Insurrection

La place était petite et oblongue. Sur ses côtés asymétriques s'ouvraient cinq rues de largeur différente. Les maisons, presque toutes très vieilles, avaient un toit crevé et des murs affaissés. Aucune d'entre elles ne comprenait plus de deux étages, le sol était pavé de pierres rondes entre lesquelles se trouvaient du crottin de cheval séché et des brins de foin.
Les deux jeunes hommes en civil avaient le dos tourné à un abreuvoir en ciment au centre de la place. Ils tenaient leurs mains en l'air au-dessus de leur tête. Leur visage était pâle et maigre ; leur corps, rabougri et sous-alimenté ; leurs vêtements, élimés et déchirés. Ils portaient une casquette de tweed gris et un foulard de couleur...
(extrait du chapitre XVIII)

Je suis le rebelle par excellence, clama-t-il d'un ton de défi. Je m'insurge contre la conception du bien et du mal généralement reçue à notre époque. Je m'insurge contre toutes les formes de gouvernement, car elles sont toutes basées sur la même conception erronée de la morale. Enfin, je m'insurge contre l'idée que l'homme est le centre de l'univers et qu'il est fait à l'image de Dieu. Pour moi, c'est là un blasphème et une monstrueuse sottise; c'est la source de tous nos maux.

- Je ne suis pas du tout de cet avis, répliqua Kinsella avec indignation. Nous sommes ici, Georges, parce que nous faisons notre devoir.
- Pas moi. Je déteste ce mot. Mon père croit, comme toi, que la suprême vertu consiste à accomplir son devoir. en ce moment-ci, il accomplit son devoir en France en défendant son empire contre les Allemands. Je ne partage pas du tout ses opinions, mais, si je suis ici, ce n'est pas par rancune, ce n'est pas pour tenter de détacher cette île de son empire. Ce serait ridicule et puéril. Pourquoi mettre au pouvoir une autre bande de charlatans qui feraient de nouvelles lois pires que les anciennes?