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EAN : 9782020668378
158 pages
Seuil (08/04/2005)
4.04/5   101 notes
Résumé :
Introduction à la pensée complexe
Nous demandons à la pensée qu'elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu'elle mette de l'ordre et de la clarté dans le réel, qu'elle révèle les lois qui le gouvernent. Le mot de complexité, lui, ne peut qu'exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité à définir de façon simple, à nommer de façon claire, à ordonner nos idées. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation: est complexe ce qui n... >Voir plus
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Il y a 98 chroniques à son nom sur babelio, c'est aussi son âge. Avec ma chronique il aura 99 ans, désolé cher Edgar Morin. J'ai bien aimé ce livre car j'ai sans cesse mis en parallèle le Brexit.
Rassurez vous ce livre n'est qu'une introduction à la pensée complexe, fort heureusement, car il a publié sa méthode en six tomes.


Dès l'introduction, il nous glisse cette remarque, "La complexité ne saurait être quelque chose qui se définirait de façon simple". Cela m'a bien rassuré. Il ajoutera dans sa préface que la complexité est un mot problème non un mot solution.


La quatrième de couverture est pour le néophyte plus convainquant puisque dit-il, "nous demandons à la pensée de dissiper les brouillards et les obscurités". Je fonctionne ainsi, enfin je le crois.
Pour ne pas confondre complexité et complétude, je vous suggère ces quelques traductions de termes parfois éloignés de notre langage courant.

complétude soit : état ou caractère de ce qui est complet, achevé,
incomplétude : l'inachevé
la complexité : jamais content
la complexité : l'incertitude ou l'ambiguïté
le paradigme: un modèle une façon de voir les choses, exemple : la terre est plate
dénotatif : le sens du mot , sans superflu, pas imagé

Je suis preneur de toute définition utile pour la compréhension de l'ouvrage, n'hésitez pas à m'en proposer d'autres. ( Concernant l'ouvrage de Paul Tillich je m'étais permis de suggérer quelques définitions du domaine philosophique) .


J'ai assez facilement décelé qu'Edgar Morin était sceptique sur bien des paradigmes actuellement en vogue, qu'il était méfiant des aveuglements de la pensée et de ce qu'il appelle "la pathologie du savoir".
D'où cette forme suprême du doute, je doute de tout. Néanmoins il y a une chose qui revient souvent c'est le concret, sur lequel il aime revenir, celui-ci lui offre des bases de réalité non ambiguës.


La façon dont il aborde le domaine de l'intelligence et de la pensée est subtile. Pour lui la pensée est fluide, instable, en évolution permanente et on pourrait ajouter insaisissable . de plus "la raison évolutive, porte en elle-même son pire ennemi, la rationalisation".
C'est la rationalisation qui risque de l'étouffer,"on peut appeler cela le délire logique ou le délire de cohérence qui cesse d'être contrôlée par la réalité dont nous partons".


En effet, rentrer dans le monde d'Edgar Morin c'est pénétrer le monde de l'incertain de l'ambiguïté de l'inachevé.

Le monde d'Edgar Morin c'est l'inverse du Brexit , prendre une décision par le biais d'un élément purement numérique, pour conduire une nation, vers un destin totalement inconnu.
Faire un vrai sondage robuste mais équivalent à un lancé d'une pièce, pile ou face.


Dans le monde de l'incertain, changer d'un paradigme à un autre totalement opposé et dont la future réalité est non testée c'est être devenu aveugle ou fou.

Dans l'usage professionnel des sondages, la notion de corrélation est essentielle. En fonction de l'ampleur des changements attendus on exige un 70% pour la solution choisie contre 30 pour la solution écartée. On affine aussi les questions, de fait un statisticien ne peux se résoudre à finaliser un problème sur une seule réponse à une seule question.


L'attitude des Anglais de considérer que le Brexit s'impose à eux pour 50 % plus epsilon, est pour une pensée logique, insensée. La réalité, c'est à dire la complexité doit s'imposer ce qu'Edgar Morin décline en, "ce qui ne peut se réduire à une idée simple".


N'importe qu'elle scientifique parlerait d' absurdité, ce que les anglais appelle a Palmerston Folly, du nom d'un premier ministre libéral Palmerston qui fit édifier des forts en pleine mer vers 1840 pour se prémunir contre une invasion française !

Quand affirmer que cette décision s'inscrit dans le domaine de la complexité au sens d'Edgar Morin c'est suggérer que la rationalité éprouve de la tolérance à l'égard des mystères de l'intelligence, page 156.
La vraie rationalité est profondément tolérante à l'égard des mystères.
P 156


Edgar Morin aux 140 livres a conservé un regard bienveillant sur l'auteure de Harry potter.
La raison est évolutive et va encore évoluer c'est là encore ouvrir un étonnant débat sur notre avenir, et ne parle t-il pas "de la préhistoire de la pensée" dans ses dernières observations..
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Pourquoi s'intéresser à la pensée complexe quand, intuitivement, vous savez que simplifier toute chose est trop facile pour être pertinent ? Pour preuve, hors période de paresse intellectuelle, vous n'êtes pas un fan de la littérature dite "feel-good" qui surfe lourdement sur une homogénéisation de l'émotion-bonheur.
D'accord, mais il y a sûrement un autre domaine d'application où cette pensée peut secouer, puisqu'il me semble que le but d'Edgar Morin est de nous enseigner à être prêt pour une nouvelle civilisation, tout en nous enseignant à enclencher cette nouvelle civilisation.
Et il a bossé.

Edgar Morin a traversé cybernétique, systémisme, théorie de l'information pour tisser la toile de cette pensée complexe qui connecte la théorie à la méthodologie, à l'épistémologie, à l'ontologie. Un ensemble qui doit rester "cohérent et ouvert".
Un sacré boulot qui nous permet d'appréhender cette introduction comme un "principe de la pensée qui considère le monde, et non pas comme le principe révélateur de l'essence du monde".

En repérant des idées communes malgré quelques différences dans mon vocabulaire et le sien (par exemple ce que j'appelle "routine" est ici un "programme", ce que j'appelle "tenter le coup" est ici une notion d'"action qui échappe à nos intentions", ce que j'appelle "adaptation" est ici "stratégie"), j'ai pu me dire que je n'étais pas dénuée d'intuition complexe. En lire des développements intelligents, nuancés et ouverts, apprend, forcément.

Ne me demandez pas pourquoi, mais je sais quelles notions j'essaierai de distinguer dans mes raisonnements futurs : rationalité et rationalisation. Histoire de tenter d'éliminer la seconde.
En espérant que ce soit un bon début.
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Il est loin, très loin des dogmes scientifiques qui prévalent (ou prévalaient ? Les articles du livre datent des années 1980).
Il nous explique très bien le problème des sciences aujourd'hui : elles n'ont pas de vision d'ensemble des phénomènes qu'elles étudient. Il donne l'exemple du cerveau : tandis que la biologie étudie les phénomènes neuronaux, la psychologie étudie le fonctionnement de la pensée. Or dans la réalité, les deux fonctionnent ensemble.
Ce qu'il rejette, c'est le découpage artificiel de la science, mais tellement accepté que chacun pense que le réel est ainsi découpé ; cela a permis de grandes découvertes, mais la science doit se réformer (ou se reformer). Morin voudrait quelque chose de très simple à énoncer, mais de très difficile et pour lui indispensable : la transdisciplinarité scientifique.
C'est un petit livre très intéressant et qui ouvre de grandes perspectives pour les sciences, si elles acceptent de s'ouvrir les unes aux autres. C'est un petit livre qui fait réfléchir, à conseiller à chaque étudiant voulant devenir chercheur.
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Une critique un peu longue mais c'est difficile de faire court et complexe.

Dans le coin bleu, la simplicité avec ses armes redoutables que sont la disjonction, la réduction et l'unidimensionnalisation. Dans le coin rouge euh non plutôt vert ou orange… dans le coin arc-en-ciel, la pensée complexe et son légendaire combo disjonction/conjonction.

Edgar Morin, 97 ans, enlève son peignoir et vient introduire la pensée complexe via cette compilation de 6 articles et textes de colloques écrits majoritairement dans les années 80. J'ai volontairement passé la main sur l'article 2 « le dessin et le dessein complexe » et sur le 5 « la complexité et l'entreprise ». J'avais déjà lu le 4 qui était comme le 5 publié dans la revue Management France dont le nom ne m'inspirait guère.

Que dire. Peut-être que l'introduction nous indique que l'on se lance dans une aventure tout sauf… simple. En effet est complexe « ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi ni se réduire à une idée simple. » Cette introduction se confronte donc au problème d'envisager la complexité de façon non simplifiante… tout en se voulant abordable. En cela, Edgar Morin a recours à des processus d'explications simples qui, il l'explique, ne sont pas exclus du processus de pensée complexe. Il a aussi recours à des mots « compliqués », ces concepts, qui peuvent nous inciter à jeter l'éponge. Je pense notamment aux trois principes de la pensée complexe tels que définis dans l'article 3 « paradigme de la complexité » à savoir le principe dialogique, la récursion organisationnelle et le principe hologrammatique. Ce ne sont pas les passages les plus inspirants.

J'ai surtout retenu cette idée sur laquelle Morin insiste : la complexité n'est pas la complétude. Il s'appuie et s'inspire d'Adorno qu'il cite à plusieurs reprises « La totalité est la non-vérité ». Ainsi appréhender la complexité d'un objet ou d'une situation n'implique pas d'en avoir une connaissance totale mais bien de tenter d'en avoir une vision non parcellaire afin d'éviter de construire une pensée mutilante. Pour Morin, la parcellisation de la connaissance (séparer les sciences des sciences humaines à l'université par exemple) a participé à faire progresser l'erreur et l'ignorance en même tant que la connaissance. « L'erreur n'est pas dans l'erreur mais dans le mode d'organisation de notre savoir en système d'idées » mais aussi de « l'organisation de notre connaissance, incapable de reconnaître et d'appréhender la complexité du réel. » On ne peut qu'être d'accord.

J'ai aussi adhéré au principe du méta-point de vue qui invite l'observateur à s'intégrer dans l'observation, cela semble évident une fois dit, et à l'idée que la littérature, notamment le roman, est souvent d'un grand secours quand il s'agit de traiter la complexité du sujet (« celui qui occupe le site du « je »). Il prêche un convaincu mais quand ce sera mon tour de prêcher des non-convaincus, j'aurais Morin avec moi.

Une phrase m'a cependant interpellé : « J'étais (je me considère) gauchiste et droitier. » Il s'explique en disant être attaché à la liberté (en cela, il se dit « droitier ») et en même temps, il pense que les rapports humains et sociaux devraient changer en profondeur (son côté « gauchiste »). On peut comprendre ce positionnement mais cette politique du « ni-ni » (ou du « et-et », on est pas loin du « yéyé » mot qu'il aurait inventé) prête parfois à confusion. Je me suis parfois demandé si cette invitation à la pensée complexe ne nous accompagnait pas vers une pensée un peu tiède et molle, une pensée qui nous dispenserait de prendre position et dire non. Edgar Morin a prouvé durant sa carrière qu'il était un intellectuel qui était cependant capable de s'engager, on pense notamment à sa participation à la tribune « Israël/Palestine : le cancer » qui l'a rapidement classé comme « mauvais juif » auprès des défenseurs aveugles de l'Etat d'Israël. Pas si simple de classer Morin.

Au final, je dirai que ce petit livre permet de mettre au clair ce que l'on entend par complexité. En cela, il porte bien son nom. « Introduction à la pensée complexe » aurait pu s'appeler aussi « Invitation à la pensée complexe » car plus qu'une méthode, il donne l'envie de boxer avec notre propre rapport à la complexité, à la rationnalisation et à la simplification. Et ça, c'est pas rien les amis. Ding, ding, round 2 !
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Bien malin celui qui réussirait à résumer la pensée complexe dans une critique, là où l'auteur, penseur, aura déjà réussi la prouesse d'en restituer, avec une clarté magistrale et dans un format court et accessible, la substantifique moelle.

Ce livre, à l'heure actuelle, est le plus essentiel qu'il m'ait été donné de lire.

Je ne saurai que trop le conseiller : à ceux qui doutent et tiennent compte des details et intéractions, pour les conforter dans cette habitude saine ; à ceux qui ne doutent jamais, pour qu'ils prennent conscience de la vacuité des certitudes.

La pensée complexe, c'est le dépassement de ces paradigmes contraires que sont le « holisme » et le « réductionnisme », pour penser le « tout » et la « partie » sans réduire l'un à l'autre ou l'autre à l'un. C'est aussi considérer les antagonismes comme à la fois fondamentaux et inextricables, à l'instar d'une cellule (système) qui est en même temps un milieu fermé et ouvert sur l'extérieur (éco-système), en état d'équilibre sous-tendu par une dynamique résultant du déséquilibre système/éco-système.
C'est encore l'acceptation, par la mécanique, infinie, d'approfondissement récursif, de l'incomplétude ; dont le corolaire trivial affirme que « la totalité est non-vérité ».

La réflexion de Morin donne le vertige. Il s'agit véritablement d'une révolution paradigmatique qui changera votre regard sur le monde à tout jamais.



P.S. : Il peut être nécessaire d'avoir une certaine culture en Sciences (Physique notamment, Biologie un peu - niveau Terminale S) et en épistémologie pour bien appréhender d'une part les exemples mais surtout l'impact des révolutions paradigmatiques (Relativisme, Méca. Quantique).
La première moitié du 2nd chapitre est un peu ardue, mais c'est la seule, le reste est globalement accessible même si évidemment ce n'est pas un roman de gare.
Si j'avais pu, une étoile en plus.
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Il y a une telle complexité dans l'univers, il est apparu une telle série de contradictions que certains scientifiques croient dépasser cette contradiction, dans ce qu'on peut appeler une nouvelle métaphysique. Ces nouveaux métaphysiciens cherchent dans les mystiques, notamment extrêmes-orientales, et notamment bouddhistes, l'expérience du vide qui est tout et du tout qui n'est rien. Ils perçoivent là une sorte d'unité fondamentale, où tout est relié, tout est harmonie, en quelque sorte, et ils ont une vision réconciliée, je dirais euphorique, du monde.

Ce faisant, ils échappent à mon avis à la complexité. Pourquoi ? Parce que la complexité est là où l'on ne peut surmonter une contradiction voire une tragédie. Sous certains aspects, la physique actuelle découvre que quelque chose échappe au temps et à l'espace, mais cela n'annule pas le fait qu'en même temps nous sommes incontestablement dans le temps et dans l'espace.

On ne peut réconcilier ces deux idées. Devons-nous les accepter telles quelles ? L'acceptation de la complexité, c'est l'acceptation d'une contradiction, et l'idée que l'on ne peut pas escamoter les contradictions dans une vision euphorique du monde.

Bien entendu, notre monde comporte de l'harmonie, mais cette harmonie est liée à de la dysharmonie. C'est exactement ce que disait Héraclite : il y a de l'harmonie dans la dysharmonie, et vice versa. (pp. 86-87)
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Nous vivons sous l'empire des principes de disjonction, de réduction et d'abstraction dont l'ensemble constitue ce que j'appelle le « paradigme de simplification ». Descartes a formulé ce paradigme maître d'Occident, en disjoignant le sujet pensant (ego cogitans) et la chose étendue (res extensa), c'est-à-dire philosophie et science, et en posant comme principe de vérité les idées « claires et distinctes », c'est-à-dire la pensée disjonctive elle-même. Ce paradigme, qui contrôle l'aventure de la pensée occidentale depuis le xviie siècle, a sans doute permis les très grands progrès de la connaissance scientifique et de la réflexion philosophique ; ses conséquences nocives ultimes ne commencent à se révéler qu'au xxe siècle.

Une telle disjonction, raréfiant les communications entre la connaissance scientifique et la réflexion philosophique, devait finalement priver la science de toute possibilité de se connaître, de se réfléchir, et même de se concevoir scientifiquement elle-même (...) la pensée simplifiante est incapable de concevoir la conjonction de l'un et du multiple (uniras multiplex) (...) ainsi, on arrive à l'intelligence aveugle. L'intelligence aveugle détruit les ensembles et les totalités, elle isole tous ses objets de leur environnement. Elle ne peut concevoir le lien inséparable entre l'observateur et la chose observée. Les réalités clés sont désintégrées. Elles passent entre les fentes qui séparent les disciplines. Les disciplines des sciences humaines n'ont plus besoin de la notion d'homme. Et les pédants aveugles en concluent que l'homme n'a pas d'existence, sinon illusoire. Tandis que les media produisent la basse crétinisation, l'Université produit la haute crétinisation. La méthodologie dominante produit un obscurantisme accru, puisqu'il n'y a plus d'association entre les éléments disjoints du savoir, plus de possibilité de les engrammer et de les réfléchir.
(...)
Malheureusement, la vision mutilante et unidimensionnelle, se paie cruellement dans les phénomènes humains : la mutilation tranche dans les chairs, verse le sang, répand la souffrance. L'incapacité de concevoir la complexité de la réalité anthropo-sociale, dans sa micro-dimension (l'être individuel) et dans sa macro-dimension (l'ensemble planétaire de l'humanité), a conduit à d'infinies tragédies et nous conduit à la tragédie suprême. (pp. 18-21)
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La pathologie moderne de l'esprit est dans l'hyper-simplification qui rend aveugle à la complexité du réel. La pathologie de l'idée est dans l'idéalisme, où l'idée occulte la réalité qu'elle a mission de traduire et se prend pour seule réelle. La maladie de la théorie est dans le doctrinarisme et le dogmatisme, qui referment la théorie sur elle-même et la pétrifient. La pathologie de la raison est la rationalisation qui enferme le réel dans un système d'idées cohérent mais partiel et unilatéral, et qui ne sait ni qu'une partie du réel est irrationalisable, ni que la rationalité a pour mission de dialoguer avec l'irrationalisable.
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A de nombreuses reprises, il m'est apparu qu'on avait de moi la vision d'un esprit se voulant synthétique, se voulant systématique, se voulant global, se voulant intégratif, se voulant unifiant, se voulant affirmatif et se voulant suffisant. On a l'impression que je suis quelqu'un qui a élaboré un paradigme qu'il sort de sa poche en disant : « Voilà ce qu'il faut adorer, et brûlez les anciennes tables de la Loi. » Ainsi, à plusieurs reprises, on m'a attribué la conception d'une complexité parfaite que j'opposerai à la simplification absolue. Or, l'idée même de complexité comporte en elle l'impossibilité d'unifier, l'impossibilité d'achèvement, une part d'incertitude, une part d'indécidabilité et la reconnaissance du tête-à-tête final avec l'indicible. Cela ne veut pas dire pour autant que la complexité dont je parle se confond avec le relativisme absolu, le scepticisme du type Feyerabend.

Si je commence par m'auto-analyser, il y a en moi une tension soit pathétique, soit ridicule entre deux pulsions intellectuelles contraires. C'est, d'une part, l'effort infatigable pour articuler les savoirs dispersés, l'effort vers le remembrement et, d'autre part, en même temps, le contre-mouvement qui détruit cela. À de nombreuses reprises, et depuis très longtemps, j'ai cité cette phrase d'Adorno, que je re-cite en préface à Science avec conscience : « La totalité est la non-vérité », parole merveilleuse venant de quelqu'un qui s'est formé évidemment dans la pensée hegelienne, c'est-à-dire mû par l'aspiration à la totalité. (p. 127)
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Le deuxième principe (qui peut nous aider à penser la complexité) est celui de récursion organisationnelle. (...)
Un processus récursif est un processus où les produits et les effets sont en même temps causes et producteurs de ce qui les produit. On retrouve l'exemple de l'individu, de l'espèce et de la reproduction. Nous, individus, nous sommes les produits d'un processus de reproduction qui est antérieur à nous. Mais une fois que nous sommes produits, nous devenons les producteurs du processus qui va continuer.
Cette idée est valable aussi sociologiquement. La société est produite par les interactions entre individus, mais la société, une fois produite, rétroagit sur les individus et les produit. S'il n'y avait pas la société et sa culture, un langage, un savoir acquis, nous ne serions pas des individus humains. Autrement dit, les individus produisent la société qui produit les individus.
Nous sommes à la fois produits et producteurs.
L'idée récursive est donc une idée en rupture avec l'idée linéaire de cause/effet, de produit/producteur, de structure/superstructure, puisque tout ce qui est produit revient sur ce qui le produit dans un cycle lui-même auto-constitutif, auto-organisateur et auto-producteur.
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Pensée complexe, management… et football ? le terrain de football est le lieu même de l'incertitude. C'est aussi le lieu du jeu, de stratégies, de tactiques. Pour comprendre et structurer ces tactiques, les relier aux humains, la pensée complexe d'Edgar Morin est un guide fabuleux pour naviguer dans cette incertitude. C'est la même incertitude qui prévaut dans l'entreprise. Des équipes, des tactiques, des victoires, des défaites… le management d'équipes dans le contexte de l'entreprise est étonnamment proche de celui des équipes de football. Avec la pensée complexe sous le bras, découvrez comment le « beautiful game » éclaire le management.
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Bonnes lectures !
Crédit : Rudy Matile, la prise de son, d'image et montage vidéo
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