui écrit de belles lettres d'amour qu'elle attend avec fébrilité et qui donnent à ses mornes journées un moment précieux lorsqu'elle se cache pour les lire.
Il n'y a pas de doute, même si c'est très loin d'être du pur amour, même si la lecture de leur histoire n'est pas exempte d'un certain malaise, ils s'aiment, leur relation est la seule source de joie dans la vie de la jeune femme comme dans celle du vieil homme, et il y a un contraste troublant entre ce point de vue et celui du monde extérieur qui fait De Mari une pauvre victime d'un sale pervers. Un roman dérangeant, qui a entre autre mérite de nous rappeler que le désir est bien plus complexe que ce que la bien-pensance en dit.
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J'ai approché Yôko Ogawa par La formule préférée du professeur : dont je mentionnait dans ma critique : "Parfait comme ce petit livre qui dans mon firmament vient rejoindre pas moins que la planète du Petit Prince." C'est dire si je ne m'attendais pas nécessairement qu'une rencontre aussi magique se répète avec Hôtel Iris. Mon expérience avec St Exupéry a été qu'aucun de ses romans ne m'a jamais emporté aussi haut que le Petit Prince. Ce n'est donc pas une déception, loin s'en faut ! J'ai vraiment beaucoup aimé cette plongée dans un univers complètement différent dont seule la beauté de l'écriture est commune.

C'est l'histoire d'une Lolita de 17 ans, quand même, qui est troublée par l'éclat de voix d'un homme, de 50 ans plus âgé, sur une prostituée qu'il jette dans le plus simple appareil hors de sa chambre d'hôtel où elle Mari, fille de la propriétaire, opère comme réceptionniste. Troublée au point de pister l'homme un dimanche après-midi quand elle l'aperçoit lors d'une promenade en ville dans cette station balnéaire au Japon. Le suivre évidemment jusqu'à ce qu'il s'en rende compte, au point que la rencontre ait lieu et d'apprendre qu'il est traducteur de Russe vivant seul sur l'île d'en face... C'est le début d'un étrange amour...

- Etrange jusqu'où ?
- En amour, cela ne peut être que jusqu'au bout.
- Attachée à ce point ? A un vieux de 67 ans ?
- Oui mais Mari, son papa est mort lors d'une rixe lorsqu'elle avait huit ans et son papy peu après.
- D'accord, mais attachée ?
- Il faut savoir que Mari, sa maman n'a jamais voulu autre chose qu'une fille docile. A 17 ans si souple, encore si malléable.
- Et lui, sa femme morte de façon tragique et mystérieuse ?
Ah, comme Yôko Ogawa, m'interpelle. Et qu'il est difficile de ne pas juger !

Etrange plongée dans une aquarelle. Fascinant Japon où l'écriture est un art, l'emballage aussi et les bouquets naturellement : Iris. Et puis, plus troublant, le kinbaku*. Trouble des sentiments, trouble des sens, découverte du corps, voilà où nous entraîne cette belle écriture sensuelle empreinte d'un profond érotisme et d'une grande connaissance de l'âme humaine et ainsi l'on se retrouve, sans même vraiment s'en rendre compte, enchaîné à cette histoire et exposé à nous-même. Obsédant, déstabilisant, jamais glauque.

Mais pour Mari la plongée est douloureuse et dangereuse, car le traducteur a parfois des montées de colère froide qu'il ne contrôle pas. Et comme il n'y a rien de plus beau qu'un amour tragique, on ne peut s'empêcher de trembler, jusqu'à la fin. Tenter de reprendre son souffle... à la limite de l'asphyxie, et s'interroger pendant et encore après. Du grand art, je dis !

* J'en ai appris des nouveaux mots sur ce site comme BDSM, et moi, pauvre clown qui croyait que c'était une BD sado-maso. Pas du tout ! Heureusement, il y a wiki.
Par hasard j'ai aussi trouvé le mot kinbaku dans une autre critique alors j'ai été regarder sur le net avant de l'utiliser et voilà ce que j'ai trouvé :
"Le kinbaku, tout comme le shibari, est une pratique éroticisée dérivant de l'hojojutsu. Les méthodes autrefois utilisées pour restreindre des prisonniers ont été légèrement modifiées pour jouer sur la frontière entre douleur et plaisir... l'intention initiale de torture devient un élément consensuel dans le cadre du BDSM."

Etrange Japon qui continue à me fasciner...
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A dix-sept ans, Mari tient la réception de l'hôtel Iris, l'établissement un peu miteux appartenant à sa mère, une femme autoritaire qui la brime. Dans cette station balnéaire japonaise, les distractions sont rares pour Mari, occupée à l'hôtel du matin au soir.
Une nuit, le silence est brisé par une terrible dispute. Une prostituée échevelée et nue fuit la chambre 202 en accusant son occupant des pires perversions. Tandis qu'elle hurle, l'homme la fait taire en quelques mots, d'une voix calme et ferme. Et Mari est immédiatement envoûtée par cette voix qui l'apaise. L'homme est âgé, sa réputation sulfureuse, mais la jeune fille ne peut s'empêcher de le suivre lorsqu'elle le retrouve par hasard en ville. Commence alors entre la réceptionniste et celui qui se présente comme un traducteur du russe, une relation, d'abord épistolaire, qui finit par devenir physique. Mari invente tous les prétextes pour rejoindre le traducteur sur son île et se soumettre à sa volonté de fer. Timide et respectueux en public, le vieil homme devient un maître du bondage et du sado-masochisme dans le secret de sa cabane.


Etrange plongée dans l'écriture fascinante et dérangeante de Yôko Ogawa. Poésie et délicatesse y tutoient violence et cruauté. le malaise que l'on ressent à la lecture de ce roman vient bien sûr du sujet, la relation sado masochiste entre une jeune fille et un vieillard. Mais elle se ressent aussi dans l'ambivalence des personnages. Ce vieux monsieur solitaire, poli, au look désuet, peut se monter d'une extrême prévenance mais aussi d'une extrême violence. Sujet à des crises, il souffle le chaud et le froid. Mais rien ne semble déstabiliser sa jeune partenaire, mélange de naïveté et de perversion. Mari est amoureuse, attachée dans tous les sens du terme et ne vit que pour obéir à son amant et tenter de le satisfaire du mieux qu'elle peut. Les sévices et les humiliations n'ont aucune prise sur ses sentiments qu'elle juge normaux et naturels. Pourtant une telle relation est vouée à s'achever dans le drame. C'est par le biais d'une troisième personne qu'il adviendra. La mère ? Non, elle semble trop égocentrique pour se rendre compte des changements intervenus chez sa fille. La femme de ménage de l'hôtel ? Elle sait que Mari est amoureuse mais ne peut la dénoncer à sa mère car la jeune fille connait aussi l'un de ses secrets. Non, le déséquilibre viendra du neveu du traducteur, un jeune homme muet car privé de sa langue pour lequel son oncle déploie des trésors d'ingéniosité en cuisine. Cet être étrange qui ne communique que par écrit va faire basculer la relation entre les amants…
Un roman qui dérange, qui flirte avec le malsain mais sans jamais tomber dans le glauque. Ogawa reste toujours sur la ligne de crête, les descriptions sont suggestives, sensuelles, érotiques sans être pornographiques. Malgré la violence, la cruauté n'est peut-être pas dans les gestes mais dans le jeu des sentiments subtilement pervers qui s'établit entre ces personnages ambigus dans leur banalité opposée à la violence de leur passion. Comme toujours avec cette auteure, la lecture n'est pas un long fleuve tranquille mais une suite de surprises qui piquent la curiosité, qui grattent les certitudes, qui distillent le malaise. Une grande auteure.
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Mari, dix-sept ans, dominée par sa mère, est réceptionniste à Hôtel Iris le petit hôtel familial dans une station balnéaire, perdue au find fond de l' archipel. Quand, à l'occasion d'une altercation entre une prostituée et un vieil homme, elle entend la voix calme et apaisante de ce dernier, elle est irrésistiblement attirée. S'engage alors une relation faite d'échanges de lettres, de gestes respectueux qui alternent avec des moments de soumission, de domination perverse et d'expériences de douleurs recherchées et subies avec celui qu'elle appelle le traducteur.

Il y a bien longtemps que je n'avais pas été aussi dérangée à la lecture d'un récit de Yôko Ogawa, c'était le musée du silence...Avec Hôtel Iris c'est une jeu étrange et dérangeant qu'engage la jeune Mari quand elle reconnaît en cet homme une force de domination à laquelle elle se soumet volontairement, peut-être pour échapper à celle imposée par sa mère. Avec un style extrêmement distanciée et clinique, Yôko Ogawa décrit tous les fantasmes interdits ou pervers que la jeune fille anticipe et ceux auxquels elle se soumet, plus soucieuse de respecter et d'accomplir les gestes, même les plus dégradants avec perfection pour satisfaire cet homme, que de se plaindre de sa violence, ce dernier alternant cruauté et prévenance.
Une relation perverse car acceptée et même recherchée mais qui peut laisser un malaise prégnant.
A déconseiller pour une première découverte de Yoko Ogawa, à mon sens.
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Nous sommes à l'hôtel Iris, dans une station balnéaire, peut-être au Japon. Dès l'entame, une scène qui va foudroyer Mari, 17 ans, fille de la tenancière dévolue à la réception et souvent aussi aux lessives et vaisselles : en pleine nuit, une femme qui vient manifestement de vivre des ébats sexuels, sort avec fracas de la chambre 202. Elle est en colère. L'homme occupant de la chambre finit par lui dire avec un formidable charisme : "Tais toi, putain." A partir de là, Mari fascinée va suivre cet homme déjà âgé, ce qu'il ne manquera pas de remarquer très vite. Il va l'attirer chez lui sur l'île toute proche où il vit comme un paria. Mari n'aura de cesse de voir et revoir cet homme étrange, toujours tiré à quatre épingles, qui vit de petits travaux de traduction de la langue russe. Sa femme est morte...étranglée semble-t-il accidentellement par un foulard qu'il conserve encore taché de sang...C'est que cet homme, gentil, maladroit et plutôt timide sur le continent, est transfiguré dans l'intimité du bureau de sa petite maison. Il ordonne, comme il l'a montré dans la chambre 202. Mari qui connaît encore mal son propre corps va découvrir les souffrances et délices de la soumission, du bondage dont le traducteur est un véritable maître. Humiliée et bafouée, Mari en redemande. Elle doit cependant faire face à la redoutable femme de ménage du petit hôtel de sa mère, garce qui la vole et qui bientôt va comprendre que Mari embobine sa mère sur l'objet de ses sorties aussi urgentes qu'impératives. Mari qui entretient cette relation captivante et malsaine avec ce traducteur aura bientôt la surprise de faire la connaissance chez lui de son neveu, jeune homme privé de langue, pour un étonnant repas où l'importance des textures, couleurs et saveurs est exacerbée...Ce troisième personnage risque bien de perturber l'équilibre de cette relation perverse...qui finira bien par se décanter...

J'ai trouvé ce roman absolument captivant de bout en bout, lu pratiquement d'une traite. Yoko Ogawa est au sommet de son art pour nous plonger, avec une écriture d'une grande finesse et élégance, dans les affres de cette jeune fille encore vierge qui découvre et se découvre dans des jeux et postures de plus en plus avilissantes. Baignant en plein masochisme, elle craint et désire en même temps ardemment ces scènes où elle sera dénudée puis attachée, cravachée par ce traducteur sadique, réduite à l'état d'objets ou d'animal, jusqu'à littéralement devenir en pensée ces choses. Le talent d'Ogawa rend particulièrement bien ce ressenti quasi onirique voire surréaliste, où la perversion mélange souffrance et jouissance et où la douleur, physique et psychologique semble dangereusement flirter avec la mort. La conduite de l'intrigue est remarquable, et l'auteure sait la maintenir jusqu'au bout sur le fil coupant d'une lame, on se dit qu'un drame va survenir, mais où, quand, comment ? Reste que je me demande un peu comme d'autres lecteurs ici ce qui a bien pu prendre à Mari de tomber sous l'emprise de cet homme dont elle se rend bien compte qu'il présente aussi les aspects peu reluisants de la vieillesse (surtout en comparaison du neveu !). Les motivations des personnages sont obscures, à chercher sans doute dans leur histoire personnelle...et puis le traducteur écrit un livre dont l'héroine Marie a pour amant son prof d'équitation qui la cravache...Son lien avec le neveu est empreint d'amour presque filial, mais peut-être teinté d'homosexualité, et toujours avec la mort qui rôde, le neveu ayant vécu avec sa mère la scène de la mort horrible de sa tante...Et puis ce même neveu qui n'a pas de langue, c'est peu banal, et permet à Ogawa une nouvelle fois d'exceller à créer une atmosphère où les cinq sens des personnages, ou paradoxalement leur absence, sont particulièrement prégnants.

Quelle étrange atmosphère, qui comporte des scènes parfois dérangeantes, mais aussi comme citées par ailleurs d'une forte sensualité.

Ogawa est pour moi décidément digne des grands maîtres de la littérature japonaise. Non seulement elle excelle sur les atmosphères étranges autour des sens, mais en plus elle rejoint ici les Mishima, Kawabata et Tanizaki qui ont si bien écrit sur tous ces thèmes des perversions sexuelles et pulsions de mort.
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Citations et extraits (66) Voir plus Ajouter une citation
Il ne négligea aucune partie de mon corps. J'ai senti pour la première fois que j'avais des omoplates, des tempes, des chevilles, des lobes aux oreilles et un anus. Il les caressa soigneusement, les mouilla de sa salive, les goûta de ses lèvres.
J'avais fermé les yeux. Parce que ainsi je pouvais sentir beaucoup plus crûment à quel point il me faisait des choses déshonorantes. Le vinyle du sofa me collait désagréablement au dos. J'étais censée frissonner, mais je suais à grosses gouttes.
À un moment, il s'est aventuré au milieu de mes poils pubiens. La seule proximité de son souffle tourmentait mes nerfs. J'étais déchirée entre l'angoisse de savoir ce qu'il avait l'intention de faire et le désir d'être bafouée encore plus impitoyablement. De cette déchirure sourdait comme du sang un flot de plaisir.
Les doigts écartèrent les plis un à un. La langue fit rouler le petit grain se trouvant tout au fond. N'en pouvant plus, j'ai essayé d'y échapper en criant. Mais la langue n'a pas lâché prise. Sur la muqueuse humide, ce petit grain fragile se rétractait, effrayé.
Les doigts se posèrent à tâtons au bord des ténèbres. Nous y arrivions enfin. Tout dans ma toison allait être mis en pièces. J'ai voulu essayer de refermer tant bien que mal tous ces replis, de peur de les voir se désintégrer avant le plaisir. Mais le lien qui serrait mes jambes ne bougea pas d'un millimètre.
Les doigts s'étaient introduits dans le noir. L'homme pénétrait sans hésiter là où moi-même je ne m'étais jamais aventurée. L'extrémité de ses doigts tournait dans l'interstice entre deux parois de chair tiède.
- Arrête ! Ai-je crié pour la première fois de toutes mes forces. Il m'a giflée sur les deux joues. Les résonances de ma voix se sont interrompues, j'ai été assaillie d'une douleur nouvelle. J'ai pensé à Marie dans son écurie. N'était-elle pas elle aussi frappée à coups de cravache ?
L'homme essuyait sur mes joues les doigts qui tout à l'heure encore se trouvaient au cœur des ténèbres. Mon visage était humide de quelque chose de gluant.
- Ça te plaît ? me demanda-t-il. J'ai bougé le menton. Je ne savais même pas si c'était pour acquiescer ou pour nier, et de toute façon, ça m'était égal.
- Ça te plaît, hein ?
Il plongea soudain quatre doigts dans ma bouche. Suffocante, je tentai de réprimer un haut-le-cœur.
- Alors, qu'est-ce que ça a comme goût ?
J'essayais de les repousser avec ma langue. De la salive coulait du bord de mes lèvres.
- C'est si bon que ça te fait saliver ?
J'acquiesçai, avec l'énergie du désespoir.
- Débauchée !
Il me gifla encore une fois.
- Oui, c'est bon. S'il te plaît, continue. Je t'en prie.
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Il est arrivé à l'hôtel un peu avant le début de la saison d'été. La pluie qui tombait depuis l'aube n'avait pas cessé de la journée, pour redoubler de violence à la tombée de la nuit. La mer était houleuse et d'une morne couleur grise. A chaque allée et venue des clients, la pluie s'engouffrait en rafales qui venaient mouiller désagréablement le tapis du hall. Toutes les enseignes au néon des magasins du quartier étaient éteintes et il n'y avait personne dans les rues. Lorsque de temps à autre une voiture passait , on distinguait les gouttes de pluie à la lumière des phares.
Je n'allais pas tarder à fermer la caisse, puis éteindre la lumière du hall avant de me retirer. C'est alors qu'un bruit effrayant éclata soudain, comme si quelque chose de lourd venait d'atterrir sur le sol, aussitôt suivi d'un cri de femme.
Ce fut un cri long, interminable. Tellement long qu'on aurait pu penser qu'en réalité elle riait.
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"Mais chaque instant de cette vie si morne en apparence est rempli du bonheur de t'avoir touchée. Et dans le même temps, je suis torturé par l'angoisse qui l'accompagne.
Je me demande ce qui m'arriverait si tu mourais, fauchée par une voiture, si tu disparaissais de ce monde sans un mot, sans un sourire. Je me demande également si je n'ai pas rêvé tout cela. L'horloge fleurie, l'Iris, une petite fille nommée Mari, n'existent peut-être pas, après tout... C'est cela qui me fait peur.
Plus mes sentiments sont forts, plus je m'angoisse. Plus je souffre de me torturer avec des hypothèses sans fondement, plus je m'abandonne à la profonde joie de t'aimer.
Je t'en prie, existe dans le monde où je suis. Tu trouve que c'est un souhait étrange n'est-ce pas? Et cela te fait peut-être rire? Mais mon voeu le plus cher, en cet instant, est uniquement que tu veuilles bien exister..."
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Tout le monde prend soin de ne pas croiser mon regard. Ils se conduisent comme si je n'étais pas là.
Mais cela m'arrange. J'aime penser à toi sur le bateau plein de monde. Personne parmi tous ces gens ne sait ce que tu as fait à mes pieds. Personne non plus ne sait que ton sein gauche est légèrement plus gros que l'autre, que tu as l'habitude de toucher le lobe de ton oreille dès que tu es effrayée, ou que tu as un creux qui ressemble à une fossette à la naissance des cuisses. Comme ton visage décoloré était beau au moment où, proche de l'asphyxie, tu as tenté de m'appeler à ton secours. Je suis le seul à tout connaître de toi. Sur le bateau, je rumine mon secret et j'en savoure la joie.
Tout de même, je me demande jusqu'à quand cette chaleur va durer.
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Pour moi cependant, le moment où, ayant reconnu son écriture, je lisais subrepticement sa lettre dans l'ombre protectrice du comptoir était le plus important de la journée. J'ouvrais l'enveloppe en la découpant avec précaution et lisais la lettre trois ou quatre fois avant de replier soigneusement la feuille de papier dans ses plis.
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